Une paire d'escarpins de satin vert, si foncé que la couleur en paraissait être un noir banal, ne révélant sa véritable couleur que sous un éclairage adéquat, quitta l'étagère sur laquelle elle était exposée. La main qui les tenait les porta jusqu'aux yeux d'une certaine rouquine. Chanteuse de son métier, compositeur, interprète... Malheureusement non musicienne.
Jessica Hale laissa ses yeux passer les escarpins hors de prix qu'on lui tendait au peigne fin. Ils étaient absolument magnifiques. Le talon était fin, mais surtout vertigineux. Les finissions impeccablement soignées. Quelques perles vertes, très petites, venaient faire scintiller ça et là la chaussure, qui se nouait d'une façon très élégante par de fins lacets le long du mollet. Ces chaussures seraient vraiment parfaites.
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Le pied menu de la chanteuse se glissa sans peine dans la chaussure élégante qu'elle avait achetée quelques jours plus tôt. Debout dans sa chambre d'hôtel, Jessica terminait de lacer ces magnifiques accessoires qu'étaient ses escarpins. Bien sûr, elle n'avait pas encore enfilé sa robe. Elle aurait dû sans cela la relever, et donc la froisser pour nouer ses chaussures, ce qui n'était absolument pas concevable. Alors c'est simplement vêtue d'un ensemble de lingerie particulièrement saillant, composé d'un bustier démuni de bretelles ainsi que d'autre dentelle toute autant sensuelle, faite main évidemment, entièrement noir, qu'elle termina son affaire avant de passer enfin sa robe.
A l'instar des escarpins, elle paraissait noire mais lorsque la lumière était adéquate, on pouvait y discerner de beaux reflets verts. De velours, la coupe était extrêmement près du corps, Jessica ne jurait que par cela, et d'une simplicité pourtant notable. Ce qui rendrait belle la robe était le le fait que les manches, ajustées aux bras de la chanteuse sur mesure, se terminaient en triangles dont les pointes étaient accrochées à des anneaux d'argent simples, passés chacun aux majeurs de la jeune femme. Longue évidemment, elle était ouverte jusqu'à la cuisse sur la jambe gauche de la rouquine, à l'instar de ses robes de scène, et tombait droite, afin de sublimer les déjà bien longues jambes de la vedette. Quant aux bretelles, celles du bustier justifiaient leur absence car la coupe de la robe la faisait embrasser la mi-épaule de la star. Hors de question donc d'avoir des bretelles de lingerie disgracieuses pour venir trancher sur sa peau laiteuse.
Quant aux accessoires, ils tenaient en un seul mot: Émeraude. Un collier en diamants, ainsi qu'un pendentif d'émeraude véritable, taillée en larme et polie pendait à son cou, gouttant élégamment sur sa gorge, assorti d'une paie de boucles d'oreilles, composant la parure. Le sombre faisait paraître la peau de la chanteuse encore plus pâle qu'elle ne l'était, quant au vert il mettait en valeur ses cheveux et ses yeux. Evidemment pour aller avec sa tenue, Jessica Hale avait troqué pour ce soir son fard à paupière bleu canard pour ne point en mettre et tabler plutôt sur des yeux un peu plus "naturels". Elle était toujours maquillée, mais d'une façon beaucoup plus discrète que d'habitude. Les bijoux se suffisaient à eux-mêmes.
Ce n'est qu'une fois satisfaite de son apparence que la chanteuse daigna quitter sa chambre d'hôtel pour aller jusqu'au palais, exceptionnellement transformé en lieu de réception digne du plus beau gratin présent ce soir là à Seikusu. En un mois, la chanteuse n'avait pas appris à se familiariser avec les mœurs nippons. Ils lui paraissaient toujours aussi barbares et ridicules. La seule chose qu'elle avait retenue depuis son arrivée, c'était qu'il lui faudrait spécifier ne plus vouloir se produire dans ce pays à l'avenir. Rien de bien flatteur pour les japonais, qu'elle voyait de plus en plus comme des personnes bien trop spéciales pour elle. Quoiqu'il en soit, elle avait été invitée à une soirée et en bonne people qu'elle est, elle se fit un devoir de s'y rendre et de laisser les photographes présents "immortaliser" sa classe et son élégance vantée dans les magazines du monde entier. Comme tous les invités, elle alla de l'un à l'autre, saluant des personnes qu'elle avait déjà eu l'occasion de rencontrer auparavant, jusqu'à ce que le maître de cérémonie les invite à passer à table.
La chanteuse posa donc doucement sa coupe de champagne encore à moitié pleine sur le plateau d'un serveur et passa dans la salle attenante. Curieusement, le principe du plan de table aléatoire ne l'amusa pas. Elle avait l'impression grotesque de jouer aux chaises musicales... Encore une pratique japonaise qui la fit discrètement grincer des dents. Heureusement, elle n'eut pas à demander de secours. On se chargea de la conduire à sa place, avec diligence qui plus est. Jessica poussa un discret soupir de reconnaissance.
Lorsqu'elle arriva vers la table qui était la sienne, elle vit qu'un homme y était déjà installé. Ainsi ils pourraient commencer à faire connaissance, elle n'aurait pas attendre. Tant mieux, Jessica n'était pas spécialement réputée pour sa patience. Quelle ne fut pas sa surprise cependant lorsqu'elle vit à qui elle avait affaire! Surprise parfaitement maîtrisée cependant, car aucune expression d'aucune sorte ne trahi la jeune femme, qui ne faisait qu'afficher un sourire poli.
"Bonsoir Monsieur Dolan."
De poli, son sourire se fit charmeur alors qu'elle prenait place sur sa chaise et remerciait son sauveur, un serveur qui avait justement pour tâche d'aider les invités à trouver leurs places, avant qu'il ne s'en aille porter main forte à d'autres convives. Jessica n'avait pas de sac ou de pochette, l'avocat ne risquait donc pas d'être indisposé par la fumée de la cigarette pendant ce diner.