Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

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Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 15 jeudi 02 mai 2013, 02:58:50

Elle est étrangère. Un peu comme moi, finalement... Ou peut-être au contraire de moi, qui suis chez-moi partout. Si elle n'a pas d'accent très marqué, je sais que c'est typique du voyage entre dimensions. Pour une raison étrange, la Terre paraît être le seul plan possédant une si grande diversité linguistique, peut-être parce que ce sont les humains l'habitant qui construisirent la tour de Babel. La plupart des autres mondes parlent pour la majeure partie de la population, le japonais. C'est assez stupéfiant pour être noté, et je n'ai jamais vraiment réussi à éclaircir ce mystère. On aurait pu s'attendre à l’hébreu, à une langue mésopotamienne, ou même au latin, en tant que dialecte de consensus. Hé bien non, il s'agit bien de la langue nippone, dans sa version moderne, qui plus est. Je sais que nombreux sont ceux qui la nomment, sur Terra, le commun, ou l'humain... et je n'ai jamais trouvé d'endroit où on ne la parlait pas.

-Je comprends, les choses devaient être différentes. Moi aussi, je viens d'assez loin.

Je hoche la tête. Il reste une part d'ombre, mais cela explique quand même pas mal de choses sur son attitude un peu décalée. Il est possible que l'île dont elle est originaire soit un havre de paix et de civilisation, où les agressions de ce type ne sont guère courantes. Ce genre de lieu existe bien... mais je n'en connais pas sur ce plan là. Qu'importe, Terra est vaste, surtout en prenant en considération les moyens de locomotions, généralement archaïque, qui sont à disposition, et surtout en ce qui concerne sa partie sauvage. Je suis loin d'avoir encore tout exploré. J'aimerais bien en savoir plus, mais elle semble avoir un peu de mal à en parler, si je me fis au temps qu'elle a pris à l'évoquer. Je ne creuse donc pas davantage le sujet. Ça n'a pas réellement d'importance.

-Quand on sortira, je te montrerai les quartiers à éviter, si tu veux, et je te donnerai quelques conseils pour éviter que ce genre de chose arrivent encore. Je marque une pause. Par contre, il y a des choses qu'il faut absolument éviter de faire, ici comme ailleurs... On ne tue jamais quelqu'un à terre, comme ça. Ça n'est pas la solution, ça n'apporte que des ennuis. Sans cela, on ne serait pas ici... Enfin.

Je ne vais pas la tourmenter davantage. Ce serait une double-peine : être enfermée dans une cellule sordide, et subir les injonctions d'une dévote pédante. Je ne sais pas quelle était l'état de la culture sur son île. La possibilité existe, même si elle est infime, qu'elle n'ait pas eu conscience de faire quelque-chose de mal. Je crois, j'espère, qu'elle commence quand même à comprendre la leçon. La question qu'elle me pose m'interpelle. Pourquoi je fais tout cela ? Outre la demi-dizaine de vœux qui m'obligeait à lui porter assistance, je n'y ai pas vraiment pensé, mais lorsque je m'interroge, je trouve naturellement la réponse. En revanche, cela me laisse toute latitude pour tenter de refaire son éducation. Nous avons, de toute façon, largement le temps de discuter.

-Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, mais Dieu. Le dieu triple et unique, dont je t'ai déjà parlé, et grâce à qui je suis capable de refermer les blessures. Il y a longtemps, il a envoyé son fils, le Sauveur, dans le pays d'où je viens, pour nous apprendre la générosité et l'entraide. Pour que nous puissions vivre en paix, et nous aimer, nous assister, les uns les autres. Il l'a fait par pure bonté. Quant à moi, je ne fais que suivre sa voie, et respecter ses enseignements. Je n'ai pas d'autres mérites.

Mon visage s'est peu à peu illuminé. Exposer les fondamentaux de la foi à un novice fait grandir toujours plus la mienne, comme si je comprenais un peu mieux, même dans les choses très simples, ce qui la composait.

-Tu sais, tu peux t'adresser à lui, toi aussi, il est à l'écoute de chaque homme. Tu peux lui parler, en ton for intérieur, et il t'aidera.

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
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Laura

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 16 jeudi 02 mai 2013, 18:28:43

La Sirène voulait bien croire que cette jeune femme venait d'assez loin, compte tenu de son étrangeté... celle-ci était d'ailleurs déjà en train de prévoir les nouveaux services qu'elle allait pouvoir rendre à Laura, une fois sorties - la certitude avec laquelle elle parlait de leur libération prochaine était assez rassurante, il faut le reconnaître - et semblait s'être posée en professeur. Ca n'avait rien d'insultant pour Laura, qui n'écoutait pas vraiment de toute façon : ces détails pratiques avaient bien peu d’intérêt. Tout ce qu'elle voulait, c'était une réponse à sa question.

Le long discourt que lui asséna Telka n'était pas vraiment ce qu'elle espérait entendre...

Encore ces histoires de Dieu triple et unique. Laura laissa retomber sa main, dépitée. Tout ceci n'était donc qu'une sorte de rituel ? Elle n'aurait peut être pas dû faire la fine bouche, elle venait quand même d'échapper à la mort... mais plus la discutions avançait, plus sont "amie" sortie de la nuit se transformait en une alliée de circonstance aux intentions absconses. Une alliée en position de force, qui plus est. Et vu la manière dont elle semblait détachée de son sort, elle devait avoir encore des atouts cachés.

Mais après tout comment aurait-il pu en être autrement ? Personne n'agissait sans raison, et bien que les dévotes stupidités qui sortaient de la bouche de la guérisseuse aient paru absurdes à Laura, elles justifiaient parfaitement son comportement. La Sirène lâcha un soupir de lassitude et se détourna de la prêtresse avant même que celle-ci n'ait fini sa récitation, s'éloignant d'un pas traînant.

"Te fatigue pas... je voulais juste savoir ce qui te poussait à m'aider. Et je ne vénère aucun dieu."

Elle se retint de lâcher quelques tirades méprisantes sur les humains et leur dévouement sans borne pour des puissance supérieures, étouffant une crise d'orgueil naissante. Son ego de Sirène, mis à mal depuis quelque temps, la chatouillait : difficile pour une mangeuse d'homme comme elle de devoir se plier aux règles d'une société régie par des mâles, ainsi que de devoir imiter toutes les habitudes méprisables des terriens... Elle avait tourné le dos à son interlocutrice afin de se contenir. Elle resta silencieuse une seconde, avant de lancer une question d'un air nonchalant, quoi qu'un peu amer :

"Si ton triple dieu ne t'avais rien ordonné, tu ne m'aurais pas sauvée j'imagine ?"

Laura pivota pour faire de nouveau face à la prédicatrice. Elle s'était déplacée à contre-jour, et le visage de la jeune femme lui apparaissait maintenant éclairé par la faible lumière blafarde de la lune, traversé par les ombres des barreaux de leur cage.

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 17 dimanche 05 mai 2013, 01:39:17

Mon visage enjoué s’assombrit un peu lorsque je comprends que mon enthousiasme n'est pas partagé par mon interlocutrice. Cela me déçoit, mais je conçois m'être un peu emportée. Tout le monde ne peut pas partager ma foi aussi naturellement. Beaucoup de gens ont des problèmes avec Dieu, parce qu'ils l'associent à la violence et à la persécution dont sont parfois responsables certaines institutions religieuses. Je les comprends, on peut faire beaucoup de chose en invoquant le Seigneur, et les croyances sont souvent le prétexte de beaucoup d'atrocités.

Les hommes ont le libre arbitre : Dieu, par l'intermédiaire de son fils, ne leur a transmis qu'un message d'amour et de solidarité. Ceux qui tourmentent en son nom en sont les pires ennemis, et bien souvent, n'ont que faire de ses enseignements. Ça n'est pas pour autant, évidemment, qu'on doit en condamner les fondements. Ils y sont aussi étrangers que Wagner au troisième Reich. Mais comment le lui expliquer ?

-Tu as quelque-chose de particulier contre les dieux ? je lui demande brusquement.

