-
« Il est important qu’ils se rappellent qui est l’héritière des Ivory, Elena... Qui dirige réellement ce royaume. »
Acquiesçant aux propos d’Adamante, qui trouvait toujours le mot juste pour la convaincre, Elena hocha lentement la tête. Elle laissa le peigne remuer dans ses cheveux. Adamante l’aidait maintenant depuis une demi-heure à se préparer et à s’habiller. La soirée mondaine battait son plein, et Adamante lui avait mis du parfum, très discret, ainsi qu’une légère robe blanche (http://fc02.deviantart.net/fs71/i/2014/082/8/0/collab_commission_by_omupied-d7bcq04.jpg), courte et ample, fine et légère. Une tenue parfaite en plein été, où il faisait très chaud. Adamante s’était amusée à lui mettre des bracelets dorés sur les bras, ainsi qu’un élégant diadème.
« Je le sais très bien ça, Adamante... Mais, plus ça va, et plus j’ai le sentiment de n’être qu’une sorte de pantin, de symbole que mon propre Conseil exhibe pour justifier sa légitimité. »
Dans son dos, Adamante soupira. Une réception avait lieu ce soir au Palais d’Ivoire, en hommage à Sainte Nathalie-de-Morcombes, une sainte femme nexusienne qui avait été canonisée il y a plusieurs siècles. Nathalie-de-Morcombes avait passé toute sa vie dans des dispensaires médicaux au cœur de Nexus, et s’était illustrée lors de la Grande Plaie, une vaste épidémie de peste qui avait ravagé la cité-État, et qui avait justifié la construction d’un système d’égouts. Nathalie était l’une des filles de Lord Morcombes, et avait rejeté son héritage afin d’aider les sujets de la Couronne. Elle était morte en héroïne, et l’Ordre Immaculé l’avait canonisé. Sainte Nathalie-de-Morcombes était un symbole d’espoir, de justice, et de prospérité. Un symbole adapté en ces circonstances troubles. Le Conseil Royal, pour l’occasion, avait organisé une soirée, invitant des nobles nexusiens à venir.
Le lendemain, une grande messe serait organisée par l’Archidiacre Célestine (http://th09.deviantart.net/fs70/PRE/i/2012/240/b/c/divine_priestess_celestine_by_peterprime-d5csjgf.png), qui était déjà là, parlant avec les invités. Elena savait que le Baron Ruthier (http://fc01.deviantart.net/fs71/i/2013/333/3/e/falconer_by_nemanja_s-d6w3wae.jpg) était venu avec ses deux enfants. Ruthier était le châtelain d’un superfort nexusien, l’un de leurs forts à la frontière ayant pour tâche de repousser les Ashnardiens. Il était venu avec son fils, Balen (http://fc07.deviantart.net/fs71/i/2013/349/6/a/lord_balen_by_nemanja_s-d6y3w1g.jpg), et sa fille, Augusta (http://fc01.deviantart.net/fs71/i/2013/358/6/b/barroness_augusta_by_nemanja_s-d6z9ke5.jpg). Balen était un coureur de jupons notoire, connu pour avoir engendré des dizaines de bâtards, et était en train d’engrosser une servante d’Elena, Yena (http://fc04.deviantart.net/fs71/f/2013/332/7/6/yena_by_peachplums-d30o7hg.png). Il était très probablement assisté par Augusta, également connue pour être, outre une guerrière redoutable, une perverse. La Reine de Nexus savait que Ruthier était aussi venu pour demander au Conseil Royal des subventions supplémentaires pour améliorer les défenses de son fort. Jadis, à l’époque de ses parents, ce serait Liam Ivory qui aurait eu le dernier mot. Elena n’avait même pas été consultée, ce qui l’énervait. Elle avait pourtant étudié le superfort, ainsi que la requête du Baron Ruthier, mais ses conseillers ne l’avaient pas consulté, estimant que ce problème « mineur » de manufacture ne concernait pas Sa Majesté... Ce en quoi Elena n’était pas spécialement d’accord, estimant que cette demande portait sur la défense du territoire.
« Vous voilà toute belle, Majesté. »
Elena lui sourit, et l’embrassa tendrement sur la joue.
« Que ferais-je sans toi, Adamante ?
- Le moins de choses possible, j’espère... »
Adamante l’enlaça, faisant sourire Elena, qui remua son nez contre le cou d’Adamante. Elle s’était aussi mise du parfum. Les deux femmes descendirent de ses quartiers, et rejoignirent rapidement la salle du banquet.
En contrebas, le Comte Manderly (http://fc07.deviantart.net/fs71/i/2012/341/7/6/manderly_s_scheme_by_jakemurray-d5nboc6.jpg) était en train de manger. L’immense personnage était connu pour sa sympathie, et son appétit de la vie. Il adorait manger, et dirigeait l’un des comtés les plus riches de Nexus, comprenant d’immenses fermes, des champs de blé s’étendant sur des kilomètres et des kilomètres, ainsi que des volailles, des porcheries, des écuries... Son comté produisait énormément de viande, et Manderly était aussi un vieil ami de Nöly Ivory. L’un des rares nobles en qui Elena pouvait prétendre avoir confiance.
« Sa Majesté la Reine !! » annonça un page quand Elena s’approcha, le page tapant ensuite à plusieurs reprises sur le sol avec son bâton, afin de l’annoncer.
Et, dans un geste protocolaire instauré depuis des siècles et des siècles, tous les convives se redressèrent, dans un raclement de chaises qui se fit entendre dans le couloir. Avec un frisson remontant le long de son dos, Elena s’avança alors, seule, Adamante restant en retrait.
-
Depuis que l'affaire des attaques de ses convois de minerais avait été bouclée, avec l'arrestation du commanditaire de ces attaques, les affaires des Bons Filons avaient reprises de plus belle et l'entreprise minière ne risquais plus la liquidation judiciaire, au grand damne des nobles qui se voyaient déjà devenir propriétaires des mines et des anciens employés terranides. Bien entendu, aucun d'entre eux ne se risquait a le dire ouvertement, mais les sous entendu étaient nombreux, et beaucoup avaient cessés de faire affaire avec l'entreprise, se tournant vers de la qualité inférieure, par fierté. Les autres marchants de minerais avaient également, niés en bloc avoir récupérés les minerais volés pour les revendre à leur propres compte, et avaient accusés les terranides de colporter des propos calomnieux, sans tenir compte des preuves contre eux. Le chemin était encore long pour que les nobles nexusiens reconnaissent l'entreprise terranide comme leur egal.
La reine avait en ce sens invitée O'kaya pour une de ses soirées diplomatiques. L'invitation avait pour but premier de la remercier pour la livraison de Mithril et d'Electrum, et d'avoir respectée le délais, malgré les quelques obstacles en chemins. Mais c'étais aussi une façon de s'excusé indirectement pour ne jamais l'avoir invitée auparavant, alors que d'autres directeurs d'entreprises y avaient déjà accès, ceci uniquement parce qu'ils étaient humain et elle non. Du moins, c'étais ce que O'kaya avait interprétée, étant donné les nombreux sous-entendus présents dans sa lettre d'invitation. L'ennuis, c'était que la Miqo'te n'avais justement jamais été dans ce genre de réception, et n'avait donc aucune idée du protocole en vigueur. Après tout, pourquoi enseigner ce genre de chose à une terranide, lorsqu'on sait que les seules présentes sont généralement des servantes ?
Le soir venu, la garde postée à l'entrée du palais lui avait déjà posée problème. Malgré qu'elle soit venue dans sa robe de soirée (http://img11.hostingpics.net/pics/937713RobedesoireThavnairoise.jpg), munie de son invitation et de son document attestant de son identité, les gardes avaient obstinément refusés de la laisser passer, objectant que les femmes "de son espèce" n'avaient rien à faire dans ce genre de soirée, hormis pour servir les invités et sa majesté. Ils avaient néanmoins fini par la laisser passer après l'intervention d'une personne de plus haut rang, avec néanmoins un regard noir pour la Miqo'te. Et même une fois dans la salle de réception, O'kaya se demandais si c'était finalement une bonne idée d'être venue, lorsqu'elle entendit les désapprobations et autres protestations sur son passage, murmurées mais néanmoins bien audibles. Les convives étaient clairement hostiles à sa présence en tant qu'invitée. Néanmoins, la Miqo'te resta la tête haute et leur adressa un regard de défi, jusqu'à ce qu'ils ne détournent la tête pour reprendre leurs conversation.
Lorsque vint le moment de répartir les invités autour de la table, les nobles furent surpris de voir que la place de O'kaya soit si proche de celle de leur reine, sans toutefois être à coté de la sienne, alors qu'ils s'imaginaient pour la plupart qu'elle ne soit parquée en bout de table, à l'opposé de la reine, voir même aux cuisines. Durant le repas, la Miqo'te n'adressa la parole à personne, et personne de s'intéressa à elle. Elle en profita donc pour observer les nobles et tenter d'en apprendre plus à leur sujet, tandis que personne ne faisait attention à elle, comme si la "neko" n'était pas assise parmi eux. Lorsque Elena entra à son tour, après avoir été annoncée, O'kaya se leva en même temps que les convives, mais paraissait bien petite, faisant bien deux ou trois têtes de moins qu'eux. La Miqo'te ne manqua pas de regarder celle qui avait eu le culot monstre de l'inviter à cette table, malgré l'impopularité de ce geste.
-
Sainte-Nathalie-de-Morcombes avait soigné toutes les espèces, sans aucune distinction. Les nantis, les pauvres, les Terranides, les humains, les nains, les elfes... Elle avait soigné tous ceux qui avaient besoin d’aide. C’était un modèle de justice, oui, mais aussi de tolérance, et c’était en suivant cet état d’esprit qu’Elena avait envoyé un faire-part à une Terranide assez particulière : O’kaya Nyala. La Terranide, propriétaire d’une mine au nord, avait récemment connu des démêlés judiciaires et criminels, qui s’étaient bien soldés pour elle. Le tribunal de commerce qui avait géré son redressement judiciaire avait statué en indiquant que les comptes de la société étaient rétablis, et le duché de Kovar n’avait pas pu racheter les mines, au grand dam de Kovik Kovar, qui devait affronter un rival le contraignant à baisser les prix de ses matériaux. Les mines d’O’kaya fournissaient Nexus, et Elena l’avait invité. Elle ne l’avait encore jamais vu. Quand la Terranide miqo’te était venue à Nexus pour plaider son affaire, et pour solliciter l’aide de la Couronne, elle avait rencontré le Conseil royal, et s’était entretenu avec le Grand-Duc Arnaud de Maizière (http://arventur.deviantart.com/art/The-Duke-87020995?q=favby%3ALogmaar%2F41733388&qo=15), un solide allié des Ivory au Conseil. De Maizière participait naturellement au banquet. C’était un noble riche, dirigeant l’un des plus influents duchés de Nexus, dans la ville elle-même. Sa famille avait également la mainmise sur plusieurs compagnies maritimes, et avait créé plusieurs colonies insulaires, avec des forts militaires, des villes, et d’autres infrastructures ayant permis d’enrichir la cité-État. Il était un pur noble, à l’ancienne, valeureux, chevaleresque, élégant, distingué, et refusant d’abuser de son titre de noble pour opprimer les plus faibles. Le Grand-Duc considérait qu’il était de son devoir de protéger les plus démunis, car il était là pour servir la Nation. Sa femme, Ada (http://arventur.deviantart.com/art/Ada-92395916), une sulfureuse rousse, se trouvait à côté de lui. Il lui avait donné plus d’une dizaine d’enfants, constituant ainsi une famille très prolifique, et lui assurant une solide succession. Son seul défaut était sans doute d’être un brin paternaliste avec elle, mais Elena avait du mal à lui en vouloir, voyant en lui un homme de confiance, un allié solide, un inébranlable pilier dans les conflits sous-jacents qui minaient Nexus.
Quand Elena s’installa autour de la table, elle put voir que la Terranide miqo’te était là. Elle avait dressé le plan de table avec l’aide d’Arnaud, de Langley, et d’Adamante, et c’était elle qui avait insisté pour qu’O’kaya soit proche d’elle. En fait, elle était sur sa droite, au deuxième rang, le premier étant tenu par Adamante. Les deux premiers rangs sur sa gauche étaient tenus par de Maizière et sa femme. Elle était venue avec une très belle robe de soirée, légèrement provocante, ayant arraché quelques froncements de sourcils aux membres les plus conservateurs de l’assemblée.
« Mesdames et Messieurs ! intima Elena au bout de quelques minutes, instaurant rapidement un silence. Je propose de lever nos verres au nom de Sainte-Nathalie-de-Morcombes ! Puisse son nom rester béni dans les étoiles, et son aura toujours nous enseigner les saintes vertus de la tolérance et de la justice ! »
Tous levèrent leurs verres, et, furtivement, le regard d’Elena croisa celui d’O’kaya. Elle lui sourit légèrement, et but ensuite, avant de se rasseoir, suivie ensuite par tous les invités. Personne n’avait le droit de s’asseoir avant elle. Le protocole l’exigeait. Célestine se mit ensuite à parler, en se levant, retraçant la biographie de Sainte-Nathalie-de-Morcombes, en profitant pour inviter les convives à suivre les enseignements résultant de cette vie. Tandis qu’elle parlait, Elena, elle, regardait brièvement O’kaya, à nouveau.
Elena se pencha légèrement vers elle, tandis que les pages commençaient à servir l’entrée : des fruits de mer et du foie gras.
« Votre entreprise se porte bien, Madame Nyala ? » s’enquit la Reine.
-
Pour être franche, c'était bien la première fois que O'kaya voyait la reine en personne. A vrais dire, elle ne l'avait pas imaginée plus grande ou avec plus de prestance, pas en sachant où elle avait grandit, ni dans quelles conditions. La Miqo'te n'en avait pas l'air avec sa petite taille, mais elle était plus âgée que la reine, de quelques années seulement cependant. A coté d'elle s'assit une autre femme, sans doute sa garde du corps, alors qu'en face était assis celui qui l'avait aidé dans son affaire, probablement aux cotés de sa femme, une bien belle rousse.
- Mesdames et Messieurs ! Je propose de lever nos verres au nom de Sainte-Nathalie-de-Morcombes ! Puisse son nom rester béni dans les étoiles, et son aura toujours nous enseigner les saintes vertus de la tolérance et de la justice !
Tout les convives levèrent leur verre, avec une expression de profond respect, tandis que O'kaya pour sa part, se disait qu'ils devraient s'inspirer de cette femme, plutôt que d'oppresser les terranides vivant dans les bas fonds. Tous se r'assirent ensuite et une autre femme se leva, racontant la biographie de la sainte. Certains écoutèrent, réellement captivés ou simplement curieux, tandis que d'autres discutèrent entre eux et affichèrent un ennuis profond. La Miqo'te sourie discrètement. Pour un peu, cette cours ressemblait à une salle pleine d'élèves attendant la fin du discours de leur directeur, pour enfin attaquer le repas.
Lorsque les entrées arrivèrent enfin, O'kaya se servit en gambas, mais pas trop non plus, se doutant que la suite allait être plus copieuse encore. La jeune reine se pencha alors vers elle.
- Votre entreprise se porte bien, Madame Nyala ?
La Miqo'te tiqua un peu sur le "Madame", s'estimant encore assez jeune pour être appelée Mademoiselle, d'autant plus qu'elle n'étais pas mariée non plus, mais ne dis rien à se sujet, préférant répondre à la question d'Elena.
