Le vaisseau dérivait lentement, n’émettant aucun signal électronique, pas même un message d’avertissement. Il dérivait au large, ses ultimes réserves d’oxygène étant en train de faiblir, et abritait un homme qui était en manque d’oxygène, et qui gisait, inerte, sur le sol.
Exon-Prime était le nom donné par une firme transplanétaire à la lune d’une géante gazeuse, Exon. C’était un satellite artificiel hérissé de montagnes gigantesques, certaines faisant plus de 15 kilomètres de haut. Un paysage inhospitalier, sans atmosphère, mais qui, d’après les sondes spatiales de la Compagnie Altheus-Space Inc., abritaient des gisements d’un précieux minerai, l’oxydium, qui était utilisé par de nombreux vaisseaux comme carburant spatial. La Compagnie s’était empressée de déposer des brevets pour s’assurer d’avoir un monopole d’exploitation sur Exon-Prime, et y avait envoyé des colons. Une base avait été créée, et les extractions avaient pu débuter. La Compagnie Altheus avait été satisfaite, car les premiers rapports des colons étaient plutôt positifs : de l’oxydium comme s’il en pleuvait, toute une véritable chiée. De plus, Exon-Prime était éloignée des grandes routes d’astronavigation, et donc des pirates potentiels. Altheus se frottait les mains, mais la Compagnie avait pour problème qu’elle laissait fort peu de place à la distraction. L’alcool et les drogues étaient par exemple prohibés, et les salaires étaient plutôt minces.
Par conséquent, les colonies d’Altheus étaient souvent des endroits propices à la contrebande, et c’était dans ce cadre qu’Ulrik, votre fidèle serviteur, était intervenu. Il avait rejoint une organisation spécialisée dans la contrebande, et, depuis la Base Spatiale, recevait différents contrats l’emmenant ici et là, d’un bout à l’autre de la galaxie, afin de livrer des marchandises illégales. Pour Exon-Prime, il s’agissait juste de déposer des caisses d’alcool et des revues de livres érotiques tridimensionnels aux colons. Exon-prime disposait de quelques satellites et d’une tour de communication, mais pas de détecteurs militaires, et il était donc facile de les contourner. Furtivement, Ulrik s’était posé au beau milieu de la planète, avec le même engin qui était en train de dériver, et avait attendu qu’un
véhicule minier vienne vers lui. Ces engins avaient des roues énormes, leur permettant de circuler le long des parois acérées, et de s’enfoncer dans les galeries. Les colons avaient payé Ulrik rubis sur ongle, et leur petit commerce avait commencé.
Quelques semaines plus tard, les colons avaient trouvé les ruines d’un ancien temple appartenant à une ancienne civilisation. Étonnés, ils avaient envoyé leur rapport à la Compagnie Altheus, qui avait considéré qu’il n’y avait pas de danger à la sécurité de ses employés, et avait refus d’envoyer un détachement militaire, malgré la demande de l’Administrateur de la colonie. En revanche, les actionnaires d’Altheus savaient que ce genre de vestiges archéologiques pouvaient faire plaisir à des scientifiques et aux universités galactiques, et ils avaient donc déposé une annonce dans la Base Spatiale, ainsi que dans d’autres grands endroits, afin de lancer un appel d’offres. Altheus acceptait une expédition scientifique, mais guère plus. Il y avait eu des mécontents, notamment des scientifiques rivaux, qui avaient perdu la compétition, et qui avaient fait appel au service de l’organisation qui hébergeait Ulrik, afin qu’il aille sur Exon-Prime, et obtienne, de la part des colons, quelques vestiges archéologiques précieux.
Ulrik s’était alors rendu sur place, et, en arrivant dans le système, avait été surpris de capter des parasites émanant d’Exon-prime. Il n’y avait cependant pas fait attention plus que ça. Son vaisseau n’était pas tout jeune, et ce genre d’interférences étaient donc susceptibles d’intervenir. Il s’était posé à l’endroit habituel, mais personne n’était venu. Ulrik avait attendu un ou deux jours, mais sans avoir de nouvelles. Étonné, il avait hésité. S’il repartait bredouille, ses supérieurs risquaient de l’engueuler. Il s’était donc décidé à aller voir ce qui se passait, et avait utilisé un petit véhicule fourni dans les cales du vaisseau. S’équipant d’une combinaison spatiale, il s’était éloigné de ce vaisseau, et avait rejoint le site d’extraction minier.
Aucune machine ne travaillait. Les énormes foreuses-lasers industrielles, les grues abyssales, les camions de chantier, tout était éteint... Et il avait vu des traces de griffe le long des carlingues. Les foreuses avaient défoncé le sol sur des milliers de kilomètres, s’enfonçant le long de la montagne. Impossible de voir où ce trou colossal s’arrêtait, et Ulrik n’était guère rassuré. Il n’y avait pas d’atmosphère dehors, et donc... Pas de son. Certes, il possédait un détecteur de présence, mais ce dernier était également perturbé par les interférences électroniques. N’importe qui pouvait le tuer sans même qu’il le réalise. Lentement, il avait rejoint la colonie, tandis que la géante gazeuse, Exon, semblait brûler dans le ciel.
Les portes d’entrée du mur d’enceinte de la colonie avaient été défoncées, et Ulrik avait alors compris que quelque chose de sinistre s’était passé ici. Il avait vu des traces de mucus contre les murs de certains bâtiments de la colonie, et n’avait pas poussé le vice jusqu’à faire des relevés.
Il était retourné sur sa moto, et avait fait demi-tour à toute allure, avec l’impression terrible d’être poursuivi.
L’impression s’était confirmée en retournant dans son vaisseau. Des créatures non-identifiées avaient bondi sur la carlingue de ce dernier, enfonçant leurs griffes dans ce dernier.
«
Merde, merde, merde, saloperie de merde, démarre, démarre, allez, démarre !! »
Comme il avait arrêté le vaisseau plusieurs jours, il fallait que les moteurs chauffent. Les monstres, eux, s’acharnaient sur la carlingue, et avaient sectionné plusieurs fils électriques, dont les circuits d’hyperdrive, ainsi que le système d’alimentation, et, pire encore, les réservoirs d’oxygène. Ulrik avait réussi à décoller, tant bien que mal, s’arrachant à l’attraction d’Exon-Prime, mais, en tentant d’appeler à l’aide, les interférences électroniques avaient à nouveau perturbé ses systèmes. Il avait alors choisi de concentrer toute l’énergie restant dans l’hyperdrive, mais, au moment d’enclencher les moteurs, le vaisseau avait gémi une ultime fois, brûlant toutes se sultimes réserves dans cet échec.
L’oxygène avait alors manqué à Ulrik, qui avait entrepris de se diriger vers une nacelle de survie. Malheureusement, l’air filait bien trop vite, et, en grognant et en éructant, à la recherche d’air, il avait fini par s’affaler sur le sol, l’oxygène manquant dans son cerveau.
C’est ainsi que son vaisseau se mettait à dériver, lentement, dans l’espace intersidéral...