Deux filles brillantes [Lucia]

Lucia ouvrit la porte de son immeuble et invita Mira à entrer. Comme il n'y avait pas d'ascenseur, les deux filles devaient monter les étages à pied. La mercenaire n'avait aucun problème avec ça, mais son amie ne semblait pas dans le même état.

« Tu veux que je te porte sur mes épaules ? »

La jeune fille refusa. Sans doute qu'elle n'osait pas s'approcher trop près de sa nouvelle amie. Elles continuèrent donc leur marche séparément. Au deuxième étage, Lucia s'arrêta pour reprendre son souffle. Elle n'avait vraiment pas beaucoup d'endurance.

Une fois Lucia de nouveau en forme, les deux filles reprirent leur ascension jusqu'au quatrième étage, là où se trouvait l'appartement. La jeune fille ouvrit la porte et invita son amie à entrer.

« Merci. »

Mira entra et regarda tout autour d'elle. Pour un appartement de lycéenne, l'endroit était très joli. Et surtout, elle n'arrivait pas encore à admettre qu'elle allait passer la soirée chez une amie, ça lui faisait toujours un drôle d'effet.

« C'est joli chez toi. Alors, tu veux faire quelque chose en particulier ? »

Ce n'était pas vraiment chez elle, elle était logée. Mais cela revenait presque au même. Lucia avait quant à elle du mal à croire qu'elle avait invité quelqu'un. C'était nouveau.

Ce n'est pas vraiment chez moi. Tu veux du thé ?

Le thé, la boisson favorite de Lucia, c'était ce qu'elle adorait en ce monde, avec ses peluches mais ce n'est pas important.

En fait, je n'ai pas vraiment prévu quoi que ce soit à faire...

L'invitation avait été trop hâtive et Lucia n'avait pas pris le temps de réfléchir à ce détail. La jeune fille parti préparer le thé.

Installe-toi, je reviens.

Une fois arrivée, Lucia proposa du thé à sa nouvelle amie. Mira accepta avec plaisir.

« Volontiers. Merci, j'adore le thé. »

Le thé était l'une des seules boissons que la mercenaire buvait sans retenue. La douceur et le goût des herbes relevait l'eau chaude de telle façon qu'elle trouvait ça toujours délicieux. Peu importe les feuilles de thé, tant qu'elles étaient fraîches, Mira aimait.

Lucia l'invita à s'asseoir et partit ensuite préparer le thé. En attendant, Mira réfléchissait à ce que elle et cette jeune fille pourraient faire ensemble. L'une de ses idées aurait été de lui faire découvrir comment deux filles pouvaient se faire plaisir ensemble... mais elle savait que son amie n'était pas ce genre de fille. Jamais elle n'accepterait de se livrer à de telles pratiques, du moins pas avant que la mercenaire n'ait totalement mérité sa confiance. Elle se rabattit donc sur une autre idée, qu'elle pensait plus appropriée pour cette soirée.

Lucia revint un peu plus tard avec deux tasses de thé, dans le pur style japonais. Mira prit celle qu'on lui tendait.

« Merci Lucia. »

La mercenaire attendit que son hôte ait prit une première gorgée de sa propre tasse, puis elle but dans la sienne.

« Hum... Il est vraiment bon. »

Elles discutèrent tout en buvant leur thé, jusqu'à ce que les tasses soient finis. Lucia les ramena, puis rejoignit Mira pour lui demander si elle avait une idée pour lui faire passer le temps.

« Peut être. Mais avant, tu dois me promettre que tu ne parleras à personne de tout ce que je vais te montrer. »

Après tout, Mira ne pouvait pas exposer ses inventions aux yeux de n'importe qui.

Je le jure.

Lucia avait bien sûr entièrement confiance en Mira, elle savait qu'elle ne lui voulait que du bien, pourtant, elle appréhendait quant à ce qui allait lui être montré. Si c'était une arme, elle ferait immédiatement sortir son amie de l'appartement, même avec toutes les excuses du monde, elle n'accepterait pas la présence d'arme à proximité d'elle. Ce n'était pas dû à un traumatisme ou quelque chose du genre, mais parce que Lucia savait que c'était la pire chose créée par la race humaine. Combattre sa propre espèce ne faisait que vouer cette dernière à l'extinction, au détriment de ceux qui avaient pu espérer une fin plus douce. Lucia détestait la guerre, autant que la mort. Après tout, la mort avait entraîné son père, ainsi que sa mère, du moins, elle n'était pas réellement sûre pour sa mère. Effectivement, elle n'avait jamais vu la moindre photo de cette dernière, tout ce qu'elle sait à ce propos, c'est qu'elle est morte pour sa fille. Son dernier soupir avait eu lieu à la première respiration de la jeune télépathe, mais c'était tout.

