Il y avait comme une senteur sucrée dans l'air. De la vanille. De la vanille, et de la cannelle aussi. Un tel arôme ne pouvait passé inaperçu pour le moindre visiteur, sauf si celui-ci avait le nez tranché. Il était si fort, si intense, qu'on aurait dit qu'un pot ayant longtemps prit de l'âge, fermé hermétiquement, venait de libérer d'un seul coup tout le goût et toute la force de son parfum en un seul instant. Imperceptible depuis l'extérieur. Impression grisante à l'entrée. Plaisir olfactif à chaque pas, de plus en plus fort à chaque avancée dans la bâtisse.
Au fond, dans le jardin, du côté opposé à la rue, et donc invisible pour un visiteur prenant la porte principale, on nageait dans une expression béate de bonheur couleur guimauve. Affalé, dans un kimono bleu marine à motifs de lys blancs, survolés de ci de là par quelques papillons tout aussi purs, les yeux clos pour bien focaliser toute sa perception sur son nez, un homme. Un vendeur. Un JYL. Daclusia.
Ses pieds nus caressés par la brise fraîche du vent de soir d'été, il humait, drogué à ce parfum, le résultat de la macération d'un brin de vanille et d'extraits de cannelle qui avaient passé juste ce qu'il fallait de temps au fond d'un pot à épice. À ses côtés, tout aussi béas face à cet arôme paradisiaque, Atheo, Adeus, qui laissaient avec leur enthousiasme de petit garçons ces relents flatter leur sens.
Ce pot, il l'avait reçu en payement d'un ancien client... Un petit vieux, très sympathique, sur qui le temps n'avait eu d'autres emprises que la grisaille qui parsemait sa tête et l'assagissement qui caractérise ceux qui ont vu la vie de bout en blanc. Il avait peur de quitter la vie en laissant derrière lui des peines et des regrets. Son vœu était de pouvoir quitter ce monde serein. Ce pot fut le payement. Ensuite, ils avaient trinqué autour d'un thé à la menthe, et s'étaient laissés emporté dans une partie d'échec.
Et maintenant, plusieurs jours plus tard, ceux qui reçurent ce met gastronomique cinq étoiles pour le nez en profitaient pleinement... Est-ce un hasard si c'était aussi le moment de la visite d'une certaine déesse...? Hehe... Je pourrais répondre, mais j'aurais peur de me répéter...
Le hasard n'est pas de ce monde...
Extirpant une flasque de l'intérieur de son kimono, et levant les yeux au ciel pour y voir les nuages et leur danse, plus belle encore que celle des meilleures troupes, on pouvait deviner du JYL qu'il était heureux. Des moments comme ceux-ci étaient rares, et il fallait en profiter à fond... Entre deux gorgées d'un liquide ambré à l'odeur douce et sucrée, Daclusia prit la parole. Parlait-il tout seul? Parlait-il à Até et Adé? Avait-il prit conscience d'une présence étrangère dans sa demeure? Qui peut le dire...
" Pour compléter ce banquet des sens, je ne vois rien de mieux qu'un bon thé à la menthe... Ce fumet pour le nez, cette boisson pour la langue, les murmures du vent pour mes tympans, sa caresse pour ma peau... "
La tête du vendeur bascula vers l'avant, quittant des yeux les nimbus et autres cumulus, pour se poser vers la déesse, qui était au bout du couloir. Couloir dont la porte coulissante était ouverte, transformant ce pan de la maison en véritable terrasse couverte.
" ... Et une déesse pour mes yeux... "
Après un geste en spirale de sa main tenant la flasque de thé, signifiant quelque chose comme "Santé!", Daclusia planta littéralement la flasque dans sa bouche, la termina en une goulée, et après un "Haaaaa!" satisfait, replongea dans la contemplation des nuages, comme si de rien n'était, et comme si il n'avait pas de visiteur...
Un de ces nuages avaient la forme d'un papillon... Et celui juste en dessous, d'un feu... Ils se mélangeaient lentement, comme si l'insecte se brûlait les ailes à une flamme trop attirante pour en sentir le danger...