- Nous avons dû baisser un peu les salaires, le temps que notre entreprise retrouve son chiffre d'affairrrrre mensuel, mais les affaires vont bien mieux oui, surtout grâce à votre commande.
La seule note négative, c'était bien entendu la minorité de clients riches, qui ne venaient plus passer commande chez eux, principalement les vautours qui espéraient récupérer l'entreprise, ainsi que quelques amis de ceux-ci. Mais sincèrement, O'kaya préférait perdre quelques clients cupides, plutôt que de les conserver. Elle prit une bouchée de son plat, avant de poursuivre.
- Nous avons également pour projet de faire construire des habitations, autour de notre siège social, ceci afin d'amener les terrrranides défavorises des bas fonds, et leur permettre de vivre décemment, ainsi qu'obtenir un travail honnêtement payé. Il faudra par conséquent augmenter la sécurité.
Tout en mangent, elle lui expliqua entre chaque bouché qu'elle souhaitait malgré tout conserver la politique de l'entreprise, à savoir que seuls les terranides actuellement dans la misère seraient acceptés, que ce soit pour la construction des bâtiments ou la formation en tant que garde. Un tel projet était bien évidement couteux, mais cela amènerait en définitive à deux objectifs: dégorger les bas fonds et y ramener en partit le calme, et permettre aux terranides de se sentir plus citoyens qu'ils ne l'étaient à l'heure actuelle. Ces derniers pourraient ainsi vivre dans un environnement plus saint, mais appartenant toujours à Nexus. La Miqo'te en vint finalement à lui expliquer les raisons d'un tel projet, lorsque le plat principal arriva à son tour.
- Nous avons récemment découvert une grotte encore inexplorée, que ce soit par les humains ou même les nains, dans laquelle nous avons trouvés des minerrrrais précieux. Nous avons fait appel à un expert pour pouvoir faire déclarer le nouveau site d'exploitation comme notre, ce d'autant plus qu'elle se situe sur la même zone neutre que notre entreprise. Cependant, nous manquons de main-d'oeuvres pour l'exploiter, et il me semble plus judicieux d'offrrrrir du travail aux terranides dans le besoin, plutôt que d'utiliser des esclaves.
Certes, cela permettrait aux Bons Filons de gagner plus d'argent. Mais comme le dit argent était utiliser pour améliorer la vie des terranides plutôt que pour un intérêt personnel, cela ne pouvait qu'être bénéfique pour la réputation de Nexus. Au final, seuls les esclavagistes et les autres exploitant de mines, râleront contre un tel projet. Les uns pour le manque de proies, les autres pour l'éternel problème de concurrence.
-
En roulant des « r », O’kaya ne tarda pas à parler rapidement, et Elena, silencieusement, l’écouta. Elle avait suivi de loin les démêlés juridiques autour de son affaire, et la Reine regrettait de ne pas s’y être davantage mêlée. En filigrane, la Reine comprit assez rapidement ce qu’O’kaya souhaitait, en lui expliquant qu’elle cherchait à développer son activité en recrutant les Terranides des bas-fonds. La Reine savait que la situation sociale était catastrophique dans les quartiers défavorisés de Nexus. Elle ne touchait pas que les Terranides, mais ces derniers se sentaient principalement concernés, dans la mesure où ils étaient souvent rabaissés par les autres. C’était une véritable poudrière sur le point d’exploser, une superposition entre les inégalités économiques et sociales. Tous les sociologues et toutes les études historiques en arrivaient à la même conclusion : la superposition de problèmes sociaux et de problèmes économiques menait toujours à de graves situations, comme des guerres civiles. La solution d’O’kaya paraissait bonne, mais elle aurait besoin d’aide.
Elle expliqua avoir trouvé un nouveau filon, et être en train de chercher à en obtenir la propriété juridique. Elena, de son côté, n’avait rien dit, et son regard n’avait jamais trahi le moindre amusement, ou la moindre forme de condescendance, devant la manière qu’O’kaya avait de s’exprimer, en roulant les « r ». Elle savait que certains nobles se gaussaient de ça, et qu’ils désapprouvaient le choix d’avoir invité O’kaya. Arnaud de Maizière lui avait également dit que ce serait risqué, car O’kaya n’était pas noble, et était en opposition avec plusieurs autres nobles, qui pourraient se sentir offusqués du choix d’inviter O’kaya à sa table. Elena avait répondu en rappelant qu’elle était la Reine, et qu’il fallait le rappeler à certaines des vieilles familles nobles du royaume, qui continuaient à ne voir en elle qu’une gamine écervelée. Arnaud avait acquiescé, en comprenant ce choix, même s’il continuait à l’estimer dangereux.
« J’approuve votre politique, Madame Nyala. Mon père et ma mère désiraient abolir l’esclavage, et j’espère bien un jour pouvoir reprendre et mener leur héritage à son terme. »
La Reine l’avouait sans ombrages. Elle laissa ensuite O’kaya en paix, et dégusta l’entrée, savourant les crevettes et le foie gras. Au bout d’une demi-heure, elle annonça une pause d’une heure, environ, le temps que l’entrée principale soit prête. Elena se leva la première, puis ses invités à leur tour, et elle fit signe à O’kaya de la suivre.
« Prenez-moi le bras, Madame Nyala, s’il-vous-plaît... »
Dans son dos, Adamante retint un soupir, et les suivit de près. Elena déambula dans les couloirs du Palais, et arriva rapidement à hauteur des jardins du palais, s’avançant le long des remparts. On pouvait voir lamer se perdre au loin, ainsi que la côte. Un agréable vent soufflait cette nuit, et un magnifique ciel étoilé leur faisait face.
« Le Conseil royal a fait passer des ordonnances qui permettent à certains organismes de bénéficier de subventions publiques, si elles sont reconnues d’utilité publique. »
Elena continuait à marcher.
« Vous savez, j’ai suivi votre procès avec attention. Je ne pouvais pas m’y impliquer officiellement, mais je suis sincèrement contente que votre exploitation minière ait conservé son indépendance... Et je tiens à vous aider. Votre projet me paraît bon. »
La situation dans les bas-fonds ne cessait de se dégrader, et il était probable que l’exploitation recueille des Terranides.
« Si votre organisation est déclarée comme ayant un objet social d’utilité publique, elle pourra notamment accueillir les Terranides condamnés par la justice à subir des travaux d’intérêt général... En plus des subventions dont je vous parlais. Et, par ailleurs, si vous avez encore des démêlés judiciaires, je serais ravie de vous prêter l’assistance de mon propre conseil juridique... Le tout de manière officieuse. »
Elena ne pouvait décemment pas s’impliquer dans de telles situations de manière officielle, la Couronne se devant de rester neutre.
« Nexus est une terre de multiculturalisme, une civilisation qui est si grande parce qu’elle est cosmopolite...Je trouve ce racisme à votre égard insupportable, et c’est pour ça que je tenais à vous inviter, et à discuter avec vous, Madame Nyala. Il est tellement facile, de nos jours, de sombrer dans les clichés, et d’avoir une vision simpliste du monde... Je voulais que vous sachiez que vous n’êtes pas seule, et que toutes les familles de Nexus n’ont pas une vision étriquée du monde. »
-
- J’approuve votre politique, Madame Nyala. Mon père et ma mère désiraient abolir l’esclavage, et j’espère bien un jour pouvoir reprendre et mener leur héritage à son terme.
La Miqo'te hocha la tête, avant de reprendre le cours de son entrée, mais ses pensées tournées vers la reine. O'kaya ne se souvenait pas très bien de cette époque. Elle avait à peine 5 ans, lorsque les Ivory sont morts durant une tempête dévastatrice, mais elle se souvenait en revanche très bien du chaos subit par les terranides à l'époque. Avec l'absence des souverains légitimes, le marché de l'esclavage avait comme explosé dans Nexus, et les premiers touchés avait été bien entendu les terranides, même de classe moyenne. Si le clan Miqo'te n'avait pas été touché, c'était bien entendu parce qu'il s'était établi hors de la cité. Ironiquement, c'était cette explosion de l'esclavagisme, qui avait permis une première vague de recrutement massive des Bons Filons, l'entreprise étant jusqu'alors exclusivement Miqo'te.
Lorsque Elena se leva pour annoncer la pause d'une heure, O'kaya ne pu s'empêcher d'afficher sa surprise. Les cuisiniers n'étaient-ils pas sensés commencer à préparer la suite du repas, dès les entrées servies ? Elle n'était pas bien habituée aux us et coutumes de la noblesses après tout, alors cette surprise était légitime.
- Prenez-moi le bras, Madame Nyala, s’il-vous-plaît...
Elle hésita brièvement, avant de lui prendre le bras. Comme elle pouvait s'y attendre, il y'eu quelques indignations dans son dos, et elle put très distinctement entendre dans son dos un murmure à peine audible pour des oreilles humaines, dire "Comment cette terranide ose t-elle toucher la reine", mais elle préféra ne rien dire et suivi donc Elena jusqu'aux jardins suspendus, qui offraient un magnifique panorama sur la cité et la mer.
- Le Conseil royal a fait passer des ordonnances qui permettent à certains organismes de bénéficier de subventions publiques, si elles sont reconnues d’utilité publique.
La reine continua sur sa lancée et lui parla de ce dont son entreprise pourra bénéficier, si les ordonnances passaient, ainsi que son aide officieuse en cas de problème supplémentaires avec la justice, soit ses principaux concurrents. O'kaya en était heureuse, mais elle ne voulait pas abuser non plus d'une telle aide, et espérait surtout ne plus avoir affaire à la justice avant un bon moment. Néanmoins, si l'entreprise reçoit effectivement les dites subventions, cela ne pourra qu'aider pour la construction de nouveaux locaux et hébergements, ainsi qu'à l'aménagement de la future mine.
- Nexus est une terre de multiculturalisme, une civilisation qui est si grande parce qu’elle est cosmopolite...Je trouve ce racisme à votre égard insupportable, et c’est pour ça que je tenais à vous inviter, et à discuter avec vous, Madame Nyala. Il est tellement facile, de nos jours, de sombrer dans les clichés, et d’avoir une vision simpliste du monde... Je voulais que vous sachiez que vous n’êtes pas seule, et que toutes les familles de Nexus n’ont pas une vision étriquée du monde.
Cela, la Miqo'te voulait bien le croire, même si jusqu'à maintenant, beaucoup de nobles l'avaient déçus. Elle allait même jusqu'à se demander s'ils trouveraient normal d'être considérés comme des animaux du jour au lendemain, s'ils se retrouveraient soudainement avec des attributs animales. O'kaya sentit une migraine pointer le bout de son nez, face à ces pensés négatives.
- Tant que certain continueront de voir en les terranides de simples animaux dénués inintelligence, le changement resterrrra malheureusement difficile, j'en ai peur...
D'autant plus que le contraire était évidant, lorsqu'on constatait que les terranides étaient tout aussi capable que les humains, en observant le développement de son entreprise minière. Des animaux auraient été inaptes a en faire autant. Mais certaines familles nobles préféraient fermer les yeux et refusaient de croire à ce qu'ils appelaient eux même "une aberration de la nature". La Miqo'te amena sa main sur la tempe droite, se disant intérieurement que sa migraine n'étaient peut être pas forcément due à ses sombres pensés...
Quelque part dans le château, une vielle relique sous vitre commença à s'éveiller, libérant de douces effluves d'éther, visibles à l’œil nu.
-
« Tant que certains continueront de voir en les terranides de simples animaux dénués d’intelligence, le changement resterrrra malheureusement difficile, j'en ai peur... »
Elena hocha lentement la tête, sans rien dire. Il n’y avait rien à dire à cette assertion, tant elle était juste. Le principal problème du racisme venait de là, des clichés, des préjugés. Lutter contre eux n’était pas facile, car c’était toute une culture qu’il fallait faire évoluer. Le travail avait déjà commencé avec sa mère, Nöly, qui avait passé des ordonnances obligeant les administrations publiques à recruter davantage de Terranides. Ces derniers n’avaient pas encore le droit à des postes d’importance, comme être préfets, juges, ou être des officiers ministériels, comme des notaires. Elena espérait bien continuer à faire évoluer les choses en ce sens, mais le Conseil royal y était pour le moment assez hostile, compte tenu du climat social. Pour Elena, cet argument hypocrite était complètement faux, et même contreproductif, car elle estimait que favoriser l’élévation sociale des Terranides permettrait justement de dénouer ce climat social tendu, en leur offrant autre chose comme perspective de carrières que servir des humains.
La Reine y réfléchissait silencieusement, et vit alors la Miqo’te poser une main sur sa tempe. Elena fronça lentement les sourcils, comprenant que quelque chose n’avait pas l’air d’aller bien.
« Vous avez mal à la tête ? Une migraine due au voyage ? Nous avons des médicaments, si ça peut vous aider... »
Adamante tourna soudain la tête en fronçant les sourcils.
« Il se passe quelque chose... »
Surprise, Elena reporta son attention sur elle, sentant pointer les ennuis.
« Que... Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Adamante ne répondit pas sur le coup. Ses yeux étaient clos, et Elena savait qu’elle était en train d’étendre ses cercles de perception. Sans être la magicienne la plus puissante de Nexus, Adamante restait très douée. Elena lui faisait confiance, et Adamante, au bout de quelques secondes, se mit à parler :
« Je sens une force magique... Dans la salle des armes. »
La salle des armes était une grande galerie, une collection d’armes appartenant aux Ivory, leur collection personnelle. On y trouvait des armes et des armures venant de toutes les civilisations, généralement des armes diplomatiques offertes par des dignitaires étrangers lors de rencontres protocolaires. Des armes qui étaient constamment entretenues et nettoyées.
« Dans ma salle ? s’étonna Elena.
- Il n’y a personne dedans... Mais c’est curieux... L’objet émet une sorte de signal, de... De pulsation... Et il y a un écho ici. »
Elle désigna de son autre main Elena.
« M-Moi ?! lâcha Elena en clignant des yeux.
- Non, nuança Adamante en secouant la tête. C’est votre invitée, Majesté. »
O’kaya.
-
- Vous avez mal à la tête ? Une migraine due au voyage ? Nous avons des médicaments, si ça peut vous aider...
- Merrrrci Majesté, mais je ne pense pas que ce soit dû au voyage... J'en ai déjà fait de plus éprouvant que celui-ci...
Comme par exemple, son convois escorté, qui avait fait quelques morts lorsque les brigands l'avaient attaqués. Alors quoi ? Sans doute le vin qui était trop fort pour elle, et qui allait sans doute alimenter les moqueries des nobles, comme quoi les terranides étaient incapable d'apprécier du bon alcool sans défaillir... C'est alors que la garde du corps de la reine se retourna subitement, comme si elle avait ressentit la présence de quelqu'un proche.
- Il se passe quelque chose...
- Que... Qu’est-ce que tu veux dire ?
La femme ne répondit rien sur le coup et semble se concentrer d'avantage. De son coté, la Miqo'te se tenait toujours la tête d'une main en plissant les yeux. Son mal de tête sembla se stabiliser, sans diminuer toutefois. Après plusieurs secondes de silence, la rousse fini par répondre.
- Je sens une force magique... Dans la salle des armes.
- Dans ma salle ?
- Y a t-il un mage dans cette salle ?