Tu ne veux pas me montrer d'armes, j'espère ?

« Non, ne t'en fais pas. Je ne suis pas assez idiote pour sortir une arme devant une amie. Ce serait très insultant. En plus, j'ai bien compris que tu ne les aime pas. »

Mira se leva, et demanda à Lucia de s'éloigner un peu du centre de la pièce.

« Ce que je vais te montrer, c'est ce qu'on peut faire grâce au savoir. »

La mercenaire activa son anneau dimensionnel et fit apparaître dans la pièce quelques unes de ses plus belles inventions. Son prototype de machine temporelle, pas encore opérationnelle mais en bonne voie de l'être d'ici un an ou deux ; Sa machine de lecture assistée, qui lui permettait d'enregistrer les informations d'un livre à toute vitesse mais qu'elle utilisait rarement, préférant lire les livres par elle même ; son traducteur de pensées, qui la rendait télépathe, comme Lucia ; et enfin, son robot détecteur de fantasmes sexuels, une machine capable de savoir sur quoi fantasmait une personne, que Mira avait construit durant une nuit où sa frustration sexuelle l'empêchait même de dormir.

« Tout ce que tu vois là, ce sont des inventions que je l'ai fabriqué de mes mains. Et tu es la seule personne, en dehors de moi et de ma famille, à les avoir vus. »

La mercenaire jugeait que Lucia était assez intelligente pour comprendre la portée de ces machines, nées de l'esprit supérieur de son amie.

Seulement, Mira n'avait pas remarqué que la téléportation avait allumé son robot détecteur de fantasmes sexuels, qui était prêt à accomplir sa fonction.

Lucia poussa un soupir de soulagement lorsqu'elle entendit que ça n'allait pas être une arme. Mira lui demanda de s'éloigner du milieu du salon, elle le fit et la jeune fille vit apparaître quatre machines assez étranges. Elle apprit qu'elle était une des rares personnes à avoir vu les inventions de son amie.

C'est un honneur. A quoi servent-elles ?

Lucia était très contente d'avoir la chance de voir les créations de Mira. La mercenaire s'employa à lui expliquer le fonctionnement de chacun des appareils qu'elle avait fait apparaître. Elle alla d'abord vers son sablier géant.

« Ça, c'est un prototype de machine temporelle. Il n'est pas encore opérationnel, mais quand il le sera, je pourrais faire ce que tant de personnes dans l'univers rêvent de faire : voyager dans le temps. »

Puis elle se tourna vers le casque relié à une cloche de verre.

« Ça, c'est un appareil qui permet d'enregistrer les informations contenues dans un livre à toute vitesse. Personnellement, je ne m'en sers presque jamais. Mais ça peut toujours être utile. »

Elle prit ensuite son casque à antennes.

« Ça, c'est un traducteur de pensées. Grâce à lui, je deviens télépathe, tout comme toi. »

Et enfin, elle alla vers son robot.

« Et ça, c'est une de mes inventions les plus obscures : le robot détecteur de fantasmes sexuels. »

La mercenaire s'étonna alors de voir ce dernier allumé.

« Oh non, c'est pas vrai. »

Elle s'élança dans l'espoir de l'arrêter avant qu'il ne se mette à parler, mais c'était trop tard. Il était déjà lancé, et parcourait la pièce à la recherche d'une personne à analyser. Ayant déjà fait l'étude de sa créatrice, il se dirigea vers son amie.

Mira dit à Lucia de s'écarter, mais cette dernière réagit trop lentement.

« Non ! »

Il s'activa et fit ce pour quoi il avait été construit : trouver les fantasmes les plus refoulés d'une personne.

« Fantasme identifié : Pratique du bondage. »