J'ai utilisé le terme pluriel, car je fais une distinction assez nette entre Dieu, et les dieux. J'hésite à lui parler de mes expériences extraplanaires. J'ai rencontré des anges, des démons, des dieux. Souvent, ils ne sont même pas différents des hommes. Il faut dire que pour les qualifier, la mythologie grecque avait certainement raison. Ils sont finalement assez humains. Des humains investie d'une puissance magie, ce qui d'ailleurs les rend fréquemment puérils ou mégalomanes. Ce sont des dieux. Des esprits supérieurs uniquement par le pouvoir. Rien à voir avec ma conception de la divinité. Leur simple multiplicité les empêche d'être créateurs.

-C'est courageux, je suppose, de naviguer seule. Je ne crois pas que j'y parviendrais... Moi, j'ai besoin d'un soutien, d'un guide. Sans ça, je serais complètement perdue, je pense. Le monde, s'il n'était que matériel, me paraîtrait vide, aussi. Mais si tu te sens assez forte pour t'en passer, personne ne pourra t'en faire le reproche... Tu sais, ce n'est qu'une main tendue. Libre à toi de ne pas la saisir, après tout.

Je hausse les épaules, et lui lance un sourire triste. Lui répondre m'est plutôt facile, plus facile en tout cas que de conjecturer sur les raisons qui la poussent à nourrir une telle rancœur.

-Je l'ignore. Est-ce que j'aurais agi de la même manière si personne ne m'avait appris à aimer et aider mon prochain ? Je n'ai pas la prétention d'être bonne par nature, c'est un débat difficile. Mon dieu n'ordonne rien, il ne m'oblige à rien, au contraire. Il ne fait que montrer la voie. Ensuite, il nous laisse une totale liberté de choix.

L'ambiance, avec tout ces débats, s’alourdit un peu. C'est en grande partie de ma faute, et j'en suis consciente. Mais il faut bien avouer que je pars de loin, pour essayer de lui faire toucher un peu de la morale chrétienne. Je ne m'attends pas à ce qu'elle s'y convertisse, toutefois, si elle peut ressortir de cette prison avec une vision un peu moins négative à son égard, alors je n'aurais pas perdu mon temps. J'essaie de détendre un peu l'atmosphère.

-Indirectement, on peut quand même dire que c'est grâce à lui que je suis intervenu. Alors tu as le droit de lui être un reconnaissante, quand même, je propose, d'un ton badin.

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
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Laura

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 18 dimanche 05 mai 2013, 17:33:53

Laura n'avait rien contre les dieux. Elle en avait simplement contre les hommes se mettaient à genoux pour les les supplier ou réclamer leur bienveillance. Les termes les plus dédaigneux se bousculaient dans sa gorge, mais elle ne pouvait se résoudre à insulter sa sauveuse, quelles qu'aient été ses motivations. La jeune guérisseuse forçait l'admiration, bien qu'elle se soit faite porte parole d'un culte. Pire encore : la vénération qu'elle avait pour son dieu semblait être sa force motrice. Quel pitié... un être d'une telle beauté n'avait pas à être ainsi aveuglé et utilisé par une secte !

-Je n'ai pas de haine envers les dieux. Mais votre adoration pour les dieux vous gâchent... enfin certains d'entre vous. Certains hommes semblent faits pour la servitude...

Bien que la Sirène n'eut pas été en mesure de comprendre le sens exacte des paroles de Telka, celles-ci avaient touché sa corde sensible. La solitude, elle connaissait. Il lui semblait parfois la voir, dans les moments où elle y pensait trop, comme un grand vide qui tenterait de l'envelopper, l'isolant de tout. Chaque fois qu'elle tuait un amant, ce fantôme glacial devenait plus insistant, et depuis la mort de son amie rien ne semblait pouvoir l'empêcher de grandir toujours plus... dans les moments où la détresse devenait trop forte, Laura songeait à fuir par le néant ; "s'abandonner dans les bras d'un homme, et se dissoudre dans la mer... laisser son corps et son esprit s'étioler, bercée par les vagues pour l'éternité...". Mais cette pensée n'était qu'une ruse, un artifice poétique à laquelle elle s'accrochait pour se distraire de ses angoisses. Elle ne pouvait réellement se résoudre à mourir. Cette perspective était bien trop terrifiante lorsqu'elle tentait de se la représenter clairement. Alors elle restait coincée entre ses deux peurs du vide, jusqu'à ce que le monstre la libère enfin et retourne dans son antre.

S'extirpant de ses pensées, elle eut un sourire chargé de compassion et de mélancolie à l'égard de la jeune fille.

-Je n'ai rien contre eux, mais je n'accepte pas non plus leur main... ils sont traitres et capricieux, ils se moquent bien de nous. Pourquoi ne combles-tu pas ta solitude auprès de tes égaux ?

Pour illustrer ses propos, elle s'était approchée à nouveau de sa compagne de cellule. Est-ce qu'elle se considérait comme l'égale de cette petite ? Elle espérait au moins que celle-ci la perçoive comme telle.

-Tu sais, si tu avais le choix... alors je te suis reconnaissante, à toi. Quelque soit ce que ton Dieu a enseigné, nous étions seules dans cette rues... alors merci

Elle tendit légèrement ses bras en direction de la jeune femme, comme si elle souhaitait l'étreindre, les paumes tournées vers le haut, pour l'inviter à... elle n'en savait trop rien. La guérisseuse n'avait pas réagit lorsque Laura l'avait touchée une première fois, et elle avait peur de l'importuner... certains humains n'aimaient pas qu'on les touche et le prenaient comme un affront.
« Modifié: dimanche 05 mai 2013, 17:51:48 par Laura »

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 19 dimanche 05 mai 2013, 20:21:46

-Celui que je vénère est au-dessus de ceux que les gens d'ici appellent dieux. C'est un concept bien supérieur, qui ne connaît ni la servitude, ni la traîtrise, ni le caprice. Mais ce qu'il est, finalement, n'est pas le plus important...

La situation me rappelle une parabole faite par le Christ. Le prêcheur, disait-il, est comme un semeur qui répand son grain le long d'une route. Une partie, une grande partie, atterrit sur de la terre meuble, et donne de beaux épis, qui sont autant de croyants fidèles. Une autre partie tombe sur une terre trop sèche, trop dure, et ne peut pousser. Enfin, une dernière partie tombe sur une terre adéquate, nourricière, mais qui est déjà envahie par les mauvaises herbes. Je ne sais à quel cas de figure je fais face. Laura semble pleine de préjugés, qui sont autant de ronces empêchant que mes paroles la touche. Mais peut-être qu'au fond, elle ne m'écoute même pas.

Je ne sais plus comment m'y prendre. Je suppose que j'ai fais ce que je pouvais faire. Un meilleur orateur que moi aurait peut-être obtenu de meilleurs résultats, cependant, ce n'est sans doute pas souhaitable. Ma parole, aussi faible qu'elle est été, avait au moins le mérite d'être sincère : j'ai pensé chaque mot que je lui ai dis, je n'ai pas cherché à travestir la réalité en lui promettant des miracles. Les miracles, bien sûr, existent, j'en suis la preuve vivante, toutefois, par leur nature même, ils sont rares, et je ne suis pas là pour faire du vulgaire racolage. Je m'apprête à mettre un terme à la discussion sur le sujet, pour le laisser tourner un peu dans sa tête. Je peux toujours espérer que cela face son chemin, et qu'elle revienne m'en parler d'elle-même un peu plus tard.

Néanmoins, son attitude me trouble suffisamment pour que je renonce à prononcer quelques mots de conclusion. Je prends ses bras écartés comme un signe d'amitié, une invitation à l'embrasser. Je lui aurais bien dit qu'il était inutile de tenter de combler sa solitude métaphysique auprès des autres mortels, que ce n'est qu'une stérile fuite en avant. Eux-même n'ont pas la réponse, n'ont pas le sens, et de l'addition de multiples termes nuls, aussi nombreux soient-ils, résulte toujours une somme nulle. Se rend-t-elle compte dans quel vide elle évolue ? Je n'en suis pas certaine, mais je trouve le raisonnement bien trop cruel, surtout pour elle, qui semble pour le moment incapable d'accéder à la foi. Je ne lui en fais pas part, je me tais.

