Est-ce que je vois toujours le mauvais côté de la barrière, ou bien Lucie était en train de sous-entendre que mon boulot était celui d’une petite frappe ? Bon, certes, je veux bien le concevoir que mes ventes n’ont jamais été tellement d’envergure, mais tout de même, c’est un brin vexant. Ou bien mon sale caractère avait tendance à tout prendre mal et au pied de la lettre. En attendant, je n’allais pas mettre réellement les pieds en terrain inconnu, la parlote, la discrétion, la négociation avec les gros bras un peu allumés, ça me connaissait. Et ça se passait (presque) toujours bien !
« Ok, ok, reçu ; j’suis qu’un p’tit gibier… » Marmonnai-je en m’installant à côté d’elle, dans la voiture.
La voiture, et surtout la conduite de Lucie, générait toujours une certaine appréhension en moi ; j’avais toujours peur de finir collé, ou imbriqué dans le siège, sous une accélération fulgurante dont elle avait le secret. Est-ce que je lui avais déjà avoué que le plus rapide véhicule emprunté dans toute ma vie, était une charrette à bœufs ? Probablement pas.
En tout cas, ça explique facilement pourquoi je flippe autant en montant à côté d’elle. L’engin démarre et ça y est, je commence à triturer nerveusement le bout de ma veste en voyant le décor défiler devant mes yeux. C’est marrant, j’aurais cru qu’à cette vitesse, nos organes resteraient sur place, incapable de s’accrocher à nos boyaux. C’est parfois con les idée qu’on a, non ?
Enfin bref, Lucie semblait conduire de manière acceptable, pour mon estomac du moins, jusqu’à un arrêt bienvenue auprès d’un feu rouge. A la voir trépigner, je commençai à réellement me sentir mal à l’aise, sentant venir une nouvelle conduite façon rallye. Autant se concentrer sur autre chose, puisque la voir aussi impatiente me rendait nerveuse. La mission par exemple. Ah oui, le parcours.
« Ok, ok, t’as tout prévu. Non mais ça me va, et de toute façon, j’ai jamais été une grande mafieuse, hein. Moi j’ai mon p’tit réseau, j’vends en p’tite quantité donc j’suis pas impliquée dans les grands combats à coup de magie et de lames… ‘Fin, ni d’armes à feu pour l’coup. »
Finalement, je préférai la grande route. Le slalom dans les petites ruelles, c’était gerbant, et je commençai à sentir les croissants du matin remonter un peu trop rapidement. Décidément, je ne supporte pas du tout les transports rapides. Heureusement, le calvaire s’arrêta relativement rapidement, au moment où tous mes muscles étaient crispés sur les accoudoirs comme un chat suspendu à une branche. J’ouvris la portière à la volée, histoire de prendre l’air, m’étirant avec un soulagement évident.
« J’vais sûrement faire du sport… Dès que mes boyaux auront terminé de faire des nœuds. D’ailleurs, c’est quoi comme sport ? D’habitude, j’vais plutôt faire de la course dehors, et des exercices avec les bras. »