Lucia écoutait ce que racontait Mira, sans vraiment comprendre comment elle pouvait savoir que la machine n'était pas encore en état pour fonctionner. Peut-être a-t-elle essayé ? Ce serait idiot, elle ne serait plus là pour présenter son oeuvre. Ou alors elle ne fonctionne pas encore ? La jeune fille se sentait un peu mal en pensant à cette option, ça voudrait dire qu'une partie de ses inventions ne fonctionneraient pas ? Mais en même temps, c'est une machine sûrement très complexe, pour remonter le temps. Ce serait vraiment énorme si le voyage temporel était possible ! Toute cette réflexion fit penser la jeune fille à son défunt père. Elle était persuadée qu'il était possible de soigner sa maladie, après tout, la médecine peut faire tellement de choses... Une larme vint à couler sur la joue de Lucia, qui n'écoutait plus vraiment ce que racontait Mira. Il lui arrivait de temps à autre d'être dans un état de réflexion si intense qu'elle ne prêtait plus attention à rien. C'était généralement lorsqu'elle se posait des questions existentielles telles que "existe-t-il des gens avec des pouvoirs comme moi ?", ou "est-ce vraiment ça le goût du poulet ?". Effectivement, Lucia n'aime pas le poulet, et elle était capable de se poser des questions aussi pertinentes que ridicules, parfois même les deux à la fois.

Soudain, Mira dit à son amie de s'écarter. Lucia était encore en train de penser à son père, puis elle se rendit compte de ce qui lui avait été demandé, mais il était trop tard, la machine avait trouvé le fantasme de Lucia.

Hein..?

La jeune fille ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait, la transition entre ses pensée et le monde réel avait été un peu violente pour elle, et elle avait besoin d'un petit temps avant d'être à nouveau parmi les vivants.

Mira ne savait plus où se mettre. Son robot venait de dévoiler un secret particulièrement gênant de Lucia, et cette dernière risquait de s'en sentir offusquée. Mais elle ne dit rien d'autre que « Hein ? » quand la mercenaire l'interpella. Apparemment, elle était en train de penser à autre chose. Des pensées loin d'être joyeuses, puisqu'une grosse larme coulait sur sa joue.

Mira sauta comme une lionne se jetant sur sa proie, attrapa le robot et l'éteignit avant qu'il ne recommence à parler à tort et à travers sur les fantasmes des deux filles.

Phew ! On a échappé à la catastrophe.

Puis la mercenaire dirigea à nouveau son regard vers son amie. Elle semblait encore un peu hébétée, et demanda ce qui venait de se passer.

« Oh, rien. Mon robot a un peu perdu les pédales. »

Mira s'inquiétait pour Lucia.

« Et toi, ça va ? Tu m'as l'air très triste, tout d'un coup. »

Échappé à la catastrophe ?

Lucia avait effectivement lu les pensées de son amie, par réflexe. Et bizarrement, sa question s'était superposée à la réponse de Mira, elle ne s'interrogea pas plus, les deux réponses étaient sûrement les mêmes après tout. Ayant repris ses esprits, elle regarda Mira qui avait l'air inquiète, puis qui lui demanda si ça allait, elle disait qu'elle avait l'air triste. Lucia n'aurait pas senti sa larme si on ne lui avait pas dit qu'elle était là, et elle lui chatouillait la joue, vous savez, ce chatouillement désagréable des larmes coulantes. La jeune fille s'empressa de se l'essuyer.

Oui, oui, ça va...

Lucia n'aimait pas mentir, mais lorsqu'elle en avait besoin, elle n'hésitait pas. Et surtout, la jeune télépathe détestait que l'on se mêle de ses affaires sans y être convié, bien qu'avec Mira, elle n'aurait aucun problème pour se confier. "Les gens ne doivent pas se sentir coupables pour toi, Lucia", c'est ce que lui disait son père, il avait souvent l'air de préparer sa fille à sa mort, comme si il l'avait prévue.

La jeune fille s'en rendit compte à ce moment, ses yeux devinrent gris et elle se mit à pleurer. Son père était donc destiné à mourir ? C'est ce que ça voulait dire ? Même trois ans après, elle avait gardé en tête chaque seconde de sa vie avec son père, elle ne l'avait presque jamais quitté, pourtant, il faut croire que les rares fois où c'est arrivé, il a dû avoir un problème, sûrement. C'était un peu inquiétant... Lucia pleurait, elle n'arrivait pas à se détacher de son père, même après sa mort. Elle avait besoin d'aide, sûrement.

Lucia affirmait qu'elle allait bien. Mais Mira serait une bien mauvaise mercenaire si elle n'était pas capable de voir le mensonge chez les gens, en particulier quand il est aussi énorme. Ça se voyait sur le visage de la jeune fille que quelque chose la perturbait. Elle enleva rapidement la larme qui coulait sur sa joue, puis sembla se perdre dans ses pensées pendant un instant. La mercenaire regarda son amie en silence, essayant de comprendre ce qui n'allait pas. Quand, soudain, les yeux de Lucia virèrent du brun au gris et elle se mit à pleurer. Ce n'était pas un torrent de larmes, mais elle semblait quand même très triste. Dans ce genre de situations, Mira ne connaissait qu'une seule façon d'agir.

