Dangerous D. } Nathan Joyce

Je ne sais pas pourquoi, mais on m'a envoyée patrouiller dans le quartier de la Toussaint ce soir. Ordinairement, c'est les nouveaux qui vont par là, pour s'entraîner. Ils sont accompagnés d'un agent expérimenté, bien sûr. Mais c'est avant tout pour les former. Je ne vois pas en quoi c'est utile que je sois là ce soir. J'ai déjà plus d'expérience que la plupart des agents vétérans de la Kempeitai. Oui, étrangement, j'ai buté plus de Surnaturels qu'aucun d'entre eux.

Ces derniers m'appellent d'ailleurs "Big Bad Wolf", mais je ne vois pas pourquoi. Je ne suis pas poilue, ni "Big". "Bad", ouais, ça s'comprend, sachant le nombre de leurs compagnons que j'ai descendu... Ils m'appellent aussi "La Mort". Et ça, je vois aisément pourquoi. Je sème la mort dans mon passage chez eux. Surtout lorsque je suis armée de cette immense faux, plus grande que moi, aussi tranchante que les dents d'un requin.

D'ailleurs, je l'ai avec moi ce soir. Il est minuit passé, et si je rencontre des gens normaux dans le quartier, ils penseront sans doute que je suis une de ces jeunes qui vont à un festival bizarre. Donc je n'ai pas à m'inquiéter.

Non, c'est les Surnaturels qui ont à s'inquiéter. Comme celui-là, là-bas, caché derrière une poubelle à faire je-ne-sais-quoi.

Je m'approche en douceur, sans qu'il ne me sente venir. Je tiens fermement la faux, bien décidée à lui couper la tête dès qu'il se retournera. Et pour cela, je le siffle. Je n'aime pas frapper de dos.

Il se retourne, et m'observe un instant sans savoir quoi faire. Il est hypnotisé par ma tenue. Il hésite. Fuir, ou se battre ?

C'est un vampire. Je vois le sang qui macule le bas de son visage pendant qu'il observe ma tenue, tout en cuir noir. J'esquisse un sourire carnassier, et ma faux s'abat alors, faisant voler sa tête avant qu'il ne réagisse. Avec le bout recourbé de la lame, je lui perce ensuite le coeur.

Sa victime est inconsciente. Je la traîne à l'écart du cadavre, auquel je met le feu ensuite. Allez... Burn, baby, burn...

« Central... Le suspect est sorti de chez lui. »

Depuis les stores entrouvertes, Madoka avait vu, de l’autre côté de la sinistre rue, l’homme sortir. La vingtaine, un look occidental, une longue veste en cuir, des cheveux courts, un jean délavé, une barbe mal rasée de plusieurs jours. C’était le suspect, celui dont le signalement avait été transmis à la police par un témoin depuis qu’il avait agressé cette lycéenne, à Mishioma. La jeune fille sortait d’un club du soir, et traversait les pelouses du lycée, probablement afin d’aller chercher le tramway, quand l’individu avait débarqué, l’attaquant dans le dos. Comme pour ses autres victimes, il lui avait ponctionné le sang, ce qui lui valait le surnom de « vampire » par la police. Un vampire rôdant du côté de Mishima, le « Vampire de Mishima ». En plusieurs semaines, il avait tué trois personnes : un technicien du lycée, un vagabond à proximité, et un lycéen. Cette lycéenne avait failli être sa quatrième victime. Un passant l’avait aperçu, et le vampire s’était enfui. Le passant l’avait toutefois formellement reconnu, car le Vampire avait été éclairé par un lampadaire.

L’enquête avait pris un nouvel élan. La police était pressée par les pouvoirs publics d’obtenir des résultats, les médias se faisant les choux gras de cette histoire, et le contribuable s’inquiétant naturellement de la présence d’un tueur. Il abattait ses victimes en leur prélevant du sang, mais on ne retrouvait aucune goutte de sang sur les scènes de crime, simplement des victimes exsangues. Un type qui se prenait pour un vampire. Officiellement, la police cherchait son mode opératoire, et soupçonnait le Vampire d’utiliser une sorte de pompe. On reconnaissait ses victimes à ça, ainsi qu’aux multiples morsures qu’elles avaient, surtout à hauteur du cou. En réalité, la plupart des policiers savaient qu’il existait, à Seikusu, des phénomènes inexpliqués, des mutants. Ce type était l’un d’entre eux, mais on ne pouvait pas le dire aux médias sans passer pour des cinglés.

Nathan avait mené son enquête. Madoka était son partenaire, un individu originaire de Seikusu, plutôt sympathique. Ils étaient en planque dans un appartement miteux du quartier de la Toussaint, près de l’endroit où vivait celui qui, d’après leur enquête, s’appelait le Vampire. Si leurs informations étaient exactes, le Vampire avait, en tout, tué une vingtaine de personnes, au moins. Les cadavres se trouvaient toutefois à la Toussaint, et personne ne s’en souciait. Nathan avait visité plusieurs hôpitaux de quartier, discuté avec des riverains, des voisins, et avait ainsi fini par entendre parler de ce mystérieux locataire. Coupé de tout le monde, un Occidental, un marginal.

Le Central avait autorisé que Madoka et Nathan surveillent l’immeuble. On disait que le Vampire sortait surtout le soir, probablement afin de traquer ses victimes. Il faisait donc nuit quand l’homme sortit, et Nathan entreprit de le suivre, tandis que Madoka restait en retrait.

« Ce n’est pas prudent d’y aller seul, Nate...
 -  Ce type est un nerveux, Madoka. Si on le suit à deux, il finira par nous repérer. De plus, si jamais je le perds, il finira par revenir chez lui, et, à partir de là, tu pourras envisager de le coincer. »

Le raisonnement de Nathan n’avait pas convaincu Madoka, mais il avait fini par s’y plier. Nathan se retrouvait donc seul, à pister le mystérieux Vampire. En réalité, Nathan savait que cet homme était sa cible. Il l’avait senti, grâce à ce pensionnaire qui se trouvait dans son corps. La Bête le lui avait dit.

Malheureusement, alors que Nate suivait l’homme, il le vit se mettre soudain à courir. Nathan pesta, et entreprit de le suivre, mais réalisa, assez rapidement, qu’il l’avait perdu de vue, dans les multiples ruelles étroites de ce quartier.

*Quelle tuile !
Je t’avais dit, rigola la Bête, qu’on ne piste pas un vampire. Il a senti ton sang, et il t’a faussé compagnie.*

Nerveux, Nathan attrapa son Glock, et s’avança le long des ruelles, essayant de rattraper sa cible.

Il sentit au bout d’une minute une odeur de grillé, et la suivit... Ce qui l’amena dans une ruelle où un corps était en train de brûler, et où une plantureuse femme se tenait, face à un cadavre en feu. Elle était de dos face à lui,c e qui fit que Nathan eut une belel vue sur ses fesses.