À la place, je lui souris à mon tour et j'accepte son étreinte. Je passe mes propres bras autour de son dos, et me serre contre elle, dans un enlacement amical. Les dernières heures ont du être très dures pour elle, et si un peu de tendresse l'aide à récupérer, je suis bien disposée à lui fournir ce que je peux d'affection. Elle n'ont d'ailleurs pas été très tranquilles pour moi non-plus, et je dois bien avouer que ce contact m'est aussi agréable. Les enfants ont leur mère, ou des peluches, les adultes leur partenaire ; moi, j'ai Dieu. Mais Dieu, s'il réchauffe mon esprit, laisse mon corps, malgré moi, parfois un peu froid. En ces instants, je ne refuse pas une bouteille de vin. Hélas, je crains qu'au milieu de cette prison, l'alcool qui ravi le cœur ne soit pas au programme. Alors je profite un peu de cette embrassade.

-Tu n'as pas de soucis à te faire. Ils te relâcheront vite, c'est moi qu'ils accuseront de meurtre, je lui murmure, alors que ma bouche est assez proche de son oreille. Et je ne crains rien. Mon esprit est plus fort que ce qu'ils pourront me faire subir, et mon corps sera bientôt loin.

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
MP


Laura

Créature

Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 20 mardi 07 mai 2013, 01:56:36

Laura fut légèrement surprise que sa compagne d'infortune se montre soudain si chaleureuse, bien que cela n’entama en rien la satisfaction qu'elle retira de leur étreinte. Il lui semblait qu'une tension en elle s’apaisait, tandis qu'elle laissait ses sens s'enivrer de la petite créature entre ses bras, imprimant en elle-même la forme de ce jeune corps, le rythme de sa respiration, la légère odeur de ses cheveux et celle de ses vêtements...

Telka sentait la sueur et le tabac froid... une odeur qui n'était pas des plus agréables, mais que la Sirène choisit d'ignorer. De toute façon, tout puait dans les environs : la cellule, les gardes, les rues de Nexus... Laura elle même avait commencé à s'incommoder depuis qu'elle avait tenté de fuir les gardes, alors une légère effluve ne risquait pas de la distraire de ce plaisir éphémère. Sentir à travers le fin tissu de sa robe les mains de la jeune femme nonchalamment posées sur son dos était en soi une compensation suffisante à ce petit désagrément.

Cependant sa quiétude fut vite interrompue par une nouvelle affirmation mystérieuse de la guérisseuse ; toujours le même sous-entendu étrange, comme si elle allait se volatiliser, ou se laisser mourir pour renaître ensuite. Et elle avait l'air assez sérieuse pour en devenir intrigante - pas assez intrigante, tout de même, pour empêcher à des idées déplacées de germer dans l'esprit de la Sirène.

-Je ne comprend pas ce que tu veux dire... qu'est ce que tu compte faire ?

Elle avait elle-même répondu par un chuchotement à l'oreille de la jeune fille, cette proximité lui plaisant bien. A vrai dire elle en avait profité pour faire s’effleurer leurs joues, doucement, l'air de rien. Et la caresse s'était révélée des plus agréables, pour elle en tout cas. Elle espérait ne pas provoquer de réaction négative chez la petite aventurière... mais après tout, qui se formaliserait d'un si innocent frottement ?

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 21 mardi 07 mai 2013, 18:03:40

L'ambiance morose de la prison tranche avec la chaleur que je ressens lorsque j'enlace Laura. Il me semble qu'à ce moment précis, il n'existe pas d'individu qui puisse me prodiguer plus de réconfort qu'elle. Je ne la connais pas bien, à peine depuis une heure, et pourtant, malgré la situation désastreuse, le cadre malodorant, j'ai rarement ressenti un tel bien-être que depuis qu'elle me serre contre elle. Dans ce rôle, elle est parfaite, son étreinte est douce et tiède, comme si elle avait été façonnée pour ça, comme si tout son être était dévoué à cette seule tâche. Dieu, je songe, a vraiment engendré des créatures magnifiques, il m'en fait encore la démonstration en cet instant.

Nos joues se frôlent. Le contact suave, ajouté à la disposition dans laquelle je me trouve, me fait légèrement frisonner. Je me surprends à penser qu'il doit être réellement agréable pour un homme de plonger plus intimement dans les charmes de la jeune femme. Cela doit relever d'une plénitude complète. J'envie presque ses prétendants. L'ivrogne, tout à son acte infâme, s'il était en capacité d'apprécier correctement la délicatesse de sa victime, n'avait pas du avoir de derniers instants si déplaisants. Une telle aventure dans ses bras me paraît furtivement être une conclusion adéquate à l'expérience d'une vie.

J'aurais été beaucoup moins à l'aise, bien évidemment, si j'avais été de l'autre sexe : l'embrassade aurait alors pu prendre un tout autre sens. Heureusement pour moi, le fait que nous soyons toute deux des femmes enlève toute ambiguïté à notre proximité, et je peux la savourer sereine. Bien que je doute de dégager la même aura, elle-même donne l'impression de se laisser porter, jusqu'à adopter un ton aussi bas que le mien. Hélas, la perspective qu'elle me demande d'évoquer est beaucoup moins attrayante.

-Dieu ne m'a pas seulement donné le don de guérir... Mon âme et mon corps peuvent aussi emprunter des raccourcis à travers l'espace, pour voyager là où a besoin de moi. Cela implique un délais d'une vingtaine d'heures. Ils pourront me juger, mais ils n'auront pas l'occasion de me supplicier bien longtemps. Alors autant qu'ils m'accusent moi.

J'ai mis un certain temps à répondre. Je n'ai pas envie que notre étreinte cesse. Je ferme les yeux. Je prie pour qu'elle dure encore un peu. Je suis plus petite qu'elle, et ma tête va naturellement s'enfouir dans son cou.

-Évite de faire trop de vagues, et tu seras bientôt dehors. Est-ce que tu veux qu'on trouve un lieu pour se retrouver, ensuite ?

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
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Laura

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 22 mardi 07 mai 2013, 21:59:38

La jeune femme avait-elle apprécié la caresse ? Laura n'en avait pas la certitude, mais elle était plutôt optimiste. Elle hésitait à se montrer un peu plus téméraire : aurait-ce été trop rapide ? Installer un certain confort entre elles était peut être le meilleur moyen de faire tomber la guérisseuse dans ses filets. D'un autre côté, ce contact ne durerait peut être pas éternellement... Quoi qu'il en fut, les paroles de son amie bouleversèrent ses priorités ; la Sirène n'avait jamais entendu parlé d'un pouvoir si puissant auparavant. Cela allait à l'encontre de toutes les lois naturelles... mais enfin, elle pouvait le concevoir. En revanche l'idée que Telka puisse être maltraitée lui était intolérable.

Elle ne pouvait interpréter le verbe "supplicier" que d'une seule manière : c'était une tournure pudique pour exprimer ce qui avait failli leur arriver lors de leur arrestation. Laura imaginait, la gorge nouée, leurs ravisseurs promener leurs gros doigts sans tact sur le corps de la jeune femme pour en évaluer la fermeté, la rabaissant de leurs rires gras. Rien que cette pensée lui faisait serrer les dents... Et cela pouvait arriver à tout moment, avec ou sans elle. Elle se mit à craindre que les gardes ne reviennent d'un instant à l'autre pour lui arracher son amie des bras. Quelle expression prendrait le visage de cette aventurière si stoïque lorsqu'elle serait abusée par l'une de ces brutes ? Laura ne pouvait pas admettre que cela se produise. Elle devait la protéger. Elle resserra son étreinte et répondit simplement d'un voix faible :

-Non.

Elle était prête, dans son emportement, à risquer de dévoiler son identité en chantant pour amadouer leurs gardiens. La jeune fille qui venait de se blottir dans son coup ne la trahirait pas, elle en était certaine.

-Rien ne me vient... mais ça ne sera pas nécessaire. Je vais te faire sortir d'ici. Personne ne te touchera.

Elle avait parlé d'une voix légèrement tremblante. Oui, elle avait peur de ce qu'elle allait devoir faire ; les actes de bravoure n'avaient jamais été son fort. Et puis elle n'avait pas encore d'idée précise de la manière dont elle allait parvenir à ses fins. Si l'un des hommes lui résistait, qui sait ce qui pourrait lui arriver ? Elle ressentait le vertige de celui qui s'apprête à se jeter dans le vide : si elle réfléchissait avant de sauter, elle allait renoncer.

