Quand Vaas était un gosse, il dormait dans les bunkers abandonnés de Rook Island, près de cadavres, des soldats tués par les Rakyats et laissés là, comme un rappel envers tous ceux qui voudraient à nouveau envahir l’île. L’histoire du sanatorium lui était inconnue, mais Vaas était bien placé pour connaître la puissance évocatrice et symbolique des lieux abandonnés, où des meurtres avaient eu lieu. L’être humain avait une propension naturelle au surnaturalisme, ce que notre homme savait, mais lui était lucide. Pendant des années, il avait vécu dans les profondeurs de la jungle de Rook Island, préparant sa vengeance contre un ordre fanatique l’ayant séparé de sa sœur. Il avait combattu des serpents, dompté des araignées, se reposant dans les bunkers, se protégeant de la pluie et des nuits glaciales dans des grottes humides. Aucun démon n’était jamais venu le tourmenter, ni aucun autre fantôme... Peut-être bien que les démons avaient peur de lui.
Vaas s’avança dans le hall, bras écartés, mais, après sa provocation, aucune balle ne vint le tuer, aucun bombe ne vint exploser. Le silence lui répandit, et il soupira, tout en se demandant ce que la
ganguro était allée faire là-dedans. D’un autre côté, il y avait peut-être bien des Russes par ici. Notre homme s’avança donc, et, après sa provocation, changea de comportement. Vaas était instable, cruel, sadique... Mais il n’était pas idiot. Il avait grandi dans Rook Island, et il avait été l’un des plus dangereux Rakyats de l’île. Et, ici, dans cet immeuble abandonné et plongé dans la pénombre, il était facile de se confondre dans l’obscurité, même si son débardeur rouge le trahissait un peu. Néanmoins, il veillait à étouffer les bruits de pas en montant, diminuant aussi le bruit de sa respiration. Moins il y aurait d’ondes sonores parasites, plus il entendrait... Le sanatorium était composé en deux ailes : une aile Ouest, menant, d’après les panneaux poussiéreux, vers la zone psychiatrique, et une aile Est, menant vers la zone chirurgicale.
Par où aller ? Vaas resta silencieux pendant quelques minutes... Puis tourna la tête en entendant des soupirs. Ou, plutôt, un profond soupir, suivi de plusieurs soupirs, portés par un couloir.
*
Enfin un signe !* songea-t-il.
L’homme se releva, et s’avança. C’était typiquement féminin... Est-ce que la
ganguro avait comme kif’ de s’envoyer en l’air dans un sanatorium ? Ou est-ce que son client l’avait envoyé ici ? Putain ! Si c’était juste une salope qui avait voulu leur faire un tour, Vaas les tuerait probablement tous les deux, elle et son connard de client amateur de lieux hantés, pour lui avoir fait perdre à ce point son temps. Et, plus il s’avançait, plus il entendait... Des bruits de
frottement. Mais ce n’était pas le frottement d’une chair contre une autre, plutôt... Des
crissements.
Qu’est-ce que c’était que ce bordel ?!
La réponse vint d’elle-même quand il approcha d’une porte entrouverte. Il discernait clairement des soupirs de plaisir, et s’approcha, la main sur son couteau, et pencha la tête... Lui tournant le dos, une femme dans une robe en latex noire brillante se dandinait au-dessus de la
ganguro, attachée sur une sorte de lit d’opération. Tout le corps de la
ganguro était visible, et la fille en robe de latex noire se dandinait au-dessus de son visage, inondant son visage de mouille. Muet de stupeur (et c’était bien rare que ça lui arrive), Vaas mit quelques secondes avant de comprendre.
*
Putain, c’est cette salope, là... La Duchesse !*
Il voyait ses cheveux bleus, cette silhouette massive. Vaas, bien évidemment, s’était renseigné sur Seikusu en venant, et avait appris, en lisant les journaux, la mort d’une psychopathe qui avait défrayé la chronique depuis des mois, la Duchesse. Une tueuse cruelle et perverse qui s’en prenait aux femmes, et dont l’ultime coup d’éclat avait été de se faire passer pour une infirmière en attaquant un hôpital. On disait qu’elle avait été tuée lors de l’intervention policière visant à l’appréhender, mais... Manifestement, elle était bien vivante, et était dans son délire.
Vaas s’avança alors prudemment, réfléchissant rapidement, la bouche légèrement ouverte. Le couteau de chasse se tenait dans la main, et la Duchesse semblait sur le point de jouir. Il observait le cul de cette femme en train de remuer, magnifiquement mis en valeur par sa robe en latex.
*
Vas-y, chica, jouis, jouis donc...*
Emportée dans son élan, la Duchesse était partie dans son monde... Et, quand elle réalisa que quelqu’un se tenait derrière elle, il était trop tard.
Vaas la frappa à la nuque avec le pommeau de sa dague, l’assommant pour le compte.
«
Debout, cocotte ! »
Fût-ce sa voix qui la réveilla ? Ou la lumière éblouissante de la grosse lampe chirurgicale ? En tout cas, quand la femme commença à remuer de
la chaise sur laquelle elle était attachée, Vaas écarta la grosse lampe, et resta face à elle.
«
Hey, salut, beauté ! T’sais que t’es encore plus bandante que ce que j’imaginais en entendant parler de toi, hum ? »
Pour éviter des insultes, il avait mis un bâillon sur sa bouche, et se tenait face à elle, les jambes légèrement pliées, avec un sourire sur les lèvres. La Duchesse avait dû dormir à peine cinq minutes, le temps de l’attacher, et de la réveiller vite fait.
«
Moi ? J’suis Vaas, ma poupée... Mon nom te dit rien, chica, et c’est normal... Mais t’as intérêt à vite l’retenir, trésor, parce que, si tu me casses les couilles, ma beauté, je t’étripe comme un poulet. Tu vois ? TCHIC-TCHAC, comme ça ! Je remonte de ton nombril jusqu’à tes nibards, ZZZIOUP ! Et, entre nous, ce serait dommage de tuer de la si belle viande, hum, tu crois pas ? Alors, ma poupée, voilà ce qu’on va faire...J’regrette sincèrement de t’avoir assommé pendant que tu prenais ton pied, mais, si je m’étais annoncé à toi, genre comme un galant homme et tout, ben... J’suis sûr que tu m’aureais buté, t’vois ? Et j’voulais pas que notre idylle commence par une engueulade de couple, merde ! Alors, je vais t’enlever ton bâillon, beauté, et, si tu me gueules dessus, ben, j’vais aussi t’gueuler dessus, et t’aimeras pas ça, parce que... TCHIC-TCHAC, tu te rappelles, trésor ? Okay ? »
Il laissa passer quelques secondes, puis porta sa main à sa bouche... Et tira sur le bâillon.