*Mate-moi ce cul !* exulta la Bête.

Nathan vit surtout une faux sanglante, ainsi qu’un individu, gisant sur le sol.

*Elle l’a tué d'un seul coup... Ce n’est pas le nôtre, Nattie-boy, sûrement un débutant.*

Nathan parla alors d’une voix forte, son arme de service pointé vers la femme.

« Nathan Joyce, police de Seikusu ! Vous êtes en état d’arrestation pour homicide volontaire, Madame ! »

Il ne manquait plus que ça, tiens... Tomber sur un cosplay sexy de la Grande Faucheuse.

C’était vraiment un pays de cinglés.

Le feu de joie que j'ai allumé pour faire cramer ce Surnaturel est magnifique. Je reste à le contempler, sans sourciller, oubliant même la pauvre victime inconsciente un peu plus loin. Je suis appuyée contre ma faux, nonchalamment.

Et une exclamation me fait tourner la tête. Derrière moi, armé, un homme. L'obscurité ambiante ne me permettait pas de vraiment le détailler, mais il ne faisait aucun doute que c'était bien un flic, et pas un bobard lancé comme ça.

Je soupire, sans perdre la face. Lentement, je me retourne. Je ne fais pas de gestes brusques, pour éviter de finir avec la peau trouée. Je ne suis qu'une humaine, je ne suis pas invincible. Juste incroyablement chanceuse jusqu'à présent.

Ce qui est embêtant, dans la société, c'est que les monstres ne sont pas véritablement reconnus. Ce sont des légendes, des mythes, des racontars. Je doute qu'on me croit si je lance que ce type était un vampire. Même avec sa victime à côté. Pas encore exsangue, mais si je n'étais pas arrivée, elle le serait.

« C'était un vampire. Et les vampires n'existent pas dans la société actuelle, n'est-ce pas ? Puis-je donc vraiment être inculpée pour meurtre, alors que ma prétendue victime est une légende, un être qui n'existe pas ? »

Je ne lâche pas ma faux, mais ma seconde main est posée contre ma hanche. Je n'ai pas peur. Je suis forte. C'est en tout cas l'image que je renvoie. Je suis sûre de moi.

« Vous devriez cependant appeler les secours. Un individu a presque été saigné à blanc par cette légende. Par cet homme qui n'existe pas, et que je n'ai donc pas pu tuer. Je ne sais pas combien de temps il lui reste. »

Je soupire à nouveau, puis j'incline la tête.

« Maintenant que vous êtes là, Nathan Joyce de la police de Seïkusu, je vais partir. La victime est entre de bonnes mains. Et ce qui brûle, là, comme ça n'est pas censé exister aux yeux du monde, c'est juste de la poussière. Bonne nuit. »

J'ai l'impression d'être l'héroïne principale d'un navet, avec des répliques à chier.

C'est pas grave.

Je me retourne alors, tournant une nouvelle fois le dos au policier, et j'esquisse un geste pour m'en aller. Comme ça. Tout simplement.

Qui était donc cette femme complètement folle ?

*Une femme avec un joli cul, héhé !* crut bon de commenter la Bête.

Elle venait de lui asséner qu’elle venait de tuer un être qui n’existait pas, et que, par conséquent, elle n’avait rien à craindre de la police. Son culot, pour le coup, n’avait effectivement d’égal que son superbe postérieur et ses hanches magnifiques. Un corps à faire tourner la tête de n’importe quel homme, surtout quand ces derniers abritaient dans leur corps un pervers sexuel qui ne faisait rien pour s’arranger, et ne faisait qu’aggraver les choses. La Bête s’amusait de l’autorité de cette femme. Le symbiote avait toujours aimé les femmes fortes. Il appréciait aussi les femmes soumises, à vrai dire. Nathan avait un peu de mal à le comprendre, mais il savait que la Bête venait d’une société profondément matriarcale. Cependant, ça ne voulait vraiment pas dire qu’il se soumettait au beau sexe. Défoncer les femmes était pour lui une sorte de devoir sacré, et il ne voyait pas ça comme du machisme. La Bête considérait juste, de manière très primitive, qu’une femme était faite pour se faire défoncer, au même titre qu’un mâle avait une verge pour la défoncer.

Nathan la vit s’écarter, tandis que le vampire continuait à brûler. Il se racla alors la gorge, tenant son pistolet de service. Il ne pouvait pas tirer sur un suspect qui n’était pas armé... Cependant, techniquement, la faux de cette femme pouvait constituer une arme.

« Dois-je interpréter votre geste comme un délit de fuite, Madame ? Que cet homme soit... Fut un vampire, un elfe, un troll des cavernes, le docteur Fu Manchu en personne, ou même le putain de Bouddha, ça ne change rien au fait qu’il y a quelque chose qui est en train de cramer. En grand habitué des barbecues, je pense ne pas me tromper en disant que cette odeur et ces bruits ressemblent à de la chair grillée. Alors, je vous propose de refaire les choses calmement, Madame, et de vous expliquer, tout aussi calmement, comment je vois les choses. »

Son arme était toujours pointée sur elle. Aucune chance qu’il ne fasse un impair, ses jambes étaient légèrement écartées, appuyant son corps, et, pour éviter les tremblements de son arme, il tenait le Glock avec ses deux mains, l’immobilisant, visant soigneusement la femme, le pointeur laser glissant sur ses omoplates.

« Je vous ai vu à côté d’un corps en feu. Ça, je pense que vous ne pourrez pas le nier. Vos motivations étaient peut-être très bonnes, ça partait peut-être d’un bon sentiment, mais, dans une société civilisée, on ne crame pas les gens, et on ne les décapite pas avec des faux. Vous allez donc me faire sagement le plaisir de déposer cette putain de faux de merde au sol, de vous mettre très gentiment à genoux, de fermer votre grande gueule, et de mettre les mains derrière votre crâne, pour que je puisse vous menotter. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si vous refusez de suivre les ordres que je viens de décrire dans les dix prochaines secondes, ou, à défaut, si vous entreprenez encore de me tourner le dos en me montrant la vue de votre insolent fondement... »

Nathan ménagea une petite pause, afin de la laisser réfléchir, et de pouvoir reprendre son souffle :

« ...J’interprèterai vos actions comme un délit de fuite, ou une résistance à arrestation, ce qui, compte tenu du fait que vous portez manifestement une arme létale, me placera en situation de légitime défense pour viser l’une de vos jambes. À cette distance, les probabilités pour que je loupe ma cible avoisinent le néant absolu. Je serais cependant dans le regret de devoir tirer sur un corps aussi ravissant, alors, pour notre bien-être à tous... »

Le policier se répéta alors, sur un ton ferme et sec, la grosse voix du flic qui laissait entendre qu’il ne supporterait nulle contestation :

« Lâchez cette saloperie de faux. »

En réaction aux injonctions du flic, je ne fais qu'une seule chose. Je soupire.