- Il n’y a personne dedans... Mais c’est curieux... L’objet émet une sorte de signal, de... De pulsation... Et il y a un écho ici.
O'kaya commençait à comprendre où elle voulait en venir, même si elle avait un peu de mal à y croire. Et même si cette arme était responsable de son mal de tête, elle ne voyait pas non plus pourquoi maintenant, alors qu'elle était au palais depuis maintenant près d'une heure...
- M-Moi ?!
- Non. C’est votre invitée, Majesté.
O'kaya se tourna vers elle, à la fois surprise et, il faut le dire, un peu souffrante.
- Je ne suis pourrrrtant qu'une mineuse, je n'ai jamais... maniée d'arme de ma vie... Et quand bien même, pourquoi maintenant, alors... que je suis ici depuis une heure ?
La Miqo'te écouta les explication et hypothèses, essayant de comprendre, mais tomba soudainement à genoux en gémissant. Elle ne savait pas ce qu'était ce truc, mais elle ressentait comme un appel. Et pour le moment, tout ce qu'elle souhaitait, c'était que ce truc cesse de lui filler un tel mal de crâne.
- Gnnn... Ça... Ça m'appelle...
-
Adamante n’avait aucune réponse à fournir à O’kaya. Ses questions étaient justes, fondées, mais la magicienne n’avait absolument aucune idée de ce qui se passait. Pour être honnête, ce n’était pas tous les jours qu’une arme se réveillait dans la salle des armes de la Reine sans prévenir. C’était visiblement une arme puissante, car la magicienne ressentait son influence. Cependant, elle ne tarda pas à constater quelque chose d’étrange... Les autres magiciens ne semblaient pas avoir noté cette perturbation. Dans les jardins, Adamante reconnut une camarade, une autre magicienne, mais elle n’avait pas levé la tête. Et le fait qu’O’kaya la ressente aussi... Elena n’avait pas encore fait le rapprochement, s’inquiétant surtout pour le sort de son amie, mais c’était dans la formation d’Adamante de noter tous les détails, et de réagir en conséquence.
« Gnnn... Ça... Ça m'appelle... » avoua la femme.
La Reine était indécise. Elle ne comprenait pas vraiment ce qui se passait sous ses yeux, et Adamante hocha lentement la tête.
« Il faut y aller.
- Et bien... D’accord. »
Les trois femmes retournèrent dans le château, Elena ne tardant pas à mener la marche, s’avançant le long des vastes couloirs du Palais d’Ivoire. Le palais était plutôt grand, et, jadis, quand elle y était arrivée, elle s’était perdue à de nombreuses reprises. Maintenant, avec le temps, elle commençait à reconnaître la plupart des couloirs et des éléments composant son Palais. Elle s’avança jusqu’à un escalier, et le grimpa, rejoignant une double porte. Elle-même s’arrêta alors en chemin, portant sa main à sa tempe, et s’appuyant avec l’autre contre le mur.
« Hum...
- Majesté ?
- Ça… Ça va, Adamante… Je crois que j’ai un peu le tournis, moi aussi... Ça vient peut-être de l’alcool qu’on a servi ?
- L’alcool n’avait rien d’exceptionnel, contra Adamante. Je pense plutôt que ça vient de ce qu’il y a derrière cette double porte. »
Elena acquiesça lentement, et ouvrit la porte. Elle s’attendait à voir une sorte de phénomène surnaturel, comme si une arme était en train de flotter dans les airs, ou quelque chose comme ça... Mais la salle des armes était tranquille, et vide. Elle se composait d’une longue galerie avec des terrasses à droite et à gauche du couloir central. Il y avait une multitude de vitrines, chacune abritant des armes parfaitement entretenues. Cette salle des armes faisait partie du patrimoine personnel des Ivory, et certaines de ces armes valaient une véritable fortune.
Alors que les trois femmes s’avançaient, Elena commençait à voir l’arme en question... Dans l’obscurité ambiante de la salle d’armes, elle brillait au milieu de la nuit, comme une chandelle en pleine nuit. Adamante éclairait les femmes avec une boule magique, un instrument plus pratique que d’avoir une bougie.
« Qu’est-ce que c’est que ça ?! » s’étonna Elena.
-
Suite à une courte discussion, la reine retourna à l'intérieur, suivie des deux autres, et emprunta différents couloirs, si bien que O'kaya était certaine de se perdre si elle tentait de repartir seule. Lorsque le trio passa près d'une salle, la Miqo'te entendit des bruits de conversations, sans doute un salon dans lequel discutaient les convives, en attendant la suite du repas. Elle était même certaine que personne n'avaient remarqué leur absence. Lorsqu'elles arrivèrent devant une grande porte en bois, ouvragée, avec de nombreuses gravures évoquant des faits d'armes, la Reine eu à son tour un malaise, se tenant la tête en s'appuyant contre le mur. Visiblement, elles seules ressentait la puissante magie qui émanait de l'autre coté de cette porte, sans toutefois que la féline n'en comprenne la raison.
- Majesté ?
- Ça… Ça va, Adamante… Je crois que j’ai un peu le tournis, moi aussi... Ça vient peut-être de l’alcool qu’on a servi ?
- L’alcool n’avait rien d’exceptionnel. Je pense plutôt que ça vient de ce qu’il y a derrière cette double porte.
Comme Elena, O'kaya s'attendait à voir une manifestation surnaturelle. Et pourtant, il n'y avait rien de particulier, mis à part une vitrine qui brillait intensément, parfaitement visible dans l'obscurité. Grâce à l'orbe de lumière d'Adamante, puisque c'était ainsi que la reine l'avait appelée, elles purent y voir plus clair aux alentours. La Miqo'te put alors observer des dizaines d'armes et d'armures, alignées dans des vitrines ou sur des mannequins, sans doute minutieusement entretenues par le personnel durant la journée. Cependant, là où Adamante et la Reine voyaient une arme briller comme une lampe, O'kaya elle, voyait un véritable brasier de lumière entourer l'arme en question, des volutes d'éther verte et orange s'élevant malgré la vitre. La Miqo'te reconnaissait l'éther pour avoir déjà manipulée des pierres de même couleurs au sein de son entreprise, et identifiait ainsi les volutes éthérées comme étant ceux du vent et de la terre.
En s'approchant, de la vitrine, la Miqo'te ne pouvait que trouver logique d'imprégner l'arme de telles magies, puisqu'il s'agissait d'un arc composite (http://img11.hostingpics.net/pics/635422ArcRosenbogenpli.png), assez grand et agrémenté d'une coque métallique hérissée de pointes, sans doute pour parer les coups d'épées et lourdement blesser en corps à corps. Sans être une spécialiste, O'kaya pensait que l'éther de vent devait permettre d'accentuer la précision, même en cas de fortes rafales, tandis que l'éther de terre lui, devait assurer une bonne prise sur le sol, et ainsi un bon équilibre. Un tel arc devait sans doute être d'origine elfique, à n'en pas douter. Cela était d'autant plus probable, lorsqu'on avait connaissance des relations entre Nexus et les Haut-elfes, et leurs nombreuses rencontres diplomatiques dans la cité-Etat.
Apercevant un écriteau sur le cadre de la vitrine, elle le lut à voix haute, troublant le silence. Curieusement, son mal de tête sembla diminuer à proximité de l'arc.
- "Rosenbogen"... Sans être une spécialiste, je pense ne pas me tromper en affirrrrmant que cet arc ait autrefois appartenu à un haut-elfe... n'est-ce pas ? N'y a-t-il aucun moyen de l'éteindre ?
O'kaya était une terranide féline après tout. En tant que tel, elle était donc Nyctalope, et autant de sources lumineuses dans la pénombre, ça lui faisait un peu mal aux yeux, même si les deux autres ne s'en rendait sans doute pas compte.
-
« "Rosenbogen"... Sans être une spécialiste, je pense ne pas me tromper en affirrrrmant que cet arc ait autrefois appartenu à un haut-elfe... n'est-ce pas ? N'y a-t-il aucun moyen de l'éteindre ? »
Le Rosenbogen... La perturbation venait de là. Adamante sentait une curieuse force magique qui en sortait. Elle était magique, oui... Mais de façon particulière, différente de ce qu’elle ressentait habituellement. Elena observa l’arc en clignant des yeux, se demandant bien ce qu’il lui arrivait. O’kaya, de son côté, avait vu juste. Le Rosenbogen avait été offert par le Roi des Hauts-Elfes du Bosquet il y a plusieurs siècles. C’était un arc prestigieux, conçu aussi bien pour le combat à distance que pour le corps-à-corps, son armature renforcée lui permettant de contrer les épées n’ayant pas un acier trop solide. C’était un arc précieux, incrusté de gemmes magiques permettant d’enchanter les flèches avec des éléments magiques variables. Un arc de qualité pour un très beau cadeau diplomatique. Et, curieusement, le Rosenbogen n’avait jamais flamboyé comme ça.
Adamante observait désormais très clairement le lien entre O’kaya et le Rosenbogen, mais sans parvenir encore à le comprendre. Quel lien unissait donc cette femme à cet arc ? Et elles à lui ? Car Adamante et Elena sentaient aussi une certaine forme d’attirance. La magicienne se posait plusieurs questions, et, sans le dire, elle envisageait déjà certaines réponses... Était-il possible qu’O’kaya fasse partie des Immortels du Judicateur ? Treize Immortels, Adamante étant la première d’entre eux, qui devaient assister la Reine dans sa mission contre le Roi Cramoisi. Une prophétie typiquement elfique, empreinte de mystères et d’énigmes, car le Judicateur Suprême ne savait pas comment ce pouvoir fonctionnait. Venant de n’importe qui d’autre, Adamante aurait cru à un sinistre canular, mais elle savait que le Judicateur Suprême n’était pas un piètre magicien. Il était même considéré comme l’un des plus puissants magiciens de Terra, baignant perpétuellement dans la magie.
Elena se rapprocha de la vitre, et la caressa du bout des doigts.
« Le Rosenbogen a été confectionné par les Hauts-Elfes du Bosquet, oui... Il y a plusieurs siècles. Cependant, l’arme n’a jamais flamboyé comme ça auparavant. Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais j’ai des clefs... Je vais les utiliser pour ouvrir cette vitrine. Attendez-moi là. »
Adamante n’allait pas s’envoler, et elle s’écarta donc, tandis qu’Adamante continuait à inspecter l’arc. Il fallut attendre une petite minute, le temps qu’Elena revienne, tenant dans sa main un trousseau de clefs, qu’elle utilisa pour ouvrir la vitre. Il n’y avait aucune trace de poussière sur la vitre, confirmant le zèle des pages du Palais d’Ivoire. Le Rosenbogenétait extrêmement propre, bien entretenu, et il y avait même un carquois de flèches, de belles flèches elfiques (http://www.ambar-eldaron.com/images/philippe3.jpg).
« Maintenant que je me rappelle... Cet arc est une reproduction d’un arc qui servait à abattre des dragons. Il comprend plusieurs gemmes magiques permettant de regrouper les quatre éléments magiques primaires : le Feu, le Vent, la Terre, et l’Eau. Une fois réunis, ces quatre éléments permettaient de décocher des flèches surpuissantes, si violentes qu’elles pourfendaient les écailles des dragons. C’était l’arc d’Asrl, le Tueur de Dragons. »
Le Rosenbogen avait été construit à partir des débris de cet arc. La légende disait qu’Asrl avait abattu plus d’une centaine de dragons au cours de toute son existence avec cet arc. Elena attrapa l’arc entre ses mains. Il était assez lourd, et elle le tendit vers O’kaya.
« La légende elfique précise aussi que seul un héritier d’Asrl peut toucher cet arc, et qu’il l’appellera s’il le sent. »
Quand O’kaya toucha l’arc, la lueur vibrante qui l’entourait se dissipa, l’arc redevenant normal. Des runes brillèrent à sa surface, et Adamante croisa les bras.
« Je crois que tout dépend de la définition qu’on donne au concept d’« héritage ». Vous avez du sang elfique dans les veines, O’kaya ? »
-
- Le Rosenbogen a été confectionné par les Hauts-Elfes du Bosquet, oui... Il y a plusieurs siècles. Cependant, l’arme n’a jamais flamboyé comme ça auparavant. Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais j’ai des clefs... Je vais les utiliser pour ouvrir cette vitrine. Attendez-moi là.
O'kaya regarda la reine partir, et s'approcha d'Adamante, qui alternait régulièrement ses observations entre l'arc et la Miqo'te, cette dernière se demandant également quel genre de lien il pouvait bien y avoir entre elle et cet arme elfique. Certes, les Miqo'tes guerrières étaient connues pour Maîtriser l'arc aussi bien que les elfes, en faisant leurs principaux rivaux, mais entre les deux peuples, il y avait tout un monde, les uns vivants dans des forêts luxuriantes, et les autres dans des montagnes enneigées. De plus, comme O'kaya l'avait dit, la seule chose qu'elle savait manier aussi bien qu'une arme, c'était sa pioche. Autant donc dire qu'elle n'avait aucune connaissance en archerie. De là à imaginer que tout son être entrait en résonnance avec le Rosenbogen était donc, pour elle, difficile à croire.
Lorsque la reine revint, elle annonça dans le même temps que l'arc, bien qu'étant une reproduction, avait autrefois appartenu à un tueur de dragons, rien que ça. Non, décidément, la Miqo'te avait beaucoup de mal à faire le lien entre elle et un tueur de dragons elfique. La reine prit l'arme et, au vu de ses difficultés, l'arc semblait assez lourd. Et en y regardant de plus près, il était si grand qu'il faisait presque la taille de O'kaya.
- La légende elfique précise aussi que seul un héritier d’Asrl peut toucher cet arc, et qu’il l’appellera s’il le sent.
- Si la légende disait vraie, vous ne pourrrriez pas le toucher non plus, majesté...
Ceci dit, O'kaya le prit en main et... l'arc lui sembla étonnamment léger, le soupesant sans effort dans une seule main. Malgré sa taille et son armature, l'arme semblait légère et équilibrée. L'éther disparu aux yeux des deux autres, mais pas à ceux de la Miqo'te, qui continua de le voir incandescent. Des runes s'illuminèrent brièvement sur la surface de l'arc, comme s'il la reconnaissait comme sa nouvelle propriétaire.
- Je crois que tout dépend de la définition qu’on donne au concept d’« héritage ». Vous avez du sang elfique dans les veines, O’kaya ?
- Je ne pense pas non... Nos deux peuples n'ont jamais eu l'occasion de se croiser, de mémoire de Miqo'tes, malgré nos les talents communs en magie et en archerie... Je ne vois pas comment... Je...
O'kaya ressentit comme un puissant battement de cœur, alors qu'elle regardait Elena, et tout devint brusquement blanc...
~~~~~~~~~~
Elle se trouvait dans une chambre, la fenêtre donnant vue sur la mer. La pièce semblait avoir été dévastée par une quelconque tempête, les meubles étaient fracassés contre le sol en pierres taillées et les quelques peluches présentent, étaient déchiquetées. Au centre, une petite fille brune étaient prostrée au milieu d'un pentacle tracé par son propre sang. Une petite fille, devant laquelle se tenaient une femme à la chevelure blanche, encadrée par de moines.
- Qui es-tu, démon ? Comment oses-tu prendre possession de son es... ?!