La mercenaire vint prendre son amie dans ses bras pour lui faire un câlin de réconfort. Elle avait, il y a peu de temps, découvert qu'un contact physique entre deux humains pouvait les apaiser tous les deux de manière simple, naturelle et efficace. Et en ce moment, Lucia avait grand besoin de réconfort. Mira posa une de ses mains sur sa tête pour lui caresser les cheveux. Elle ne disait rien car elle craignait de dire une bêtise. Alors elle se contenta de penser.

Qu'est ce qui ne va pas, Lucia ?

Mira prit Lucia dans ses bras pour la réconforter, ce qui eut pour effet de provoquer une certaine incompréhension chez Lucia, le contact physique était très rare chez elle, mais elle s'était bien rendue compte en arrivant en ville qu'elle devrait radicalement changer ses habitudes, surtout que le lycée de secteur était réputé pour être rempli de gens obsédés. Ses deux seuls amis ne l'étaient sûrement pas, quoi que peut-être un peu pour Ryujin. Quant à Mira, la jeune élève pensait qu'elle ne l'était pas du tout, après tout elle n'avait pas compris à quoi servait le robot.

Lucia regarda la mercenaire dans les yeux et lu dans ses pensées. Elle voulait réécouter les explications sur les machines de Mira, mais elle commença par entendre la question de la jeune fille. A ce moment, elle la serra un peu, sécha ses larmes, prit une grande inspiration et commença à parler.

Ta machine à remonter le temps m'a fait repenser à mon père...

Elle essayait d'en dire plus, mais elle bloquait. Lucia exécutait inconsciemment ce que lui disait souvent son père.

Après l'avoir amicalement étreinte, Mira regarda Lucia dans les yeux. La tristesse pouvait clairement s'y lire. La jeune fille prit une grande inspiration, sécha au mieux ses larmes, puis serra ses mains, qui étaient cramponnées aux bras de la mercenaire, avant de lui parler du souvenir de son père, que sa machine à voyager dans le temps avait ranimé en elle. Et visiblement, ce n'était pas un souvenir heureux. Mira remarqua que Lucia essayait d'en dire plus, mais ses mots ne voulaient pas sortir de sa bouche. En réponse, la mercenaire prit les mains de son amie dans les siennes, ce qui la fit légèrement sursauter.

« Tu n'es pas obligée de me parler, si tu n'en as pas envie. Rien qu'à voir la tête que tu fais, je comprends que ce souvenir doit être douloureux pour toi. Alors je n'ai pas envie de te faire revivre ça. Quoique ça puisse être. »

Mira tenait vraiment à faire la joie de Lucia. Pour la première fois depuis qu'elle était sur Terre, elle se sentait enfin proche d'une de ses camarades de lycée. Et elle ne comptait pas la laisser dans un tel état bien longtemps.

« Que dirais tu de repasser à des choses plus heureuses ? J'ai justement l'invention idéale pour ça. »

La mercenaire utilisa son anneau dimensionnel pour renvoyer sa machine temporelle, qui semblait avoir provoqué cette montée de larmes chez la jeune fille, et la remplaca par une autre machine. En apparence, elle ressemblait à ces guichets de voyance qu'on trouve dans les fêtes foraines et les cirques sauf que, à la place du mannequin pourri, se trouvait une matrice virtuelle équipée d'une des IA les plus avancées que Mira ait jamais mise au point.

« Je te présente mon matérialiseur de rêves. Il scanne les ondes alpha de ton cerveau, c'est à dire les pensées heureuses et relaxantes, et crée une modélisation solide en 3D et en couleur de ces pensées grâce à la matrice virtuelle.
Pour faire simple, l'ordinateur va créer une version réelle de tes pensées les plus joyeuses. Tout ce que tu as à faire, c'est de regarder la sphère dans la vitrine. »

Mira espérait bien rendre le sourire à son amie grâce à cette invention, qu'elle avait crée pour se soigner d'un de ses propres coups de blues, quand sa maison et sa famille lui manquaient terriblement, et que sa traque d'Inferno lui semblait une cause perdue.