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 23 jeudi 09 mai 2013, 00:50:26

Je peine à trouver la volonté de lui répondre. C'est que je suis bien, le visage blotti contre son épaule, dans une posture finalement assez maternelle. Ça fait presque un mois que je n'ai pas vu ma mère, ni aucun membre de ma famille, d'ailleurs. Il faut dire que quand je les vois, je n'ai pas grand-chose à leur dire. Ce sont des gens simples, leur révéler la complexité du monde dans lequel nous évoluons ne ferait que les perdre. Mes dons précoces et mes disparitions les ont déjà fait assez souffrir, et sortir de la norme, comme cela. Je n'ai pas vraiment le choix, si je veux veiller à leur bien-être, je suis obligée d'édulcorer considérablement mes aventures. Comment leur expliqué que j'ai été enfermée dans une cellule moyenâgeuse avec pour seule compagnie une jeune femme dont la beauté a, sur Terre, bien peu de concurrents ?

-Dis pas de bêtise. Les gardes sont pas très attentifs, mais tu... enfin, on s'enfuira pas comme ça... Ne t'inquiète pas, tu sais, même dans les pires épreuves, je ne suis pas seule. Jamais.

Je pense à la course-poursuite : si une telle situation se reproduit, il n'y a pas vraiment de raison que cette fois, nous parvenions à nous en tirer. Autant la prévenir de ça. Je relève la tête et je lui souris, tentant de lui démontrer toute l'étendue ma détermination et mon absence de peur. Nous sommes encore très proches, mon corps appuyant sur le sien, toutefois à présent, j'ai l'impression que c'est elle qui me serre plus que l'inverse. Ma promesse l'a-t-elle touchée plus que je ne l'espérais ? Je sens une chaleur monter en moi, mais cette fois, elle est intérieure, et elle empli mon cœur. En si peu de temps, cette fille si froide, capable d'assassinats terrifiants, en vient à se soucier de mon sort. Une telle évolution vaut, de mon point de vue, d'endurer tous les supplices du monde.

-Mais c'est bien, vraiment, je lui souffle avec une émotion perceptible, ma voix tremblant presque.

Hélas, à regret, je dois me dégager de ses bras. Ça n'est pas une histoire de volonté spirituelle, cette fois... c'est quelque-chose de beaucoup plus matériel. En réalité, on peut même difficilement faire plus matériel que ça. Je fais un pas en arrière, puis je jette à Laura un regard en biais, plus amusée que gênée.

-Excuse... si tu pouvais, te, ben, retourner... Peut-être tu devrais essayer de dormir. Demain sera sous doute épuisant.

Sans enthousiasme, je m'approche du sceau prévu à cet effet, me débarrasse du bas de ma tunique, puis m'accroupis. Je crains qu'ensuite, il n'y ait plus rien de pertinent à ajouter à ce sujet.

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
MP


Laura

Créature

Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 24 samedi 11 mai 2013, 00:14:23

Les quelques secondes qui suivirent furent des plus troublantes pour notre héroïne. L'angoisse l'étreignait déjà, et à peine avait-elle prononcé son serment qu'elle songeait à le trahir. Une femme plus hardie n'aurait pas hésité une seule seconde et aurait porté secours à son amie, mais comprenez que chez celles de son espèce, le courage et l’abnégation sont des qualités qui font trépasser leur porteuse avant les vingts ans. Laura était ce que la plupart des terriens qualifieraient de lâche ou d'égoïste. Cependant une jeune fille aux attraits inexprimables reposait entre ses bras, semblant ne pas vouloir s'en dégager. Et la Sirène se sentait partir hors d'elle même, prête à tout pour préserver cette beauté de tout ce qui pourrait lui vouloir du mal. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un avait besoin d'elle. Quelqu'un dont l’existence lui était précieuse avait vraiment besoin d'elle. Et malgré son angoisse, elle goutait une sorte de bonheur précaire, la joue collée aux cheveux de sa protégée.

Celle-ci finit pourtant par se soustraire à leur étreinte avant de se diriger vers le seau en lui demandant de se retourner. La Sirène resta perplexe quelques secondes avant de comprendre et de pivoter sur elle même, dégoutée. Comme si utiliser des latrines n'était pas suffisamment... elle n'avait pas de mot pour décrire la manière dont les humains étaient forcés de s'organiser avec leurs excréments. Elle eut donc droit à un spectacle sonore quelque peu gênant. Mais au moins ça n'était que de l'urine...

Laura reprenait ses esprits. Heureusement qu'elle était entrainée à faire taire son empathie, sinon elle aurait déjà agi de manière inconsidérée. C'était typiquement le genre de piège auquel les siennes devaient échapper lorsqu'elles s'unissaient à un homme. La piège de l'affection démesurée. Ici en fait, quelle différence ? Elle s’éprenait d'une femme, et elle avait failli risquer sa vie. La même erreur. Bien sur, elle n'avait pas eu l'intention de s'immoler. Ça n'était pas un sacrifice, plutôt un pari. Toujours est-il...

Elle entendit à nouveau le bruissement de la tunique de Telka et en déduisit qu'elle pouvait se retourner. Celle-ci la fixait toujours avec bienveillance. Laura détourna le visage, saisie par la culpabilité, et sa belle justification s'écroula aussi vite qu'elle avait été montée : elle n'était pas prudente ni même méchante en se rétractant au dernier moment, uniquement peureuse et méprisable. Comment pourrait-elle regarder la jeune femme dans les yeux après une telle bassesse ? S'il eut été trop tard pour se rattraper, elle se fut jetée à genoux en demandant pardon... mais elle n'avait rien encore à se faire pardonner. Et ça n'arriverait pas. Elle n'allait pas se dégonfler.

Le cœur battant, elle se précipita vers la guérisseuse et l'attrapa par le poignet pour la mener jusqu'au mur du fond de leur cellule, en face de la porte.

-Assied toi là, dit-elle simplement, d'un ton assuré malgré sa voix légèrement flageolante, ne dis rien.

Elle se dirigea elle même vers le centre de la cellule et s'y assit. Ainsi, si un garde ouvrait le volet du judas pour y jeter un œil, il verrait la silhouette de la prisonnière la plus jeune dans l'obscurité, au fond de la cellule, et distinguerait nettement la plus désirable des deux captives, de profil, éclairée par la lune.

Laura passa les bras autour de ses jambes, et ferma les yeux en se balançant doucement d'avant en arrière, comme pour se bercer elle même. Elle se contraint à respirer posément, puis se mit à fredonner un air à peine audible entre ses lèvres, qu'elle prit le temps de s'approprier. Un vieil air mélancolique que toutes les Sirènes connaissaient. Calme, elle laissa sa voix gagner en amplitude, peu à peu. Ces subtilités n'étaient évidement pas audibles par ses geôliers, mais elle avait besoin de ce rituel pour se laisser habiter par les émotions qu'elle voulait exprimer et déployer son art au maximum. Et puis elle chantait aussi un peu pour Telka. Sa récitation vibrait entre les murs dans leur cellule, douce et triste, mais de plus en plus puissante. Et plus elle gagnait en intensité, plus cette mélopée se drapait d'accents surnaturels qu'aucune gorge humaine n'aurait pu produire, comme si Laura n'avait pas besoin de hausser la voix pour que celle-ci résonne avec force. Pendant plusieurs minutes elle joua avec cette mélodie, jusqu'à ce qu'elle entende un bruit de bois glissant sur du metal : gagné. Elle ne tourna pas la tête et continua à chanter quelques instants, comme si elle ignorait qu'on l'observait de derrière la porte, patiente. Cependant celui-ci ne semblait pas disposé à entrer... elle tourna donc la tête en direction de la porte ; le judas se referma aussitôt. Interrompant son chant, elle se redressa et s'approcha pour aller frapper doucement contre le panneau de bois :

-S'il vous plait... vous êtes là ?