- La ferme, salope ! Pute, tu es, pute, tu resteras ! Ivory est nôtre ! Crois-tu donc que tes fanfaronnades nous amusent ? L’OEil, Jamiël, l’OEil voit tout et sait tout. Penses-tu pouvoir empêcher la Grande Toile de se tisser ? Les Arachpites se gaussent de toi, et Nöly t’attend en Enfer, pour régler avec toi ses comptes. Sais-tu ce qu’elle ourdit ? Elle t’arrachera le cœur, elle l’exhibera de ses mains griffues, et le dévorera entre ses dents, le déchiquettera comme le mets le plus juteux qui soit.
- Il suffit, va-t-en !
La femme envoya un sort qui frappa la fillette de plein fouet. Ses yeux se révulsèrent, et elle s’écroula sur le sol... Avant de vomir un liquide noir. Elle fut évacuée ailleurs, pendant que la femme se pencha vers l'étrange liquide, puis la vision disparue dans une vive lumière.
~~~~~~~~~~
Lorsque O'kaya reprit conscience, elle se trouvait dans une infirmerie, le Rosenboben et son carquois posé sur une table. Elle ne pouvait encore le voir, mais ses yeux, autrefois couleur chocolat, étaient désormais d'un bleu clair et acéré.
-
« Vous lui avez montré cet ARC ?!
- L’arc l’appelait, et je pense qu’elle en fait partie...
- Oh non, pas encore cette histoire !
- La prophétie des Immortels n’est pas une simple histoire ! tempéra-t-elle.
- Une prophétie est toujours une histoire, Adamante. Tu aurais du m’en faire part tout de suite. Une invitée qui tombe dans les pommes... Tu imagines un peu ce que Ronald dirait s’il l’apprenait ?!
- Je ne vois pas en quoi la sécurité du Palais est en jeu, ou la mienne... Le Rosenbogen est un arc magique qui a réagi à...
- C’était DANGEREUX ! »
Les femmes se turent alors en entendant la Miqo’te remuer faiblement dans le lit. Elle avait été transportée dans l’infirmerie quand elle était tombée dans le coma en touchant le Rosenbogen, qui avait réagi avec elle, créant une perturbation magique, une sorte de « bang » magique qui avait été ressenti par les autres magiciens invités au Palais... Dont Jamiël (http://nsa34.casimages.com/img/2013/11/28/131128113703246496.jpg), la tutrice et marraine d’Elena Ivory. Elle était venue rapidement, et Adamante et Elena avaient du, patiemment, lui expliquer la situation. Adamante en avait profité pour exposer sa théorie : qu’O’kaya soit une Immortelle.
Jamiël avait immédiatement contesté cette vision des choses. Elle avait beau avoir d’importants pouvoirs magiques, elle était une femme désespérément rationnelle, peu encline à croire en la divination, n’y voyant qu’un art incompréhensible pour les charlatans. Comme elle aimait alors à le rappeler, le futur était incertain, flou, jamais figé, et la divination n’était qu’un trompe-l’œil. Connaître son futur ne servait à rien, si ce n’est à façonner ce dernier. Elena pensait surtout que Jamiël n’avait pas envie de se replonger dans la mort de Nöly et de Liam, qui avaient été deux de ses très proches amis. La jeune femme pouvait comprendre cela, et elle-même avait du mal à adhérer à cette histoire de prophétie divinatoire. La quête des Immortels... Le nom en lui-même était idiot, absurde, ne voulant pas dire grand-chose.
Elena nota que les yeux d’O’kaya avaient changé de couleur, et cligna des paupières.
« Euh... Vous allez bien ? Vous vous êtes évanouie, alors nous nous sommes inquiétées...
- Et vos yeux ont changé de couleur... C’est... C’est normal ? »
-
La Miqo'te était encore un peu vaseuse, retrouvant difficilement ses esprit, alors qu'elle parvenait tout de même à identifier l'endroit où elle se touvait. Elle distingua également trois autres personnes près d'elle, et il lui fallut encore plusieurs minutes, avant de les discerner.
- Euh... Vous allez bien ? Vous vous êtes évanouie, alors nous nous sommes inquiétées...
- Et vos yeux ont changé de couleur... C’est... C’est normal ?
O'kaya regarda Adamante sans comprendre, une franche interrogation dans le regard. Ses yeux avaient changés de couleurs ? C'était une blague, pas vrai ? Comment pourraient-ils changer de couleurs ?
- Euh... Je ne sais pas si mes yeux ont changés de couleurrrrs, mais j'ai... un peu mal à la tête...
Elle regarda autour d'elle, constatant que la reine ressemblait beaucoup à la fille de son rêve, mais ce fut surtout lorsqu'elle vit la femme à la chevelure blanche, qu'elle comprit que ce n'était pas qu'un simple rêve. Hésitante, elle se remit donc à parler.
- J'ai... J'ai eu une sorrrrte de... vision... Sans doute du passé... J'étais... J'étais dans une sorte de chambre dévastée... Et au centre, il y'avait... Une petite fille... dans un pentacle tracé avec du sang... Vous étiez dans la vision... vous aussi, précisa t-elle en désignant Jamiël. La petite fille parrrrlait d'Arachpites et d'un Œil, j'ai... J'ai pas tout compris...
Après ses explications, O'kaya reposa lourdement sa tête sur l'oreiller, tatant la table de chevet à coté, y cherchant un miroir, savoir si ses yeux avaient vraiment changés. A coté, l'arc émettait une chaleur réconfortante, qu'elle seule ressentait, et qui tendait à l’apaiser progressivement.
-
Adamante ne savait pas grand-chose sur les Miqo’tes, et elle savait qu’il existait certaines espèces animales qui pouvaient changer de couleurs de yeux, en fonction de la sécrétion de mélanines, et de particularités génétiques complexes. Néanmoins, O’kaya semblait aussi surprise qu’elles, ne comprenant pas ce qui lui était arrivé. Cependant, ce fut sa prochaine tirade qui étonna encore plus le trio, notamment Jamiël, dont les sourcils s’écarquillèrent de stupeur :
« J'ai... J'ai eu une sorrrrte de... vision... Sans doute du passé... J'étais... J'étais dans une sorte de chambre dévastée... Et au centre, il y'avait... Une petite fille... dans un pentacle tracé avec du sang... Vous étiez dans la vision... vous aussi. La petite fille parrrrlait d'Arachpites et d'un Œil, j'ai... J'ai pas tout compris... »
Adamante tourna la tête, croisant le regard de Jamiël, puis celui d’Elena, qui était étonnée. Adamante avait entendu parler de cet incident. Elena, elle, semblait l’avoir presque totalement oublié, mais Adamante se souvenait du remue-ménage que ça avait provoqué. Jamiël semblait troublée, et posa une main devant ses lèvres, ses joues devenant pâles comme un linge. Les Arachpites, l’Œil... Tout cela ne disait rien à Adamante, mais Jamiël semblait en savoir plus. Elena, de son côté, restait silencieuse, mais une lueur de suspicion éclairait son visage.
Elle cligna lentement des yeux, et leur parla :
« Qu’est-ce que ça veut dire, Jamiël ? »
Le Rosenbogen continuait à vibrer, et Elena en avait même presque oublié la Miqo’te. Jamiël, sans lui répondre, regardait O’kaya, se demandant probablement comment cette dernière connaissait cette histoire. Les moines ne l’avaient jamais consigné, sur demande expresse d’Adamante, et ils n’en auraient parlé à personne. Si cette information était devenue publique, si les nobles l’avaient su, ainsi que le Conseil royal, ils auraient eu un argument tout trouvé pour définitivement destituer la Reine, en invoquant une possession démoniaque.
« C’est... C’est une histoire compliquée, Elena, dont je ne t’ai jamais parlé... »
Adamante soupira, lassée par les hésitations de Jamiël, et répondit à sa place :
« Il restait dans ton organisme les traces du poison qui avait été utilisée sur ta mère pour l’empêcher d’avoir une grossesse à terme...
- Cette trace a resurgi lors de tes dix ans en une crise magique... »
Elena cligna lentement des yeux, n’arrivant pas à en croire ses oreilles.
« Hein ?
- Le Judicateur Althuis t’a soigné à cette occasion, et c’est pour ça que tu es revenue à Nexus. Je voulais te surveiller. »
La Reine se mordilla les lèvres. La crise... Elle s’en souvenait, très vaguement.
« L’Œil... C’est...
- Une référence au Roi Cramoisi, oui… Celui-là même qui voulait t’empêcher de naître. Et je pense maintenant pouvoir dire, sans me tromper, qu’O’kaya fait partie des Immortels que le Judicateur t’a demandé de retrouver...Et que ce Rosenbogen est son arme de prédilection. »
Jamiël ne put s’empêcher de soupirer, levant les yeux au ciel. Encore cette histoire... Mais il y avait quelque chose d’inexplicable là-dedans, d’un strict point de vue scientifique. Comment O’kaya pouvait-elle avoir vu cette scène ? Elle n’y était pas, et Jamiël savait que personne ne l’avait dit ! Pour Adamante, l’explication était simple à faire, et Elena, elle, était encore troublée, regardant Jamiêl avec une lueur de reproche.
Qu’est-ce que cette dernière lui avait encore dissimulé de plus ?
-
Visiblement, la vision du passé que la Miqo'te avait eue n'était pas qu'un simple rêve, vu les réaction de son assistance. Écoutant les explications de Jamiël d'une oreille, elle se saisit finalement d'un petit miroir et fronce les sourcil en observant ses yeux. Adieux ses jeux chocolat, ceux-ci avaient laissés place à des iris bleu glacés, qui lui donnait un air particulièrement acérés et froid. Et visiblement, ce n'était pas la seule chose qui avait changé en elle, si elle était désormais capable de voir le passé des gens d'un simple regard. Si c'était un pouvoir impressionnant, cela restait malgré tout assez dangereux. D'une part, elle pourrait voir des choses qu'elle n'est pas censé savoir, ce qui la mettrait dans des situations dangereuses et, d'autre part, ce pouvoir risquait d'être particulièrement handicapant, si elle s'évanouis chaque fois qu'il s'active.
- Il restait dans ton organisme les traces du poison qui avait été utilisée sur ta mère pour l’empêcher d’avoir une grossesse à terme...
- Cette trace a resurgi lors de tes dix ans en une crise magique...
- Hein ?
- Le Judicateur Althuis t’a soigné à cette occasion, et c’est pour ça que tu es revenue à Nexus. Je voulais te surveiller.
O'kaya se désintéressa de son reflet pour observer à la place le trio. Elle était un peu gênée, ayant l'impression d'assister à une conversation à laquelle elle n'était pas censé participer. Pourtant, c'était elle et sa vision, qui l'avait déclenchée. Et plus elle écoutait, plus la Miqo'te avait la sensation que toute cette histoire allait déboucher sur quelque chose de si important, qu'elle n'en imaginait pas encore l'importance.
- L’Œil... C’est...
- Une référence au Roi Cramoisi, oui… Celui-là même qui voulait t’empêcher de naître. Et je pense maintenant pouvoir dire, sans me tromper, qu’O’kaya fait partie des Immortels que le Judicateur t’a demandé de retrouver...Et que ce Rosenbogen est son arme de prédilection.
O'kaya écarquilla les yeux sous la surprise. Elle ? Une Immortelle ? Le terme pouvait prêter à confusion, mais de ce qu'elle en savait, la Miqo'te n'avait pas une vie éternelle. Et c'était quoi cette histoire de Roi Cramoisi encore ? Elle se redressa dans son lit, dans une position un peu plus droite, et se remit à parler.
- Euuuh... Cela vous ennuierait-il de m'expliquer un peu plus ? Qui sont ce "Roi Cramoisi" et ce "Judicateur" dont vous parrrrlez ? Et c'est quoi le rapport entre moi et ces... hmm... "Immortels" ?
-
Le passé continuait à revenir, encore et toujours. Elena avait les bras croisés, soupirant en sentant le passé affluer. O’kaya, elle, était totalement larguée, et ne tarda pas à le leur faire savoir :
« Euuuh... Cela vous ennuierait-il de m'expliquer un peu plus ? Qui sont ce "Roi Cramoisi" et ce "Judicateur" dont vous parrrrlez ? Et c'est quoi le rapport entre moi et ces... hmm... "Immortels" ? »
O’kaya, une Immortelle ? Elena considérait cette option. Elle savait qu’Adamante et Scydia en faisaient partie, mais elle ne s’était pas attendue à ce qu’une Terranide le soit ici. Un mauvais point pour la Reine, qui, malgré sa volonté, était imprégnée des préjugés répandues sur les Terranides. Ce fut Jamiël qui parla, expliquant que le Roi Cramoisi était le surnom donné à un ancien Empereur ashnardien, particulièrement cruel, qui avait été évincé du pouvoir par ses barons quand il était devenu évident qu’il était fou, et inapte à diriger, dilapidant la fortune de l’Empire dans des fouilles archéologiques dans les endroits les plus dangereux du monde, sans se soucier véritablement d’étendre l’influence territoriale de l’Empire. Il avait fini par dissoudre son propre Conseil Impérial, transformant la capitale ashnardienne en un immense mourir. Le Roi Cramoisi était une sorte de grosse araignée qui dévorait ses prisonniers, les faisant hurler pendant des heures, l’immense Palais impérial ayant à l’époque été transformé en une épaisse toile d’araignées, en abritant des milliers. Un endroit glauque et sinistre.
Les Nexusiens avaient entendu parler de cette histoire, car, à cette époque, Ashnard commençait à faire parler d’elle. Nexus était alors en bonne entente avec Tekhos, après une guerre qui s’était terminée il y a quelques siècles, et les Nexusiens craignaient que les troupes impériales ne finissent par les envahir. Sous la houlette du Roi Cramoisi, l’Ordre Immaculé avait déclaré hérétique l’Empire d’Ashnard, finissant par excommunier tout l’Empire quand le Roi avait massacré tout le clergé, ses troupes multipliant les pogroms et les rapts dans les colonies impériales.
« Personne ne sait exactement ce qu’il cherchait dans les fouilles qu’il effectuait ailleurs. Il n’hésitait pas à envahir des royaumes entiers simplement pour accéder aux fouilles. Généralement, les soldats ne ramenaient rien, et le peu qu’il ramenait était consigné dans le Palais Impérial, inaccessible.
- Il a été chassé du pouvoir par les colonies assujetties à l’Empire et par plusieurs des grandes familles fondatrices de l’Empire. La Guerre Civile du Roi Cramoisi est le nom donné à cet évènement. Le Roi s’est enfui, et, depuis lors, on le dit mort.
- Il s’est enfui dans ses anciennes baronnies, l’un des endroits les plus dangereux de Terra, proche du Mont Olympe : les Malterres de la Discorde, expliqua Adamante. Nul n’en revenant, il est supposé mort... Ce qu’il n’est visiblement pas. »
Jamiël partit ensuite sur le Judicateur, en expliquant que les Judicateurs étaient le nom humain donné aux mages du Bosquet des Hauts-Elfes de Nexus. Le Bosquet était un ancien arbre-géant, qui avait des millions d’années, et qui était le cœur d’un ancien grand royaume elfique, un royaume immense qui, jadis, s’étendait sur des milliers de kilomètres, englobant les terres de Nexus, et même l’archipel des Îles Mélisi. Avec le temps, ce royaume s’était réduit comme pot de chagrin, se réduisant finalement à ce qui en était sa source ; l’immense Bosquet, un arbre dont les racines étaient si profondes qu’elles puisaient dans de la pure mana.
