Que Seikusu soit réputée pour être une ville folklorique où on pouvait croiser des hommes-chats était une chose. Cependant, Shani avait toujours cru que c’était légèrement exagéré. Elle venait de France, et savait que les Japonais avaient tendance à être bien plus spiritualistes que les Français. Cartésienne, Shani avait toujours refusé de croire au surnaturel, étant plutôt du genre matérialiste. D’un point de vue religieux, elle considérait le christianisme comme une stupidité sans nom, étant, sur ce point, tout simplement athée. Alors, forcément, tomber sur un ange, ça remettait pas mal de choses en perspective.
« Que voulez-vous que je sois d’autre si je ne suis pas un ange ? » lâcha-t-il, avec l’amabilité d’un ours mal léché.
Shani ne répondit rien. A sa connaissance, les anges n’étaient pas des pervers manipulateurs, mais des individus de bonté. Oh, elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle les considérait comme chastes, non... Si Dieu les faisait beaux, c’était bien pour autre chose que le simple plaisir des yeux. Dieu... Si les Anges existaient, alors, ça voulait dire que Dieu existait ? Shani ne savait pas trop comment interpréter ça. L’Ange se mit alors à soupirer.
*Dis-le tout de suite si je te fais chier, connard* avait-elle envie de lui sortir.
Au moins, l’arrogance des anges, elle, n’était pas un mensonge.
« La directrice me prendre simplement pour un maitre de l’hypnose et c’est cela qu’elle a voulu expérimenté, oubliez la et concentrons-nous sur les questions que vous voulez me poser sinon on va y passer la nuit. »
Y passer la nuit... Shani se mit à rougir, d’indignation et de colère. Certes, elle était une femme très attirée par le sexe, mais croire qu’elle n’était qu’un trou entre les cuisses avec des bouts de seins, c’était une approche simpliste, et très inexacte. Shani avait suivi des thérapies pour essayer de guérir de sa sexualité débridée. Sans succès. Plutôt que de déprimer, elle avait composé avec, jusqu’à se retrouver dans le seul endroit du monde où sa tare serait perçue comme une solution. Était-ce pour autant qu’elle appréciait qu’on la prenne pour une prostituée ? Sûrement pas.
L’individu se mit à lui parler, commençant par la Bible. Shani avait quand même quelques notions, et savait que la Bible n’avait pas été écrite par Dieu, mais par de simples humains. Sa rédaction avait duré des siècles, une compilation de textes, une reprise de vieux mythes existant dans d’anciennes religions. Il devait sans doute lui parler de ce texte pour qu’elle ne se sente pas perdue, et lui expliqua, tout simplement, que les anges s’étaient modernisés, d’un strict point de vue sexuel. Pour le coup, Shani voulait bien le croire. Il tendit la main vers elle, avec une espèce de petit air condescendant dans les yeux. Allez, ma petite, c’est fini, ta crise ? Écarte les cuisses, et arrête de me faire chier avec tes conneries. C’est ce que ça voulait dire.
*C’est quoi, cet ange en carton ? Heureusement que je ne suis pas chrétienne, je me pendrais en voyant les rejetons new age du Paradis !*
Il se croyait dans une cour de récré’ ?
« Shani, vous n’avez rien à craindre de moi.
- Mais je vous emmerde, mon grand », lâcha-t-elle alors, sur un ton sec et particulièrement froid.
Elle était rouge de rage, en réalité.
« Vous me prenez vraiment pour la dernière des demeurées, vous ! Vous me manipulez, vous vous infiltrez dans mon esprit, me prenez pour une godiche tout juste bonne à se faire engrosser, et vous avez le culot de me traiter comme une gamine ! Je ne sais pas quel trou du Paradis vous a chié, mais, si vous êtes un ange, alors j’ai bien fait de ne pas croire en vous ! »
Et, pour ponctuer le tout, elle lui fit un doigt d’honneur, avant de se retourner. Bienvenue à l’époque moderne.