« C'est toujours un plaisir de faire affaire avec vous, Monsieur Lonefury. »
« C'est ça. »
Sortant d'une auberge, le mâle poussa un soupir. Voilà une nouvelle affaire qui venait de se conclure. Se trouvant à Terra, le loup observait un peu le ciel sombre d'une nuit sans lune. Il s'ennuyait. Sans réellement savoir pourquoi, comment. Il se sentait relativement vide. Un train-train quotidien s'était installé, malheureusement. Surtout en ce moment. Ses stocks étaient pleins, il vivait plutôt normalement. Aucune bagarre, aucun changement, de simples voyages réguliers, aucune nouvelle rencontre. Fade. Basique. Sans le remarquer, lentement, le Terranide s'était enfoncé dans une routine quotidienne. Pourtant, il s'en était passé des choses dans sa vie. Il avait passé quelques années aux côtés d'une délicieuse succube, rencontré une fée plus libre qu'il le pensait, affronté bien des dangers, rencontré bien des gens différents... Une vie d'aventure, d'affrontements divers, de plaisirs. Une vie pleine de rebondissements. Et voilà que maintenant, plus rien.
Cela faisait combien... Quelques mois, peut-être ? Moins, plus ? Il en perdait presque la notion du temps ! Qu'était devenu le grand méchant loup, bordel ? C'était un beau parleur. Une grande gueule dont la poisse était très certainement la plus attirée par le contrebandier. Où étaient ses aventures, ses nouveautés ? Ses frissons, qui faisaient accélérer, battre son cœur ? Animer son être, bouillir son sang ? Eh !
Des questions stupides. Un raisonnement vain. L'herbe est toujours plus verte chez les autres. Éternel insatisfait, Ghanor savait pertinemment que dans le cas contraire, il se plaindrait de ne pas avoir une vie facile et monotone. Étirant un sourire sans joie, fermant les yeux, il laissa un rire faux s'échapper de ses babines, tout en profitant d'une légère brise fouettant son corps. Agréable, fraîche. Et tout s'effaça, tel un masque qu'il venait bêtement de retirer. Bêtement. Ouais. Regardant le petit sac à sa ceinture, son paiement du jour, il décida qu'il était temps de rentrer. Oh, il pourrait rester ici. Profiter d'une autre auberge, ou bien aller dans un bordel. Mais il ne se sentait pas. Pas aujourd'hui. Il voyait déjà la suite : rentrer chez lui, tomber dans son pieu, et dormir en souffrant de l'affreux décalage horaire. Après tout, au vu de sa position et du portail le plus proche, il arriverait sûrement durant l'après-midi, sur Terre.
Il se dirigea alors vers une ruelle sombre, éloignée. Se terminant par un magnifique cul-de-sac, le puissant loup s'étira en observant un peu les alentours, avant de regarder sa montre. Observant l'heure, il attendit alors le bon moment pour s'engouffrer à travers la pierre, la traversant comme si cet obstacle n'était que de l'air. Un portail, instable, qui n'apparaissait qu'à certains moments de la journée... tout bêtement.
Ghanor débarqua alors dans une forêt. Une grande, grande forêt. Il ne reconnaissait pas totalement l'endroit. Merde. Poussant un léger grognement, il décida de prendre ça comme un petit défi de la vie. Un espèce de retour à ses sources, à ses origines, à cette aventure qui lui manquait... Merde, son train-train et sa vie facile commençaient déjà à être regrettés. Riant seul, de sa propre bêtise, il se mit alors en route, histoire de trouver le chemin le plus rapide pour rentrer en ville.
Les mains dans les poches, le regard légèrement vide, notre protagoniste marchait sans trop penser. La tête perdue dans les nuages, c'était machinalement qu'il mettait un pas après l'autre, le seul bruit des feuilles et branches écrasées par ses pas lourds raisonnants dans l'endroit, seule ambiance sonore, parfois ponctuée par quelques oiseaux qui se sentaient de faire entendre leurs voix. 14h20. 14h30. Les minutes s'enchaînaient, mais le loup ne voyait aucune trace d'activité humaine. Des arbres, des arbres, encore des putains d'arbres. Non mais ok, c'est un loup, il aime bien la nature, mais ça commençait peut-être à bien faire, là, non ? 15h30. Plus d'une heure après le début de sa marche, le contrebandier avait presque l'impression de tourner en rond. C'en était rageant, énervant. Alors qu'il s'apprêtait à jeter l'éponge et à hurler pour calmer sa colère, ses oreilles se levèrent brusquement, un bruit particulier venant perturber le silence de l'endroit.