Le judas s'ouvrit à nouveau, laissant apparaitre le visage d'un de leurs ravisseurs. Il était bouleversé. Si son expression n'était pas si sincère, Laura en aurait ri : cette brute épaisse qui était prête à la violer un peu plus tôt semblait hésiter à admettre sa subite sensibilité.

-C'est vraiment... vraiment...
-Merci, je suis touchée.

Elle lui sourit à travers l'ouverture et, reculant d'un pas, se remit à fredonner : une mélodie bien plus sensuelle, plus insidieuse et beaucoup mieux maitrisée. Des années de pratiques dans le registre... de derrière la grille, elle pouvait voir l'expression de sa proie changer lentement. Tel un cuisinier, elle tentait de doser les émotions qui quittaient ses lèvres, craignant d'ajouter la pincée de sel qui mènerait à la catastrophe.

Soudain le garde baissa les yeux, et elle l'entendit fouiller fébrilement son trousseau de clef. Elle se força à ne pas paniquer. Écartant sans ménagement la porte de sa route, le garde s'engouffra dans la cellule. Il resta planté là, droit comme un piquet, pendant deux bonnes secondes, les yeux rivés sur la Sirène. Celle-ci n'avait pas d'idée précise de ce qu'il allait finir par faire, mais son intuition lui disait que lui même n'était pas décidé. La seule chose qu'elle craignait était qu'il décide de la prendre brutalement, auquel cas elle n'aurait pas pu l'arrêter. Elle prit alors les devant et se jeta à son cou pour l'embrasser avec toute la tendresse dont elle était capable - pas tellement envers un tel énergumène, à vrai dire. Celui-ci répondit fougueusement à son baiser en plaquant ses grosses mains dans son dos.

-Désolé, souffla-t-il, t'es innocente toi, on va te faire sortir bientôt...

Laura n'osait plus bouger, de peur de mettre par accident le feu aux poudres. Il était bienveillant pour l'instant, mais si le désir prenait le dessus...

-C'est pas grave... écoute, calmes toi... tu ne veux pas t’assoir ?


Non bien sur il ne voulait pas. Il n'allait pas la lâcher si facilement, et puis il devait encore avoir un minimum conscience de ses responsabilités. Bon. Elle enfoui son visage dans son coup comme Telka l'avait fait avec elle précédemment, et lui murmura :

-Restes un peu avec moi d'accord ?
-...je devrais pas être là...

Malgré sa faible protestation, l'hypnotisé ne fit pas un mouvement pour se dégager ; au contraire ses mains se faisaient de plus  en plus baladeuses. Alors Laura se mit lentement à fredonner air apaisant tout en tentant d'ignorer la main qui passait sous sa robe pour caresser ses fesses. Finalement, il sembla que les ardeurs de l'homme se calmaient, et celui-ci ne tarda pas à resserrer son étreinte sur la prisonnière, jusqu'à y laisser reposer une partie de son poids, tout en chuchotant des paroles insensées où il était question de maisons, d'enfants, de la mer et de couchers de soleil. Enfin, il posa son front sur l'épaule de la Sirène et sa respiration se fit plus régulière. Laura sentit alors la carrure de son geôlier peser sur elle ; elle le retint de toutes ses faibles forces, mais il s'affaissa malgré elle sur les genoux, et elle ne put que l'accompagner pour chuter avec lui dans une douceur toute relative. Enfin, il dormait, c'est tout ce qui comptait.

Elle caressa machinalement les cheveux du mâle endormi, avant de se souvenir qu'elle lui vouait une haine profonde. Alors elle s'extirpa lentement tout en chantonnant sa berceuse, pour se remettre sur pied et se retourner vers sa complice d'évasion en époussetant sa robe et ses bras. Elle aurait dû être fière de sa réussite, et pourtant elle se sentait plus ridicule qu'autre chose.

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 25 lundi 13 mai 2013, 04:32:16

Il y a des choses que je ne peux pas saisir. Malgré toute ma bonne volonté, la sagesse, le discernement dont j'essaie de faire preuve, il y a des mystères que, par inexpérience, par manque d'informations, je suis incapable d'appréhender. Je sens, alors que j'ai à peine terminé de satisfaire mon envie naturelle, quand Laura me prend le bras, qu'elle n'est plus dans le même état d'esprit. Son attitude a changé, elle semble plus agitée, plus nerveuse plutôt, que quelques secondes auparavant. Je suis incapable de comprendre ce qui s'est passé, et se passe à présent dans sa tête, quel tourment la hante encore. J'avais espéré que notre étreinte l'avait un peu rassurée, l'avait faite oublier dans quelle situation nous nous trouvions. Je constate qu'il n'en est rien, mais je mets un moment, jusqu'à ce qu'elle se saisisse de mon poignet et me donne une consigne précise, avant de me rendre compte qu'elle a une idée en tête.

-Est-ce que ça va ? je m'enquière simplement.

J'ignore pourquoi elle se place au milieu de la cellule. Le fait qu'elle n'apporte à ma question aucune réponse ne me rassure pas. La perplexité se lit sur mon visage, toutefois je n'ai aucune raison de lui résister. Je ne vois pas vraiment, en réalité, comment elle pourrait empirer la situation, même en y mettant beaucoup du sien. Mais même sans cela, elle n'a jamais manifesté à mon égard la moindre agressivité, et si elle n'avait pas assassiné un homme sans défense sous mes yeux, j'aurais la plus profonde envie de lui faire confiance. Je reste assise où elle m'a indiqué de la faire, silencieuse après ma remarque. Je l'observe plus que je ne la surveille. Je n'ai rien à craindre, et seule sa propre appréhension me tend un peu.

Ma tension s'évapore aux premiers sons qui sortent d'entre ses lèvres. Cette musique, je l'entends à peine, au départ, puis, sans que je m'en rendre réellement compte, elle accapare toute mon attention. Je prête de moins en moins d'intérêt à son corps qui se balance lentement, et me laisse captiver par la mélodie douce, un peu plaintive, qui prend peu à peu possession de tout l'espace sonore. En des années d'aventure à travers les plans, je n'ai jamais entendu un tel chant, et pourtant, il me semble étonnamment familier : étrangement évident, malgré sa complexité, chaque note appelant naturellement la suivante, de telle sorte qu'aucune autre ne paraîtrait y avoir sa place. Je me laisse bercer par l’œuvre, je ferme les paupières sans y penser, je ne sens plus l'odeur de crasse, je l'oublie. Je ne fais plus attention au temps, je ne réalise pas davantage le caractère surnaturel que peuvent revêtir certaines intonations.

Lorsque Laura s'arrête un instant, je me sens étonnamment vide. Je n'ai qu'une envie, que son chant reprenne, et m’emplisse de nouveau. Ma tête vrille un peu, mes oreilles bourdonnent, ma volonté, mon attention, vacillent. Je remarque très tard qu'elle s'est mise à parler avec un garde, et si mes yeux, entrouverts, voient que ce dernier est entré dans la cellule, mon cerveau se refuse à le prendre en considération et à agir en conséquence. Enfin, elle ouvre de nouveau la bouche et d'avance, je m'attends à l'entendre reprendre là où elle s'était arrêtée. Pourtant, c'est sur un tout autre ton qu'elle reprend. Cette musique, cette fois, me met plus mal-à-l'aise. Je suis étonnamment tiraillée entre l'irrésistible désir de l’étreindre et celui de fuir le plus loin possible d'elle.

Le changement de chant m'hébète légèrement. Je perçois que cette mélodie là n'est pas pour moi, et finalement, que le soldat repose à présent dans les bras de la divine chanteuse. Je tente de me lever pour l'écarter, pour la protéger, mais, je ne serais dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mon corps me paraît soudainement trop lourd pour être bougé. Je résiste tout juste à l'envie de refermer les yeux, de détendre mes membres, et de m'endormir là. Elle m'a indiquée de rester assise après tout. Pourquoi lui désobéir ? Je risque de tout gâcher. Elle se retourne vers moi. Je suis adresse un sourire un peu stupide. Elle ne m'a jamais paru aussi sûre d'elle, à part peut-être quand elle plongeait une longue aiguille dans la chair d'un cou exposé.