C'est ennuyant qu'il m'ait surprise ainsi, près du corps. Il va me falloir me débarrasser de lui. Comment, c'était là la question. Je sais que, si j'appelais mon beau-père, il arrangerait ça en moins de deux secondes. Mais je voulais me débrouiller seule. Le rendre fier. Je sais que c'est un Yakuza. Il ne sait pas que je sais, et il essaie toujours de me faire croire qu'il a une activité honnête à côté de la Kempeitai. Pas que la Kempeitai ne soit pas honnête, mais elle est secrète. Bref. J'ai découvert qu'il dirigeait les Yakuza il y a peu, mais ça ne me gêne pas. Je sais qu'il fera ce qui est nécessaire pour nous protéger. Nous, sa famille. Alors, qu'il soit un méchant ou un gentil, ça m'importe peu.

Enfin. Tout ça pour dire qu'il faut que je me débarrasse toute seule du policier. D'une manière ou d'une autre.

Je posais ma faux contre le mur près de moi, avec regret. Cependant, s'il m'imaginait dépourvue, l'agent Joyce se trompait.

« Je vous trouve bien familier, officier Joyce. Est-ce une manie de la police de Seïkusu d'utiliser des mots grossiers en face d'une jeune dame bien élevée ? Et de ne pas se préoccuper du sort d'un blessé ? Vraiment, ce service public tombe bien bas... »

Je hausse un sourcil interrogateur, légèrement cynique.

Il ne m'impressionne pas, même en prenant sa grosse voix d'agent de police -à qui on ne la fait pas, à lui.

Malgré tout, je lève les mains, comme pour montrer que je ne lui voulais pas de mal.

Il pourrait aisément voir les diverses armes qui étaient collées contre mon corps. Deux armes à feu, des Smith & Wesson, à ma ceinture, et diverses armes blanches dans des fourreaux sur mes cuisses, à ma ceinture ou à mes chevilles. J'avais aussi un taser dans une pochette sur l'extérieur de ma cuisse droite, et une matraque télescopique de l'autre côté, sur la cuisse gauche. Cette dernière, de loin, n'avait l'air que d'une vulgaire lampe torche, pas plus grande que ma main, et pas plus large qu'un sexe de bon diamètre.

« Est-ce que ça vous amuse, de jouer les durs ? De montrer toute votre "virile autorité" ? »

Un petit sourire naquit sur mes lèvres. Mon regard se déplace, et n'est plus fixé sur le flic.

« Je ne vous veux aucun mal, Nathan Joyce. Par contre, je n'en irais pas autant de cet homme qui tente de vous approcher par derrière sans se faire remarquer. »

*Héhé, j’aime ses bijoux... Voilà une dame qui sait s’habiller, hein, Nate ?*

Il observa sur le corps de cette ravissante femme un véritable arsenal. Visiblement, celle-là était partie pour une véritable croisade, et son Glock faisait bien pâle figure face à ses deux flingues, ses armes blanches, son taser, sa matraque... Nathan cessa de faire le calcul, vigilant. Il avait déjà pu noter que cette fille n’était pas normale. Le fait de se retrouver face à un flic ne semblait guère l’effrayer, ce qui, en soi, témoignait d’une certaine expérience dans le domaine.

« Est-ce que ça vous amuse, de jouer les durs ? De montrer toute votre "virile autorité" ? se mit-elle à le narguer.
 -  Ouais, je prends mon pied à passer mes soirées dans des ruelles remplies de poubelles, vous avez pas idée, rétorqua-t-il rapidement. Continuez sur votre lancée, retirez le reste de vos bijoux de famille, je voudrais pas avoir une mauvaise surprise en vous menottant. »

La Bête perçut alors de multiples frémissements, et Nathan fronça les sourcils. Dans son dos... Mais pas uniquement. La Bête était un prédateur, un tueur né. On ne pouvait pas vraiment espérer la prendre par surprise, car elle avait une sorte de sixième sens, et, tandis que Nathan braquait la femme, et que la Bête louchait sur ses seins en essayant de trouver un moyen de lui péter le cul, elle voyait aussi des rivaux approcher, des menaces obscures, se confondant avec les ombres.

La femme se mit à lui sourire, tandis qu’il vit son regard se déplacer, fixant un point dans son dos.

« Je ne vous veux aucun mal, Nathan Joyce. Par contre, je n'en dirais pas autant de cet homme qui tente de vous approcher par derrière sans se faire remarquer. »

Surpris, le vampire, qui espérait probablement attaquer discrètement, bondit vers Nathan, essayant de planter ses canines dans son cou. Il aurait probablement réussi, s’il n’était pas tombé sur un homme qui avait travaillé au sein des forces d’intervention, rompu au combat au corps-à-corps, et disposant de réflexes surhumains, boostés par le symbiote dans son corps. Nathan se retourna subitement, et envoya son coude en arrière tout en pivotant légèrement. Les dents du vampire claquèrent dans le vide, et il se reçut un coup de coude sur la nuque, qui l’envoya heurter le mur. Furieux, le vampire se rua alors sur le policier. Nathan ne pouvait pas l’abattre, car il était trop près. Il leva son pied, et frappa le vampire à l’estomac, le repoussant, avant de s’emparer du couvercle d’une poubelle, et de l’envoyer heurter le visage du vampire, dans un *BONG !* sonore.

Malheureusement, les vampires n’étaient pas non plus des humains normaux, et le coup, s’il dut probablement sonner un peu le vampire, ne l’arrêta nullement. Il agrippa le couvercle avec ses mains, et l’arracha des mains de Nathan, le balançant sur le sol en le tordant légèrement. Les yeux du vampire étaient injectés de sang, il avait des crocs tendus, et une furieuse envie de massacrer Nathan... Mais son regard se porta alors sur la mystérieuse femme.

« Toi... Je reconnais ton odeur... La Mort. »

Nathan leva alors la tête, et vit d’autres silhouettes sur les toits.

*Merde, c’est tout un putain de gang.*

Quelle plaie ! Il se plaqua contre le mur, tandis que le vampire grognait.

« Tu as tué plusieurs des nôtres... Il va falloir payer l’addition, chasseuse. »

Chasseuse ? Nathan se disait bien que, avec un tel look, et un tel aplomb, ce cosplay sexy de la Grande Faucheuse ne devait pas être une jeune étrangère s’étant trompée de rue en cherchant une quelconque convention. Le vampire esquissa un léger sourire, tout en observant la victime. Elle était allongée à côté de la femme, et la Bête sentait quelque chose la concernant.

*Je crois que cette victime n’est pas totalement morte...*

Nathan se mit alors à grogner, et pointa son arme sur la tempe de l’homme.