« Tu peux penser à ce que tu veux. Une personne, un objet, un animal, un lieu... Le choix t'appartient. »

Lucia aurait vraiment voulu expliquer ses tourmentes à son amie, mais les mots ne sortaient pas, et la jeune mercenaire remplaça le grand sablier par une machine de voyance comme elle en avait déjà vu à une fête foraine, enfin presque, le mannequin n'y était pas. Mira lui expliqua le fonctionnement de cette machine et elle proposa à Lucia de penser à quelque chose en regardant la sphère dans la vitrine. Rien de dur, l'élève regarda ladite sphère qui montra une gigantesque bibliothèque parsemée de livres en tous genre, si l'on s'attarde sur chaque rayon, on peut voir que tous les livres que connait Lucia y figurent, ainsi que d'autres sans noms, il étaient classés par catégories, et les ouvrages étaient classés par ordre alphabétique. Quelqu'un d'assez cultivé pourrait penser à la Bibliothèque d'Alexandrie, ayant été réputée pour contenir tous les livres existants mais ayant brûlé, c'était effectivement la représentation de la bibliothèque par la jeune fille, gigantesque et contenant tout le savoir du monde parfaitement rangé et, quelques secondes après avoir vu les livres, une fille à la grosse poitrine pouvait être vue en train d'arpenter les rayons, c'était effectivement Lucia. Puis la jeune fille s'arrêta devant un cadre posé sur le comptoir, dans ce cadre était visible une photo, son père. L'élève déposa une rose devant l'image et reparti arpenter la bibliothèque. C'était donc le rêve le plus heureux de Lucia, pourtant tragique. Elle se tourna vers Mira et, bien que n'exprimant aucun sourire, semblait heureuse.

Merci, Mira.

Elle ferma les yeux, esquissa un sourire et prit son amie dans ses bras.

Lucia se dirigea vers la machine et plongea ses yeux dans la vitrine du matérialiseur de rêves. La machine scanna les ondes alpha de son cerveau, puis la matrice virtuelle généra le modèle holographique de ce qui avait été vu dans le cerveau de la jeune fille. L'hologramme solide d'une gigantesque bibliothèque apparut alors.

Mira observa ce qu'elle voyait en silence. La moindre nuisance extérieure risquait de provoquer un dérèglement de l'image virtuelle, voir de la faire brutalement disparaître. Autour d'elle, des milliers de livres s'entassaient dans d'immenses étagères, grandes comme trois ou quatre fois sa taille. Tous étaient rangés par catégorie, puis par ordre alphabétique. Il n'y avait rien d'étonnant à voir certains livres sans titre car certains n'étaient là que pour appuyer la projection du décor. Parmi les livres nommés, la mercenaire put reconnaître, dans la section ''Biologie'', les livres "Biologie fondamentale et Cycles de la vie et grandes fonctions" et ''Biologie supérieure'', des livres qui avaient été évoquées aujourd'hui par les deux amies. Aucun doute maintenant que la bibliothèque était un pur produit des souvenirs de Lucia, agencés de telle façon par l'IA qu'ils ont pris la forme d'un bâtiment uni.

Mira erra pendant un moment dans les couloirs. C'était comme se balader dans le cerveau de Lucia. Chacun des livres ayant un titre était un livre que la jeune fille avait lu. Grâce à cette visite, la mercenaire en apprenait beaucoup sur sa nouvelle amie. Elle trouva même, dans un recoin obscur de la bibliothèque, une zone avec l'entrée couverte par un rideau de perles. L'inscription au dessus de l'entrée indiquait '' Zone intime ''. Mira fit immédiatement demi-tour. Pas question pour elle d'aller regarder, même un tout petit peu, dans les livres qui se trouvaient à l'intérieur. Pourtant, ce n'est pas l'envie qui lui manquait.

La mercenaire continua de se balader, jusqu'à ce qu'elle arrive devant Lucia, qui regardait un cadre posé sur le comptoir de la bibliothèque. Elle ne vit pas qui était sur la photo, mais elle vit néanmoins son amie déposer une rose à côté du cadre. La première pensée de la jeune fille aux yeux d'or fut que ce cadre contenait une photo de son père. Et donc, qu'elle n'avait pas à l'observer. Elle fit donc demi-tour à nouveau. Moins de deux minutes après, la projection disparut.

Lucia se tenait devant Mira. Elle ne souriait pas, mais paraissait quand même heureuse. C'était difficile à expliquer, mais une chose était sûre : voir cet hologramme lui avait fait du bien. Elle remercia son amie, ferma les yeux et vint la prendre dans ses bras. La mercenaire lui rendit naturellement son câlin.

« De rien, Lucia. »

Que dire de plus ?

Après une minute d'étreinte, les filles se lâchèrent.

« Tu sais... Si tu as envie d'aller te coucher, je peux rentrer au dortoir. Je ne veux surtout pas m'imposer. Sinon, je suis ouverte à toute idée d'occupation. »