La question de l’Okami passa à la trame, sans doute que son confrère ne l’avait pas entendu, trop plongé dans son dessin ? Quoi qu’il en soit, la louve n’en fit aucun commentaire, rien ne l’empêchait de lui reformuler la question ultérieurement, Shad resta ainsi un long moment sans bouger, se contentant cependant de laisser son regard et son esprit vagabonder dans la vallée pendant que ses oreilles bougeaient de temps à autres doucement, captant les différents sons de la faune et flore sauvage. Un monde séparait celui-ci de Nexus malgré que la ville ne soit qu’à quelques kilomètres au sud.
Finalement, le dessin fut enfin fini et alors que Shad allait le saisir, ce dernier tendu par l’Okami, Aelfric se ravisa et la questionna quant à son choix d’accepter son statut d’esclave. La main légèrement tendue se rabaissa et alla se remettre au niveau de ses genoux, tandis que la louve souffla un coup. Respirant calmement, elle observa un instant le mâle sans rien dire, pensive. Il voulait savoir pourquoi elle avait choisi de servir une personne au lieu d’être libre ? Qu’à cela ne tienne, elle lui expliquerait.
« Cela risque d’être longue histoire, je vais t’expliquer ce qui m’a amené à ne plus être entièrement libre »
La lupine n’avait pas menti quant à la longueur de son récit. D’un ton calme et posé, elle lui conta son aventure sur Terre ainsi que sa capture et le début de ses mésaventures en étant ramené sur Terra. Elle lui compta ses premiers maîtres, les tâches et supplices endurés et la façon dont elle s’échappait à chaque fois. La louve lui raconta son épopée dans le désert jusqu’à la rencontre de la fraternité Bakaar et son retour à Nexus où peu de temps elle fut remis sur le marché des esclaves mais libérée par une vieille connaissance. Puis vint l’histoire avec le vampire esclavagiste, Shad expliquait à Aelfric encore une fois ce qu’elle avait vécu, enduré, subit.
« je ne souhaiterais à personne de le croiser, j’ai eu de la chance de m’en sortir vivante…Si tu le croises, passes ton chemin, fuis. »Décroisant ses jambes et se mettant plus à l’aise, soit assise sur l’herbe, la louve continua le récit de ses aventures, expliquant à son interlocuteur comment elle avait été recueilli chez une Elfe, sa rencontre avec un dragon et un dieu, son périple dans les Terres Gelées pour atteindre la capitale salvatrices des Terranides et où, dans ces contrées glaciaires elle avait fait également maintes rencontres dont un génie.
« Et j’y étais presque, presque à la capitale, jusqu’à ce que je sois…capturée et que je me réveille sur la place publique du Nexus… »
A ces mots, la louve poussa un léger soupir de frustration. Maintenant qu’elle y repensait, elle était vraiment proche de son objectif et plus encore, mis à part quelques rencontres désagréables, elle en avait également fait des plus chaleureuses. Instinctivement, les yeux de la louve se posèrent sur la marque de son poignet avant qu’elle ne reprenne la parole.
« Celui qui m’a acheté…et celui que je sers désormais. A la base, j’avais l’intention de partir, de m’enfuir comme je l’avais toujours fais mais, plusieurs fait changèrent mon jugement. Bien que je sois son esclave, il ne me traite pas comme les autres personnes que j’ai eu en maître. Je ne suis pas obligée de dormir à même le sol, je ne suis pas enfermée dans une cage, je ne dois pas juste « aboyer » car je suis une « chienne » ».
Oh oui, elle n’était pas obligée de faire et de subir tout cela, et rien que ces faits avaient déjà convaincu la louve de ne pas tenter de s’enfuir de la demeure Belmond.
« Par ailleurs, disons que j’ai quelque tâches, enfin surtout les courses à gérer et….le passage au lit…mais sinon dans l’ensemble je suis plutôt libre, bien sûr je ne peux pas partir réellement de la ville comme toi, mais, je n’ai plus à craindre d’être à nouveau mis sous cage et tenté que l’on me dresse. Ce n’est pas la vie que j’escomptais mais, je suis bien, même si cela peut te paraître bizarre, je me sens un peu en…sécurité. »Le récit avait était long mais Shad voulait faire comprendre à Aelfric qu’elle n’avait pas toujours désirée être esclave et espérait avoir été clair dans ses propos. Et enfin, elle put voir le dessin fait par le jeune loup, l’observant un sourire aux lèvres.
« Hé, tu dessines bien, bravo ! »
Un petit souvenir de sa rencontre ne ferait pas de mal après tout. D’un bond, la louve se remit sur ses deux pieds, scrutant l’horizon. La nuit s’était bien avancée et la pénombre se faisait encore plus pesante, réduisant la visibilité de tous.
« On devrait peut être cher… »Shad se stoppa net. Quelque chose n’allait pas, certes la nuit était calme, mais là c’était bien trop calme. Un souffle de vent la fit légèrement trembler, mais un souffle de vent qui ne toucha pas Aelfric. L’Okami n’eut le temps que de remarquer cette étrangeté que deux énormes pattes munies de griffes l’agrippèrent aux niveaux des épaules avant de l’emmener vers la come des cieux. Levant en vitesse le visage pour voir de quoi il s’agissait, la louve manqua un battement, une wyverne, elle venait d’être prise comme proie par une
wyverne Elle aurait pû se transformer maintenant pour faire lâcher prise à la bête mais cela aurait étéune erreur, le risque de se retrouver écrasée au sol était trop évident.
La feuille de dessin fut lâchée et tomba nonchalamment sur le sol, tandis que la créature prenait de l’altitude, emmenant la pauvre louve vers son nid. Cette dernière observait le sol à ses pieds et prenant son inspiration, hurla le nom d’Aelfric, allait-il réagir ? Allait-il venir ? D’un côté, elle l’espérait. Un autre cri retenti, cette fois, un de douleur tandis que les serres de la bête s’ancrèrent plus profondément dans la chaire de Shad.
Au loin, s’élevait une petite montagne et en son sommet, perchée prêt d’une corniche un nid d’une taille colossalle, où trônait en son centre trois œufs. La Wyvenre devait sans doute être une femelle et il était fort à parier que La Terranide devait servir de premiers repas aux futurs nouveaux nés. D’un geste brusque, la louve fut lâchée au milieu du nid, entre les œufs qui commençaient à se craqueler et se fissurer.
La louve posa une de ses mains sur son épaule meurtrie, grognant de rage. Elle n’allait quand même pas y passer ? Prenant une inspiration, elle rejeta un instant sa tête en arrière avant
d’hurler comme l’aurait fait un loup, indiquant ainsi sa position à quiconque l’entendrait. Il ne lui restait plus qu’à attendre maintenant et au pire, essayer de se défendre dans l’état où elle se trouvait.