« Bon, ça suffit les conneries ! Vous êtes tous en état d’arrestation ! »

Le vampire rigola, et ses yeux rouges virèrent alors au noir, avant qu’un jet d’ombre ne l’enveloppe. Nathan bondit en arrière, et appuya instinctivement sur la gâchette, mais la balle heurta le mur opposé au sien. La luminosité revint rapidement... Mais le vampire avait disparu, ainsi que ses acolytes sur le toit.

Décidément, ce flic était bien trop borné pour son propre bien. Je n'allais pas l'attaquer, non. J'esquissais même un geste pour obtempérer. En soupirant, bien entendu. C'est de mauvaise grâce que je commençais à sortir mes armes à feu, sans geste brusque. Mais le vampire qui s'approchait furtivement de l'agent de police arrêta mon mouvement.

Profitant de ce que le flic se défendait (et plutôt bien, d'ailleurs), je me redressais et croisais les bras derrière mon dos. Avec les armes à la main, la sécurité retirée. Je possédais des balles en argent, trempées dans l'ail et bénies en plus d'être creusées d'une croix sur le bout effilé.

C'est à ce moment que le vampire tourna son attention vers moi. Sur mes gardes, je laissais mes pieds s'écarter pour me camper fermement au sol. La base, pour un bon tireur. Je lâchais mes bras, pour qu'il retombent le long de mon corps, en observant le Surnaturel. Celui-ci s'intéressait à la victime encore en vie. Plus pour longtemps si les secours n'étaient pas prévenus dans les dix minutes. Mais pour le moment, avec un pouls faible.

N'y comptes même pas, abruti aux longues dents. Tu toucheras pas à un cheveux de cette pauvre femme. Ni toi, ni tes petits copains là-haut.

« N'essai- »

Je n'ai pas pu finir. Nathan Joyce m'a devancée.

Imbécile. Ce n'est pas avec un vulgaire Glock aux balles normales que l'on tue un vampire...

« Trop tard... »

Je souffle, expirant une partie de ma frustration.

« Si vous n'aviez pas joué les chauds lapins, agent Joyce, j'aurais eu ce vampire, et au moins un de ses confrères. Maintenant, ils vont monter un plan diabolique pour nous avoir tous les deux.
Bravo. Bien joué. »

Mes compliments puaient l'ironie. Je rengainais alors l'un de mes flingues, gardant l'autre contre ma cuisse tout en ayant remis la sécurité. Je m'accroupis près de la victime, cherchant son pouls.

Il était toujours là, Dieu soit loué.

« Vous vous décidez à appeler les secours ou pas ? »

Pourquoi je ne le faisais pas moi-même ?

Parce que je n'avais pas mon téléphone pardi. Je l'avais écrasé, une fois encore, contre la face d'un démon au début de la nuit. Il fonctionnait beaucoup moins bien maintenant...

Pendant que l'homme appelait (ou pas) les secours, je fis mon possible pour comprimer la plaie au cou de la victime, évitant qu'elle ne perde encore plus de sang. J'avais donc posé mon arme, sur le sol, près d'elle. Pourvu qu'elle tienne le coup.

Et pourvu que ce satané vampire ne revienne pas tout de suite aussi.

M'enfin, m'est avis qu'il va d'abord chercher des renforts. Ma réputation est bien ancrée chez eux. Ils savent que ce n'est pas en étant une dizaine qu'ils peuvent m'avoir. Ils savent qu'il en faut au moins le double.

« J'espère que vos réflexes de tout à l'heure n'étaient pas un pur hasard. Parce qu'il va falloir réagir au quart de tour, voire plus rapidement encore, quand ils vont débarquer. Et ce ne sera pas un petit comité comme celui auquel on vient d'avoir droit... »

« Si vous n'aviez pas joué les chauds lapins, agent Joyce, j'aurais eu ce vampire, et au moins un de ses confrères. Maintenant, ils vont monter un plan diabolique pour nous avoir tous les deux. Bravo. Bien joué. »

Qu’est-ce que c’était que cette femme ? Que ce délire ? Il avait la curieuse impression d’être tombé dans un épisode curieux de Buffy contre les vampires, ou une autre de ces conneries bit lit qui faisaient mouiller les culottes des gamines de 13 ans. Il regarda la femme, qui, visiblement énervée, se pencha vers la victime. Nathan, lui, leva la tête, observant les toits. Où étaient donc passés ces types ? Il avait vaguement l’impression d’avoir affaire à des vampires, ce que semblait témoigner les deux canines pointues qu’il avait vu sur cet homme, avant qu’il ne se volatilise.

*Je sens quelque chose de particulier avec cette femme...*

Nathan avait appris à se fier à l’intuition de la Bête. La femme était visiblement agacée, alors que lui avait l’impression de baigner dans une histoire de fous. Le policier observait la victime, essayant de comprendre où était le problème.

« J'espère que vos réflexes de tout à l'heure n'étaient pas un pur hasard. Parce qu'il va falloir réagir au quart de tour, voire plus rapidement encore, quand ils vont débarquer. Et ce ne sera pas un petit comité comme celui auquel on vient d'avoir droit... »

Il écouta vaguement cette femme. Non, il y avait définitivement quelque chose qui ne tournait pas rond dans cette histoire, un problème avec cette victime. Comment dire ?

« Si j’étais vous, je m’éloignerais de... »

Il n’eut cependant pas le temps d’ajouter que la victime rouvrit alors brutalement les yeux, et attrapa la femme à la gorge, pointant des canines. Elle allait la frapper quand une balle l’atteignit à l’épaule, la renversant. Elle roula sur le sol, et Nathan pointa son arme.

« Mains en l’air ! »

La femme blessée se releva en grognant, visiblement furieuse, ses mains tendues.

« Qui êtes-vous ? Identifiez-vous ! »

La femme se mit à sourire, alors que, peu à peu, Nathan constata que sa peau beige était un mirage. Elle avait une peau sombre, verdâtre, et ses yeux se mirent à se teinter de jaune. Nathan ne pouvait pas le savoir, mais il avait devant lui une brouxe, un terme désignant les vampires qui avaient perdu la raison, et toute forme de conscience. Des bêtes sauvages ne pensant qu’au sang. Il apparaissait logique de penser que la personne qui était en charge de cette mise en scène avait visiblement tenté d’attirer Dana dans un piège, et que cette personne était une magicienne, suffisamment talentueuse pour donner à une brouxe la forme d’une victime.

Naturellement, Nathan ignorait tout ceci. La brouxe était certes un vampire intellectuellement retardé, mais ses capacités de combat pouvaient être redoutables. Nathan la visa à nouveau, et la brouxe fondit alors vers lui. Il fit feu une nouvelle fois, atteignant encore la femme, mais sans que la balle ne l’arrête. Les griffes de la brouxe manquèrent de le cingler. Nathan s’abaissa, et se recula, prêt à faire appel à la Bête pour se débarrasser de ce monstre.

Il ignorait dans quel délire il venait de débarquer, mais, visiblement, il était parti pour une sacrée histoire.