La pensée, l'image mentale, me tire brusquement de mes rêveries. Je me pose enfin la question du sens de ce que je viens de voir, de ce que je viens d'entendre. Je réalise que tout cela ne peut être le fait d'une humaine, aussi douée soit-elle. Qui est-elle ? Je n'ignore pas qu'une telle chose peut aussi bien être l’œuvre du Diable que celle de Dieu ; les deux sont capables d'engendrer un chant aussi envoûtant. Mes espérances, bien sûr, vont vers le second, hélas, ma raison n’exclut pas le premier. Attirer ainsi dans ses filets un homme est un système dont le Malin userait avec délectation. L'idée me trouble, je l'éloigne du mieux que je peux, néanmoins, je trouve la force de remettre debout. Sans trop être consciente de ce que je fais, guidée par mon instinct alors que mon esprit, lui, est ailleurs, j'invite Laura à me suivre, la saisissant par la main avec une vivacité qui m'étonne moi-même.

-Il faut partir, je murmure, comme si ça n'était pas évident.

Nous traversons en sens inverse les couloirs. Les soucis d'il y a quelques minutes, les perspectives effrayantes semblent restées derrière, leur agréable perte tout juste contrebalancée par la discrète angoisse de croiser un autre milicien. À cette heure de la nuit, il est possible que le poste de garde ne soit surveillé que par l'un d'entre-eux, toutefois, plus vite nous irons et plus le risque d'en rencontrer un sera faible. D'autant que j'ignore combien de temps son maléfice fera effet sur celui qu'elle a plongé en léthargie. L'air froid de la nuit mord ma peau nue, et dissipant l'impression que j'avais d'être simple spectatrice de mon corps.

J'entraîne encore la jeune femme quelques centaines de mètres plus loin, dans les rues d'une Nexus mal éclairée. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à craindre d'une éventuelle alerte. Les soldats pourront bien donner notre signalement. En cet instant, je m'en fiche. Un coin de rue, à l'abri des regards en provenance de la plus grande avenue, suffira bien à nous abriter pour le moment. Il n'y a guère rien dans cette endroit que quelques caisses de bois plus ou moins réduites à l'état de lattes, dont le contenu, s'il y en a un, est dans l'obscurité indiscernable. Nous ne sommes plus dans un quartier très à risque, je crois, et même les soûlards, à cette heure, dorment, blottis contre une bouteille vide.

-Qu'est-ce que... c'était ? Enfin, c'était, par Josaphat, tellement beau. Je soupire. J'en sais si peu sur toi.

Je m'appuie sur le mur de briques à côté de moi, et je contemple le sol quelques secondes. Qui qu'elle soit, quoi qu'elle soit, je ne peux pas lui en vouloir. Je devine que l'aura de mystère dont elle s'est entourée a peu de chance de cacher une nature très saine, et cependant, je ne suis même pas sûre que la réponse à cette question m'intéresse. Son geste était, je le crois, totalement désintéressé. Est-ce mon discours qui l'a ainsi changée en si peu de temps ? Même si tel est le cas, il n'aura fait que mollement réveiller la bonté qui sommeillait déjà en elle. Tout le mérite de cet acte lui revient. Je n'en suis pas moins fière d'elle, à un point un peu ridicule. Au-delà de l’inquiétude, mon regard qui se relève vers elle reflète mon émoi. J'attrape ses mains ; cette fois, l'initiative ne viendra pas d'elle.

-Merci. Je ne sais pas si c'était dangereux pour toi, pour moi, mais... je suis heureuse que tu l'ais fait... Merci. Je n'oublierai pas : si je peux faire quelque-chose pour toi, alors tu peux compter sur moi.
« Modifié: lundi 13 mai 2013, 04:40:29 par Telka »

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Laura

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 26 mercredi 15 mai 2013, 22:01:40

L'esprit de Telka semblait ailleurs. Laura n'avait pas l'habitude de provoquer de telles réactions chez les femmes, mais après tout, peut être que celle-ci était sensible à la musique. Peut être même qu'il y avait là une faille à exploiter... enfin ça n'était pas le moment d'y penser, car déjà la guérisseuse était sur pieds et l'entrainait par la main à travers les couloirs et les rues. Marchant d'un pas vif dans les allées mal éclairées, la peau caressée par la fraicheur de la nuit, la Sirène avait l'impression étrange que leur escapade n'était qu'un jeu, et que finalement rien de bien dangereux ne s'était passé. Elle ne gardait aucune marque des coups qu'elle avait reçus, et ses mésaventures lui paraissaient quelques peu irréelles. Elle suivit sa complice jusque dans la ruelle que celle-ci avait élue refuge provisoire.

Le compliment de la jeune femme traça une un sourire sur son visage. Certes elle avait déjà entendu ce type d'éloges venant d'humaines, mais l'opinion de celles-ci lui importaient peu. Aujourd'hui c'était bien différent, elle était à l'affut du moindre signe d'approbation. Elle tenta de rester légère bien que les questions de la guérisseuse soient à la fois gênante et excitante. La prudence l'incitait à ne pas s'étendre, mais elle brulait d'envie de révéler sa nature. Elle en avait assez de devoir mentir. Elle répondit d'une voix presque enjouée :

-Merci, je... ça me flatte, vraiment. Si ça peut te rassurer, elle n'a de pouvoirs que sur les hommes. Tu peux l'écouter sans crainte... enfin je t'en parlerais plus amplement si tu veux, si on en trouve le temps.

Tout cela risquait bien sûr de la conduire à la question épineuse de ses origines, mais elle ne pouvait pas parler beaucoup d'elle même en évitant le sujet, et si Telka avait entendu des choses sur les Sirènes, ne serait-ce qu'en tant que créatures imaginaires, elle ne tarderait pas à faire le lien de toute façon.
 
De plus Laura était touchée par cette soudaine démonstration d'affection, et elle eut du mal à rester stoïque lorsque les mains de la jeune femme se saisirent des siennes. Tant de reconnaissance... c'était plus que tout ce qu'elle aurait pu imaginer quelques minutes auparavant. A vrai dire elle ne se souvenait pas avoir été confrontée à un tel regard au cours de ses quatre décennies. La Sirène pataugeais dans le bonheur.
 
-Oh tu sais... je ne pouvais pas te laisser là alors que tu m'avais sauvé la vie deux fois. Je ne veux pas que tu te sentes obligée envers moi.
 
Malgré la sobriété de sa réponse, elle ne pouvait empêcher sa voix de trembloter. Le cœur battant, elle avait refermé ses mains sur celles de Telka et s'était approchée alors qu'elle parlait, un peu malgré elle. Elle était maintenant trop près pour que sa position ne soit pas ambiguë, son corps à quelque centimètres de celui de la guérisseuse qui ne pouvait reculer. Elle n'avait qu'à pencher la tête pour capturer ses lèvres... son esprit répétait le mouvement sans cesse, sans que jamais son corps ne passe à l'action. Si elle avait osé, si elle avait été sûre... elle aurait dévorée l'ingénue à l'instant. Un demi pas en avant et leurs bustes seraient collés l'un à l'autre. Elle n'avait qu'un geste à faire pour passer ses mains sous la tunique de l'aventurière... elle déglutit et se reprit. Elle ne pouvait pas tenter sa chance ici et maintenant ; elles n'étaient pas en sécurité, et rien ne lui garantissait que son amie ne ressente ne serait-ce que le dixième de la passion qui l'habitait, elle. Elle se contint, au prix d'un effort presque physique et reprit d'une voix plus basse et assurée ;
 
-Je ne connais pas grand chose aux villes... tu penses qu'ils vont nous poursuivre ? Est-ce qu'on va devoir se cacher ?

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 27 lundi 08 juillet 2013, 18:07:38

J'ignore si ce sont nos aventures récentes qui ont placé dans sa voix tant d'émotion et de trouble. Est-ce possible que son chant, si céleste, l'ait elle aussi atteint, et bien qu'elle en soit à l'origine, l'est bouleversée presque autant que moi ? Je crois que la mélodie en avait le pouvoir, peut-être même la chanteuse l'a-t-elle ressentie plus puissamment encore, peut-être cela a-t-il épuisé son être. Ou a-t-elle ressentie une élévation, dans son art, ou dans son geste ? A-t-elle frôlé la félicité, perçu un signe furtif du divin, a-t-elle embrassé, l'espace d'un instant, la piété que j'ai essayée de lui enseigner ? Ou est-ce la tension, la peur d'être rattrapée, de croiser un milicien et que tout cela recommence ? Je ne peux jurer de rien. Je préfère envisager le plus beau des ravissements, et ça n'est pas tellement grave si mon impression n'est pas la bonne. À défaut de béatifier son être, ma croyance enchantera le mien, et, j'en suis sûre, cela finira bien par atteindre le sien, même juste un peu.

