Cette gnôle, où est-ce que je l’avais acheté déjà ? Honnêtement, ça m’était sorti de la tête. Elle provenait probablement d’un marchand à la sauvette, à moins que je ne l’ai récupéré chez un paysan venu vendre sa bibine artisanal directement en ville. En tout cas, c’était le genre de boisson à gagner bizarrement en puissance lorsqu’on l’oubliait dans un coin de placard, et je n’avais même pas la moindre idée de la manière dont elle était fabriquée.
Au final, ce n’était bon qu’à vous brûler les entrailles ou au pire, à vous rendre malade. C’était bien pour ça que je préférai m’en tenir au jus de fruit, et à voir la tête à Lucie quand elle s’enfila une gorgée, je me félicitai de me décision. Autant se verser du métal liquide dans les boyaux. La pauvre, elle en pleurait presque et je lui tendis la bouteille de jus de pomme pour atténuer la piquette brûlante.
« Ah je t’avais prévenu, hein, ça doit être de l’eau de vie ou un truc artisanal presque pur. J’m’en souviens plus. Perso, j’en bois uniquement quand j’ai besoin de m’assommer jusqu’au lendemain. »
La liste de ces achats avaient l’air relativement simple, et je réfléchissais déjà aux quartiers où nous aurions besoin d’aller. Les fringues ce serait simple, il n’y aurait que l’embarras du choix et ce serait sans doute mieux d’y regarder en dernier. Quant au reste, je savais déjà dans quelles genre de boutiques particulières nous allions devoir trainer avant la fin de journée. Il valait mieux ne pas trainer.
En étouffant un bâillement, je me levai sans me presser, repris mon sac et remontai mon pantalon tombant faute de ceinture neuve. Un truc à acheter à l’occasion, tiens. Lucie sur mes talons, je fermai la porte par habitude, un souffle de vent aurait pu la faire tomber de toute manière, et l’entrainai dans les rues aussi crasses que sordides de mon magnifique quartier.
« T’inquiète, j’ai de bonnes adresses, aucun risque de te faire tondre tant que tu m’écoutes, chérie. » Dis-je en ricanant, sans oublier d’enjamber les cageots qui trainaient un peu partout.
Dire que l’endroit était pauvre, c’était un euphémisme. Un clochard à chaque tournant, des ordures et des caisses vides un peu partout, sans parler de cette odeur de pisse permanente. Heureusement, ce n’était qu’un quartier près du port, et il y avait peu de commerces dans le coin. Je l’entrainai vers le centre de Nexus, vers les abords du grand marché où on aurait davantage le choix de la marchandise.
Le trajet n’était pas long d’ailleurs, et à force d’emprunter les rues étroites aux maisons de bois et des briques, on commençait à voir une nette amélioration. Des baraques en pierres, de plus en plus propres, et un lointain brouhaha en provenance du grand marché. Mon objectif était de rester dans ces ruelles, car j’avais une excellente boutique où l’on trouvait à peu près tout ce que les aventuriers cherchaient de particulier. Herbes et balles comprises.
« Tu devrais finir ta clope, ça fait trop terrienne ici, déjà que je t’ai filé de la bibine pour avoir une bonne haleine du coin. Tu feras plus vrai comme ça. Tiens, la boutique est là. » Dis-je en désignant une vitrine devant nous.
L’endroit ne payait pas de mine, mais c’était le genre d’endroit où le propriétaire accumulait une impressionnante quantité de cochonneries. Si bien qu’on avait l’impression de pouvoir tout y trouver pourvu que l’on passe du temps à chercher dans les profondeurs des étals. J’ouvris la porte à Lucie, la laissant entrer dans l’endroit qui ressemblait ni plus ni moins qu’une brocante bordélique sur plusieurs étages.
« Après vous, m’dame. Va falloir chercher un peu mais on peut trouver des trucs étonnants ici. Après on ira chercher tes culottes. »