Bordel de bordel de bordel.

J'étais tellement agacée par l'inconscience du flic que je n'ai pas pris garde à la victime. Je ne l'ai pas regardée attentivement. Sinon, je l'aurais deviné. N'est-ce pas ?

J'ai vu tellement de monstres dans ma vie, comment ça a pu m'échapper ?

Je m'écarte de la victime-qui-n'en-ai-pas-une et je me masse la gorge.

Putain !

Je me saisis de ma faux sans tarder, et m'en aidait pour me relever. Je regardais l'être qui courait soudain sus au flic. Je l'interpelais, comme les balles ne semblaient pas l'arrêter.

« Hey, pétasse ! C'est moi que tu veux ! »

Je pris ma position de combat avec ma faux en main, prête à me défendre tandis que le Surnaturel se figeait net face à Nathan.

« Et bien alors, qu'est-ce que tu attends vermine ? »

Je me doutais qu'elle avait des ordres. Un être comme ça n'était plus capable de réfléchir ou de penser "bien" ou "mal". Mais, si un magicien avait masqué sa vraie forme, alors il devait aussi avoir implanté un instinct dans la bête. Un instinct qui devait pousser cette créature à me tuer moi. La Mort. Big Bad Wolf. L'exterminatrice.

Cette créature luttait contre son envie de sang frais. Elle voulait déchirer la gorge de celui qui était face à elle. Mais un instinct plus fort lui soufflait de venir me tuer. De m'étriper. De m'égorger. De me démembrer.

Finalement, l'instinct implanté sembla être le plus fort. Elle se retourna vers moi, et bondit. Un bond surnaturel. Puissant. Rapide.

Mais moi aussi je suis puissante. Rapide. Je suis mortelle aussi.

Mon arme lui fauche les jambes aussi facilement que si j'avais coupé du beurre.

« Tu fais moins la fière, salope, hein ? »

J'étais entièrement concentrée sur mon but. A savoir : Liquider cette saloperie. Inutile de la cuisiner, elle ne dirait rien. Elle ne pourrait rien dire.

Ma faux s'abattit une nouvelle fois, la cueillant au thorax comme un crochet de boucher accueillait les bouts de viande. Mais je grimace soudain.

Cette cochonnerie m'a griffée. Mon bras présente la trace de cinq griffes et saigne. Pas abondamment, mais suffisamment.

Je la repoussais contre une benne à ordure, plus furieuse encore.

J'allais la décapiter. Et la brûler.

Mais un perturbateur arriva. Un groupe, plutôt. Ils devaient être une trentaine. Des vampires. Merde. Ils ne devaient pas être loin, puisque mon sixième sens s'alarmait.

« Agent Joyce ! Prenez ça ! »

Je délaissais un instant ma créature pour dégainer mon second Smith et Wesson pour le lui lancer. Je lançais aussi l'un des pieux que je gardais dans mes bottes.

« Pieu dans le coeur. Ou une balle, elles sont consacrées. Sinon, décapitation et incinération. De toute façon, mieux vaut trop de précautions que pas assez. »

Je repris ma faux, la tirant du pseudo cadavre vivant et désormais cul de jatte dans un bruit de succion écoeurant.

Pourquoi j'avais donné des armes consacrées au flic ?

Parce que je sentais que je pouvais lui faire confiance pour faire des dégâts.

Et puis je n'allais pas laisser un non-initié se débrouillé avec un simple Glock.

« Bye bye, saloperie mort-vivante... »

D'un geste fluide, je décapitais la créature tandis que les renforts ennemis arrivaient. Il fallait que je bande mon bras, sinon, ces monstres se jetteraient sur moi sans me laisser le temps de répliquer.

Mais j'ai pas le temps. Alors j'essuie mon bras contre la créature morte, et je me retourne, prête à me battre.

Nathan ignorait ce qu’était cette saloperie, mais elle était rapide. La Bête allait agir quand la femme en cuir se mit à l’appeler. La brouxe se retourna alors en grognant, puis délaissa Nathan, fonçant droit sur elle. Ce qui suivit s’avéra assez rapide... Et sanglant. Récupérant sa faux, la femme faucha les jambes du monstre, faisant jaillir son sang. La brouxe s’affala sur le sol en grognant, ses griffes fendant l’air, griffant la femme. Nathan entreprit de se rapprocher quand les hurlements furieux et incessants de la brouxe se terminèrent. La femme la planta à hauteur des seins, avant de la soulever, et de la balancer contre une poubelle, laissant une traînée de sang derrière elle.

*Putain, mais c’est quoi, ce bordel ?!*

Le policier vit les canines pointues de cette espèce de folle, et comprit qu’il devait s’agir d’une espèce de monstre. Quand l’autre femme lui tendit un Smith & Wesson .500 Magnum, ainsi qu’un pieu, il comprit qu’il était définitivement tombé dans un remake de Buffy. Nathan, penaud, entendit alors les bruits qui s’approchaient rapidement, venant de derrière lui.

« Bye bye, saloperie mort-vivante... » lâcha alors la femme, avant de mettre fin aux hurlements de la femme en la décapitant.

Le sang jaillit du cou de la bête dans un geyser, et la femme en cuir se retourna. Les bruits étaient rapides. Nathan glissa le pieu dans l’encolure de sa ceinture.

« Jolis bijous... Buffy. »

Il ignorait son nom, après tout. Il rangea son Glock, non pas parce qu’il croyait que cette arme « consacrée » serait plus efficace qu’une arme normale, mais parce qu’un .500 Magnum ne pouvait pas se tenir sérieusement à une main. Quand il vit le premier type débarquer, en hurlant comme un dératé, Nathan lui hurla inutilement de se rendre. L’homme avançait très rapidement, enjambant une poubelle, les yeux injectés de sang... Et Nathan fit feu. Le .500 rugit, comme si un éclair venait d’exploser au bout du canon. Les mains de Nathan se soulevèrent sous la puissance du recul, tandis que la balle, une munition .500 S&W Magnum, heurta le vampire à la jambe, explosant cette dernière dans des projections d’hémoglobine et de cartilage. Le vampire tomba sur le sol, et un autre l’enjamba.

Nathan fit feu à nouveau, les jambes légèrement fléchies, le buste en arrière, afin de supporter la puissance du tir. La seconde balle atteignit la tête du vampire, la faisant exploser. Les deux yeux jaillirent comme des fusées, explosant contre le sol, tandis que toute une partie de la tête disparut. Fauché en plein vol, le tueur s’affala sur le sol, dans une mare de sang, de morceaux de cerveaux, et de bouts blanchâtres d’os.

*Ça, c’est du gun !*

Un troisième vampire fonçait vers lui, et Nathan tira encore, l’atteignant à la tempe, explosant également quelques morceaux de son corps, provoquant une hémorragie.