Très doucement, je reprends la position que nous avions quitté peu avant, moi plus petite, la tête contre son épaule. J'essaie de me montrer forte, lorsque je doute, que je faibli, je refuse de le montrer à ceux qui croient en moi. Révéler ma fébrilité ou ma confusion serait faire une insulte au Seigneur qui a placé en mon pauvre être tant de sa grâce et de sa faveur. Mais je ne suis qu'une humaine dans des temps difficiles, et si je sais que Dieu me donnera dans les épreuves les plus terribles la foi dont j'ai besoin, le reste du temps, quand la pression retombe, quand ma détermination n'a plus d'objet, je ne suis plus aussi fière. Alors j'ai besoin de réconfort matériel… pourtant, je n'en trouve presque jamais. Telle est la vie que je me suis choisie. Celle qui me distrait le moins de l'amour que je porte au créateur de toute chose.

Nos corps se serrent tendrement. J'ai froid, la nuit me fait frisonner. J'ai besoin de sa chaleur, de sa présence. J'entends dans sa poitrine son cœur battre, vite et fort. Le mien aussi, mais finalement, il finit par se calmer. Tout, ou presque, est terminé. Il n'y a plus de peur à avoir, plus que de la sérénité et du soulagement à ressentir. Je ne sais pas exactement combien de temps je reste ainsi, ma vision trouble, les oreilles écoutant le bruit d'une ville qui dort. Un instant, je pense m'être laissée moi-même tombée dans un léger sommeil. Je ne réponds que tard à sa question.

-Je ne sais pas combien de temps va mettre le soldat pour donner l'alerte… Mais en pleine nuit, ils n'ont pas assez d'hommes pour nous traquer correctement. Nous sommes déjà loin. Peut-être nous signaleront-ils demain ? Il n'y a que trois personnes qui ont vu nos visages, ça ne fait pas beaucoup… et leur signalement ne risque pas d'être très précis. Enfin… tu as quand même raison. On devrait se faire discrètes dans les prochains jours. Je sais qui peut nous cacher ! Viens.

Je ne lui dis pas qu'il serait plus sûr d'éviter de se montrer ensemble, pour correspondre encore moins aux avis de recherche. J'ignore pourquoi, mais je ne peux m'y résoudre. Je ne crois pas que ce soit très important. Je ne fais pas courir beaucoup de risque à qui que ce soit. Combien de fugitives sont à déplorer dans une ville aussi grande que Nexus ? Je garde sa main dans la mienne, et je l'entraîne encore une fois. J'essaie tant bien que mal de retrouver mon chemin, nous faisant arrêter dès qu'une lueur de lanterne apparaît au coin d'une rue. Je cherche l'auberge de l'homme dont j'ai sauvé la fille. C'est le meilleur refuge dont je dispose, mais je peine à reconnaître les routes que j'ai prises. J'ai peur que nous tournions en rond.

Que mon cœur soit pur, ô Seigneur, que mon esprit soit digne encore une fois,
Enlève tous mes pêchés, prends moi avec Toi, élève moi dans Ta grâce,
Rends moi la joie d'être sauvée, fais que j'entende les chants et les fêtes,
À ceux qui pêchent j'enseignerai Tes chemins, vers Toi reviendront ceux qui se sont égarés,
Libère-moi des sangs versés, Dieu sauveur, et ma langue acclamera Ta justice.


Je répète à voix basse une traduction libre de quelques psaumes repris par le Miserere Mei. La récitation empêche mon esprit de s'embrumer. Le latin, bien sûr, aurait été plus fort, mais je ne désespère pas que Laura en saisissent un peu du sens. Je m'explique :

-Dans les maisons du Seigneur, ce chant est repris par des chorales d'enfants. Je pensais que leur voix était le son le plus céleste au monde… jusqu'à ce que j'entende la tienne. Où as-tu appris ? Y a-t-il beaucoup de chanteuses comme toi sur l'île d'où tu viens ? Ce doit être un endroit magnifique…

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
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Laura

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 28 dimanche 14 juillet 2013, 16:40:38

Laura étreignit la jeune fille comme si elle espérait l'absorber en elle, se nourrissant de la moindre odeur, du moindre mouvement, du moindre souffle s’échappant de ses narines. Elle sentait parfois celle-ci frissonner et ne savait à quelle émotion attribuer cette réaction du corps, ne connaissant elle même pas le sens de l'expression "avoir froid" ; les Sirènes ne souffrant pas des basses températures, elle ne pouvait que constater qu'il "faisait froid", sans comprendre la gêne que cela occasionnait à son amie. Peut être celle-ci était anxieuse ? Son attitude ne le laissait pas transparaitre par ailleurs, et puis la jeune Sirène aurait été bien en peine de faire plus qu'elle ne faisait déjà pour la rassurer, n'étant elle même pas dénuée de nervosité.

Enfin Telka finit par parler ; elle semblait savoir quoi faire, et son calme redonna un peu courage à Laura, qui se laissa guider à nouveau dans le dédale des rues où elle ne reconnaissait, pour ainsi dire, plus rien. Ces maisons étaient toutes si semblables... est-ce qu'elles étaient déjà passées par tous ces endroits qu'elle croyait reconnaitre à chaque angle de rue, ou était-ce seulement son esprit qui lui jouait des tours ? Parfois sa guide lui faisait changer de direction brutalement, pour échapper, semblait-il, à une menace invisible. Il fallut un certain temps à la Sirène pour comprendre les enjeux de ces lumières qui indiquaient une lanterne et un danger potentiel. Plus le temps passait et plus l'anxiété s'emparait à nouveau d'elle. Elle la contenait, pour ne pas avoir l'air trop faible et pour ne pas déconcentrer la guérisseuse. Tous ses espoirs reposaient sur elle après tout, et si celle-ci se trouvait incapable de les mener en lieu sûr, Laura ne pourrait rien faire pour les sortir de là : elle avait la désagréable impression d'être une enfant ignorante au milieu d'un monde dont toutes les règles lui échappaient.

Elle ne prêta guère attention, tandis qu'elles avançaient en hâte, à cette prière dont le sens lui paraissait des plus obscurs. Les questions de son amie quant à elles arrivaient à un moment bien étrange... n'auraient-elles pas le temps de se poser ce genre de questions une fois qu'elles seraient à l'abri ? Fallait-il absolument parler de ça maintenant ? Le défilé des rues et des croisements, auquel elle essayait en vain de donner un sens, lui donnait le tournis. Elle répondit néanmoins, d'une voix hésitante. Elle n'était déjà pas une très bonne menteuse, alors si elle essayait en plus de réfléchir à autre chose dans le même temps...

- Je... eh bien sur mon île on apprend aux enfants à chanter très jeune... et ... bon, je suis considéré comme une très bonne chanteuse parmis les miens... il faudra que tu me montres tes chorales d'enfants. Là d'où je viens il arrive que les enfants chantent en accord certaines musiques... elles ont une voix qui... qui s'y prête bien... EH ATTEND !


Elle venait de s'arrêter brusquement, stoppant leur avancée à toutes les deux. De sa main libre elle pointait du doigt la devanture d'un commerçant ; au dessus de sa porte d'entrée pendait un panneau en bois sur lequel était représenté une... chose qui l'avait intriguée lorsqu'elle l'avait aperçue deux jours auparavant. Elle avait passé une bonne minute immobile, à tenter de comprendre ce que l'immonde gravure pouvait bien représenter - il s'agissait en fait d'une chaussure à la forme extravagante, dont la peinture verte commençait à s'écailler salement. Elle jeta son regard en tout sens pour reconnaitre l'endroit, et celui-ci lui apparu enfin clair comme lorsqu'elle y était passée, en plein jour.

