«
Voilà... Par ici... »
L’onde magique venait de souffler les deux monstres, les tuant pour de bon, et Elena put se permettre de souffler, soulagée. Les créatures de la crypte étaient mortes. Toute la crypte n’avait pas été purifiée, mais, au moins, les deux femmes pouvaient-elles s’avancer. Elena suivait la boule de lumière qu’Adamante avait formée. Restant dans le dos de la belle Mélisaine, Elena la suivait, silencieusement. Elle avait un capuchon rabattu sur la tête, et une sorte de bure de prêtre, qui faisait qu’il n’était pas aisé de deviner réellement qui elle était. Adamante, en revanche, portait des vêtements plus libres. Son visage était nettement moins connu de la populace que celui de la Reine, et, de plus, il était fréquent de voir Adamante sortir. Contrairement à Elena, Adamante était bien plus libre que la Reine. Elle portait ainsi une tunique violette, et avait la particularité d’être une magicienne se battant sans son bâton. Comme Elena le savait, un mage ne recevait un bâton que quand il n’était plus apprenti. Son bâton abritait alors, en son sommet, un rubis magique, qui servait à concentrer les pouvoirs du mage, le bâton faisant office de catalyseur. C’était tout, sauf un vulgaire bout de bois.
Elena, elle, portait, sous sa bure, une tunique fine. Quand on leur posait la question, Adamante présentait Elena comme sa petite sœur, qui s’évadait parfois d’un des couvents de l’Ordre pour profiter de la ville, en compagnie de sa grande sœur. Ceci expliquait le mutisme d’Elena, mais posait parfois d’autres complications. En effet, il était fréquent que les nonnes soient prises d’assaut par des esclavagistes ou des pervers. Heureusement, Adamante avait un talent indéniable pour les repousser.
Fréquemment, Elena sollicitait auprès d’Adamante une sortie nocturne dans la ville. Bien que ce soit risqué, Elena voulait en savoir plus sur sa ville, notamment sur les rumeurs parlant d’une quelconque Révolution. Elle avait difficilement accès aux rapports publics, et soupçonnait même qu’on édulcore la réalité pour ne pas l’inquiéter. Même Jamiël avait tendance à minimiser les faits, et Elena ne pouvait guère lui en vouloir. Soit ils agissaient délibérément, soit ils pêchaient par ignorance. Dans tous les cas de figure, Elena voulait se forger son propre avis.
Le Palais d’Ivoire existait depuis plusieurs siècles, et comprenait donc quantité de galeries souterraines, de passages secrets, qui menaient dans les profondeurs du Palais d’Ivoire, dans d’anciennes catacombes de la falaise, ainsi que dans l’ancienne crypte royale. De là, il était possible de rejoindre les grottes souterraines de la falaise, et de rejoindre les égouts. Naturellement, ce chemin était très difficile d’accès, et il y avait également des protections magiques à utiliser, ainsi que des énigmes, des murs coulissants, et ce genre de choses. Adamante connaissait le chemin, et il était rarissime que des voleurs réussissent à y pénétrer. Généralement, ils se perdaient dans les catacombes, et, soit réussissaient à sortir en rejoignant une rivière souterraine, soit finissaient, malheureusement, par mourir.
Le duo s’enfonçait dans une crypte souterraine filant sous les bas-fonds. Comme toujours, elles avaient traversé une partie des égouts, Adamante tuant quelques noyeurs, avant d’affronter les goules de la crypte. Elles s’avançaient silencieusement, se rapprochant de la sortie, un escalier en bois menant dans un bâtiment abandonné des bas-fonds, un entrepôt de stockage qui appartenait toujours à une guilde de la ville, mais qui ne contenait plus aucune marchandise.
Adamante s’arrêta soudain, et leva la main vers Elena.
Elle entendait du bruit.
Des sons. Et des bruits de pas. Ils venaient d’un couloir à gauche. Elle affaiblit considérablement sa boule lumineuse, et s’avança lentement. Peu à peu, elle perçut les reflets lumineux de torches, et, en continuant à avancer, le long d’un chemin, longea une grande pièce, où il y avait plusieurs contrebandiers.
«
Merde... »
Les contrebandiers convoyaient de Lourdes caisses, descendant des marches en Pierre menant à une sorte de rivière verdâtre, d’où de petits barques les réceptionnaient, et avançaient vers les docks, afin de charger la contrebande dans les navires. Elena sentait son cœur battre la chamade.
«
Allez, on se dépêche ! -
Vite, vite, chargez toutes les caisses ! »
Certains avaient des fouets, et Elena frissonna en reconnaissant des colliers sur certains des hommes. Des
esclaves.
«
Je les reconnais... Lui, le Terranide, là... Il est recherché par la milice... »
Grimmöor était un Terranide-panthère bleu particulièrement sauvage et cruel. Raciste, cet assassin et pilleur notoire était l’homme de main d’un criminel de la ville,
Nolbert Grochiam. C’était un contrebandier, un ancien comte elfique qui avait mal accepté que son peuple se retrouve en situation d’infériorité à Nexus. Grochiam finançait notamment des terroristes non-humains à commettre des attentats dans certaines parties du globe, la fameuse organisation qu’on appelait Scoia’tael. Leurs membres étaient surnommés les Écureuils, en raison des attentats qu’ils perpétraient généralement dans la forêt, et des pattes d’écureuil qu’ils portaient, en signe d’appartenance à leur cause.
Adamante les observait quand Grimmöor, qui fouettait certains esclaves, se retourna soudain. Adamante se replia immédiatement. Le flair du Terranide... Infiniment plus fort que d’autres humains.
«
Il n’y a jamais eu de contrebandiers par ici... »
Adamante retourna sa tête... Et vit alors Grimmöor. Sa main manqua de peu de la frapper au visage, et elle bondit en arrière, tandis qu’Elena, surprise, se mit à hurler.
«
Que faites-vous donc là, petites fouineuses ? Vous puez le ‘‘dh’oine’’ ! »
Grimmöor rugit alors, dévoilant toutes ses dents... Et Adamante balança un sort d’Air qui le repoussa. Le Terranide bleu roula sur le sol en couinant, et Adamante se releva rapidement, attrapant la main d’Elena.
«
On se casse, vite ! »
Adamante se mit à courir vers l’escalier.
C’est ainsi que les deux jeunes femmes s’élancèrent, et sortirent de l’entrepôt, pénétrant dans les rues silencieuses des bas-fonds de Nexus... Pour voir Grimmöor débarquer pile devant elle, pointant une énorme lame.
«
Je vais vous tuer, salopes ! »