La question de la reconnaissance satellite était un important enjeu militaire. Aux États-Unis, différents projets avaient assuré la question de la reconnaissance militaire, dont les enjeux étaient multiples. L’information était quelque chose de centrale, que ce soit en temps de guerre, ou en temps de paix. Le premier programme militaire de reconnaissance satellite du terrain s’appelait Corona, qui avait parlé de lui dans les années 1990’s, quand, suivant une politique de transparence, Clinton avait déclassifié une partie des images prises durant ce programme, les exposant au public. Le programme avait été remplacé par un autre programme, Key Hole, et, dans l’histoire des satellites espions, chaque série de satellites portait la dénomination « KH », allant de KH-5, pour les premiers satellites, à KH-13, pour les plus récents. Les images prises par KH-5 avaient une résolution de 40cm, tandis que ceux de KH-11 tournent généralement autour d’une résolution de 15cm. Ceci signifie que, sur une photographie prise par un satellite espion, chaque pixel de l’image doit correspondre au nombre de centimètres, soit 15 pour les satellites KH-11. Avec les nouvelles familles de satellites, cette précision s’était encore accrue.
Au-dessus de l’Asie du Sud-Est, un satellite espion américain flottait. Il avait été lancé il y a quelques mois, de manière tout à fait officieuse. Si les premiers satellites espions avaient une durée de vie de quelques semaines, les plus récents pouvaient rester un certain temps dans l’espace avant de retomber. L’Oracle y pensait, car, pour guider Cassandra, elle s’était reliée au satellite espion que le SHIELD utilisait. Rares étaient les civils qui pouvaient se permettre d’avoir accès, sur leur ordinateur personnel, aux images d’un satellite espion. Mais l’Oracle n’était pas n’importe quelle civile. Barbara était une spécialiste en criminologie, qui avait rendu beaucoup de services au FBI, en les aidant à arrêter des criminels, en démantelant des cellules terroristes et en appréhendant des cybercriminels. De plus, elle avait rejoint sans réelle hésitation le programme « TSI », un acronyme désignant l’un des projets actuels les plus ambitieux du SHIELD :
The Seikusu Initiative, consistant à s’assurer du contrôle de toutes les anomalies opérées à Seikusu, avant qu’elles ne dégénèrent.
Depuis son penthouse, devant son superordinateur, qui n’avait rien à voir avec le plus puissant PC d’un nerd, Barbara buvait du café en voyant le clignotement de son Bat-signal, qui s’éloignait de la ville. Elle était encore reliée aux caméras de sécurité de Noventa Corporation, et put ainsi voir une image qui l’énerva. Yana avait réussi à se libérer, et avait visiblement, elle aussi, une armure, qu’elle utilisa pour abattre plusieurs agents de sécurité.
*
Merde...*
Elle avait été négligente, sur ce coup-là. Cassandra aurait du la neutraliser, et non uniquement l’assommer, mais Barbara avait jugé que récupérer Rachel et Noventa Junior était plus important que neutraliser une femme. Visiblement, son analyse avait été fausse. Elle continua à boire son café, et obtint une autre caméra, montrant l’appartement privé de Noventa Senior, qui était en grande conversation avec Lloyd.
*
J’ai confiance en Cassandra, là n’est pas la question, mais ces types sont bien organisés... Je ne tiens pas encore à les sous-estimer.*
Elle appela Lloyd.
*
* *
En moins de cinq minutes, Lloyd reçut trois appels. Les nouvelles se propageaient vite, maintenant, et c’était dans ce genre de situations qu’il fallait avoir des nerfs d’acier. Il y a à peine une minute, une machine à tuer infernale avait cherché à le réduire en bouillie, en tuant deux de ses agents. Hawkes avait été capturée... Mais il ne pouvait pas se permettre de péter les plombs. Il était en conversation avec son supérieur, tout en écoutant d’une oreille les explications de Noventa Senior. Il lui expliqua que Jiro avait jadis travaillé aux entreprises Stark. Comme quoi, le monde était petit. Jiro avait quitté Stark Industries, sans réelle explication, Noventa Senior étant assez évasif sur le sujet. En temps normal, Lloyd aurait probablement creusé la question, mais il n’avait tout simplement pas le temps matériel de le faire.
Dans son oreille droite, le major lui expliquait que la presse allait s’en mêler, et que les autorités japonaises exigeaient des résultats. Les journalistes se rapprochaient déjà en masse de Noventa Corporation, et il fallait s’attendre à ce que cette affaire fasse les gros titres de la plupart des journaux nationaux télévisés, non seulement japonais, mais aussi internationaux. Il était de notoriété publique que Noventa Corporation cherchait à concurrencer Stark Industries, et plusieurs films amateurs circulaient déjà sur YouTube, montrant des armures volant en hauteur. Par miracle, personne n’avait filmé la mort des deux agents de Lloyd, mais la soirée allait être chargée. Lloyd promit de faire de son mieux auprès du major, et ce dernier, sachant que Lloyd était compétent, raccrocha, tout en lui donnant un ordre particulièrement simple.
«
Quoiqu’il arrive, les terroristes ne doivent pas mettre la main sur Hawkes. Retrouvez-là à tout prix. »
Une précision assez inutile, c’était bien ce que Lloyd avait l’intention de faire. Il termina l’appel, et suivit Noventa vers son ordinateur portable, tandis que son téléphone portable continuait de sonner. Tandis que Noventa Senior lui présentait l’ordinateur, Lloyd consulta brièvement son écran, voyant la liste des contacts :
- BARBARA GORDON ;
- GÉNÉRAL PETER HAWKES ;
- TONY STARK ;
- FRANCIS CUNNINGHAM.
