Love me tender
Paris, avril 1299.
21ans, Humaine.
Quelle chaleur en ce début de printemps ! Mes collègues n'ont de cesse de s'éventer, à peine vêtues, dans nos boudoirs, nos couloirs et nos chambres. Dans une heure à peine le Paradis ouvrira ses portes pour accueillir nos invités, si distingués, si seuls et si riches. Alors que je traverse le couloir pour me rendre à la salle des bains, Adèle heurte violemment mon épaule de la sienne en ricanant grassement.
_Attention princesse, avec des bleus t'attirera moins le chaland ! Haha !
Entourée de quelques unes de ses amies, elle s'éloigne en jouant du jupon, comme pour me narguer. Une poitrine plus généreuse que moi, des lèvres grossières qu'elle tente de rendre plus pulpeuses, plus distinctes par un jeu de maquillage, une crème à base de pigments naturels... Quoi que ce soit, elle ne semble guère savoir s'en servir, je lui trouve toujours une bouche de canard lorsqu'elle se maquille ainsi. Avec un petit sourire, et haussant les épaules – dont une endolorie – je finis par gagner la salle que je souhaite. Le long du mur, au niveau du sol, courre une large rigole qui donne sur un trou, une petite tête de diable à l'extérieur de la maison crache ainsi l'eau souillée que nous déversons dans cette rigole. L'hiver nous avons ordre de la boucher avec une chiffon que nous maintenons avec une grosse pierre. Le tout-à-l'égout médiéval.
Assise sur un sommaire tabouret de bois aux pieds bancals et mal taillés, Lily, jupon retroussé, jambes écartées, pieds reposants sur le bord de la grande bassine de bois d'un côté, le muret de l'autre, s'applique à coiffer sa toison. Lily, jolie mais ordinaire, peu subtile d'esprit mais assez pour le savoir elle-même, à la bouche un peu trop grande pour ce petit visage, a réussi à se faire une large clientèle grâce à ses petites originalités : pendant un temps elle s'arrachait, grâce à une pâte faite à base de sucre, les poils de son intimité afin de la rendre aussi lisse que celle d'une jeune fille ; parfois, avec un coupe-chou, elle les taillait de sorte à en faire une jolie boule harmonieuse, etc, tout ceci nous amuse beaucoup, ici, mais personne d'autre qu'elle ne saurait faire montre d'une telle ingéniosité en dépit de son faible esprit, et aucune autre fille parmi nous n'a jamais réussi à se conquérir une telle clientèle avec ce physique banal. Intriguée, je regarde ce que sera sa nouvelle invention. Avec attention, je la vois s'appliquer une pâte étrange, vaguement rose à quelques traînées blanches. Levant le nez, elle me regarde, sourit :_J'essaye un nouveau truc,
dit-elle en repiquant vers son entrejambe, à partir des bains aromatisés de Mme Sam, j'ai eu l'idée de faire une sorte de... baume ? Oui, disons un baume, pour faire en sorte que cette odeur les surprenne... T'en penses quoi ?
Je ne réponds rien, me contente de sourire. Certains des clients de Lily empestent tellement qu'ils ne sentiront rien, leur puanteur couvrant toutes choses.
Je m'installe à mon tour au-dessus d'une bassine. Les jupons tournoient un peu partout, ballet entre les filles passant au maquillage, celles qui vont à la toilette, etc. Le regard dans le vague, je saisis un chiffon bouilli dans une des bassines alentour et, versant de l'huile essentielle dans la bassine glissée sous mon bassin, j'entreprends de frotter activement mes jambes, l'intérieur de mes cuisses, et mon intimité. Quelques gouttes seulement d'huile, et la friction suffit à brûler légèrement notre intimité. Certaines filles ont dû rester couchées, quelquefois, car elles avaient trop mis d'huile dans leur eau, huile qui les avaient brûlé et qui les rendaient incapables de travailler. Ce sujet revient souvent, entre nous, et les disputes avec Mme Sam vont bon train. Il suffit de trouver sa petite recette : un bain aux huiles essentielles puis un aux plantes, et tout est réglé, par exemple !
