La réponse de Black Widow détendit immédiatement la jeune femme. Pas d'incendie. Parfait. Elle avait les flammes en horreur, depuis l'accident. A part la flamme des briquets, ou des bougies. Elle n'allumait plus que très rarement la cheminée de sa maison, ayant peur que le feu dégénère. C'était illogique, mais c'était comme ça. Le traumatisme était trop profond. Trop récent. Elle se retrouvait tétanisée devant des hautes flammes, même si elles étaient confinées dans un âtre.
Cassandre ne jouait pas beaucoup aux jeux vidéos. Mais elle connaissait le principe. Plusieurs de ses amis étais accro à ces trucs. Elle avait le droit, dès qu'elle les voyait, à un résumé détaillé de leurs campagnes, et tout ce qui s'ensuit. C'est pourquoi l'appréhension qu'elle ressentait était moindre, et elle laissa Natalia l'attacher comme il le fallait. Elle sourit, serrant les dents en ressentant la piqûre, mais elle se détendit bien vite quand le fauteuil s'adapta pour accueillir parfaitement sa tête, la soutenant pour qu'elle ne risque pas de se rompre le cou en cas de convulsions. Elle eut le réflexe de fermer les yeux, mais l'apparition d'une sorte de visière l'en empêcha.
Curieuse, elle hocha la tête comme elle le put quand l'agent du SHIELD annonça qu'elle allait s'installer, et elle essaya d'empêcher la panique de monter. L'image du bureau qui l'écrasait lors de l'explosion lui revint en tête, mais quelques longues inspirations et expirations permirent à la française de se détendre. Finalement, la visière afficha le chargement du logiciel, et soudain, ce fut le noir. Cassandre eut l'impression de basculer, son esprit se laissant guider par le logiciel, et elle se retrouva debout, aux côtés de la rousse, dans un entrepôt vide. Laissé à l'abandon, même. Elle observa rapidement les murs décrépits, rongés par la moisissure et par la végétation, avant de reporter son attention sur sa compagne dans la simulation.
Si Natalia portait son uniforme, comme dans la réalité, la blonde, en revanche, portait une robe blanche, légère, qui dévoilait ses formes en cachant l'essentiel, laissant l'imagination travailler. Elle tourna sur elle-même, un sourire flottant sur ses lèvres, et toucha du bout des doigts la matière vaporeuse, presque arachnéenne, qui couvrait son corps. Elle avait vraiment l'impression de porter cette robe, ces voiles qui l'habillaient. C'était impressionnant. Son regard se posa sur des blocs de bétons, écrasés à terre, provenant d'un mur qui n'avait l'air de tenir que par un miracle. Elle sentait une odeur de renfermé, et entendait même le bruit du vent contre la tôle qui recouvrait l'entrepôt.
« C'est vraiment impressionnant ! Souffla-t-elle, avec le ton d'une enfant qui découvre que le père Noël est passé avec trois mois d'avance. »
Elle tourna encore une fois sur elle-même, ressentant les voiles caresser ses longues jambes, et se rendit compte qu'elle portait de sublimes sandales blanches, avec un talon assez haut, d'inspiration romaine. Les lanières entouraient ses chevilles, remontant sur ses mollets, tenant la chaussure contre son pied. Avec un petit rire, elle sautilla, et le bruit des talon sur le sol bétonné de l'entrepôt résonna un instant.
« Que pensez-vous qu'il va se passer à présent ? »
La blonde lança un regard interrogateur à l'agent, mais elle n'eut pas le temps d'attendre la réponse. Presque dix secondes après, un éboulement se produisit. Le mur, bancale jusqu'à présent, venait de s'écrouler à côté d'elles. Heureusement, l'éboulis ne toucha pas les deux femmes. Mais ça laissa la place à une créature que la française n'aurait jamais cru voir en vrai. Enfin, même dans une réalité virtuelle.
La bête se dressait sur deux gigantesques pattes musclées, pour atteindre facilement les quatre ou cinq mètres. Du bout de la queue à la monstrueuse gueule, il faisait facilement une douzaine de mètres. Le poids, lui non plus, ne devait pas être en reste. Quand elle se déplaça, la créature laissait des empreintes à trois gros doigts griffus. Il devait avoisiner les six tonnes, parce que le goudron sous ses pattes s'enfonçait de plusieurs dizaines de centimètres. C'était un tyrannosaure, avec de la bave qui suintait entre ses dents acérées.
« Oh mon dieu. »
L'oeil de la bête préhistorique, attirée par le mouvement involontaire de Cassandre, s'intéressa à eux. Ses deux pattes avants, tronquées, bougèrent, et il pencha sa grosse tête écailleuse vers eux, son œil les fixant d'un air terrifiant. Sans pouvoir le contrôler, la blonde tremblait, et la bête rugit, projetant de la bave et une haleine fétide vers elles, ainsi que des restes d'un déjeuner copieux. La française ferma les yeux, priant pour qu'ils ne les voient plus.
Son pouvoir s'activa alors. Elle n'y prit pas garde, mais une douce chaleur se répandit dans ses membres, dénouant ses muscles tendus, alors que les cellules de son corps mutaient pour devenir "invisibles". Ses doigts s'accrochèrent à l'agente du SHIELD, mais le pouvoir ne se transmettait pas. Entre ses dents, Cassandre souffla :
« Je crois... Je crois que la bête est attirée par les mouvements. Il ne- Oh ! »
Venant de rouvrir les yeux, la jeune femme se rendit compte qu'elle ne voyait plus ses doigts qui agrippaient pourtant le bras de Natalia. Elle ne voyait qu'une forme floue, alors que Black Widow ne devait plus rien voir du tout.
« Dites-moi que ce n'est pas ce que je pense... Dites-moi que je ne suis pas invisible... Chuchota la française, oubliant momentanément la présence pourtant rugissante de la créature qui aurait dû n'être qu'un fossile, à l'heure actuelle. »