C’était la fête... Cunningham était un scientifique en charge des réparations de l’armure de Rachel. Il avait probablement du repérer que l’armure était séparée de Rachel, et appelait en conséquence Lloyd, conformément à ce que la procédure exigeait. Quant à Stark... Il avait probablement du entendre parler des incidents survenus à Noventa Corporation, et, le connaissant comme il le connaissait, il devait déjà en savoir un rayon sur ce qui se passait ici. Cependant, Lloyd n’avait pas en ligne l’homme qu’il voulait. Il mit donc tout ce beau monde en attente, et alla dans la rubrique «
Contacts » de son téléphone portable, et trouva rapidement celui qu’il cherchait : «
NATHAN JOYCE ». Il appuya dessus, puis se retourna vers Noventa Senior.
Le vieil homme était inquiet pour son fils, et lui demanda de le ramener, tout en avouant son incompréhension. Lloyd l’avait rapidement noté dans la salle de réunion. Il y avait un sérieux problème de communication entre le senior et le junior.
«
Vous ne comprenez pas, hein ? Comme quoi, Monsieur Noventa, on peut réussir à monter une firme transnationale avec des chiffres d’affaires qui donneraient le vertige aux traders de New York, tout en étant incapable de comprendre les choses les plus élémentaires qui soient. »
Le ton était un peu remonté, certes, mais Lloyd estimait que Noventa Senior avait une part de responsabilité dans ce désastre. Jiro travaillait pour lui, son fils était impliqué, et les armures avaient été financées par son argent. Il faisait, à vrai dire, un suspect idéal. Nul doute que, parmi les gens que Noventa Senior appelleraient ce soir, il y aurait une batterie d’avocats. Mais Lloyd ne le pensait pas lié à tout ça.
Et cet abruti de Nathan ne répondait pas. De toutes les personnes de la planète, il était le seul qui soit matériellement et physiquement le plus en mesure de contrer ces armures, et il fallait que ce bourricot ne réponde pas.
«
Un collègue s’occupera des informations de votre ordinateur portable lâcha-t-il.
En attendant, je vous conseille de vous détendre. Je ferais tout ce que je peux pour récupérer votre fils. »
Même si, dans l’absolu, s’il devait sacrifier Drake pour sauver Rachel, il ne pouvait pas se permettre d’hésiter. Rachel était, à ce jour, la seule personne au monde capable de porter son armure. Stark lui-même, même s’il ne l’admettrait pas, ne pourrait pas la piloter, car le fonctionnement était différent d’Iron Man. Nathan ne répondant pas, il répondit à ses appels, évacuant feu le colonel Peter Hawkes, récemment promu général, afin de prendre Barbara. De toutes les personnes qui l’appelaient, il savait que l’Oracle n’appelait jamais pour rien, et qu’elle était une surdouée.
«
Barbara ? -
Ils se dirigent vers les Myôbokû. »
Lloyd connaissait l’endroit. Les montagnes bordaient Seikusu, et étaient assez vastes, avec des séries de petites routes sinueuses, et une station de ski ouverte l’hiver. L’agent du SHIELD la remercia, puis essaya à nouveau d’appeler Nathan.
Toujours aucune réponse.
«
Mais où est ce putain d’alcoolique ?! »
Il soupira, et décida de répondre à Tony Stark, se disant qu’un homme en armure se déplaçant à grande vitesse pouvait lui être utile. Il posa le combiné contre son oreille, avant d’entendre un sifflement dans son dos. Il se retourna, et eut droit à une nouvelle surprise dans la journée, si forte qu’il en oublia totalement la présence de Stark à l’autre bout du combiné.
Devant l’une des vitres, il y avait une femme qui volait, bras croisés, sa cape rouge flottant dans le vent, sa chevelure blonde remuant autour d’elle.
«
Oh putain... »
Il entendait Tony Stark lui parler, mais n’entendait pas.
«
Supergirl... » souffla-t-il.
Il se dirigea vers la baie vitrée, et ouvrit cette dernière. Elle rentra à l’intérieur, et se posa sur la table. Elle avait beau être sexy, Supergirl n’appartenait pas au sein du SHIELD, et était donc, théoriquement, une criminelle.
«
Quelque chose me dit que vous avez un problème, Agent Lloyd. »
*
* *
La voiture roulait depuis une bonne trentaine de minutes, au moins, et ils avaient quitté l’autoroute. Rachel n’était peut-être pas douée pour se repérer, mais elle avait clairement perçu les sensations de vitesse rapide, quand la voiture vrombissait. Maintenant, le moteur était plus audible, ronronnait moins, et il y avait plus de virages. La voiture continuait à monter, jusqu’à finir par s’arrêter. Une portière s’ouvrit, et on poussa brusquement Rachel. Elle sentit ses pieds s’enfoncer dans quelque chose de mou et de froid, tandis que la température ambiante était très fraîche.
*
Probablement de la neige...*
Elle connaissait Seikusu pour savoir qu’il y avait des montagnes à proximité. Les Myôbokû. Elle s’avança vers une série de marches, descendant probablement dans une espèce de cave. Pour l’heure, Rachel n’opposait aucune résistance, car ça aurait été ridicule. Après un certain temps, plutôt rapide, on la poussa dans une sorte de cellule, en lui enlevant sa cagoule. Elle tomba sur le sol, et toussa légèrement, tandis que la porte se refermait en claquant.
«
Aïe... » grogna la femme.