- Je reconnais ça ! C'est un... un homme qui fait des chaussures dans cette euh... maison. Nous sommes dans la rue qui... qui... l'auberge du coucher de lune est à quelques minutes, par là bas... et de l'autre côté il y a des gens qui vendent des vêtements de toutes les couleurs, mais je ne sais plus à quelle distance...


Elle se tourna à nouveau vers son amie, espérant voir son visage s'illuminer, bien qu'elle n'eût pas vraiment une idée précise de la valeur de ses indications pour le moins floues.

Telka

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Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]

Réponse 29 vendredi 06 septembre 2013, 18:47:23

-Oui, on est revenues dans les quartiers marchands. C'est bon, suis-moi !

La tension nerveuse descend alors que mon esprit se situe dans l'espace. J'ai été assez de fois à Nexus pour localiser ces ruelles : si je ne les connais pas dans le détail, je les sais adjacentes aux allées principales. On y trouve des magasins plus petits et plus locaux, où les artisans travaillent seuls, souvent sans le support d'une guilde et avec assez peu d'ambition. Ils servent des clients moins aisés, et quelques rares fois, ils présentent des articles qu'on ne trouve pas ailleurs, ou à des prix inhabituels. Lorsqu'il n'y a personne, comme c'est le cas cette nuit, ces petites venelles semblent plutôt étroites, mais c'est sans compter la foule bruyante qui ampli les grandes avenues les jours de marché, et qui rend au bout du compte ces dernières bien pires que leurs homologues plus confidentielles.

Je fais en sorte que nous ne nous attardions plus trop et, longeant avec prudence les murs d'une large artère, je nous fais engouffrer dans une ruelle presque semblable à celle où nous étions, et parallèle à elle. Nous nous retrouvons devant une bâtisse en bois brut, modeste et simple dans son architecture, mais néanmoins assez imposante. Au-dessus de l'épaisse porte en chêne est dressée l'enseigne, peinte d'une seule teinte de blanc, qui reflète un peu la rare lumière : une grande croix surmontée d'un toit triangulaire, puis la mention « Ad Veniat, coucher et dîner ». Je souris à cette vue familière, puis toque à l'huis.

-L'aubergiste est un homme pieux et bon, je m'explique. J'ai soigné sa fille il y a quelques années, et depuis il m'aide à chaque fois que je viens à Nexus. Il nous offrira la chambre, et nous cachera si c'est nécessaire.

Au bout de deux bonnes minutes, le bruit d'un loquet se fait entendre, et celui que je sais être le propriétaire ouvre. Il s'agit d'un plutôt curieux personnage, bedonnant et qui ne doit pas dépasser le mètre quarante. D'autant que j'en sais, c'est pourtant bien d'un humain. Même si je me sens toujours coupable de penser ainsi, je dois avouer que c'est un homme objectivement assez laid, avec une barbe hirsute noire tirant sur le blanc, à la crinière éparse, aux yeux bleus presque globuleux et toujours rougis, au visage où se devine les dégâts de l'alcool et à l'âge indéfinissable, quelque-part dans la cinquante ou soixantaine. Pour autant, s'il ne semble pas beaucoup s'entretenir, il n'est pas sale pour autant, et son habit, une tunique brune sans doute enfilée à la va-vite, n'a rien de particulièrement négligé. Il ouvre une bouche à la dentition usée et irrégulière, surpris, et tente de cacher derrière son dos l'arbalète qu'il tient à la main.

-Bonsoir monsieur Eylo, je murmure. Je suis confuse de vous déranger au milieu de la nuit. Voilà, pour être honnête, nous avons eu quelques soucis avec la garde. Une sorte de malentendu, vous voyez ?

Je sais pertinemment que les chances qu'il me refuse sont inexistantes, et pourtant, je suis soulagée lorsqu'il hausse les épaules et répond :

-Où c'que ça traîne les jeunes filles d'nos jours ? Et ça s'attire des ennuis, bah. J't'attendais pas si tard. Bah.
-Vous... vous êtes conscient des risques, n'est-ce pas ?
-Bah ! Pas b'soin d'ça pour savoir que les gardes sont tous cons.

Sa voix est encore pâteuse, et il détache ses syllabes plutôt mal, ce qui ne le rend pas particulièrement compréhensible. Eylo sourit, et je trouve malgré moi son rictus inquiétant. Il recule d'un pas, pour nous laisser entrer, et je guide Laura à l'intérieur. La température rien que sur le seuil doit être supérieure de cinq bons degrés à celle de l'extérieur. Une odeur de légumes bouillis, sans doute le repas ayant été servi le soir même, flotte encore. Le mobilier de l'auberge est semblable à sa charpente : rustique, dénudé. Quelques tables et quelques chaises sont disposées près d'un âtre et dans le fond, un escalier monte vers l'étage et les chambres. Le propriétaire glisse avec une certaine vivacité derrière un comptoir rectangulaire, et en sort une bouteille, étiquette griffonnée à la main, remplie d'un liquide trouble.

-Jus de châtaigne pour les tit'dames qu'ont froid, fait-il en présentant des verres dans le même temps. Bah, hein, ça s'refuse pas, hein ?
-Tibi Gratias mille vicibus carissi ! Ça va nous faire du bien.

Je m'approche à mon tour du comptoir. Je peux me remémorer exactement quel goût a la boisson qu'on nous propose. C'est toujours la même, quelque-chose d'assez proche de la liqueur, avec un arrière goût sucré qui fait passer sans problème le haut taux d'alcool. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas un grand cru, mais ça se boit facilement. Eylo doit en avoir des dizaines identiques, car il en ouvre une de ce type à chaque fois que je viens. Je me retourne vers Laura et lui glisse :

-Vous avez ce genre de chose sur ton île ? Te sens pas obligée de boire si tu trouves ça fort...

Il faut dire que ce n'est pas davantage une boisson de femme, ou même une boisson raffinée. Je ne me sens pas très à l'aise de devoir confronter un être si fin à une denrée si brute. Dans le même temps, j'ai aussi peur de vexer l'aubergiste en ne recommandant pas son alcool. J'essaie de faire comprendre par le regard à Laura que je suis dans une situation un peu difficile. Bientôt, le malaise est brisé par une question du vieil homme.

-Alors en voilà une autre étrangère, hein ? C'est-elle une sainte guérisseuse comme vous mam’zelle Telka ?

Je secoue la tête, négative, et bois une première gorgée du breuvage.

-Mais elle a d'autres dons.

Suite à cette affirmation, il la dévisage, puis la détaille de haut en bas, ce qu'il ne semblait pas s'être permis jusqu'ici. Je réalise seulement l'état dans lequel nous sommes, et celui de nos vêtements. Le mien est est crasseux et déchiré sur tout un côté. Heureusement, le propriétaire ne fait pas plus de commentaire.

-Mouais... j'en doute pas. Bah, t'sais où sont tes affaires, t'sais où est la chambre de ma fille si vous passez la nuit ici.

Finalement, empreinte une porte derrière le comptoir, et s'éloigne par le couloir qu'elle révèle en grommelant :

-C'est qu'y en a qui bossent, figurez-vous, bah.

J'attends qu'il ait disparu pour parler de nouveau à Laura.

-Je me sens un peu coupable de lui faire prendre des risques pour nous, mais je crois qu'ils ne sont pas trop grands. Personne ne nous cherchera ici... Tu ne crois pas ?

J'ai essayé de me montrer assurée jusqu'ici pour éviter la panique et la confusion. Toutefois, maintenant que je suis posée et que j'ai plus de temps pour réfléchir, je commence à douter un peu. Je peux au moins à présent me permettre de faire un peu tomber le masque : je ne suis pas tellement plus avisée que n'importe qui lorsqu'il s'agit de fuir la garde. Ce n'est pas vraiment ma spécialité, et en règle générale, mes activités n'éveillent pas leur attention d'une telle manière. Je trempe une seconde fois mes lèvres dans la liqueur de châtaigne, et laisse le liquide me réchauffer l'intérieur de la bouche, puis la gorge.

-En tout cas, on sera bien ici pour la nuit ! Et au matin, on verra bien ce qu'on fait.

TelkaArchieVianOzvelloCyriel
MP



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