Les minutes qu’avait prises la Belle pour aller se changer furent plutôt longues. Non, elle n’avait pas hésité à revenir auprès de la Bête, bien au contraire, si ça avait été une autre personne du genre masculin, il était indéniable qu’elle eût mis bien plus de temps avant de revenir. Elle avait repensé à cette rencontre, certes, inopinée, c’était le moins que l’on puisse dire : se retrouver enfermée dans le centre commercial arrivait relativement souvent, pas forcément à elle, mais c’était un fait reconnu. Et pour tout dire, Naysha, sans être coutumière du fait, n’en était de loin pas à sa première ballade nocturne au sein de ces rayons innombrables. Qu’y trouvait-elle ? Peu de choses, et c’était ce qui contrastait avec le jour, lorsque le magasin était ouvert : peu de monde, elle était libre de prendre le temps de faire les essayages qu’elle voulait. Et puis c’était amusant, à ses yeux, de ne pas avoir besoin de filer dans une cabine pour faire ses essayages. Ou alors, parfois, elle n’était pas seule, et les essayages prenaient facilement une autre dimension, si toutefois, elle avait été volontairement en compagnie pour la nuit. Parfois, le hasard voulait qu’une rencontrée non prévue, et surtout, pas vraiment imaginée, ait lieu.
Mais comme si cela ne suffisait pas, il fallait qu’elle rencontre une sorte de créature, une créature peu rassurante au premier abord, et c’est vrai qu’elle avait imaginé certaines choses moins heureuses que ce qu’il semblait se passer présentement. Elle ne pouvait s’empêcher de ce demander si les choses auraient été différentes si elle avait porté une autre tenue, car après tout, c’est grâce à cette somptueuse nuisette que l’atmosphère c’était si rapidement détendue entre les deux inconnus. Mais non, ce n’était pas tout, de son ressenti, en plus de ne lui vouloir aucun mal, et elle en avait presque quelques regrets, cette homme-loup, à priori, avait un côté homme plutôt plaisant, au regard de la jeune donzelle. L’âge peut-être, cette maturité que n’ont pas la plupart des hommes de sa génération - ni certains plus âgés, d’ailleurs -, ou alors était-ce simplement le caractère de cette créature qui, malgré son apparence qui devait faire fuir la plupart des gens, utilisait ce moyen pour pouvoir garder un léger contact auprès des personnes les plus curieuses, inconscientes, ou alors, forcées par la situation à ne pas le fuir inutilement, comment c’était le cas pour la rouquine ? Non pas qu’elle n’était restée que parce qu’elle n’avait d’autre choix, au contraire, elle réunissait tous ces traits à la fois.
En tout cas, elle n’oublierai pas de si tôt cette rencontre, qui n’en était qu’à ses prémices, après tout : la libération n’arriverait pas tout de suite, et elle devra attendre de longues heures avant de retrouver sa liberté. Quelle pensée stupide, elle était libre, après tout. Libre de s’amuser un peu, et si possible, dans un cadre moins gênant pour cette créature. Voilà pourquoi elle avait disparu. Serait-il encore là ? Elle ne le savait pas vraiment. Il était timide, mais lui non plus n’avait pas de réel intérêt à se cacher, il était contraint de passer la nuit ici, tout comme elle, enfin, vu son gabarit et sa force apparente, il aurait sans doute pu sortir, c’est vrai. Ca n’empêche pas notre jeune lycéenne d’arpenter les rayons à la recherche d’une tenue qui le mettrait bien moins mal à l’aise, s’il avait jugé bon de rester, et de passer encore un peu de temps en sa compagnie. Mais attention, il avait beau faire nuit, et elle avait beau n’être « qu’en » la présence d’une Bête, elle n’allait pas pour autant délaisser ses bonnes habitudes, et ne se gêna pas de craquer pour des sous vêtements des plus affriolants, bien cachées par une tenue plus conventionnelle, mais toute choisie pour la mettre, comme toujours, le mieux possible en valeur, après tout, pourquoi chasser le naturel, surtout ici. Elle s’observa dans un miroir, aidée par un reflet lunaire, et se trouva on ne peut plus délicieuse, encore une dépense qu’elle ferai, en plus de la nuisette qui avait clairement démontré ses « atouts » (de la nuisette, pas de la jolie demoiselle qui était à l’intérieur, quoique…).