Attrapant le savon noir, je frotte hardiment le chiffon dessus. Une mousse épaisse apparaît et je repose aussitôt le savon : c'est un produit qui coûte plus que cher, nous n'y avons droit qu'avant et après avoir travaillé, parfois entre deux clients si le premier nous semble vraiment sale. Je frictionne mon entrejambe, mes aisselles, ma poitrine et mon cou avec le chiffon savonné. Enfin, en quelques minutes, j'en ai fini de ma toilette, et me dirige dans ma chambre à coucher. Nous possédons toutes, sans exception, au moins deux chambres. Une chambre « officielle » dans laquelle nous recevons notre invité, et notre chambre « officieuse » celle où nous dormons, seules, notre chez-nous, d'une certaine façon. La maison, outre cette quarantaine de chambres, possède en plus de nombreuses autres, une petite dizaine, réservées plus ou moins à l'une ou l'autre d'entre nous, les plus demandées. J'ai, ici, quatre chambres. Adèle aussi, mais elle a moins de clients. Elle en mangerait ses jupons.
Le mien est trempé. Seins nus devant mon armoire, je reste un moment immobile, retraçant dans ma tête les clients que je devrais voir ce soir. Mon capitaine sera là, sans doute quelques matelots aussi, un bateau a accosté ce matin, un seigneur dont j'ignore le nom, et quelques autres, que j'ai oublié. Mme Sam me redira ça...
Mollement, je saisis deux jupons, à mettre l'un par-dessus l'autre : ils donnent du bouffant et amplifient les balancements des hanches lorsqu'on marche. Une chemise au col grossièrement brodé recouvre ma poitrine qu'une large ceinture vient rehausser.
Retour à la salle des bains. La pièce est envahie de buées, de nuées de rires, de cris, de voix hautes et fortes, prises dans des conversations futiles. Je trouve un miroir libre que j'essuie d'un revers de main. Il est couvert d'une buée tenace. Sur la petite table devant, des brosses à cheveux, des crayons, des baumes, crèmes et autres substances dont le prix est encore plus élevé que le savon noir. Le maquillage est fait à partir de pigments naturels, je l'ai déjà dit, il s'agit d'eau mélangé à de la poudre de minerais, par exemple, très fine, mélangé habilement jusqu'à former une pâte plus ou moins épaisse que l'on s'étend sur le visage avec les doigts. Dans certaines préparations, il faut aussi ajouter un œuf cru, mais j'évite ces dernières, car elles finissent par sentir très fort et cela m'incommode.
Le monde du maquillage a toujours été inconnu pour moi : dans mon milieu, on ne se maquille pas, on ne se farde pas. Ici les filles se blanchisse un peu la peau, signe de richesse, de bonne santé, de beauté : seules les paysannes, les pauvres et les filles de joie ont la peau mat, car elles courent sous le soleil et leur peau brunie montre leur asservissement. En général, je me contente de souligner l'émeraude de mes yeux par une pâte noire, très noire, que j'étale sur la paupière, et un peu sous l’œil. Cela me donne un regard intense, les hommes en raffolent.
Mme Sam pénètre dans la pièce en hurlant et en nous donnant des coups de chiffon mouillé sur les fesses, le dos :_On ouvre dans dix minutes, allez vous mettre en place, vite !
Habituées des éclats de notre mère maquerelle, nous nous pressons sans hâte vers la sortie, elle m'attrape le bras :_Dexa, ce soir, tu es au salon.
