«
Il est important qu’ils se rappellent qui est l’héritière des Ivory, Elena... Qui dirige réellement ce royaume. »
Acquiesçant aux propos d’Adamante, qui trouvait toujours le mot juste pour la convaincre, Elena hocha lentement la tête. Elle laissa le peigne remuer dans ses cheveux. Adamante l’aidait maintenant depuis une demi-heure à se préparer et à s’habiller. La soirée mondaine battait son plein, et Adamante lui avait mis du parfum, très discret, ainsi qu’une
légère robe blanche, courte et ample, fine et légère. Une tenue parfaite en plein été, où il faisait très chaud. Adamante s’était amusée à lui mettre des bracelets dorés sur les bras, ainsi qu’un élégant diadème.
«
Je le sais très bien ça, Adamante... Mais, plus ça va, et plus j’ai le sentiment de n’être qu’une sorte de pantin, de symbole que mon propre Conseil exhibe pour justifier sa légitimité. »
Dans son dos, Adamante soupira. Une réception avait lieu ce soir au Palais d’Ivoire, en hommage à Sainte Nathalie-de-Morcombes, une sainte femme nexusienne qui avait été canonisée il y a plusieurs siècles. Nathalie-de-Morcombes avait passé toute sa vie dans des dispensaires médicaux au cœur de Nexus, et s’était illustrée lors de la Grande Plaie, une vaste épidémie de peste qui avait ravagé la cité-État, et qui avait justifié la construction d’un système d’égouts. Nathalie était l’une des filles de Lord Morcombes, et avait rejeté son héritage afin d’aider les sujets de la Couronne. Elle était morte en héroïne, et l’Ordre Immaculé l’avait canonisé. Sainte Nathalie-de-Morcombes était un symbole d’espoir, de justice, et de prospérité. Un symbole adapté en ces circonstances troubles. Le Conseil Royal, pour l’occasion, avait organisé une soirée, invitant des nobles nexusiens à venir.
Le lendemain, une grande messe serait organisée par l’
Archidiacre Célestine, qui était déjà là, parlant avec les invités. Elena savait que le
Baron Ruthier était venu avec ses deux enfants. Ruthier était le châtelain d’un superfort nexusien, l’un de leurs forts à la frontière ayant pour tâche de repousser les Ashnardiens. Il était venu avec son fils,
Balen, et sa fille,
Augusta. Balen était un coureur de jupons notoire, connu pour avoir engendré des dizaines de bâtards, et était en train d’engrosser une servante d’Elena,
Yena. Il était très probablement assisté par Augusta, également connue pour être, outre une guerrière redoutable, une perverse. La Reine de Nexus savait que Ruthier était aussi venu pour demander au Conseil Royal des subventions supplémentaires pour améliorer les défenses de son fort. Jadis, à l’époque de ses parents, ce serait Liam Ivory qui aurait eu le dernier mot. Elena n’avait même pas été consultée, ce qui l’énervait. Elle avait pourtant étudié le superfort, ainsi que la requête du Baron Ruthier, mais ses conseillers ne l’avaient pas consulté, estimant que ce problème «
mineur » de manufacture ne concernait pas Sa Majesté... Ce en quoi Elena n’était pas spécialement d’accord, estimant que cette demande portait sur la défense du territoire.
«
Vous voilà toute belle, Majesté. »
Elena lui sourit, et l’embrassa tendrement sur la joue.
«
Que ferais-je sans toi, Adamante ? -
Le moins de choses possible, j’espère... »
Adamante l’enlaça, faisant sourire Elena, qui remua son nez contre le cou d’Adamante. Elle s’était aussi mise du parfum. Les deux femmes descendirent de ses quartiers, et rejoignirent rapidement la salle du banquet.
En contrebas,
le Comte Manderly était en train de manger. L’immense personnage était connu pour sa sympathie, et son appétit de la vie. Il adorait manger, et dirigeait l’un des comtés les plus riches de Nexus, comprenant d’immenses fermes, des champs de blé s’étendant sur des kilomètres et des kilomètres, ainsi que des volailles, des porcheries, des écuries... Son comté produisait énormément de viande, et Manderly était aussi un vieil ami de Nöly Ivory. L’un des rares nobles en qui Elena pouvait prétendre avoir confiance.
«
Sa Majesté la Reine !! » annonça un page quand Elena s’approcha, le page tapant ensuite à plusieurs reprises sur le sol avec son bâton, afin de l’annoncer.
Et, dans un geste protocolaire instauré depuis des siècles et des siècles, tous les convives se redressèrent, dans un raclement de chaises qui se fit entendre dans le couloir. Avec un frisson remontant le long de son dos, Elena s’avança alors, seule, Adamante restant en retrait.