Elle allait devoir y retourner, non, pas devoir, elle avait envie de se retrouver à nouveau en la présence de la créature. Certes, son air de grosse peluche vivante était mignon, mais ce n’était de loin pas tout. Il savait, lui, se montrer sincère. Une qualité devenue rarissime, tout le monde joue un rôle, ou presque. Et elle, comment le ressentait-elle ? Plutôt mal pour tout dire. Après tout, jouait-elle un rôle, elle ? Pas vraiment non. Elle aimait le sexe, elle savait qu’elle était belle et s’appréciait telle qu’elle était, mais elle avait ses propres principes, et ne se retrouverait pas à jouir dans les bras de n’importe qui. Dévergondée, sans aucun doute, mais irréfléchie et à la portée de n’importe qui, en aucun cas. Elle était simplement elle, telle qu’elle l’était. S’amuser de la vie, oui, mais jouer à celle qu’elle n’était pas, en aucun cas. Et curieusement, c’était ce qu’elle attendait de ses partenaires, quels qu’ils soient, et étonnamment, il lui avait fallu tomber sur cet être des moins propice à la vie en société pour retrouver certaines attentes qu’elle désespérait de revoir un jour. Ca lui faisait presque bizarre, il ne la voyait pas comme un vagin à remplir, ou une poupée sur laquelle cracher son nectar, non, il la voyait comme une personne. Et pourtant, il n’avait pas été aidé au vue de sa tenue, et il n’était en aucun cas dans un milieu qui paraissait fait pour lui, mais semblait plutôt bien s’en sortir, décidément, s’il avait été un peu moins Bête, elle aurait pu être plus qu’attirée…
Fini le vagabondage d’idées, elle était plus que prête, désirable à souhait sans en faire trop, surtout si l’on la comparait à sa tenue précédente, il fallait y retourner. Chez elle aussi les question défilaient, dans son esprit : « Serait-il encore là ? », « Qu’était-il vraiment, sous cette apparence ? », « Quel âge pouvait-il bien avoir ? », « Que faisait-il là ? », et bien d’autres encore, auxquelles elle ne trouvait pas la moindre réponse alors qu’elle allait le rejoindre d’ici peu, s’il n’était pas parti. Elle entendit des bribes de vers, au loin. Non, il n’était pas parti, ça n’eût pour effet que de la faire sourire un peu plus, toujours de ce sourire doux et délicieux, sa meilleure arme, si ça avait pu lui être utile dans cette situation, mais elle n’en avait guère besoin, c’était simplement l’expression de ses sentiments du moments, pourquoi se compliquer la vie, et chercher une raison à tout, surtout lorsqu’il n’y en avait pas ?
Il l’avait déjà décelée au milieu de la nuit, alors qu’elle passait dans un nouveau éclat lunaire. Il eût tout loisir, l’espace de quelques secondes, pour la détailler, alors que la sulfureuse rouquine continuait son approche. Elle était revenue se placer à moins de deux mètres de lui, alors qu’il l’applaudissait. Arriverait-il à réaliser une prouesse remarquable ? Et bien oui, ça ne se voyait pas vraiment dans cette pénombre, mais la jeune demoiselle avait les joues légèrement rosies. Ca n’était pas dû qu’à l’applaudissement, le sourire affiché par la Bête en disait long sur la façon dont il prenait ce nouveau changement, et le geste avait sans doute donné une dimensions autre pour la jeune demoiselle : il n’était pas seulement ravi de la voir accéder à sa demande, il devait la trouver, ainsi convenablement vêtue, toujours aussi élégante. Et sans laisser le temps à un peut-être malaise de s’installer, il ajouta immédiatement quelques mots bien choisis, une nouvelle fois, tout en prenant cet air, décidément, la rousse regrettait de plus en plus qu’il ne fût pas une créature plus « humaine », dans son apparence en tout cas. Non, en soit, qu’il soit à moitié loup à priori de na dérangeait pas particulièrement elle, c’était surtout pour lui qui aurait eu bien du mal à la suivre ou l’accompagner dans bien des lieux.