Personne, hormis Richard, bien sûr, ne connaît ma véritable identité, mon vrai nom, ma véritable condition. Ici je ne suis que Dexa, la plus belle et la plus chère des putains du Paradis, le bordel où il n'y a que les plus belles et les plus chères femmes de Paris, si ce n'est de France. La chaleur est encore plus étouffante ici. Fenêtres closes, rideaux tirés, on meurt tous. Nos corps si légèrement couverts (pour ce XIIIe siècle) serrés contre ceux de nos invités commencent à perler de petites gouttes de sueur. Dans un coin, des hommes caressent l'intérieur des cuisses d'une de mes collègues qui semble un peu ivre, la tête renversée en arrière, elle les invite des mouvements de son corps à pousser leurs mains plus loin. Dans un autre coin, une autre de mes amies est à genou devant un patriarche ventripotent qui lui caresse, satisfait, la tête.
Coincée contre un baron quelconque qui fait reposer sa lourde tête sur ma poitrine, me la broyant, alors qu'il boit à longues goulées dans son verre à pied, je ne peux que regarder mes amies danser, jouer aux cartes, à Colin-maillard, etc.
Brusquement, la porte d'entrée du salon s'ouvre sur un inconnu. Je ne les vois pas, mais pourtant je sens toutes mes compagnes dévisager une à une ce nouvel arrivant, et pas pour le simple fait qu'il soit nouveau. D'une carrure impressionnante, large d'épaules et grand, la blancheur de sa peau, surtout, intrigue. Même le plus noble des nobles n'aurait pu être plus blanc. Le noir profond de ses cheveux rivalise avec celui de ses yeux surlignés par d'aussi noirs sourcils, lui donnant un air grave et... Je n'ai jamais vu d'yeux pareils. Son visage est large, dessiné au couteau, les traits vifs, clairs, la mâchoire carrée. Il a l'élégance et la rigidité des militaires, les manières délicates d'un noble, ne serait-ce qu'à sa façon de se tenir. Quel âge peut-il avoir... ? Son visage semble... Si jeune et si vieux à la fois. Ses yeux, surtout, encore une fois, semblent avoir tant vu, tant vécu... Serait-il un héros de guerre... ?
Il s'avance dans la pièce qui ne résonne plus que des discussions des hommes, les femmes étant trop absorbées par leur contemplation. Les musiciens, dans un coin, jouent toujours. L'inconnu dévisage lui aussi les femmes de la salle, et ses yeux tombent dans les miens, cerclés de noir. Il sourit, comme soulagé, et tend vers moi une main délicate. Le baron me laisse m'échapper sans même me jeter un regard, trop absorbé par son énième verre.
Le bel homme m'entraîne près des musiciens et nous esquissons quelques pas de danse. _Votre pas est un des plus fins que j'ai pu voir, mademoiselle...
Un léger accent que je n'arrive pas à définir. Il roule autant les « r » qu'il les fait gronder dans sa gorge, un étrange mélange de l'accent italien et de l'accent de l'est. Je souris en abaissant légèrement la tête, geste de remerciement.
Mes collègues se sont, bien sûr, remises au travail, mais je continue de sentir sur moi et l'inconnu des regards furtifs.
Avec délicatesse, il me propose finalement de prendre un verre. Confuse, j'accepte, le rouge aux joues.
Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi moi, pourquoi m'avoir choisi moi... A vingt-et-un ans, je suis proche de l'âge trop avancé pour les femmes, même chez les putains. A vingt-cinq ans, nous commençons à perdre en attrait pour certains hommes, et nous ne pouvons rivaliser avec l'espèce de candeur de nos plus jeunes collègues comme... Eh bien, Lily, par exemple, âgée de quatorze ans.