*Au-dessus, Nattie-boy !*

Nathan releva la tête, et vi tune silhouette sombre descendre rapidement, jaillissant depuis le toit. Il eut un réflexe de survie, et bondit en arrière, évitant de justesse une redoutable lame qui le loupa un peu. Une femme en cuir venait d’atterrir, mais, dans la précipitation, il peina à la distinguer. La femme s’appuya sur une jambe, et opta pour un coup de pied retourné, qui repoussa Nathan sur le sol, l’envoyant par terre. Depuis le sol, Nathan put voir une sorte de guerrière. Son visage était recouvert d’une sorte de masque de dominatrice issue d’une soirée axée BDSM, et elle sortit sa lame, qui heurta alors la faux de Miss Buffy-En-Cuir.

La ninja bondit alors dans les airs, tournoyant élégamment, essayant d’attaquer la femme dans le dos. Elle était rapide et agile, et, depuis le toit, Nathan put voir d’autres vampires ninjas, qui les observaient silencieusement. Il entreprit lentement de se relever.

Décidément, il ne comprenait rien à ce bordel, et espérait bien avoir une petite conversation avec Buffy entre quatre yeux.

« Dana... »

Ce fut tout ce qui franchit mes lèvres.

Pas que je n'aimais pas Buffy. Pas que ça m'ennuyais de dire mon nom. Mais on avait du pain sur la planche, alors bavasser et faire connaissance n'était pas dans mes plans. Pas pour le moment.

D'ailleurs, l'action ne tarda pas à commencer. Laissant le flic se débrouiller avec mon arme, je m'occupais de protéger ses arrières des chauve-souris qui tombaient du toit comme des mouches. Ma faux tranchait dans le vif, encore et encore, laissant des tronçons de corps au sol. Je les achèverais plus tard.

Et puis, il y a eu cette satanée Ninja. Elle rejeta l'officier de police au sol grâce à un coup de pied, et para habilement quand j'envoyais ma lame la décapiter.

Et un putain de duel commença.

J'aime pas les duels.

Je préfère les mêlées, c'est plus... Jouissif.

Et en plus, mon adversaire est un redoutable serpent, essayant d'attaquer en traître, et faisant la mariole avec ses acrobaties.

J'ai déjà dit que je détestais les duels ?

Et bien, je déteste encore plus ces satanés Ninjas.

Je pare, tant bien que mal, à grand renforts de moulinets de ma faux. Il faudrait que je change d'arme. Elle est trop imposante pour un duel. Parfaite pour les mêlées, cependant.

« Vous vous débrouillez avec une faux, Nathan Joyce ? »

Dans une roulade, j'évitais le tranchant de l'acier qui voulait me démembrer. J'utilisais le manche de la faux pour mettre un coup dans les reins de la Ninja. Puis je lançais mon arme vers Nathan, espérant qu'il l'attrape pour aller s'occuper de ces damnés qui venaient de tous les côtés, et pas seulement des toits. Je devais me débarrasser de celle-ci avant de continuer le grand ménage.

Je retins un cri quand l'acier heurta mes côtes, déchirant largement ma tenue et laissant une estafilade assez impressionnante sur ma peau blanche. Mais je continuais mon geste, et m'accroupis en saisissant ma deuxième arme à feu, restée à terre.

Je me relevais calmement, me concentrant alors. J'évitais habilement trois attaques, en faisant un pas sur le côté ou en me baissant, et je fis feu.

J'avais devancé l'action de la vampire Ninja. Ma balle devrait normalement lui exploser la cervelle. Prenant ça pour acquis, je ne m'attardais pas un millième de seconde de plus et je lui tournais le dos pour viser sur les toits. Le recul de l'arme m'étais familier, et ma position était devenue instinctive.

Bam. Bam. Bam.

Et je continuais.

Quand je n'eus plus de munitions, j'attrapais mon taser et ma matraque télescopique. D'un geste sec vers le sol, je la dépliais. La pseudo lampe torche mesurais désormais soixante-dix centimètres de long, et avec, je pouvais briser les os de n'importe qui.

Même d'un foutu vampire.

Même d'un démon.

Ais-je précisé qu'elle était ornée d'une croix et d'un pentagramme ?

Prête à continuer la lutte, je me figeais pourtant.

Je sais qu'on est dans le quartier de la Toussaint. Je sais qu'il fait nuit. Mais putain, j'ai l'impression de voir une armée de vampire arriver. Ils n'ont quand même pas mobilisé toutes leurs forces pour moi, si ?

« Je crois que l'on devrais songer à une solution de repli ! »

Mon cri s'adressait à l'agent Joyce. Je ne le connaissais pas, et notre rencontre avait mal débuté. Mais je ne pouvais pas le laisser au milieu de tout ça et filer à l'anglaise, comme une lâche, n'est-ce pas ?

La ninja se désintéressa totalement de Nathan pour se concentrer sur Dana, ce qui, en toute honnêteté, n’était pas pour déranger Nathan. Utilisant le puissant .500, il fit à nouveau feu, déclenchant le tonnerre, abattant un autre vampire en l’atteignant à la poitrine, provoquant dans son corps un trou gros comme une pastèque. Pourquoi s’emmerder avec un pieu, quand on avait entre les mains un bazooka miniature ? Le canon fumait, lorsque Dana lui hurla aux oreilles d’utiliser sa faux. Tournant la tête, Nathan, par réflexe, réussit à attraper l’encombrant objet. Qu’est-ce qu’il était supposé faire avec ce truc ? Un vampire poussa un hurlement près de lui, et il eut à peine le temps de se retourner qu’il se retrouva cloué au sol par le vampire. Il ressemblait à un jeune Japonais complètement défoncé. Un scénario classique de la jeunesse désœuvrée de la Toussaint, un héritage de la crise financière des années 1990’s. Le vampire lui crachait à la figure, et plantait ses griffes dans son corps, enfonçant ses vêtements, avant de le mordre au cou, cherchant, non seulement à boire son sang, mais surtout à trancher sa veine, provoquant ainsi une hémorragie qui tuerait le policier à coup sûr.

En temps normal, ce dernier n’aurait jamais eu la force de repousser ce monstre. Cependant, il avait aussi avec lui son propre monstre, qui décida qu’il était temps de pousser la chansonnette. Le corps de Nathan se durcit un peu, certaines parties de son corps se couvrant d’excroissances noirâtres. Une force nouvelle jaillit en lui, et il posa ses mains sur le torse du vampire, avant de le repousser sauvagement en poussant, aidé par la force de la Bête. Surpris, le vampire glissa sur le dos, roula sur le sol, et se releva, les canines inondées par le sang de Nathan. N’ayant plus le .500 Magnum, Nathan saisit son Glock, et fit feu à plusieurs reprises, presque à bout portant. Ce n’était pas aussi violent que l’arme de cette charmante Dana, mais la cervelle du vampire sauta quand même.