Les Judicateurs étaient les magiciens, mais leur rôle ne se limitait pas qu’à la magie. Ils étaient aussi des conseillers spirituels et religieux. En somme, le Bosquet était un mélange atypique entre une monarchie forte et une théocratie, les deux institutions s’échangeant leurs pouvoirs selon les circonstances.
« Le Judicateur Suprême est l’autorité suprême du Bosquet. C’est un mage qui est réputé pour être l’un des plus puissants de Terra. Comme tu l’as compris, Nöly Ivory, feu la mère d’Elena, avait été empoisonnée il y a des années, afin que toutes ses grossesses se transforment en fausses couches. Le Judicateur Suprême l’a diagnostiqué, et a révélé en elle les traces d’un poison extrêmement complexe, qui lui avait été régulièrement injectée pour tuer son bébé, sans lui faire mal. L’un des composants de ce poison, sa base magique, était une goutte du sang du Roi Cramoisi.
- Or, le sang d’un mort ne produit presque aucun effet magique, surtout après des siècles... C’est la seule preuve tangible que nous ayons que le Roi Cramoisi est en vie, mais nous ne pouvons le dire à personne... Si les gens apprenaient que, pendant des mois, l’ancienne Reine était régulièrement empoisonnée au sein du Palais d’Ivoire, par ceux même en qui elle avait le plus confiance, le scandale serait dévastateur... Et l’autorité de la Couronne est déjà suffisamment amoindrie comme ça. »
Peu de personnes étaient au courant. Outre elles quatre, il y avait aussi Ronald Langley, ce qui expliquait en grande partie pourquoi il avait drastiquement renforcé les mesures de sécurité au sein du Palais d’Ivoire, veillant personnellement à ce qu’il n’y ait aucun traître au sein de la Garde royale et du personnel officiant au sein du Palais, n’hésitant pas à déployer les services secrets pour mener des investigations poussées.
« Le Judicateur nous a expliqué que, selon lui, le Roi Cramoisi voulait empêcher que la progéniture de Liam et Nöly naisse au monde, car elle aurait le pouvoir de réunir treize personnes... Treize personnes au hasard, qui auraient le pouvoir de supprimer pour de bon le Roi Cramoisi, et de l’empêcher d’accomplir ses funestes desseins. Malheureusement, j’ignore comment utiliser ce pouvoir, ni qui les Immortels sont susceptibles d’être... Et, vu la vision que vous avez eu, il me semble que vous en fassiez partie. »
-
O'kaya fut à peine surprise que ce roi Cramoisi ait été autrefois un Ashnardien. Ce peuple semblait rassembler et engendrer les pires démons qu'il puisse être possible d'imaginer, jusqu'au point de vouloir s'en débarrasser après. Cependant, elle trouva étrange sa... passion, pour l'archéologie. Surtout quand on sait que l'empire ne souhaite qu'une seule chose: la conquête de l'ensemble de Terra. La Miqo'te imagina alors de sombres artefacts enfouis sous terre, qui deviendraient des armes terrifiantes on tombant entre de mauvaises mains. C'était sans doute pour empêcher un tel scénario, qu'existaient les immortels. La bonne nouvelle, c'était que la cachette du roi Cramoisi était d'ors et déjà localisée.
Les femmes lui expliquèrent ensuite ce qu'étaient les Judicateur, des mages haut-elfes puissants, dirigés par un autre, dit suprême, versés également dans la religion et les conseils royaux.
- Le Judicateur Suprême est l’autorité suprême du Bosquet. C’est un mage qui est réputé pour être l’un des plus puissants de Terra. Comme tu l’as compris, Nöly Ivory, feu la mère d’Elena, avait été empoisonnée il y a des années, afin que toutes ses grossesses se transforment en fausses couches. Le Judicateur Suprême l’a diagnostiqué, et a révélé en elle les traces d’un poison extrêmement complexe, qui lui avait été régulièrement injectée pour tuer son bébé, sans lui faire mal. L’un des composants de ce poison, sa base magique, était une goutte du sang du Roi Cramoisi.
- Or, le sang d’un mort ne produit presque aucun effet magique, surtout après des siècles... C’est la seule preuve tangible que nous ayons que le Roi Cramoisi est en vie, mais nous ne pouvons le dire à personne... Si les gens apprenaient que, pendant des mois, l’ancienne Reine était régulièrement empoisonnée au sein du Palais d’Ivoire, par ceux même en qui elle avait le plus confiance, le scandale serait dévastateur... Et l’autorité de la Couronne est déjà suffisamment amoindrie comme ça.
La Miqo'te hocha la tête, comprenant tout à fait et imaginant sans mal ce qui risquait de se passer. Lorsqu'aucun Ivory n'était présent à Nexus, la situation entre les différents habitants s'était rapidement dégradée, les nobles et les riches commerçants écrasant les plus démunis en toute légalité, le taux d'esclavage augmentant drastiquement, ainsi que les sans abris. Même pour son clan et l'entreprise, à l'époque dirigée par ses parents, il avait été particulièrement ardu de la maintenir en activité, les attaques envers les employés se multipliant sans cesse, jusqu'au retour de la reine. Si elle était définitivement remplacée par le conseil de Régence, nul doute que les terranides n'auraient plus le moindre droit dans la cité-état, et que celle-ci seraient uniquement gouvernée par des esclavagiste et des commerçants avides et dénués de morale.
- Le Judicateur nous a expliqué que, selon lui, le Roi Cramoisi voulait empêcher que la progéniture de Liam et Nöly naisse au monde, car elle aurait le pouvoir de réunir treize personnes... Treize personnes au hasard, qui auraient le pouvoir de supprimer pour de bon le Roi Cramoisi, et de l’empêcher d’accomplir ses funestes desseins. Malheureusement, j’ignore comment utiliser ce pouvoir, ni qui les Immortels sont susceptibles d’être... Et, vu la vision que vous avez eu, il me semble que vous en fassiez partie.
O'kaya prit le temps de réfléchir. Si la reine ne savait pas comment utiliser son pouvoir, elle semblait au contraire s'en servir inconsciemment. Sans doute étai-ce elle qui, sans le savoir, avait détectée en elle un lien avéré avec tout ceci, et l'avais ensuite mise en relation avec son arme de prédilection.
- Je pense... que vous avez dû l'utiliser inconsciemment, en découvrant ce pouvoir en moi... C'est la seule explication qui me vient à l'esprit, pouvant expliquer le fait que l'arc ne m'ait appelé qu'après le début de notre converrrrrsation, dans le jardin, alors que j'étais présente depuis plus longtemps que ça...
La Miqo'te regarda son nouvel outil, avant de poursuivre.
- Même si cette arme est puissante, et doit sans doute permettre d'utiliser des techniques d'arrrrcherie avancées, je n'ai cependant aucune connaissances dans son maniement. Il va donc me falloir un entrainement poussé pour apprendre à m'en servir...
O'kaya se rallongea ensuite dans le lit, sentant qu'elle allait bientôt replonger dans le sommeil. Arrivée à l'origine en tant qu'invitée, elle était devenue, bien malgré elle, un individu clé dans la sauvegarde de Terra... C'est sur cette pensée qu'elle fini par s'endormir...
Deux jours plus tard, O'kaya était vêtue d'une tunique en cuir souple sur un terrain dégagé, derrière le palais, avec le Rosenbogen en main et son carquois dans son dos, et faisait face à son instructeur. Au vu de son "importance", on lui avait attribuée un entraîneur privé, qui en réalité avait été désigner pour instruire et entraîner les futurs Immortels, une élite désignée personnellement par la reine et destinée à accomplir de grande choses. Même si pour le moment, la dite élite faisait pâle figure à coté des soldats, surtout qu'il n'y avait pas de terranide et, plus généralement, de personnes aussi petites, parmi leurs rangs.
-
Lancélion de Tailleric (http://fc01.deviantart.net/fs70/i/2014/060/3/8/llustration_for_legend_of_the_cryptids_by_gpzang-d78fpmi.jpg) hocha lentement la tête.
« Pas mal pour une débutante... Mais très insuffisant pour rejoindre la garde personnelle de Sire Langley. »
L’homme était un chevalier nexusien assez jeune, mais très prometteur. Lancélion était un chevalier-itinérant qui avait été écuyer depuis l’âge de ses six ans, où il avait été choisi par un chevalier de passage pour devenir son apprenti. Il était le dernier né d’une grande fratrie dans un petit village nexusien reculé, et, de temps en temps, des chevaliers venaient pour se chercher des écuyers. Pour les parents, c’était une aubaine. Les chevaliers versaient une somme à titre d’indemnité, et ils avaient une charge en moins. De plus, si la formation marchait, leur fils devenait un chevalier. Le prestige s’en faisait beaucoup ressentir pour ces gens qui étaient de simples paysans, des fermiers, des roturiers... Et Lancélion avait été un écuyer très doué. Le chevalier l’avait versé dans le sarts de la chevalerie, lui apprenant l’arithmétique, la lecture, gambadant le long des plaines avec lui.
Maintenant, Lancélion avait été adoubé, et avait passé des années d’errance, avant que Ronald Langley ne le recrute pour devenir l’un des membres de la Garde Royale. Lancélion avait été honoré et surpris, car il estimait être un peu jeune pour rejoindre la Garde. Ronald lui avait expliqué que, après la mort de Liam Ivory, il avait profondément remanié le personnel du château, mutant à d’autres postes toute personne dont il n’était pas totalement fiable, ce qui l’amenait à en recruter d’autres. Il avait entendu les exploits de Lancélion de Tailleric, qui n’avait pas hésité à respecter ses vœux chevaleresques, au mépris de sa carrière politique. Il avait combattu des esclavagistes exploitant honteusement leurs sujets, bénéficiant du soutien des barons locaux. Lancélion était courageux, brave, il n’avait pas froid aux yeux, et il était très doué. Il avait été formé par un vieil ami de Ronald, Messire Patrick de Gweynedd, qui continuait encore à former de jeunes écuyers. Lancélion était un pieux chevalier, maîtrisant les arcanes de la magie, l’escrime, le combat au corps-à-corps, et qui portait sur lui un petit pistolet tekhan qu’il avait obtenu il y a plusieurs années. Ronald avait suivi avec attention la carrière de Lancélion, par le biais des services de renseignement de la Cour, épluchant, avec ses collaborateurs, pendant des journées entières, tous les dossiers des candidats potentiels. Un travail impressionnant, et, à plusieurs reprises, son nom était ressorti.
Sa mère avait fondu en larmes quand Lancélion lui avait dit qu’il travaillait désormais au Palais d’Ivoire, et qu’il leur reverserait une partie de son salaire, partie qui avait servi à financer la réparation de la toiture de leur grange. Ronald s’était avant tout intéressé à lui pour sa loyauté et ses principes. Lancélion ne supportait pas l’esclavage, et était très pieux, et, surtout, très respectueux des Ivory. Quand la Reine l’avait salué, en lui demandant de former cette Terranide, il avait accepté sans sourciller.
« Recommence, O’kaya. Il faut améliorer ta précison. »
Lancélion entraînait la Terranide dans l’une des cours du Palais d’Ivoire, à tirer sur des cibles d’entraînement assez éloignées. C’était un entraînement assez facile pour un commencement. Il ignorait à quelle fin la Reine souhaitait qu’il la forme, mais ce n’était pas dans ses habitudes de discuter ses ordres.
Elle était une Ivory, après tout.
-
O'kaya était venue en début de matinée avec une tenue de cuir adapté à l'archerie, qu'elle s'était achetée la veille, après avoir demandée conseil au vendeur. Quitte à s’entraîner, mieux valait ça, plutôt qu'une tenue de mineur ou civile. Après avoir fait la connaissance de son entraîneur, ils s'étaient rendus dans une arrière cours, et Lancélion lui avait alors demandé de tirer sur les cibles face à elle. N'ayant jamais utilisée d'arc, les débuts furent bien difficiles. Tout d'abords, la Miqo'te avait eu du mal à placer correctement sa flèche, celle-ci s'écartant bien trop souvent à son gout. Ensuite, ses tirs étaient peu puissant, et son trait tombait là encore, souvent à ses pieds. Puis, au fils des minutes, elle était finalement parvenue à tirer ses flèches, tirant dans le mur alors qu'elle visait la cible, et se rapprochant peu à peu de celle-ci.
- Pas mal pour une débutante... Mais très insuffisant pour rejoindre la garde personnelle de Sire Langley.
Cette remarque, l'homme la lui avait faite lorsque sa flèche avait touchée pour la première fois sa cible, juste au bord, au bout de deux longues heures. Au fond d'elle O'kaya était un peu fière d'elle, d'avoir réussi à touchée sa cible après s'être autant acharnée. La persévérance, voilà bien un trait de caractère propre à tout les membres de la race Miqo'te. Quelque soit le domaine dans lequel les Miqo'tes travaillaient ou s’entraînaient, ils persévéraient toujours, parfois au delà de leurs limites, jusqu'à atteindre leurs objectifs.
- Recommence, O’kaya. Il faut améliorer ta précision.
Elle se contenta d'hocher la tête, avant de mettre sa main derrière elle, attendant que la flèche disparaisse de la cible pour se rematérialiser dans son carquois, l'attrapant et l'encochant de nouveau. O'kaya continua ainsi encore deux heures. Parfois, elle réussissait à toucher la cible au centre, mais c'était encore bien trop rare pour qu'elle ne s'arrête, s'étant elle même imposer de ne s'arrêter que lorsqu'elle aura touchée le centre dix fois d'affilé. Puis au bout d'un moment, elle en eu juste marre et décida de changer de méthode.
Encochant une nouvelle flèche mais conservant l'arc baissé, la Miqo'te ferma les yeux et resta immobile. Adamanta et la Reine lui avaient affirmée qu'elle possédait un pouvoir, puissant et unique, qui justifiait le fait qu'elle soit une Immortelle. Pouvoir qu'elle était supposer avoir depuis la naissance. Jusqu'à présent, elle n'en avait jamais eu besoin, jusqu'à ce qu'il ne se manifeste lors de cette réception, deux jours auparavant. O'kaya resta donc là, comme en méditation, cherchant en elle ce pouvoir qui la rendait si unique. Il s'écoula une vingtaine de minutes environs, avant que son arc n'émette une lueur visible pour tous. Gardant les yeux fermés, elle se laissa guider par ce pouvoir, banda son arc et tira un trait, rapide et puissant, qui fila rapidement jusqu'à atteindre un obstacle.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, son sourire naissant se figea, avant de devenir un gémissement de déception. Elle avait complètement loupée la cible, probablement à cause de ses yeux fermés. Cependant, la flèche elle, s'était enfoncée de moitié dans le mur de pierre, la pointe ressortant de l'autre coté, encore vibrante sous la puissance du tir.
- Rhaaaaaaa !! Prrrresque !!
O'kaya prit une autre flèche, pendant que la précédente revenait à sa place, et visa de nouveau la cible. Maintenant qu'elle savait comment activer coincement son pouvoir, les choses n'en seront que plus simples...
-
Bras croisés, Lancélion la regardait faire. Le duo se trouvait au centre du Palais d’Ivoire, sans savoir que, depuis une fenêtre, Elena les observait. La réception était terminée, et la vie au Palais retrouvait son déroulement normal.
« Elle a encore du progrès à faire, nota Adamante en voyant une flèche se loger bien à côté de la cible.
- Oui... » répliqua distraitement Elena.