Après plus d'une heure passée ensemble à discuter ensemble, j'apprends qu'il s'appelle Tino, et je ne peux m'empêcher de tourner et retourner ce prénom en mon esprit. Nombreux sont, bien sûr, nos invités à utiliser un faux nom, un pseudonyme en venant ici, mais... Tino ? Juste Tino ? Il finit par se pencher vers moi et déposer un baiser d'une douceur extrême contre ma joue. Je suis surprise par la fraîcheur de sa bouche. Il me sourit et esquisse une révérence pour me saluer avant de sortir du salon. Je reste un peu imbécile, plantée au milieu de la pièce alors qu'autour de moi mes amies me dévisagent, les yeux ronds et interrogateurs, en réponse, j'hausse les épaules d'ignorance. Mais alors que je m'avance vers une table de jeux pour reprendre le travail, puisque Tino a disparu, Mme Sam entre discrètement et me tire à l'écart :_Va dans ta chambre, la deuxième, la rouge. Déshabille-toi, allume les bougies, sauf autour du lit, ça y mettrait le feu, tu sais bien. Cinq près de la fenêtre, le chandelier sur la table, et le bougeoir près de la porte. Ensuite, allonge-toi, et attends. Un invité t'a prise pour la nuit, il a payé cher pour annuler tes autres réservations, alors soigne-le ma toute belle, soigne-le !
Je reste un court instant figée de surprise et elle se trouve obligée de me pousser vers la sortie sans ménagement pour me faire réagir.
Trente minutes plus tard, je suis donc allongée sur ce grand lit à baldaquin, les bougies allumées, la fenêtre légèrement ouverte fait vaciller les flammes.
Ces demandes sont plus qu'inhabituelles et je ne peux empêcher mon ventre de se tordre d'anxiété.
On appelle cette chambre, quasiment la mienne, la chambre rouge, pour la raison évidente que les murs et les draps des lits sont rouges, même la cathèdre, dans son coin, est ouvragée de rouge sur son dossier.
Mal à l'aise, je tire à moi un des draps et en recouvre partiellement mon corps, comme avec une étoffe, ou une toge.
Mon sang se glace brutalement lorsque j'entends le loquet de la porte s'actionner, puis les gonds grincer, des pas sur le parquet, étouffés peu après par un imposant tapis décrépi. La porte se referme. Les lumières vacillantes et plus particulièrement les baldaquins m'empêchent de voir qui est entré. Je resserre ma main qui tient le drap contre moi. Les pas se rapprochent et mon cœur s'accélère tandis que je retiens mon souffle, en tachant tout de même de ne pas avoir l'air trop tendue._Bonsoir encore, Dexa...
Mon souffle se relâche tout d'un bloc alors que je vois apparaître le si séduisant et intriguant Tino. _Permettez-moi de me défaire de mes effets...
Avec un petit salut il disparaît de nouveau derrière les baldaquins. J'entends glisser le tissu, claquer les chausses et chaussures... Il revient peu de temps après, en simple chemise et culotte, chemise ouverte, retenue à la ceinture. Son torse est lui aussi large et, je ne sais si c'est l'éclairage ou sa physionomie réelle, mais il s'en dégage une puissance incroyable... Non, d'ailleurs, cette puissance se dégage de tout son corps, et même de son être. Je n'ai pas bougé d'un cil, et même si je me suis un peu détendue, je n'ose encore mouvoir et esquisser le moindre geste.
Il s'assoit à côté de moi, de l'autre côté du lit._Je vous présente mes excuses, si ma manière d'agir vous a décontenancé mais... vos collègues semblaient bien trop intriguées par nous deux, ou par moi, peut-être davantage,
corrige-t-il dans un sourire, et j'ai pensé qu'il était préférable que je règle cette affaire de façon plus discrète. Mme... Sam gardera le secret, il vous plaira de faire de même ou non.
Je ne réponds toujours rien, touchée par ses manières, sa douceur qui tranche étrangement avec l'impression générale qui émane de lui. Il sourit encore, l'air... attristé._Votre beauté m'a émue, Dexa. Vous êtes d'une grâce, d'une finesse et d'une élégance que je n'avais encore jamais vu... J'aimerais pouvoir vous faire la cour pendant des mois pour gagner votre cœur, vous présenter au monde mais... l'usage ici veut d'autres mœurs.
Il laisse alors un petit silence se faire avant de reprendre, néanmoins, Dexa, permettez-moi de ne pas être comme tous vos clients, et pardonnez-moi si je ne puis plus attendre davantage...
