«
J’le sens pas, Zet’... -
Tu me fais confiance ? -
La dernière fois que je t’ai fait confiance dans tes idioties, je te rappelle que j’ai été capturée par deux psychopathes en puissance ! »
Zetsu fit une mine contrite. Évidemment, lui aussi se rappelait de cette histoire, et c’était bien pour ça qu’il n’avait pas proposé à Amélie, depuis plusieurs mois, de la rejoindre sur ses coups fumeux. Cependant, là, Zetsu le sentait bien. Il avait un bon feeling, et il ne s’agissait pas de s’attaquer à un entrepôt sinistre détenu par des armoires à glaces travaillant pour la Mafia russe. Et puis, ils avaient besoin de payer le loyer, et ce n’était pas les services sociaux qui allaient aider de jeunes fugueurs. Leur pitance, ils devaient trouver un moyen de la récupérer eux-mêmes, et c’était pour ça que Zetsu regardait la petite épicerie de quartier devant eux. Ils étaient dissimulés derrière une poubelle. Amélie ne ressentait en soi aucune gêne, aucun problème de conscience, à aller voler un épicier. Et, quand bien même elle en aurait, Zetsu lui avait expliqué que ce gros tas de graisse était un pervers, qui harcelait, sexuellement parlant, ses caissières et ses servantes. Il était déjà été en procès, et c’était d’ailleurs par le biais de l’une des servantes que Zetsu avait appris l’existence de cette épicerie. En somme, il fallait juste se battre pour ce qui était juste.
Ils se tenaient donc devant l’épicerie. La porte s’ouvrit sur une magnifique Américaine blonde, qui partit rapidement, et qui avait, dans le regard, l’envie d’étrangler des bébés lapins à tête de lion. Sûrement l’une des employées de l’épicier. Zetsu attendit encore quelques secondes, en sortant de son costume rapiécé et poussiéreux son Uzi. Il traînait cette arme depuis des mois, mais elle était toujours autant déchargée. Amélie était surprise que Zet’ n’ait jamais réussi à trouver un seul revendeur d’armes. Certes, ils étaient moins nombreux qu’aux États-Unis, mais ils n’étaient pas inexistants. Elle, de son côté, ne s’en sortait pas mieux, car Zetsu lui avait donné entre les mains une arme factice, un
replica gun destiné à menacer l’épicier.
*
Une arme déchargée et un faux-flingue... Diable, on va aller loin avec ça ! Pourquoi est-ce que je me suis embarquée là-dedans, moi ?!*
Zetsu lui avait dit qu’il fallait être deux sur ce coup-là, afin de pouvoir mieux menacer l’épicier. Amélie avait sincèrement hésité, au vu de leurs anciennes expériences mutuelles, peu réussies. Zet’ avait toujours le don de la lancer dans des plans compliqués, mais force est d’admettre que, souvent, ses coups marchaient, puisqu’il ramenait effectivement à leur abri de quoi se sustenter.
«
Bon... On le fait ? -
T’es sûr de ton coup ? On risque pas de tomber sur des Yakuzas ou j’sais-pas-quoi ? -
Les Yakuzas protègent pas l’épicerie à cette heure-là... Je me suis renseigné, qu’est-ce que tu crois ?! »
Amélie fit une petite moue dubitative sur les lèvres, guère rassurée pour autant.
«
Bon... -
Et on a besoin de cet argent ! insista Zetsu.
-
Oui, je sais bien, mais... Je sens le piège ! -
Fie-toi davantage à mon instinct, la Frenchie, et tout se passera bien. »
Amélie, Française avec une culotte rose à l’effigie de l’Union Jack, hésita à nouveau. Faire confiance à Zetsu... C’était déjà le cas, et elle finit par hocher la tête.
«
Okay... Okay, on le fait ! -
Ça, c’est ma fille ! En piste ! »
Les deux voleurs apprentis enfilèrent sur leurs têtes des cagoules, Amélie une cagoule rose, et Zetsu une cagoule noire, puis ils se relevèrent, voyant l’épicerie en face d’eux. C’était une petite boutique, et la caisse enregistreuse était à gauche de la porte d’entrée. Ils hésitèrent un peu, puis Zetsu s’avança rapidement, en premier, et passa à travers les portes électriques qui coulissèrent, suivie par Amélie. Cette dernière sentit le frisson de l’adrénaline pulser dans ses veines, neutralisant la tension qu’elle ressentait.
«
Ceci est un hold-up, les amis ! Fermez tous vos gueules, ou je vous explose ! -
Quoi ?! s’exclama l’épicier, à gauche.
T’es qui, toi, espèce de sale petit merdeux ?! -
Tu fermes ta gueule, connard ! Okay ?! TA GUEULE ! »
Amélie renversa un kiosque de friandises et de cartes postales à côté d’elle, l’envoyant s’étaler sur le sol, et braqua son arme sur l’épicier. Il était effectivement gros, et elle le vit le regarder avec rage, comme s’il bouillonnait de rage à l’idée d’être braqué par une
fille. Amélie posa un sac à dos sur le comptoir, en lui hurlant dessus :
«
Remplis-le, ou je te plombe, fils de pute ! »
L’épicier serra les dents, comme s’il évaluait ses chances de frapper Amélie, et ainsi de pouvoir lui subtiliser son arme. Malheureusement, ce fut une autre personne qui vint les déranger. Le pauvre Zetsu n’avait vraiment pas eu de chance, car, tandis qu’il braquait l’épicier, un client jaillit entre deux rayons, en pointant son pistolet de service...
«
Police ! »
Amélie sentit la peur éclater en elle.
*
Oh merde...*
Le policier, Atreyu, était un habitué de cette épicerie, et quelqu’un qui partageait à peu près les mêmes opinions que le noble épicier sur la place des femmes dans la société, et sur le rôle des étrangers, ou sur la décadence de la jeunesse nippone à cause des mangas. Atreyu les visa donc, et Zetsu comprit rapidement ce qu’il fallait faire.
«
On se casse ! »
L’épicier en profita pour passer la main sous son bureau, et en sortit une carabine Remington, une arme qu’il avait acheté il y a quelques années, lors d’un voyage aux États-Unis, et pour laquelle il avait une licence.
«
Bande de sales merdeux ! »
Il fit feu, et la balle traversa l’une des vitres de l’épicerie, faisant hurler Amélie, qui fila par la ruelle d’où elle était venue, se séparant d’avec Zetsu. Atreyu, le policier, sortit également du magasin, et partit à la poursuite d’Amélie. Il fut cependant ralenti par quelques voitures, laissant à la jeune Française l’occasion de passer dans la ruelle, ce qui l’amena près du parc central de Seikusu. Elle en profita pour retirer sa cagoule, qui la gênait, et traversa la rue, provoquant plusieurs klaxons furieux émanant des véhicules qui circulaient. Elle enjamba le parapet, et courut le long des pelouses, regardant derrière elle... Ce qui l’empêcha de voir l’obstacle situé devant elle.
Elle se télescopa avec un piéton.
«
Ah ! »
Amélie tomba sur le dos en grognant. Elle avait mal au nez.