Adamante la regarda légèrement, sans rien dire. Elle connaissait suffisamment bien Elena pour savoir que cette dernière en voulait à Jamiël de ne pas lui avoir dit à quel point sa transformation avait été terrible. La magicienne savait qu’elle encaissait une partie de sa rancœur, car elle avait toujours veillé sur elle, et, étant plus âgée qu’elle, mais aussi externe à ce sortilège, elle en conservait un meilleur souvenir, son esprit n’ayant pas cherché à le refouler. Il était notable que la Reine lui en voulait : elle évitait de croiser son regard. Elle retourna s’asseoir derrière son bureau, devant différents papiers. Elle devait signer plusieurs décrets rendus en Conseil. Il s’agissait d’arrêtés sans grande importance. Il y en avait un portant sur la réglementation applicable à la pêche de loisir des espèces dont la pêche professionnelle est soumise à imposition, ainsi que différents arrêtés fixant le nombre de places disponibles pour certains postes de la fonction publique. Elle les lisait silencieusement, avant d’user de sa plume pour écrire proprement son nom, dans un silence assez pesant.
La magicienne finit par soupirer, puis reporta son attention sur la fenêtre. Jamiël s’était chargée de l’enseignement magique d’O’kaya. Elle n’avait toujours pas indiqué explicitement qu’elle croyait à la prophétie des Immortels, mais elle admettait volontiers qu’O’kaya avait un pouvoir magique étrange. Faute de lui avoir trouvé un autre nom, Jamiël l’appelait pour le moment « l’Écho », car il amenait O’kaya à avoir des visions du passé des autres, notamment des souvenirs marquants. Il était probable que le souvenir qu’O’kaya avait eu venait de Jamiël, car le souvenir de la fille de Nöly hantée par un monstre démoniaque l’avait profondément marqué, et avait justifié bien des choses entre elle et Ronald Langley, notamment le profond remaniement et l’encadrement très strict que Langley appliquait au sein du personnel officiant au sein du Palais d’Ivoire.
O’kaya continuait à décocher ses flèches, Lancélion lui parlant pour lui donner des conseils. Il était plutôt mignon, et Adamante lui avait déjà fait l’amour. Cependant, elle n’irait jamais l’avouer à qui que ce soit.
« Est-ce que tu penses que je suis un monstre ? » demanda alors Elena en reposant son encrier.
Surprise, Adamante se retourna, et put voir une profonde détresse dans les yeux de la Reine.
« Un monstre ? répéta Adamante. Elena…
- Ça me torture ! Et si j’étais encore sous la possession de ce démon ? Et si... Et si mon âme n’était qu’une noirceur profonde ? »
Elle se prit la tête entre ses mains, et Adamante se rapprocha d’elle, et tendit ses bras, prenant Elena contre elle, la tête de la Reine allant s’enfouir dans le creux de ses seins. Avec une main, elle lui caressait tendrement les cheveux.
« Tu es une femme qui a du cœur, Elena. Tu as hérité de toute la gentillesse de ta mère. Si tes parents te voyaient, ils seraient fiers de toi, car tu es leur digne héritière. Je ne connais aucune femme plus généreuse que toi. Tu t’inquiètes sans arrêt du sort des Terranides, et tu rêves de rendre cette société plus juste, plus droite, de concilier les intérêts de groupes qui sont opposés entre eux. Tu réagis comme une Reine devrait le faire, en pensant à l’intérêt souverain de la Nation, en refusant de favoriser tel ou tel intérêt privé en pensant, avec l’hypocrisie qui sied à bien des dirigeants, que l’intérêt public se contente d’une capitalisation d’intérêts privés et individualistes. »
Elena releva la tête, en souriant légèrement, un sourire fugace sur ses lèvres :
« Je ne te savais pas politicienne..., plaisanta-t-elle.
- Je suis une magicienne. C’est une conséquence naturelle de ma fonction. »
Elena lui sourit à nouveau, retournant ensuite enfouir sa tête contre ses seins. Elle les trouvait confortables, et ferma les yeux. Adamante savait que, chez Elena, ce geste était innocent, mais, chez elle, elle rougissait de plus en plus quand Elena se frottait ainsi contre son corps. La Reine avait pris l’habitude de dormir sur ses seins, car ils étaient très confortables, formant comme deux petits oreillers.
« Désolée Adamante, c’est juste que... Tout ça me dépasse un peu... Ces magies, ces histoires de prophétie...
- Je sais, Elena... C’est une histoire de fous, ce qui nous tombe dessus, hein ? »
Elena ne l’aurait pas dit autrement. Une véritable histoire démente, mais à laquelle elles ne pouvaient pas échapper.
De son côté, Lancélion continuait à former O’kaya sur sa posture, et sur l’importance qu’il y avait à bien contrôler sa respiration, et à lutter contre les infimes tremblements nerveux qui parcouraient les doigts. L’un de ses exercices pour maîtriser mieux sa tension nerveuse était des jeux d’adresse, consistant à glisser une main au milieu d’un jeu de cordes. Les cordes étaient très proches des doigts, et, si les doigts remuaient, les cordes tombaient. L’idée était ainsi d’apprendre à limiter autant que possible ces tremblements, ce qui passait notamment par une bonne régulation de la respiration.
« Si tu te concentres trop sur ta visée, tu en oublies de contrôler tes mains, et le résultat, prévisible, est que ta flèche se mange le mur. Certains archers s’amusent à dire qu’ils visent avec leurs mains et avec leur cœur. C’est une image, certes, mais qui transcrit une certaine réalité : il faut tenir compte de tout son corps pour réussir un bon tir. Ceci passe notamment par une bonne position des jambes. L’exercice est encore plus difficile quand on porte un arc lourd et grand comme le tien. »
Le Rosenbogen était indéniablement une belle mécanique. Les armes entreposées dans la galerie d’armes de la Reine étaient de toute façon des armes très réussies, prestigieuses, belles, élégantes, et puissantes. Lancélion la laissa encore décocher quelques coups supplémentaires, avant d’arrêter l’entraînement.
« Tu vas avoir droit à ton exercice de méditation avec Jamiël, maintenant... Tu fais des progrès, O’kaya, c’est plutôt positif. »
Lancélion aurait pu prendre le Rosenbogen pour aider la Terranide, par pure galanterie, mais il avait déchanté à la fin de la première leçon. Quand il avait attrapé l’arc, il était devenu aussi lourd qu’un bloc de béton, et il avait été incapable de le soulever. C’en était presque vexant, mais il avait fait avec, et la laissait donc seule avec son arc magique. Un arc qui était plus grand qu’elle.
Il n’y avait bien que les elfes pour faire ça.
-
Toujours très occupée à apprendre à mieux maîtriser son arc, O'kaya écoutait en même temps les conseils de son instructeur. En même temps, ce qu'on lui demandais, c'était d'apprendre en quelques semaines ce qu'un archer faisait en presque un an d'exercices. Jamais de sa vie elle ne s'était autant concentrée sur le maniement d'un outil. Une pioche demandait nettement moins d'effort, il suffisait seulement de viser le même point d'impact à chaque coup porté, pour maximiser l'efficacité, ainsi qu'une certaine forme physique. Au contraire, l'arc demandait, en plus de la visé, un contrôle total de l'ensemble de son corps, et ce d'autant plus que le Rosenbogen était, effectivement, plus grand qu'elle, ce qui l'obligeait à le tenir droit devant elle et légèrement surélevé pour éviter qu'il ne racle le sol. Forcément, ce truc était taillé pour un haut-elfe, pas pour une petite terranide d'un mètre cinquante comme elle.
- Tu vas avoir droit à ton exercice de méditation avec Jamiël, maintenant... Tu fais des progrès, O’kaya, c’est plutôt positif.
- Pffiouuu...
O'kaya souffla et remis son arc dans son dos. Pas le temps de prendre une pause, elle enchaînerait toute la journée durant, ainsi que les jours à venir. Même si la méditation ressemblait à une sieste d'un point de vu extérieur, c'était tout aussi exténuant, car cela faisait appel à une intence concentration intérieur, à devoir rechercher dans son esprit le "noyau magique" de son pouvoir, pour mieux le Maîtriser. Depuis l'incident déclenché par l'obtention de son arc, la Miqo'te n'avait plus vue les souvenirs de quiconque. Soit il ne se déclenchait que face à des personnes clé des évènements importants à venir, soit il se déclenchait totalement aléatoirement, qu'importe la personne en face d'elle.
O'kaya remercia son instructeur pour les exercices effectués – ainsi que pour ses précieux conseils – et se mit en route vers le bureau de la mage. En chemin, elle croisa quelques gardes et personnels du palais. Il était étrange de voir l'évolution de comportement des autres vis-à-vis d'elle. Autrefois, les gardes la regardait comme pour lui dire qu'elle n'avait pas sa place dans des lieux de haute société, ou même simplement publique. Un jour, on lui avait même demandé où était son collier d'esclave. Depuis qu'elle avait son arc dans son dos, les regards avaient changés, et O'kaya notait parfois du une certaine forme de respect chez les gardes, là où elle voyait au contraire plus de colère chez certains nobles. Ou de la jalousie peut être, elle ne savait pas encore. Pour sa part, la Miqo'te avait encore du mal à admettre son nouveau statut, et se demandait comment sa sœur s'en sortait avec l'entreprise.
Finalement, O'kaya frappa à la porte de la mage, et ouvrit la porte une fois qu'elle en reçut l'autorisation.
- C'est moi, je viens pour ma séance de méditation.
Même si elle n'était qu'une instructrice pour elle, en tant que Terranide libre, la Miqo'te avait quelques difficultés à prononcer les mots Maître ou Maîtresse.
-
La sceptique Jamiël, qui avait toujours du mal à croire aux prophéties, était loin d’être une magicienne faible. La tutrice d’Elena avait suivi des études magiques à Nexus, et elle descendait d’une bonne famille, où il était assez fréquent que l’un des membres de la famille, s’il avait des prédispositions magiques, rejoigne ce cercle. Les magiciens avaient un rôle politique indéniable à Nexus, car ils avaient une portée sociale, et finissaient souvent à des fonctions prestigieuses, conseillant des ducs, des rois, ce genre de personnes influentes. Adamante en était un parfait exemple, et Jamiël aussi, puisqu’elle avait fini par siéger au Conseil royal, ayant surtout pour fonction d’y représenter Elena, le temps que la véritable Reine soit suffisamment mâture pour pleinement assumer ses fonctions. En attendant, Elena restait ce qu’elle était : sa fille adoptive, et Jamiël veillait à ses intérêts. Pour elle, entraîner O’kaya était une bonne idée, mais elle n’en comprenait pas vraiment l’utilité. Sceptique, elle restait pour autant lucide. Le Rosenbogen avait réagi à son contact, ce qui était étonnant... Non seulement parce qu’il n’avait jamais réagi envers qui que ce soit, mais aussi parce que, venant d’un arc elfique, Jamiël s’était plutôt attendue à ce qu’il réagisse au contact d’un elfe. Fallait-il, dès lors, en déduire qu’Elena avait raison quand elle lui parlait de ses Immortels, de la quête du Judicateur, et des prophéties sur la fin du monde ? Jamiël éprouvait toujours quelques doutes, trouvant que ces explications avaient un ton mélodramatique qui ne convenait pas vraiment à son comportement. C’était le genre d’histoires que des enfants pourraient se raconter, mais elles n’étaient plus des gamines. Elles avaient en charge un important royaume, et la tutrice ne voulait pas que la Reine se perde dans des élucubrations de ce genre.
*La tempête qui a détruit sa famille et brisé la royauté n’a jamais pu être expliquée...* songeait-elle.
Les multiples enquêtes menées par la suite n’avaient permis de rien révéler, si ce n’est d’arriver à une seule conclusion : le cyclone tropical était trop puissant pour éclater ici, et son origine n’était pas naturel. Est-ce que c’était une punition divine ? Jamiël savait que certains avaient soutenu cette hypothèse, mais elle ne pouvait pas croire que les Dieux se soient débarrassés d’un être aussi juste que le Lion de Nexus, un individu qui, pendant tout son règne, n’avait eu de cesse de promouvoir la tolérance, la liberté de culte, en atténuant, autant que faire se peut, l’influence de l’Ordre Immaculé. Une tâche qui était loin d’être aisée, et, pour cela, Liam méritait vraiment toute sa reconnaissance.
Jamiël y réfléchissait dans sa chambre, en lisant un livre, quand on s’annonça à elle. O’kaya n’était pas en retard, et elle espérait que Lancélion ne l’avait pas épuisé à la tâche. C’était un homme courageux et valeureux, plein de passion. Jamiël l’appréciait beaucoup, et l’avantage de caler une séance méditation magique après ces exercices physiques était que, ce faisant, la Terranide pouvait reposer son corps, la méditation ne faisant appel qu’à son esprit.
« C'est moi, je viens pour ma séance de méditation. »
La magicienne acquiesça en hochant la tête :
« Oui, je t’avais senti venir. Approche, O’kaya. »
La porte se referma comme par magie derrière elle. Les appartements de Jamiël étaient plutôt spatiaux, comprenant plusieurs pièces, et la tutrice déambula un peu.
« Tu veux manger quelque chose avant de commencer ? J’espère que ton séjour au Palais se passe bien. »
Il était naturel que Jamiël se renseigne un peu. La Terranide devait être un peu déboussolée, comme elle quand elle avait fini par décider de manière définitive au Palais d’Ivoire.
C’est qu’il était grand !
-
- Oui, je t’avais senti venir. Approche, O’kaya.
Ayant reçue l'autorisation d'entrer, la Miqo'te pénétra donc dans les appartement de la mage, toujours aussi impressionnée que la première fois, par la quantité d'ouvrages entreposés sur les étagères. Non pas qu'elle n'avait jamais vue de livre auparavant, mais il fallait avouer que ceux-ci étaient en grande majorité dédiés à la magie. O'kaya elle, était bien plus habituée aux livres de comptes.
- Tu veux manger quelque chose avant de commencer ? J’espère que ton séjour au Palais se passe bien.
- Je veux bien un petit quelque chose oui... L'entraînement a été un peu éprrrrouvant...
O'kaya alla s’asseoir sur un siège après avoir posée son arc dans un coin, et attendit sagement que la femme revienne avec un petit quelque chose à grignoter, ne serai-ce pour reprendre quelques forces. Lorsqu'elle revint, la Miqo'te la remercia d'un signe de tête et croqua dans la viennoiserie.
- En ce qui concerne le palais... J'avoue qu'il m'arrrrive parfois de me perdre... Heureusement, certain gardes m'indique la bonne direction. Cependant, je crains que beaucoup aient du mal a admettrrrre qu'une terranide n'ait rejoint leur rang.
O'kaya ne se plaignait pas, elle faisait une simple constatation. A Nexus, les terranides étaient habitués depuis longtemps au comportement et à la considération que leur portaient la plupart des autres races. O'kaya plus que les autres n'en était pas affectée, parce qu'elle avait réussie à s'en sortir, grâce à l'entreprise de sa famille. Le mépris des humains n'avait aucun effet sur elle, à part peut être un peu de pitié pour les concernés. En résumer, elle n'adressait la parole qu'à ceux et celles qui la reconnaissaient comme une des leurs.
Elle continua de manger jusqu'à ce qu'il ne reste plus une miette de sa pâtisserie. Elle était désormais prête pour sa leçon.