_Attendre davantage ? Attendre pour quoi... ?
Demande-je, surprise._Pour ceci...
Se penchant sur moi, il laisse nos bouches se trouver d'elles-mêmes et, pour la première fois de ma vie de catin, je n'ai pas à me forcer ou à réfléchir à la façon de faire... Nos lèvres s'unissent, se séparent et se retrouvent enfin, nos souffles s'accélèrent et se mêlent dans ce baiser alors qu'il bascule près de moi. Mes bras s'emparent de sa nuque et mes doigts glissent dans ses cheveux. Sa bouche est plus froide que la neige mordante d'hiver, même son nez que je sens frôler le mien est glacé, et pourtant, quelle chaleur en ce mois d'avril... _Me permettriez-vous de revenir souvent, ici, vous voir... ?
Esquissant un sourire, j'acquiesce et emprisonne de nouveau ses lèvres entre les miennes.
Je frissonne au contact glacé de sa main qui se fraye un chemin sous le drap, qui caresse mes flancs et mes hanches mais qui ne s'aventure jamais plus loin.
A l'image de son corps et de son regard, ses baisers sont puissants, intenses et pourtant d'une tendresse infinie, enivrante. Alors je sens en moi poindre un désir impétueux qu'il me possède, lui, et nul autre. Oui, un désir inconnu s'empare de mon âme, le désir pour quelqu'un, quelqu'un en particulier. Plus d'histoire de travail, de catin. Il n'existe à cet instant que mon désir et ces lèvres glacées contre les miennes, chaudes, brûlantes, même.
Il doit sentir ce désir qui me consume car il ne tarde pas à délaisser ma bouche pour glisser sur mon cou. Il le parcoure de baisers qui m'embrasent davantage. Ses lèvres glissent sur ma clavicule, la redessine consciencieusement. Ses mains passent sur mes hanches et se laissent porter sur mes fesses. Il m'attire à lui alors que sa tête roule sur ma poitrine. Sans ménagement, il tire le drap pour dévoiler mon corps nu. Il ne se perd pas en contemplation, mais ses mains courent partout, tendres et envoûtantes, et sa bouche vient cueillir mes seins tendus entre ses lèvres. Un soupir s'échappe de ma gorge tandis que son visage caresse ma poitrine, que sa bouche enserre mes mamelons aux tétons dressés qu'il titille d'un bout de langue discret. Je ne fais rien, sinon me laisser faire en soupirant, alors qu'il continue sa découverte de mon corps. Il embrasse mon ventre, s'amuse avec mon nombril, embrasse encore mes hanches, longe l'intérieur puis l'extérieur de mes cuisses, caresse mes mollets, embrasse mes tibias, va même jusqu'à masser succinctement mes pieds. Tout mon corps frissonne de ces caresses et aucune parcelle de mon être ne lui échappe. Se relevant, il fait glisser une main toute aussi glacée que ses lèvres et son nez, de ma gorge à mon ventre, une caresse dans laquelle je devine les accents animal de son désir... Remontant le long de mes jambes, il fait glisser sous elles ses bras et entoure mon bassin. Sa bouche effleure mon sexe éveillé par le désir. Je lâche un soupir plus fort que les autres, impatiente qu'il me fasse sienne, et cette invitation implicite de ma part entraîne sa langue contre mon bouton d'amour. Froide, râpeuse, elle est pourtant loin d'être désagréable. A peine sa langue me touche-t-elle que tout mon corps est pris de violents frissons. Frissons de froid, comme frissons d'un plaisir profond. Mes mains passent dans ses cheveux, alors que je sens sa langue s'aventurer plus franchement sur mon entrejambe. Il esquisse de petits mouvements, me rendant folle. Ce minimalisme dans ses gestes me frustre terriblement, moi qui suis tremblante d'envie. Il entame des coups de langue de plus en plus longs et appuyés qui me tirent mes premiers gémissements. Doucement, il vient ajouter son index droit à l'affaire. Toujours aussi doux, il ne me l'enfonce pas brutalement comme la plupart de mes invités, mais il se contente de l'avancer de sorte à ce qu'il repose sur la fine membrane de l'entrée de mon vagin. Ce contact étrange déclenche d'incroyables vagues de tremblements de tout mon être et de longs gémissements étreignent ma gorge. Mes yeux se voilent, ma vue se trouble alors que je le sens respirer toujours plus fort, tout plein de cette excitation que mes jouissances lui procurent. Mes mains agrippent sa chemise de lin que je tire vers le haut pour la lui arracher. Se dégageant de l'étreinte de mes cuisses, il lève les bras, la retire et présente à mes yeux un torse parfait : la blancheur de sa peau est parsemée entre ses pectoraux d'une toison noire épaisse mais pas déplaisante, ses épaules sont encore plus impressionnantes nues, mais c'est surtout son cou de taureau qui est remarquable. Une carrure épaisse, une carrure d'homme, de guerrier. Mon guerrier, je suis sa Valkyrie ce soir.