C'était un bruit sourd. Répété. De l'eau. Non, plus précis. Une cascade. Oui, une cascade ! Qui disait cascade disait rivière ! Et qui disait rivière disait généralement activité humaine non loin ! Un sourire venant de nouveau s'afficher sur ses lèvres, se figeant, sincère pour une fois, il se retint de sauter de joie. Voilà un moyen de retrouver au mieux son chemin, bordel, oui ! Gardant néanmoins son calme, il se dirigea alors en direction du bruit qu'il venait d'entendre, remerciant intérieurement ses aptitudes animales de le sortir de ce mauvais pas. Et il ne savait pas encore qu'il pourrait bientôt les remercier pour bien plus.
Ainsi, après de nouveau quelques minutes de marche, Ghanor approcha alors de la fameuse clairière, non sans écraser quelques branches qui craquèrent de manière sonore. Haussant les sourcils, observant de son regard vairon cet endroit nouveau et particulièrement agréable, son sourire s'étira un peu plus, preuve de son bonheur. Voilà. Voilà ce qui lui manquait. Cette impression d'aventure, de découverte. Voir pour la première fois des lieux qui resteraient gravés dans sa mémoire. Frémissant lentement, appréciant le bon air, le bruit de la cascade, mais aussi l'odeur qui envahissait la clairière, c'est qu'il pourrait presque s'y installer pour passer quelques vacances. Sa queue, caudale bande de pervers, se mit même à s'agiter nerveusement, exprimant cette joie bête, infime, mais qui lui manquait en ce moment.
Encore caché par les arbres, n'ayant pas du tout remarqué Bellona, il s'engouffra alors dans ce havre de paix naturel pour tenter d'en voir plus, d'en découvrir plus. C'est ainsi qu'il découvrit, non loin, une silhouette agréable. Une jeune femme, aux formes prononcées, dont la beauté frappa directement les yeux du Terranide. C'était une véritable poupée. L'incarnation même de l'innocence. Plutôt étonné, presque hypnotisé par cette rencontre fortuite, il s'approcha lentement. Bordel, que faisait-il ? Lui-même n'en savait rien. C'était ce frisson de l'aventure, cette envie de nouveauté. Le mâle n'aurait jamais pensé tomber ainsi sur quelqu'un, surtout sur une femelle comme ça.... Femelle. Merde. Voilà qu'allier à la nature, le contrebandier sentait ses pulsions doucement refaire surface. Merde.
Et elle se mit même à chanter. D'une voix douce, d'une voix belle, agréable, cristalline. Enfantine, presque. Putain. Sur qui était-il tombé, encore ? Allait-elle avoir peur ? Le verrait-elle comme ce gros méchant loup qui s'attaquait à de petits chaperons égarés ? Normalement, l'effet de son collier empêchait au moins la surprise... Normalement.
Continuant son avancée, il s'arrêta alors net lorsqu'elle leva ses mains, son regard tombant sur Ghanor. Et c'était ainsi qu'elle vit un gros loup, de presque deux mètres, qui était présent devant ses yeux. Il portait une longue veste brune, qui allait jusqu'à ses genoux, légèrement sale, ouverte. Elle dévoilait alors son torse, particulièrement musclé, taillé, fruit de ses nombreux entraînements... Mais aussi parcouru de quelques cicatrices, souvenirs douloureux d'une vie d'aventure. En descendant, elle pourrait alors voir son pantalon de tissu, et ses jambes tout aussi musclées que le reste. Un loup.
Un grand méchant loup.
« Salut. » Lança-t-il, sans réellement penser à ses mots, les laissant s'échapper de ses lèvres sans même y penser. « Tu es seule ? »
Il ne remarqua même pas que cette simple question pouvait avoir tellement de sens... bon ou mauvais. En réalité, le beau mâle ne pensait plus à grand chose. Non. Son regard bicolore était simplement déposé sur la belle jeune femme en sous-vêtement, détaillant chacune de ses formes agréables. Elle était en chair. Elle semblait douce. Elle semblait innocente. Elle semblait si différente. Les yeux grands ouverts, les oreilles levées, la queue battante dans son dos, il commença à se dire qu'en effet, une vie d'aventures avait de nombreux avantages.