-
Les relations entre humains et Terranides étaient toujours très compliquées. Les préjugés étaient difficiles à battre en brèche, et, même si Nexus était une cité cosmopolite, prônant officiellement l’égalité entre toutes les espèces, Jamiël était bien placée pour savoir qu’il existait un double discours. Outre la version officielle, légale, inscrite dans la loi, dans les ordonnances et lois royales, il y avait aussi toute une pratique visant à voir, non seulement les Terranides, mais aussi, plus généralement, les « non-humains », comme des éléments nuisibles, des voleurs, des profiteurs, des soudards. Ils venaient à Nexus, une cité humaine, pour voler du travail, se regroupant entre eux pour monopoliser certains secteurs d’activité, et n’en faire bénéficier que les leurs. La crise économique qui grondait et enflait depuis des années donnait lieu à une sectorisation de la société, au développement du communautarisme, de la jalousie et de la convoitise. Les Terranides étaient vus, soit comme des esclaves n’ayant pas voix au chapitre, et sur lesquels les humains pouvaient libérer toute leur frustration, soit comme des voleurs venant de la forêt pour s’accaparer les biens et les denrées des marchands. Derrière ces clichés, il y avait toute une réalité, sombre et sinistre. L’augmentation des Terranides était avant tout due à la guerre entre Nexus et Ashnard, une guerre qui avait amené à la destruction de nombreuses forêts et de zones rurales, contraignant les habitants à fuir, à fuir massivement vers Nexus, et à s’entasser dans des camps de réfugiés bâtis à l’intérieur des forteresses qui jalonnaient la ville. La cité-État n’était plus aussi resplendissante qu’avant, car les richesses étaient mal réparties. La distribution de la fortune ne s’opérait pas selon un schéma censé faire bénéficier l’intérêt public, mais seulement celui d’intérêts privés. Autrement dit, les riches s’enrichissaient, et les pauvres s’appauvrissaient, contraints de vivre dans la misère, et d’accepter n’importe quel boulot, même le plus infâmant possible, pour avoir de quoi se nourrir et nourrir leurs familles. Jamiël avait bien conscience de cela, et en était chagrinée.
Le rêve de Nöly, le rêve de son ancienne grande amie, avait toujours été d’unifier Nexus, d’aider à ce que Nexus retrouve de sa splendeur. Malheureusement, la cité était tombée entre les mains des bourgeois, entre les mains de nobles corrompus, de guildes qui avaient gagné une telle puissance qu’elles ne respectaient plus la Couronne, mais se considéraient comme son égal. Le sentiment royal s’était délité, le sentiment d’appartenir à une cause commune s’affaiblissait progressivement, la Couronne n’étant plus vue que comme un bouclier pour repousser Ashnard… Pour l’heure. Jamiël savait que tout cela était compliqué, elle savait que la philosophie libérale tekhane avait contaminé Nexus, et qu’elle avait su s’imposer dans la ville, dans cet espoir fou que, peut-être, le secteur privé nexusien réussirait à permettre ce bond technologique dont les Tekhanes avaient bénéficié… Mais, après plusieurs générations de cette politique économique reposant sur la confiance dans le secteur privé, les résultats étaient catastrophiques. Certes, la ville s’était globalement enrichie, mais elle s’était aussi individuellement appauvrie. Jamiël n’était pas une économiste, et elle ne siégeait au Conseil Royal que parce Nöly l’avait clairement désigné comme représentante légale de sa fille en cas de disparition de ses parents, mais elle voyait bien que les conseillers royaux, dans leur écrasante majorité, étaient plus préoccupés par l’idée de conserver leurs domaines, que par celui d’agir pour l’intérêt de la Nation.
On retrouvait avec O’kaya les conséquences lointaines de cette situation alarmante. Même les Gardes Royaux ne pouvaient s’empêcher de se dire que cette femme n’avait rien à faire là.
*Quel monde t’ai-je légué, ma pauvre Elena ?*
Elle avait toutes les raisons du monde de ne pas croire à la prophétie des Immortels. C’était un rêve d’enfant, un rêve d’aventure et de grandes quêtes, mais Elena avait déjà une grande et difficile aventure à mener : lier les familles nobles, obliger les guildes bourgeoises à se rappeler qui était la tête dirigeante de Nexus, parvenir enfin à mettre fin à la guerre, et lutter contre la hausse de la discrimination et de l’antisémitisme. Des chantiers pharaoniques qui nécessiteraient, de sa part, un dévouement profond. Pouvait-elle vraiment se permettre, en parallèle, de songer à ces inepties sur les Immortels ? Elena avait la tête dans les étoiles, mais il fallait lui rappeler qu’elle se devait d’avoir les pieds sur terre.
Laissant O’kaya manger, Jamiël réfléchissait. Elle avait essayé de l’en dissuader, à plusieurs reprises, mais Elena n’était pas la fille de Liam Ivory pour rien. Le Lion de Nexus avait toujours été un éternel têtu, difficile à faire changer d’avis. Seule Nöly avait la bonté d’âme et la patience nécessaires pour amener son époux à reconsidérer certaines de ses options. À quoi fallait-il s’attendre d’autre, de la part d’une fille de telles personnes ? Et ceci chagrinait Jamiël… Elle aurait aimé qu’Elena ait une enfance normale.
*Est-ce que je me voile la face ? se disait-elle. Est-ce pour cela que j’accepte de former cette Miqo’te ? Parce que je sais, au fond de moi, que l’accident qui a quasiment annihilé la lignée royale, et détruit des centaines d’âmes, n’avait rien d’un simple phénomène météorologique ?*
Pragmatique, Jamiël savait que le cyclone qui avait ravagé le Royal’s Wings et toute la flotte accompagnant le yacht royal n’était pas lié à de simples intempéries climatiques. Si la conclusion officielle du rapport avait été dans ce sens, Jamiël savait que quelqu’un avait provoqué cette tempête. Or, elle n’avait jamais entendu parler d’un seul magicien capable de réunir suffisamment de mana pour créer un cyclone de cette puissance. Seul Maerlyn en avait le pouvoir, et Maerlyn était un mage légendaire, dont l’authenticité historique était continuellement remise en cause. Dès lors, le seul suspect venait de l’Olympe, mais Jamiël savait que les Olympiens n’étaient pas responsables de cette catastrophe. Elle avait elle-même eu droit à une audience avec Zeus, qui lui avait dit que ce crime impardonnable n’était pas de son ressort. Par conséquent, il n’y avait pas énormément d’explications pour justifier l’origine de ce cyclone… Mais le dire revenait à accepter l’histoire d’Elena, et à imposer sur ses frêles épaules davantage de responsabilités, ce à quoi Jamiël se refusait, probablement par une certaine forme d’hypocrisie maternelle. Elle savait qu’elle n’avait pas été une bonne mère envers Elena, mais tout avait été si difficile à l’époque… Elle qui n’avait jamais eu la fibre maternelle avait dû vivre avec l’éducation d’Elena, et le poids d’un deuil national immense sur le cœur. Et, même maintenant, elle continuait à souffrir du syndrome du survivant, repensant à ce moment fatidique où elle avait dit à Nöly de ne pas écourter son voyage de noces visant à célébrer la naissance d’Elena, et qu’elle irait elle-même porté le bébé.
*Si je n’avais rien dit, Nöly et Liam auraient été dans le monastère quand la tempête a éclaté…*
Ou peut-être que le cyclone aurait éclaté au sein du monastère, mais Jamiël avait plutôt tendance à suivre la première théorie… Le syndrome du survivant.
La Terranide avait fini de se restaurer.
« Bien… Nous allons commencer les exercices. »
Jamiël s’assit en tailleur, et commença donc à méditer. L’entraînement risquait bien de durer tout l’après-midi.
-
- Bien… Nous allons commencer les exercices.
C'est partit. O'kaya savait ce qu'elle avait à faire : Imiter Jamiël et s’asseoir en tailleur à son tour, fermer les yeux et se concentrer sur elle même, à la recherche de son moi intérieur et la source de son pouvoir. Ce n'était toutefois pas une mince affaire. Cela faisait déjà deux jours que la Miqo'te faisait cet exercice et, pour le moment, à part avoir manquée de piquer du nez, elle n'avait pas trouvée grand chose. C'était comme de demander à un pur novice en magie de faire éclater une tempête de foudre. Durant une bonne partie de l'après midi, O'kaya écouta les conseil de la mage, réguler sa respiration, écouter les battements de son cœur, etc...
Sans doute avait-elle fini par s'endormir de nouveau, à force de rester assise à ne rien faire, car la jeune féline se retrouva dans l'espace... sans doute une représentation mentale du vide abyssale dans lequel elle était censé trouver la source de son pouvoir. Elle erra dans ce vide absolu un long moment, sans parvenir à déterminer si cela faisait des heures ou seulement quelques minutes. Cet endroit semblait être dépourvu de notions, aussi bien de temps que d'espace, car O'kaya fut bien incapable de savoir si elle se déplaçait, ou si au contraire, elle faisait du sur-place.
Mais au bout d'un moment, la Miqo'te fini par apercevoir une lueur au loin, qui semblait rapidement se rapprocher d'elle - ou peut être était-ce elle qui planait vers la lueur ? - jusqu'à se rendre compte qu'il s'agissait en réaliser de l'éclat d'un... cristal bleu, de la taille du palais royal. Bon là, il était clair qu'elle rêvait. Sans doute que le Minage lui manquait déjà. O'kaya entendait une voix lui parler, sans comprendre ce que cette voix lui disait, mais elle eu un soudain mal de tête, et la vision changea...
A présent, elle se trouvait dans une salle très sombre, lugubre, d'où elle pouvait entendre des cris d'agonie et de terreur... clairement pas l'endroit où elle irait passer ses vacances. Elle remarqua également qu'elle ne flottait plus, mais était debout sur un sol bien solide. La salle dans laquelle elle se trouvait était spacieuse et pratiquement vide, mis à part peut être un grand trône rouge au centre, reposant sur des crâne humains. Le trône était vide, mais O'kaya sentait malgré tout une présence dans cette pièce...
- Hmmm... Tu n'es pas une Terranide ordinaire... Je sens la présence d'une Sphères de Maerlyn en toi... Tout comme mon très cher Zolder...
La Miqo'te avait beau se tourner de tout coté, elle ne voyait personne... Comme si la voix sortait de nul part. Et pourtant, elle l'entendais comme si son propriétaire se tenait à ses cotés. Une voix de vieille homme, mais emprunte d'une grande puissance.
- Ne t’inquiète donc pas, jeune Terranide... Nous nous rencontrerons le moment venu... C'est écrit depuis des décennies...
La vision s'estompa et O'kaya se réveilla... de nouveau dans un lit d'infirmerie, ce qui la fit soupirer, consternée... Si chaque fois que l'écho agissait, elle se retrouvait dans ce genre de situation, elle n'allait pas progresser d'un pouce. Elle voulut bouger, se redresser au moins, mais s’aperçut que ses poignets étaient solidement attachés à son lit... Merde, que c'était-il passé encore ?!
-
Quand O’kaya se réveilla, Adamante se redressa lentement. La Mélisaine, plus proche amie d’Elena, laissa à la Miqo’te quelques secondes de réflexion avant de parler.
«
Détends-toi, O’kaya. Nous t’avons attaché pour ton propre bien... Regarde. »
Ceci devait sembler étrange, aussi Adamante ferma les yeux, et tendit les mains, usant de sa magie pour déclencher une vision dans l’esprit d’O’kaya.
*
* *
On pouvait voir Jamiël en train de méditer. O’kaya était là, aussi. Ce n’était rien de plus que la salle dans laquelle la Miqo’te s’était rendue pour méditer.
« C’est bien, O’kaya... Concentre-toi, respire... »
Jamiël respirait lentement, le souffle court... Et il y eut soudain un changement.
« Jamiël... »
La voix émanait de la bouche d’O’kaya, et, si c’était bien son timbre de voix, la voix était sombre, profonde, grave, menaçante... La magie se mit alors à suinter du corps de la Miqo’te, provoquant des ondes d’Air qui soufflèrent les bougies dans la pièce, tandis que Jamiël ouvrait les yeux.
« Toi... » lâcha-t-elle, la gorge sèche.
Les ondes d’Air se renforcèrent, et se mirent à lacérer le corps de Jamiël, déchirant sa tenue, faisant couler son sang, griffant ses joues. Jamiël se concentra, et forma un bouclier magique, contre lequel les attaques magiques d’O’kaya rebondirent, entaillant le bouclier, qui retrouvait ensuite de sa superbe.
« Tu te caches dans la magie en prenant possession des autres...
- Me cacher ? Oh non, Jamiël... Tout ceci n’est qu’un avertissement. Un avertissement pour toi, salope, et pour toutes les autres putes qui pensent pouvoir nous stopper. Tu as déjà perdu, Jamiël, ne le vois-tu pas ? Toi, la Bâtarde et toute sa bande de comiques. »
Jamiël serra les dents, et poussa alors un hurlement. Le sol se mit à vibrer, et une onde de choc frappa O’kaya en pleine tête, l’envoyant s’étaler sur le sol, mettant fin à la vision... *
* *
Adamante rouvrit les yeux, et resta face à O’kaya, laissant passer quelques secondes. Là encore, il fallait laisser le temps à la jeune femme de comprendre ce qui s’était passé. Sans le vouloir, elle avait agressé Jamiël, et cette dernière avait usé de sa magie pour assommer O’kaya, mettant ainsi fin à cet échange inattendu.
«
Fidèle à lui-même, Ronald voulait t’enfermer, mais nous avons réussi à négocier pour que tu sois laissée à l’infirmerie... Et ces sangles... Elles sont inutiles. »
Les mains d’Adamante se déplacèrent, et firent sauter les verrous retenant les poignets d’O’kaya. Debout, Adamante alla s’asseoir.
«
Tu l’as rencontré, O’kaya... Tu as médité, et tu t’es perdue dans le monde de la magie, jusqu’à rencontrer son esprit. Le Roi Cramoisi... Son esprit est relié à celui d’Elena, une liaison que je ne m’explique pas encore, mais qui rejaillit également sur nous... Ceux qui sont censés l’accompagner. Tu l’as senti, n’est-ce pas ? Il en a un... L’un des nôtres. Zolder le Paladin... C’est probablement par ce biais qu’il cherche et traque les autres Immortels, afin de les tuer. »
Adamante ne se rendit compte que trop tardivement que ses explications n’étaient guère rassurantes, et qu’elles pouvaient tout à fait faire paniquer O’kaya... Ce qui, en l’état, serait tout à fait légitime.
-
Perdue et déboussolée, la jeune Miqo'te fini par remarquer la présence d'Adamante à ses cotés, et, plutôt que de lui expliquer sa situation, choisit à la place de lui envoyer ce qu'il s'était passé durant sa méditation, directement dans son esprit. O'kaya se vit alors attaquer Jamiël en prononçant des propos, visiblement emplis de mépris, avant d'être mise hors d'état de nuire. Elle comprit que cette personne qui contrôlait son corps, devait être la même que celle qui lui avait parlée dans son esprit. Un être dangereux. Finalement, la vision pris fin et la Miqo'te r'ouvrit de nouveau les yeux à l'infirmerie, pendant qu'Adamante lui retira ses sangles, jugeant bon de lui révéler deux ou trois petites choses.