Sa masse vient se coucher sur moi et je pousse un petit cri de surprise au contact de sa peau froide contre moi, néanmoins c'est, encore une fois, loin d'être désagréable. Dans la moiteur épaisse de cette chambre calfeutrée, il apaise le feu de mon âme qu'il a lui-même embrasé. Nos lèvres se capturent encore dans un baiser doux et violent, il glisse entre mes cuisses et même au-travers de sa culotte je peux sentir combien ses jambes, comme tout le reste de son corps, sont glacées. Habilement et d'une main, il le fait glisser le long de son corps et nous sommes désormais complètement nus l'un contre l'autre. Je sens son membre dressé heurter mes cuisses alors que nous nous frottons l'un sur l'autre, pris d'une passion subite et dévorante. Jamais, au grand jamais je n'ai ressenti cette excitation, cette euphorie, presque. Mon être entier tremble de désir, et je suffoque de cette envie terrible qui me ravage les entrailles.
Je sens alors cette verge de glace se frayer un passage doucement dans mon intimité. Le froid qui entre en moi me coupe un moment la respiration mais il tranche tellement avec la chaleur torride de mon intimité que le plaisir qui s'en résulte me fait définitivement chavirer et un long gémissement presque crié s'échappe de mes lèvres. Mes ongles s'arriment à ses épaules tandis que son entrée houleuse en mon être se termine. Il reste un moment sans bouger, tout entier en moi, scrutant mon visage, visiblement inquiet à l'idée de pouvoir me faire mal. Son attention me touche énormément et je l'embrasse de plus belle. Sa verge si froide au fond de mon être brûlant me fait presque peur, j'ai peur qu'elle ne fonde, qu'il ne disparaisse avant d'avoir pu faire de moi sa Valkyrie pour de bon. Mais il semble que mes frayeurs soient vaines car il entame alors un lent et langoureux va-et-vient en moi. Je sens désormais cette hampe dans son entièreté me prendre comme personne ne m'a jamais pris. Nous faisons l'amour. Nous faisons l'amour, il ne me baise pas, il ne me défonce pas, il me fait l'amour. Emue, des larmes perlent à mes yeux tant le moment semble unique et beau. Ses mains caressent mon visage qui illustre par des torsions de sourcils et de bouche le plaisir infini que je ressens, il embrasse mon front, mes joues, mon cou. Son dos s'arque tandis que ses pénétrations se font plus profondes. Relevant le bassin légèrement, j'en améliore l'angle de pénétration et il s'enfonce encore plus loin en moi. Les gémissements qu'il me tire m'étourdissent toujours plus et je resserre ma prise sur ses épaules. _Tino je... je...