Il ne lui laissait toujours pas le temps de lui répondre, déjà il enchaînait, comme s’il avait peur de laisser un silence s’installer, peut-être était-il plus sociable qu’elle, encore ? Dans tous les cas, il s’approcha, l’espace qui les séparait devenait de plus en plus restreint, alors qu’ils avaient autour d’eux tout l’espace qu’ils souhaitaient. Naysha n’eut aucun mouvement de recul, ça aurait sans doute été inutile, mais surtout, elle ne le craignait pas. S’il avait voulu lui faire du mal, il était évident qu’il aurait pu le faire depuis longtemps, et s’il jouait, tel un félin, il ne serait pas assez incisif, et puis cette sincérité, et ces manières timides étaient tellement naturelles que non, elle n’imaginait pas qu’il pourrait lui arriver quoi que ce soit d’indésirable. Un… Elle recevait un baisemain, c’était son premier, et jamais elle n’aurait osé croire qu’elle en recevrait un, et encore moins de ce qui paraissait extérieurement si peu sociable. Il était délicat, on ne peut plus correct dans cette manière de faire si surprenante, et ça ne lui déplaisait pas. Elle était traitée, finalement, comme une personne, ce qui lui était si rare. Naysha ferma alors les yeux, alors qu’il s’exprima une nouvelle fois. Un nom plaisant, avec une touche d’humour. Elle n’aperçût pas le clin d’œil, mais sentait qu’il était plutôt à l’aise malgré ses manières si rares, peut-être dépassées, ou alors qui ne correspondaient pas vraiment à la Belle, mais elle n’en était ni gênée ni dérangée, tout était si sincère que ça semblait simplement « couler de source ». Elle avait récupéré sa main, et se caressa délicatement et lentement le revers de son autre main, comme se remémorant la scène, ou se la gravant à jamais dans ce qui seraient bientôt des souvenirs très probablement délicieux. Les yeux toujours clos, ce léger sourire qui la rendait si mignonne toujours présent sur son minois, elle s’exprima enfin, dans un doux murmure qui lui était destiné, à lui, et elle élevait juste assez la voix pour qu’il l’entende à peine s’il était humain, dans son cas, il n’aurait aucune difficulté à la comprendre, au vu sa perception auditive bien plus élevée.
- La Belle se nomme Naysha, et à plus l’impression d’être en compagnie d’un prince que d’une Bête…
Elle rouvrit lentement les yeux, souriant à sa Bête adorable. Mais c’était à elle maintenant de na pas souhaiter que le silence s’installe, car elle avait laissé sa sincérité s’exprimer sans la moindre retenue, et à peine les mots avaient fini de s’échapper d’entre ses lèvres, elle eût l’espace d’une demi-seconde à peine, la crainte que son interlocuteur se voie à nouveau démuni, non pas par son manque de pudeur, mais par les mots employés qui pourraient avoir l’effet d’une cataclysme ravageur ainsi déployés.
- Pardonne-moi si tu te sentirais heurté par mes propos, j’ai juste…
En fait, elle aussi était perturbée par ce qu’elle avait dit, non pas qu’elle n’assumait pas ses propos, mais pour une fois qu’on la prenait simplement pour qui elle était, et non ce qu’elle paraissait, elle avait peur de sans doute donner une nouvelle fois l’impression de n’être qu’une créature aux formes avantageuses, dévergondée à souhait, qui ne pense qu’au délice provoqué par une jouissance délicieusement amenée. Après un léger sourire presque gêné, finalement, car là, elle l’était désormais, elle ajouta :
- Qu’est-ce qui t’a amené ici ? Tu n’as pas vraiment l’air d’être dans ton élément.
Le ton était bas, elle restait douce, mais semblait s’être bien reprise. Certes, ce n’était pas forcément la question la plus intéressante qu’elle aurait pu poser, mais elle avait alimenté la discussion sans laisser un silence lourd de conséquences s’installer. Elle retrouva un léger sourire, mitigé entre quelques possibles excuses, mais qui se voulait également le plus rassurant possible pour Saïl.