Pour la plongée, Lamento avait abandonné à Yvar sa cape de voyage pour la troquer contre un sac à dos fourni par le prêtre afin que le duo puisse emporter les vivres fournies. Le semi-elfe sangla le sac de cuir tout contre son dos et serra les bretelles au maximum après avoir installé Brise de Printemps de façon à ce que le shamisen ne puisse être emporté par les courants qui serpentaient sûrement sous les eaux. Il ajusta le baudrier de son sabre pour être sûr qu'il ne le gênerait pas pendant la petite séance de natation qui se profilait et, lorsque tout fut selon lui au point, le musicien avala la potion tendue par Shad. Pouah ! Quel goût immonde ! Semblable à celui d'une soupe avec la consistance du pétrole et le fumet d'entrailles de poiscailles pourries au soleil -et Lamento aurait parié qu'il y en avait qui rentrait bel et bien dans la composition de la recette.
Préférant ne pas y penser davantage, l'elfe rendit la fiole à Yvar qui attendait leur départ tout à côté. Puis, lorsque la louve fut prête elle aussi, les deux plongèrent en direction de la Ville Noyée.
L'adaptation à la respiration sous-marine se fit plus naturellement qu'il n'y paraissait et le poids de leurs équipements respectifs aidèrent les amants à se rendre plus efficacement vers les profondeurs. Et quelle vision s'offrit alors à eux tandis qu'ils descendaient vers le coeur véritable de Zun-Zi Yi en perçant les nuées sombres des poissons qui évoluaient là paisiblement et s'écartaient comme des pigeons peureux alors qu'ils crevaient leurs rangs !
Les bâtiments de la ville avaient été érodés par les décénnies passées sous la domination aquatiques, rabotés par les courants. Leurs formes avaient adoptés de curieux arrondis qui conféraient un charme surréel à cette cité perdue que les algues et les inoffensives créatures lacustres s'étaient depuis longtemps déjà appropriés. Tandis que le couple approchait lentement mais sûrement de son but, la faune sous-marine se faisait plus luxuriante et semblait vouloir faire oublier que les maisons, temples et autres bâtiments qui s'étalaient en arrière-plan avaient été ravagés par le cataclysme qui avait immergé cette Atlantis terrane. Pourtant, étrangement, la ville paraissait irradiée d'une douce lumière qui émanait de
sous elle. Lamento mit un moment à comprendre que, si les légendes étaient vraies, c'était sûrement là l'oeuvre des flammes de Tien Tao, enfermé sous les fondations même de la cité.
Effrayante perspective...
Après un moment d'exploration, les deux amis dénichèrent une entrée dans ce qui devait être un bâtiment de culte alors que Zun-Zi Yi ornait la surface. Shad et le musicien s'y faufilèrent, crevant un mur aqueux pour se retrouver au sec ! Derrière eux, l'eau semblait repoussée à la porte par le différentiel de pression entre l'intérieur et le reste du monde. Comme dans toute bonne installation sous-marine, si l'équilibre des forces venait à changer, ce serait une catastrophe à laquelle ils ne pourraient très sûrement pas survivre.
"Aide moi..."
Lamento préféra ne pas y penser, tendant l'oreille vers le chant caverneux qui emplissait les anciens murs qui les cernaient et le cri strident qui avait ébranlé toutes les pierres. Heureusement, les deux aventuriers semblaient encore assez loin de la source de ces maux auditifs.
- Avançons, mais restons sur nos gardes. N'allons pas titiller le phénix.... Enfin, si les légendes sont vraies. Les hommes qui chantent sont nombreux et bien réels, eux. Se battre n'effrayait pas Lamento, mais il n'était pas héroïque au point d'accepter de plonger tête baissée dans un affrontement à 1 contre 100, même accompagné de la puissante okami. De plus, ils étaient là pour trouver des réponses et des éléments quant au tatouage de Shad, pas pour chasser des intrus quelconque !
Une fois prêts, les deux amis empruntèrent le couloir sur lequel ils avaient débouché. Large et long, il avait dû autre fois être beau si on en jugeait par les vestiges des ornements qu'on discernait encore sans mal sur les murs et les plafonds. Cela laissait rêveur quand à l'aspect initial de la cité, qui avait dû être terriblement florissante. Peut-être autant que Nexus elle-même, mais bien moins avantagée par la géographie. Zun-Zi Yi n'était (et ne serait jamais plus) qu'une ombre de la cité des Ivory...
"Aide moi..."
Ils enchaînèrent couloirs à l'aveuglette, découvrant des salles à la décoration ravagées par le temps. Certains priants avaient été brisés, se retrouvaient moisis par l'humidité. Une perte claire du patrimoine culturel qui avait scintillé ici jadis. Alors qu'ils s'apprêtaient à rejoindre un autre couloir, des rires résonnèrent dans la direction opposée ainsi que le brouhaha d'une discussion. Impossible de tout discerner de là où ils se trouvaient.
Échangeant un regard avec Shad, Lamento ouvrit leur marche en direction des éclats de voix, se pliant en deux et prenant garde à ne pas faire de bruits tandis qu'ils évoluaient dans les petits couloirs. Le chemin se séparait en deux et le musicien préféra opter pour celui de gauche qui leur fit emprunte des marches pour arriver sur un balcon.
"Aide moi..."
En contrebas de leur perchoir s'étalait une grande et vaste salle aux teintures sublimes rongées par le temps, et criblées de signes que l'elfe estima être religieux sans pouvoir les identifier. Au centre se dressait
une imposante stèle de pierre sur la surface de laquelle était gravée avec un soin splendide une étrange figure. Au pied de cet étrange gisant qui semblait être le point névralgique de la pièce et culminait à une bonne dizaine de mètre de hauteur, trois
hommes armés de marteaux discutaient alors qu'un quatrième pissait sur la stèle gravée en riant, goguenard de son insulte muette.
- On doit la péter, fit un.
- On a qu'à casser la base et pousser !
- Et tu crois que tu vas y arriver, avec tes bras de crevette, abruti ?
- Vous faites chier, rétorqua l'urineur en rangeant sa queue. Le seigneur Shaolong veut qu'on abatte ce machin, alors on va le réduire en gravier. Même si ça nous prends toute l'année !
Ils échangèrent de nouvelles insultes et idées pour mener leur tâche à bien et Lamento profita de cet interlude pour prendre le poignet de Shad en main et lui murmurer quelques mots.
"Aide moi..."
- Faisons marche arrière et prenons un autre chemin. Inutile de les attirer, Shad. Hého ? Shad, tu m'entends ? Shad ? Mais Shad n'entendait pas. Pas la voix de Lamento, en tous cas. Car dans son esprit résonnait une voix aussi puissante que le tonnerre dans un violent orage de campagne, qui couvrait tous les autres bruits après n'avoir été qu'un murmure dans le vent pendant longtemps. Dans le même temps, son tatouage semblait chauffé au fer rouge et bientôt, sans qu'elle ne puisse le contrôler, ses mains se nimbèrent de ses flammes bleues, ce qui poussa Lamento à s'écarter pour éviter d'être brûlé.
Et la voix, toujours, résonnait violemment dans l'esprit de la louve....
"AIDE MOI !"