Il entendit alors des détonations dans son dos et se retourna. Dana venait de sortir la grosse artillerie. Nathan, qui avait lâché sa faux, se pencha pour la récupérer. Il ignorait totalement comment s’en servir. L’avait-elle pris pour un chevalier des temps modernes ? Il ne savait déjà pas servir d’une épée, alors un truc pareil... En observant plus attentivement Dana, il vit que sa tenue en cuir avait été ouverte par le bout de l’épée du ninja, qui gisait dans son sang... Une belle coupure, une belle traînée de sang, qui remonta jusqu’à son soutien-gorge. Un petit bout du paradis, auquel Nathan ne s’attarda guère.

« Je crois que l'on devrais songer à une solution de repli ! » lui annonça alors Dana.

Nathan pouvait entendre des hurlements furieux venant des ruelles adjacentes.

« J’crois que vous avez raison, on se casse ! »

Il lui balança sa faux, estimant qu’elle serait plus à même de l’utiliser, et se mit à courir. Il fila le long de la ruelle, entendant les bruits de pas des vampires. La ruelle partait sur la droite, remontant vers la rue. Son Glock à la main, Nathan courait rapidement, inspirant et expirant, les sens en alerte. L’adrénaline battait dans ses veines, et il sentait toute l’impatience de la Bête, toute sa frustration.

*Je n’aime pas fuir... Laisse-moi me transformer, et je leur règlerais leur compte… Tu devrais me faire confiance sur ce point…*

Nathan savait qu’ils étaient dans un quartier assez sinistre de la Toussaint. Il y avait beaucoup de taudis, beaucoup d’immeubles fermés, beaucoup de chantiers en construction... Les renforts ne viendraient pas facilement. Il débarqua dans la rue, regardant à droite, puis à gauche. Il fallait réfléchir, et vite. Alors que Nathan envisageait de partir, il entendit le vrombissement d’une voiture sur la droite.

« Qu’est-ce que c’est que ça ?! » s’exclama-t-il.

La voiture était face à eux. Une Toyota 4x4, qui se mit à s’avancer, avant que les pleins phares ne s’allument, les éblouissant. Le klaxon se fit alors entendre violemment, alors que la Toyota s’avançait à toute allure, fonçant droit sur eux. Nathan n’essaya même pas de faire feu, et se mit à courir. Il n’y avait aucune ruelle derrière laquelle s’abriter, et il fila entre deux voitures, sautant sur le côté. Il évita de justesse le 4x4, qui frappa une voiture garée, arrachant un rétroviseur. Nathan vit qu’il y avait deux hommes à l’intérieur, probablement des vampires. La Toyota se désintéressa du flic, choisissant alors de courser Dana. Au sol, Nathan avait reçu des bris de verre, et se releva, avant de faire feu sur la voiture, mais sans parvenir à l’arrêter.

Il n’y avait que dans les films que le héros explosait un pneu d’une voiture en route du premier coup.

Fuir n'était pas ce que je préférais. Cependant, j'étais peut-être butée, mais pas suicidaire. J'avais un minimum de logique. A deux contre cette armée de vampires, nous ne faisions pas le poids. Je préférais alors fuir plutôt que de mourir bêtement, en compagnie d'un homme que je ne connaissais pas.

J'ai juste eu le temps de raccrocher l'une de mes armes à ma ceinture. Peu après, dans un mouvement réflexe, je réceptionnais ma faux avec grâce. Et je me mis à courir. Je suivais le flic. Et quand la voiture déboula, je ne m'attardais pas non plus. Je courais. Haletant légèrement, et la faux à la main, je ne vis même pas mon compagnon de fortune disparaître. Je continuais à courir, droit devant. Un certain film d'animation me vient alors en tête. Une histoire de poisson. L'un d'eux, un bleu et jaune, n'arrêtait pas de chanter "Nages droit d'vant toi, nages droit d'vant toi...".

Et bien sûr, c'est cette phrase qui hante mon esprit en ce moment.

Avisant un conteneur sur le côté, je sautais. Leste, je grimpais sur la benne. Je m'aperçus alors que Nathan avait disparu.

Putain merde, il est où ?

Je n'ai pas le temps de chercher. Tandis que la voiture freinait brusquement, faisant crisser les pneus sur l'asphalte, j'escaladais les failles du mur de la rue pour me jucher sur le toit. Au loin, des silhouettes semblait flotter. Puis s'évanouir dans la nuit.

Satanés suceurs de sang...

Ma faux à la main, je repris alors ma cours sur les toits, en sens inverse, pour tenter de voir où est-ce que j'avais perdu de vu mon coéquipier improvisé.

Je fauchais un vampire un peu inconscient, aussi facilement que d'habitude.

Mais un autre arriva. Un autre putain de ninja.

Et, sur les toits, un autre duel s'engagea.

Je ne comprends pas pourquoi les autres forment un cercle autour de nous, et nous regardent. Ils pourraient tout simplement se jeter sur moi et me tuer, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi faire durer le combat ?

Je crie quand une griffe se plante entre mes cotes. Pas d'organes touchés, je pense, mais c'était la blessure de tout à l'heure déjà. Du manche de la faux, je repousse la sangsue avec difficulté.

Très bien, puisqu'ils veulent jouer comme ça, allons-y.

Essayant d'oublier la douleur qui irradie sur mon flanc, je décapite brusquement mon adversaire. Un autre se présente. Je le fais basculer dans la rue, plus bas, avant qu'il n'ait eu le temps de m'attaquer. Puis je sors mon taser. C'est de l'électricité. Ça doit agir un peu comme le feu, non ?

Dans le doute, j'essaie sur le suivant.

Tazzzzz !

« Crèves, monstre ! »

Et en contrebas, le moteur de la Toyota rugit à nouveau.

Nathan vit Dana, en train de se prendre pour une monte-en-l’air. Telle Spider-Girl, elle grimpa le long des lézardes dans le mur pour atteindre le toit, s’appuyant aussi sur la gouttière. Nathan regarda autour de lui, et envisagea de rejoindre le toit en passant par l’escalier à l’intérieur de l’immeuble... Quand des cris résonnèrent près de lui. Tournant la tête, il vit d’autres tueurs débarquer, et le canarder avec des Uzis. Les balles plurent sur lui, et il plongea sur le côté, retournant s’abriter derrière la voiture. Les balles explosèrent contre cette dernière, défonçant le rétroviseur, plusieurs fenêtres, avant que l’alarme ne sonne. Nathan répondit au jugé avec son Glock, tandis que les tueurs ricanaient.