Je ne peux finir ma phrase qui s'étrangle dans un cri de jouissance alors qu'à travers mes yeux clos je discerne une vive lumière, la lumière aveuglante de l'orgasme qui engourdit un court moment mon corps et dégage en lui une boule de chaleur éclatante. Tino resserre son étreinte sur moi, et alors que je m'attendais à ce que la glace de sa verge m'engourdisse et me prive de toutes sensations, je ressens brusquement tout en décuplé, comme si tous mes sens étaient multipliés en puissance, comme si je pouvais sentir chaque minuscule et infime partie de mes muscles se tendre et se détendre en réaction de ses mouvements. Le plaisir incommensurable et totalement inédit que je sens fondre en moi me fait perdre toute notion de temps et de lieu. Loin de sentir sa verge fondre comme je le craignais, je me rends compte que c'est bien mon être qui fond de l'intérieur, je me liquéfie en jouissance. Plongeant son regard dans le mien, devenus brillant de la folie coïtale, il me sourit tendrement :_Me feriez-vous l'immense honneur de prendre les commandes ?
Sa voix, altérée par l'ébat, est incroyablement érotique et excitante. Avec un sourire, je retourne la situation et grimpe sur lui. Cette nouvelle pénétration me tire un cri terrible. Non, impossible de s'y habituer, impossible de s'en lasser. Lentement, je fais rouler mes hanches sur lui, dans un mouvement circulaire, mon bassin se balance d'avant en arrière et de bas en haut, remontant toujours un peu plus haut à chaque mouvement, risquant de le faire sortir, mais, je maîtrise. Tino accompagne mes balancements de ses mains, posées sur mes hanches, il m'aide à remonter un peu, et son bassin finit par accompagner lui même mes mouvements... Ses gémissements m'excitent davantage et, concentrée pour lui donner tout le plaisir possible, les miens se font moins forts, même si la tête me tourne toujours autant.
Brusquement, semblant ne plus y tenir, il se redresse en position assise. Nos corps serrés l'un contre l'autre m'électrisent, le froid incroyable qui se dégage en permanence de son être, alors même que nous sommes en pleine action, continue à me faire un effet jusqu'alors méconnu. Enfouissant sa tête dans mon cou, sous ma chevelure de feu, il gémit doucement, de ces gémissements virils, tirant sur le grognement, qui me tirent toujours un sentiment d'intense satisfaction et contribuent à mon excitation. Ses mains se crispent sur mon corps tandis que nos bassins ondulent en une parfaite harmonie. Repoussant doucement mon buste, il m'allonge sur le matelas, sans sortir de mon intimité, il agrippe mes jambes, les maintient autour de son bassin, surélevant le mien puisqu'il est à genoux. Avec tendresse et pourtant avec une certaine rudesse, il coulisse en moi un peu plus fort et m'arrache de nouveaux cris. Tirant sur les draps en bataille, je sens mes muscles se contracter un à un, méthodiquement. Mon bas ventre est en feu, un feu de glace, un feu dévorant. Et alors qu'il pousse un gémissement plus fort que les autres, je sens cette boule au fond de moi éclater, encore une fois. Je jouis comme jamais je n'avais joui, enfonce mes ongles dans la chair de ses avant-bras, secouée par un orgasme aussi violent que fort.
Tino s'affale doucement sur mon buste après avoir reposé mes jambes sur le matelas. Avec une douceur infinie, il embrasse encore mes seins, mon cou, mon visage entier par de tout petits baisers. Entre deux souffles, il me murmure :_Tu es la plus belle et la plus étrange des femmes que j'ai connu, Dexa.
Avec un sourire et plongeant dans son regard noir, je murmure en réponse :_Euldexa...,
dis-je.Il m'embrasse et répète ce nom, comme pour voir comment il sonne, dans sa bouche. Il sourit.
Doucement, il me ramène à lui, et m'allonge sur le lit, la tête confortablement posée sur deux énormes oreillers. Il se glisse près de moi et ramène la couverture sur nous. Lui tournant le dos, il m'enlace tendrement et m'embrasse une dernière fois sur l'épaule._Bonne nuit, Euldexa...
Rompus de fatigue et émerveillés, nous tombons ensemble dans les bras de Morphée.