La remarque le faisait sourire. Un bref instant uniquement, parce que là, il est en mode SS, et ne feint rien, pas même l'amusement. Or, si il arrive souvent au prof d'être gai, le nazi l'est moins. D'où la courte durée de ses mimiques. Il revient à un état sérieux et neutre à une vitesse impressionnante.
Le fantasme réside bien souvent dans l'interdit, Neena. Et puis, si je peux me permette une petite indiscrétion totalement anecdotique... Je trouve les russes particulièrement jolie dans leurs uniformes. Je crois que si un supérieur m'entendait, ce serait un motif suffisant pour me coller deux semaines de cachot.
Ça paraît idiot, mais la transgression d'un tabou, celui de mêler sa semence à l'oeuf d'une bolchevique, avait un goût assez excitant pour lui. La survivance d'un caractère soviétique dans la présente fédération de Russie lui plaît plutôt, et garde intacte cette envie perverse.
Bref. Tu as dis quand je veux. Alors laisse-moi finir mon thé d'abord.
Le psychorigide n'envoie pas tout chier comme ça. Enfin, tout, il pourrait, mais le thé fait partie de ses plaisirs sacrés.
Tu serais prête à te repenser ?
Siegfried, à peine sorti, engageait une marche décidée vers un lieu dont il avait d'y faire une balade. Il parlait de nouveau japonais. Fini le français - et, de toute façon, il a l'impression d'être rouillé, quand bien même ce n'est pas le cas en vérité.
Je veux dire : J'ai mes conditions. Je veux que ton comportement soit correct chez moi. Pas de drogue par exemple. Si tu veux que j'ai confiance en toi, ne me fais pas l'affront de te shooter dans ma salle de bain. En-dehors de chez moi, tu fais ce que tu veux, je ne dis plus rien. En échange je fais de même : Je suis agréable avec toi, je ne me comporte plus comme un maître de discipline. Tu as d'autres volontés ? Fais-toi plaisir, vas-y.
Un square. Le SS voulait s'y balader un peu. Il avait en tête de jouer la carte du terrain neutre : Ni propice à lui ni à Neena, un simple endroit public où ils croiseraient probablement quelques têtes connues, qu'ils salueraient sans aucune gêne. "Euh... C'est pas un prof là-bas ? Et elle, elle est pas élève ?" Peu importe. Ils ne font pas spécialement de geste ostentatoire, puisque c'est de toute façon mal vu au Japon, ne se tiennent même pas la main. Ils ne font que parler et, d'un œil extérieur, la discussion paraît tout à fait anodine. Un entretien ayant pour sujet les cours, ou un quelconque projet scolaire ? Fort possible. Après tout, Siegfried a l'air d'être ce enseignant sympa vers qui un étudiant peut se tourner en cas de problème, même les samedis.
En attendant, si ça ne te dérange pas, je te prend ton week-end. J'ai des trucs à acheter, et puis, je dois honorer ma punition, ce qui est une torture rien que d'y penser.
Sorti du parc quelques minutes plus tard, il avait pris la direction du centre commercial où il devait faire ses emplettes. Cela était aussi un prétexte pour faire acheter des tas de trucs à Neena. Pretty Woman en puissance, mademoiselle aura crédit illimité pour les fringues et autres accessoires qui lui plaisent. "Ne demande pas d'où vient l'argent et contente-t-en". Sigurd se fendra aussi de quelques achats, rien de bien exceptionnel. Après ça, c'est ciné. Il veut voir son compatriote allemand qui tourne dans un film récent. Et il y traîne de force Neena. Là encore, il ne tente rien de spécial, ou de déplacé. Il regarde avec une certaine fascination ce média immuable, qui lui rappelle là encore son Allemagne d'il y a tant d'années. L'atmosphère est la même, rien n'a changé, si ce n'est la qualité de l'image, ce qui lui importe peu en réalité. Bref. Une sorte de western décalé, où le propos du film est moraliste et droitsdel'hommiste, dira le SS, ce qui le dérange au fond. Sinon, il a bien aimé la violence du film, et même sa tendresse mièvre parfois. Dommage que le boche meurt. "On meurt toujours à la fin". Reflet de l'histoire peut-être.
Pendant tout ce temps, depuis le café, il s'était efforcé d'être le plus normal possible. Il avait parlé avec Neena de tas de choses, parfois sans grand intérêt. Questionnant par exemple la jeune fille sur qui était en réalité Edith, il enchaînait avec une discussion passionnée sur la bouffe, les plats préférés de chacun, et les aliments bannis. Une banalité qui le rendait tout-à-fait agréable. Il n'était pas non plus à sourire tout le temps, ni même à se décrisper en général. Il gardait cette droiture prussienne énervante, comme si de cette noblesse, il lui restait encore le prestige et les privilèges. Le baronnat est désormais totalement honorifique en Allemagne, et même si il a réussi à se faire transmettre son propre titre en se faisant passer pour l'un de ses héritiers à lui-même, il ne lui restait juste qu'à jouir d'un titre. Mais on ne change pas un homme, encore moins un Freiherr ayant passé un an en école de maintien, trois ans en institut élitiste, plus presque une dizaine d'année dans la SS. Ça laisse de profondes séquelles sur la tenue et le port que l'on adopte.
Et finalement, le soir étant venu, il prend avec elle le métro. Il l'emmène au restau ? Non. À l'hôtel. Et pas n'importe lequel. "The Great White", un truc un peu cossu.
Je t'avoue que je ne suis pas un habitué des chambres au style technologique. Mais la déco traditionnelle... C'est d'un classique... Bah. Choisis.
Il s'écarte de l'écran tactile dans le hall, et lui laisse prendre la chambre qu'elle veut. On peut même choisir des options, parfois cheloues, du style "Table de torture" ou "lit vibrant". Siegfried ne prend que le strict minimum, commandant pour toute la nuit, prend la clé tombée du distributeur, et va s'asseoir dans une salle d'attente individuelle. Moins de 10 minutes plus tard, une hôtesse frappe à la porte, indique que la chambre est prête. Gentleman, il tend son bras à la jeune fille pour l'emmener.
Aussitôt entré, on constate que l'intérieur est aussi cossu qu'on pouvait s'y attendre. Immense lit rond, télé géante, salle de bain quasi-entièrement automatisée avec jacuzzi, et une surface bien trop grande pour une chambre d'hôtel. La déco est à la hauteur des espérances aussi.
Siegfried va directement s'affaler sur le lit. Il a besoin de repos avant de faire quoi que ce soit.
C'est pas un plan cul, si tu te poses la question.