« On va t’buter, l’ami !
 -  Il ne fallait pas se mettre entre nous et nos ennemis ! »

Leurs ennemis ? Est-ce que ça voulait dire qu’il y avait d’autres modèles de Buffy, mis à part la folle en cuir noir ? Nathan réfléchissait rapidement, des bris de verre sur le corps, quand le moteur de la Toyota se fit à nouveau entendre. Les deux tueurs, à sa surprise, se mirent alors à faire feu vers l’engin. Les balles explosèrent le pare-brise, et tuèrent le pilote d’une balle en pleine tête qui fit exploser sa cervelle. Il s’écrasa lourdement sur le volant, et le véhicule fit une embardée. Son partenaire réussit à sauter à temps, tandis que la voiture se mit à faire une série de tonneaux, fonçant droit vers les deux tueurs. Elle en faucha un au passage, ne laissant plus que ses chaussures, tandis que l’autre avait réussi à sauter sur le côté. Nathan saisit sa chance, et sortit de l’abri précaire dans lequel il se tenait, empoignant l’homme par les épaules. Se prenant pour Edward Norton, il balança le tueur sur el sol, près du trottoir, et plaqua sa tête contre le trottoir, pour poser son pied sur cette dernière.

« Pour qui tu travailles, espèce de taré ?!
 -  Hahahahaha !! La Dame aux Griffes viendra t’ouvrir en deux comme une truie !! »

Ce type était complètement dingue.

*Attention !*

Le vampire qui se trouvait dans la Toyota, celui qui avait réussi à sauter en route, s’était relevé, et courait vers Nathan. Le temps que ce dernier se retourne, le vampire lui sautait déjà dessus. Nathan se sentit basculer vers le bas, et, alors que son dos heurtait le sol, il leva son genou, heurtant l’abdomen du vampire, le soulevant. Ce dernier décolla du sol pour atterrir par terre. Nathan se releva, et fit feu, l’atteignant en pleine tête. Le vampire s’écroula sur le sol. Nathan sentit soudain du mouvement derrière lui, et se retourna.

« Putain, t’es quoi, toi ?! »

Devant ses yeux, il y avait une espèce de truc impossible à identifier, un guerrier avec des dreadlocks et une sorte d’épaisse lunette rouge avec de multiples points qui se tenait au-dessus de l’homme que Nathan avait brièvement interpellé... Il en avait profité pour lui arracher la tête, qui roulait sur le sol.

« Haut-les-mains, enfoiré ! »

Nathan brandit son arme, et fit feu... Mais il vit alors l’homme disparaître dans les ombres. Surpris, Nathan se retourna sur la gauche, et fit à nouveau feu. L’homme bondissait à chaque fois, en profitant pour se téléporter, et faucha les jambes de Nathan. Ce dernier bascula en arrière, en lâchant son Glock, et, alors qu’il tombait sur le dos, il vit la visière rouge de l’espèce de fou furieux lui occulter la vision, tandis que ses griffes se plantèrent fermement dans sa chair, s’enfonçant sur plusieurs centimètres.

Un coup mortel.

L’homme disparut ensuite.

Devant Dana, isolée sur son toit, cinq hommes similaires à celui qui venait de renverser Nathan apparurent subitement, formant un demi-cercle autour d’elle. Alors que le combat semblait imminent, une voix se mit à résonner, depuis le sommet d’un panneau publicitaire :

« Idiots ! Ce n’est pas elle que nous recherchons ! Ce n’est pas la traîtresse ! »

La voix émanait d’une étrange femme en armure, et les mystérieux tueurs relevèrent la tête, tandis que els autres vampires se mirent à ricaner. Les guerriers disparurent alors, et les vampires commencèrent à se replier, disparaissant rapidement, poussant des gloussements et des ricanements, tandis que la mystérieuse femme sur le panneau publicitaire se volatilisa également.

Mis à part une Toyota renversée au milieu de la rue, avec une projection de sang s’étalant sur plusieurs mètres, correspondant au vampire que la voiture avait fauché, il n’y avait plus rien... Ça, et aussi un policier qui gisait sur le sol, et qui aurait normalement du être mort.

Pourtant, l’homme était en train d’éternuer, et, si on avait la curiosité de s’approcher, on pourrait voir que ses profondes plaies étaient, comme par magie, en train de cicatriser.

J'étais encerclée par ces fichus sangsues. Pour une fois, je doutais de ma capacité à m'en sortir. Mon taser n'a que deux coups. L'un vient d'être utilisé. Avec succès, certes. Mais ce n'est qu'un seul monstre. Il reste toujours les autres. J'en décapite un autre pendant que la surprise de l'attaque électrique reste jouer en ma faveur, avant d'être de nouveau obligée de me servir du taser. Et Tazzzzz, à nouveau. Plus de surprise cette fois. Celui que je visais s'est écarté, mais par chance, le vampire de derrière ne l'avait pas vu venir.

J'entends des coups de feux en contrebas, et ça distrait suffisamment les vampire pour me permettre d'effectuer de grands moulinets avec ma faux, et de trancher dans le tas comme si c'était du beurre. Il y a des morceaux de vampires un peu partout. Mais au moins, je serais tranquille un moment.

...

Enfin, je croyais. A peine en avais-je fini avec ce troupeau de sangsues que d'autres apparurent.

Enfin, je crois.

Beaucoup de "je crois", ce soir, non ?

En tout cas, ces monstres-ci ont l'air d'être tout droit sortis des films "Predator" et autres "Aliens". Je me met en garde, essayant de garder ma concentration en luttant contre le désespoir. Il va en sortir beaucoup de nulle part, des comme ça ? Je suis de retour au point de départ. Encerclée...

Une voix de femme me fait brusquement lever les yeux. L'origine de la voix me laisse bouche bée. On dirait une espèce de femme avec un masque à gaz... Ou bien est-ce un de ces plastrons que l'on voit dans les films de science-fiction ?

Et alors là, je n'y comprends plus rien. Après un ricanement, tous disparaissent. Juste... Comme ça.

Il a fallu qu'une créature inconnue (parce que, décemment, ça ne peut pas être une femme normale) leur dise quelques mots pour que "pouf", tout le monde se carapate ?

Tss... J'aurais pu le dire aussi, moi. Presque aussi bien, je suis sûre !

Bon, évaluation des dégâts... Aïe. Ça fait mal. Je suis un peu amochée, je dirais. Et l'autre ? Le flic ?

Je saute du toit, en direction des coups de feu entendus plus tôt. Je grimace aussi. C'est que je ne suis pas aussi indemne que j'aime à le penser... J'ai un regard blasé pour la Toyota, et j'accélère le pas en entendant le flic éternuer.

J'arrive juste à temps pour assister à un phénomène peu ordinaire. Alors qu'il semblait blessé, j'ai l'impression que toutes les plaies se referment...

Non.

C'est pas une simple impression.

« Oh putain... Toi aussi t'es un connard de monstre ? »

J'y crois pas. Mais c'est un flic, bordel !

« J'ai trop donné ce soir... T'as de la chance...

Ouais. J'avais la flemme là. J'étais crevée. L'adrénaline descendait et me laissait éreintée. Et puis j'avais mal.

Je soupirais, et me laissais tomber près du flic-monstre.