- Tu l’as rencontré, O’kaya... Tu as médité, et tu t’es perdue dans le monde de la magie, jusqu’à rencontrer son esprit. Le Roi Cramoisi... Son esprit est relié à celui d’Elena, une liaison que je ne m’explique pas encore, mais qui rejaillit également sur nous... Ceux qui sont censés l’accompagner. Tu l’as senti, n’est-ce pas ? Il en a un... L’un des nôtres. Zolder le Paladin... C’est probablement par ce biais qu’il cherche et traque les autres Immortels, afin de les tuer.
O'kaya pris le temps de réfléchir à ce que venait de lui dire la femme, avant de contre argumenter en fixant ses draps, lui révélant ce qu'elle avait vue et entendue durant sa perte de connaissance.
- Je ne pense pas qu'il veuille nous tuer... pas tout de suite du moins... Pendant ma vision, j'ai entendue sa voix... qui me disait que j'avais en moi ce qu'il a appelé une "Sphères de Maerlyn"... J'ignorrrre de quoi il s'agit, mais il semble avoir besoin de ces sphères pour accomplir quelque chose, ce qui signifie qu'il a besoin des immortels vivant... Nous tuer reviendrait sans doute à faire disparaître la sphère, pour l'envoyer dans un autre être vivant... Et sa traque rrrrisquerait d'être sans fin...
La Miqo'te Tourna le regard vers la femme avec un air triste, poursuivant.
- Je n'ai pas vue Zolder, mais je pense avoir entendue ses hurlement... Il n'est pas mort, mais semble être perrrrpétuellement torturé...
-
Adamante conservait son calme, mais elle était nerveuse. Cet incident était la preuve du pouvoir du Roi Cramoisi, mais, outre ça, la preuve supplémentaire que sa présence n’était pas qu’un délire inventé par les Hauts-Elfes et par l’imagination fertile d’une magicienne un peu trop emportée. O’kaya l’avait clairement vu, et Jamiël l’avait à nouveau senti. L’heure en était toutefois encore aux explications, et pas encore à la recherche, et aux conséquences à tirer de cette crise… Car c’était bien là le mot à donner à ce que les femmes avaient vécu. La Miqo’te ne tarda pas à lui parler, évoquant plusieurs notions qui lui semblaient inconnues… Maerlyn, ses Sphères, et Zolder.
« Zolder était un paladin de l’Ordre d’Haven. Il est parti en mission il y a plusieurs années pour combattre le Roi Cramoisi, car ses enquêtes l’avaient amené à réaliser que certains des ennemis du Griffon étaient sous les ordres du Roi Pourpre. »
Haven était un ordre religieux obéissant à Nexus, qu’on appelait aussi l’Ordre du Griffon.
« Zolder fait partie des Immortels, et je soupçonne que ce que tu as vu était, soit son passé, soit l’état actuel de son âme. Le Roi Pourpre et ses séides servent de lui pour remonter jusqu’à nous. Tous les Immortels partagent un lien très particulier avec la Reine, un lien que nous peinons encore à comprendre… Et le Roi Fou, quant à lui, semble le comprendre un peu mieux que nous pour le moment. »
Adamante parlait d’une voix calme et compréhensive. Elle était probablement la femme qui en savait le plus sur toute cette situation complexe. La Reine de Nexus avait encore un peu de mal à vraiment réfléchir là-dessus, tant l’évocation du Roi Cramoisi soulevait en elle des dilemmes moraux, en lui rappelant la mort de ses parents.
« Quant à Maerlyn et les Sphères… C’est une longue histoire. Maerlyn est un être légendaire, dont l’authenticité historique fait l’objet d’une controverse doctrinale. Il aurait été le premier véritable mage de Terra, et aurait permis de pacifier ce monde des tempêtes magiques de grande envergure qui la traversaient. »
La légende disait que l’Homme était passé de l’état de nature à l’état social lorsque la Nature avait cessé d’être généreuse, soit à cause du conflit massif entre les Anges et les Démons, soit parce que ce conflit avait eu des conséquences fâcheuses. Encore une fois, ces histoires étaient tellement éloignées que les théories étaient multiples. Adamante expliqua à O’kaya que, d’après elle, sa théorie était que, suite au Grand Conflit, la mana naturelle sur Terra avait explosé, engendrant de vastes tempêtes magiques, des cyclones élémentaires, comme des super-tempêtes. Maerlyn avait alors réussi à canaliser toute la forte magie de Terra.
« La légende poursuit en expliquant que, pour réussir ce prodige, Maerlyn a bâti sa Tour, une tour magique dont l’objectif est de réguler toute l’activité magique de notre planète. Cette Tour a été fermée par de grands sceaux, et, pour l’ouvrir, il faut réunir une clef magique se composant de treize Sphères magiques, des Sphères qui se reconnaissent par leur couleur, et qui, ensemble, constituent un arc-en-ciel, arc-en-ciel dont la Tour Sombre est à la base. »
Adamante parlait d’une voix calme et posée, et poursuivit :
« Apparemment, l’âme de chaque Immortel est liée à la Sphère, mais, pour autant, une Sphère a aussi son identité propre. À l’époque où le Roi Cramoisi était l’Empereur d’Ashnard, il a organisé d’immenses fouilles archéologiques en vue de récupérer les Sphères, et en a plusieurs. Je pense, mais ce n’est qu’une théorie, qu’il utilise les Sphères pour retrouver les Immortels… Et il a ta Sphère. Tu n’as rien à craindre, car ce n’est qu’un lien… Et je vais entraîner ta résistance magique, pour éviter que cette créature ne revienne t’embêter. »
Est-ce que ce serait suffisant ? Adamante avait bon espoir de le penser, car, entre O’kaya et le Roi Cramoisi, il y avait tout un monde. Ce qu’elle évitait de dire à la Miqo’te, car elle ne voulait pas la paniquer, c’était que, maintenant, O’kaya Nyala figurait sur la liste des ennemis du Roi Cramoisi.
« C’est un être influent… Il est à la tête d’une vaste organisation terroriste, la Monarchie des Roses, qui cherche à renverser l’Empire d’Ashnard, et qui est derrière de multiples trafics en tout genre, notamment des rapts de personnes. Nous combattons contre eux, et nous ne sommes pas les seuls, O’kaya. L’ennemi est fort… Mais nous le sommes aussi, et nous avons de nombreux alliés. »
Sa main se posa sur celle d’O’kaya, la serrant dans la sienne, et un sourire réconfortant perla sur ses lèvres.
« Tu n’es pas seule, O’kaya, et je veillerai sur toi. »
-
La Miqo'te écouta les longues explications concernant sa vision et tout ce qui pouvait en découler plus tard. Sa nouvelle situation était bien plus dangereuse que ce qu'elle escomptait au premiers abords, mais une chose était sûre, cela allait la changer de son quotidien habituel, pour sûr. Adamante lui assure qu'elle veillerais sur elle et, quelque part, c'était réconfortant. A la tête de son entreprise depuis la mort de ses parents, veillant sur sa cadette et ses employés, il t'avait bien longtemps qu'elle n'avait pu se reposer sur quelqu'un de confiance. O'kaya lui sourit donc en retour, avant de fermer les yeux à nouveau. Elle avait besoin de repos après ce qu'elle venait de vivre. C'était comme si elle s'était retrouvée dans cette salle, et vivre ce que Jamiël avait ressentit à ce moment là avait été particulièrement éprouvant...
Plusieurs jours passèrent après cette scène. Les séances d'entrainement gagnèrent un peu en intensité et les cours avec Jamiël purent véritablement commencer, sans autres incidents. Parfois, elle ne pouvait hélas venir au palais, ayant toujours des obligations envers son entreprises, des commandes à livrer, de nouveaux filons à découvrir, agrandir le village autour du siège et améliorer toujours plus le confort de vie des employés. Heureusement, sa sœur la soutenait du mieux qu'elle pouvait dans leur travail. La plus grosse amélioration fut sans nul doute l'envois de paladins terranides par l'ordre immaculé pour veiller sur l'entreprise, en réponse à leur partenariat sur le minerais d'adamant que l'entreprise leur envoyais.
Et puis un soir, elle reçu une missive de la part d'Adamante...
-
Adamante se renseignait un peu sur l’entreprise d’O’kaya. Une entreprise gérée par une Terranide, c’était impressionnant, et ça faisait même scandale à Nexus, où les Terranides avaient la réputation d’être des esclaves. Officiellement, O’kaya était toutefois une citoyenne nexusienne, pouvant, à ce titre, avoir un patrimoine, et donc gérer une société. Mais cette gestion ne se passait pas très bien. Elle était régulièrement embêtée, notamment par des factions humaines extrêmes, probablement financées par des compagnies rivales. Elena faisait de son mieux, et, ce soir, Adamante avait décidé de se rapprocher d’O’kaya, pour évoquer, non seulement sa société, mais aussi, et surtout, tout ce qu’elles avaient dit dernièrement sur le Roi Cramoisi, et sur la Monarchie de la Rose. O’kaya était visiblement liée aux Immortels, et Adamante aussi, à en croire la légende, était une Immortelle. Une tâche ardue, qui l’amenait à réfléchir à la suite.
Elle avait donc envoyé une missive invitant O’kaya au Palais d’Ivoire le soir. Une entrevue seule à seule. O’kaya commença toutefois la soirée en parlant avec Elena et Adamante, autour d’un repas dans une salle de repas située dans les appartements de la Reine. O’kaya leur expliqua que, depuis l’arrivée des Paladins, les agressions tendaient à se calmer. Elena assura à O’kaya qu’elle avait diligenté une enquête sur cette faction.
« Il est probable que ces zélotes soient soutenus par des compagnies rivales… »
Pour l’heure, l’enquête ne faisait que commencer. Adamante, de son côté, leur parla des activités de la Rose, mais aussi d’autres factions émergeant sur le reste de Terra.
« L’Ordre Immaculé a diffusé récemment une discrète bulle papale à l’intention de la Couronne, évoquant un groupe spécial, mené par une Nephalem ashnardienne, Knaël…
- Il faudra sûrement la rencontrer, nos intérêts coïncident. Mais Ashnard… Ce sont eux qui ont détruit Gilead, et le Roi Cramoisi a été leur Empereur. Je me méfie d’eux… »
La soirée se poursuivit, mais, alors qu’Elena allait se coucher, Adamante invita O’kaya à la rejoindre dans sa chambre. Elle lui sourit une ultime fois, et caressa brièvement son visage, soufflant sur ses lèvres, laissant flotter dans l’air un parfum rosâtre. Elle partit ensuite, se rendit dan sa chambre, et l’attendit… Sans savoir qu’O’kaya avait prévu une tenue très spéciale pour cette deuxième partie de soirée…
-
De ce qu'elle en avait lue dans sa missive, la Miqo'te avait été invitée pour une soirée divisée en deux parties, la première étant un dîner privé avec la reine et sa conseillère et la seconde, avec adamante uniquement. Plus intime aussi, visiblement. Honnêtement, elle ne savait pas trop quoi en penser, mais elle finit par en renvoyer une, indiquant qu'elle acceptait. Il y'avait belle lurette qu'elle n'avait pas eu de relation intime avec une personne, la dernière datant de l'époque où elle n'était pas encore la dirigeante de l'entreprise. Pour la partie avec la reine, elle décida donc de porter sa robe classique, celle qu'elle avait portée à leur rencontre, quelques semaines plus tôt.
Le repas se passa plutôt bien dans l’ensemble. Elles parlèrent de l'évolution de son projet et des quelques difficultés de son entreprise. Les Paladins étaient d’avantage là pour protéger le village autour du siège social que l'entreprise en elle même. Celui-ci était rattaché à Nexus désormais, car faisant partie de l'entreprise (c'était surtout un lieu de vie pour les employés), mais cela n'empêchait pas les esclavagistes Nexusiens d'essayer d'attaquer régulièrement celui-ci, tout en sachant pertinemment que c'était comme d'attaquer un quartier de la cité. Bref, elle n'en avait pas finit avec ces histoires. Elles parlèrent ensuite des différents groupuscules possiblement rattachés au roi cramoisi, ainsi que des autres organisations les combattants. O'kaya pour sa part, n'avait pas particulièrement d'avis tranchés sur la question, n'ayant jamais eu à faire à un Ashnardiens de sa vie, les Nexusiens la préoccupaient bien plus à vrai dire...
Lorsque enfin la reine prit congè d'elles pour aller se coucher, Adamante l'invita plus ou moins subtilement à la rejoindre dans une autre pièce. O'kaya ignorait comment était meublée celle-ci bien entendu, mais elle décida qu'il était temps de lui faire sa fameuse surprise. Retirant sa robe et ses sous-vêtements alors qu'elle était seule, elle mit ensuite une autre robe (https://cdn.discordapp.com/attachments/273803864040407040/429691562293854209/ffxiv_31032018_190823.png), entièrement faite de soie noire, légère et transparente, permettant donc de voir l’ensemble de son corps au travers du fin tissu. Seuls quelques bordures dorées ainsi qu'un imprimé de fleur mettaient un peu de couleur. Le visage un peu rosé d’embarras tout de même, elle franchit la porte et la referma derrière, tournant le verrous. Adamante étant de dos, elle ne la vit pas encore.
- J'espèrrrre que ce n'est pas trop osé... pour un prrrremier rendez-vous...
-
Adamante envisageait de passer une bonne soirée avec O’kaya. La Mélisaine l’avait tout simplement invité à faire l’amour avec elle, sans trop laisser de suspens quant à ses réelles intentions. Avant de la rejoindre, O’kaya avait indiqué vouloir se changer, et la magicienne avait acquiescé. Dans sa chambre, elle avait le dos tourné face à la porte, utilisant sa magie pour enflammer une série de bougies, donnant ainsi à la chambre une atmosphère sensuelle et érotique. Elle entendit soudain la porte s’ouvrir, et perçut la présence d’O’kaya. Adamante, qui finissait d’allumer une bougie, tourna juste légèrement la tête, sans pouvoir encore voir la Terranide, un sourire sur le coin des lèvres... Puis se retourna ensuite complètement.
« Oh... » s’exclama-t-elle alors, en écarquillant légèrement les sourcils.
O’kaya avait enfilé une robe très particulière, qui épousait très bien ses formes... Tout en étant transparente. De quoi rappeler à Adamante la nuisette qu’Elena enfilait quand elle dormait, qui était si fine qu’on pouvait voir ses formes à travers. Adamante, elle, portait une courte tunique violette avec un châle dans le dos, montrant sa voluptueuse poitrine, son ventre dégarni, et un élégant pagne violet qui dissimulait l’accès à son intimité. Elle sourit alors, ses yeux jaunes s’illuminant légèrement, et s’approcha de la femme, faisant claquer ses talons sur le sol.
Adamante la détailla des pieds à la tête, et avança sa main, caressant la joue de la Terranide.
« Eh bien, eh bien... Si on m’avait dit que les mineurs pouvaient être aussi jolis... »
Elle sourit à nouveau, et l’embrassa doucement sur les lèvres, plaquant dans la foulée son corps contre le sien, et déplaça sa main de sa joue, glissant contre sa cuisse, celle accessible par le côté fendu sa robe, et remonta sa main sur sa peau, caressant et griffant même très légèrement sa cuisse.
« Oui, tu es vraiment magnifique, ma belle... »
Adamante se pinça les lèvres, et retourna l’embrasser, tout en continuant à caresser l’intérieur de sa cuisse.
« C’est moi, ou... Tu as oublié de mettre une culotte ? »