Dario parlait dans son dos, mais elle ne l’écoutait même plus. Il n’avait été qu’une queue parmi tant d’autres. Elle n’aurait qu’à danser pour trouver une armée de Dario. Alex l’avait suivi, tel un mari jaloux furieux d’être laissé sur le carreau par sa dulcinée. Doutzen n’avait pas mâché ses mots, oui... Mais pourquoi l’aurait-elle fait ? Elle n’avait aucune raison de prendre des gants avec lui, ou avec personne. Personne n’en avait jamais pris avec elle, elle rendait ce que la vie lui offrait. Ses parents l’avaient vendu à Reto, Reto avait fait d’elle un Chaperon Rouge, un cheval de Troie beau et souriant pour des gogos croyant que « bon » et « beau » étaient des synonymes, alors que ces deux mots étaient les pires amis qui soient. Elle laissa Alex se défouler sur Dario, en soupirant. Est-ce que tout cela allait finir en une bataille primaire ? Deux mâles en rut se battant pour la donzelle ? Bras croisés, elle restait en retrait, le visage fermé. Dario lui était indifférent. Elle l’avait rencontré ce soir, et elle l’oublierait ce matin. Il n’avait été qu’un jouet. Pour une fois, elle avait été de l’autre côté. User les autres comme on l’usait, et leur balancer ensuite tout ça à la gueule. Alex ne pouvait que s’en prendre à lui-même ; il avait semé le vent, et il récoltait la tempête en pleine poire. Alors qu’il avait toutes les cartes en main pour se retirer, il avait choisi de rester dans le jeu, pensant pouvoir décrocher le beurre et l’argent du beurre. Il avait traité Doutzen comme une pute, et voulait maintenant lui dire qu’elle était sa Princesse. Elle n’en croyait pas un traître mot. Elle-même, voilà qui elle croyait. Elle-même, et pas la Confrérie des Menteurs et le Bal des Hypocrites qui défilait continuellement sous ses yeux.
Ensuite, après avoir évacué le rival, il balança son sac. Elle écouta sans broncher, même si elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire quand il lui reprocha d’avoir si peu d’estime d’elle-même.
*C’est l’hôpital qui se fout de la charité, ma parole... Qui s’est fait un gosse dont il n’avait même pas conscience, hein ? Et qui préfère courir les putes plutôt que d’aller voir sa famille ? Ne te fous pas de moi, Alex.*
Néanmoins, elle était surprise, surprise qu’il ait appris que Reto soit un Parrain de la Mafia russe. Comment avait-il pu le savoir ? Ou est-ce qu’il bluffait ? Bah ! Dans tous les cas, ça ne changeait rien. Enfin... C’est pour lui que ça aurait dû changer. S’il savait à quel point Reto est dangereux, il n’aurait jamais continué à tourner vers elle. Se prenait-il pour un super-héros ? Il termina en disant qu’un avion viendrait la chercher dès demain, et qu’il lui donnerait de l’argent.
Pour seule réponse, Doutz’ gloussa, et secoua la tête.
« Ça y est, tu as fini ? Tu trouves que j’ai été méchante avec toi ? Je n’ai fait que me chauffer la voix, Alex. Qu’espérais-tu de moi, exactement, hein ? Me faire un gosse, puis partir, et réaliser, deux ans plus tard, que tu étais un père de famille ? Tes leçons de morale, tu peux te les garder pour toi. Je n’ai pas de leçons à recevoir de la part d’un type qui préfère séduire une pute, plutôt que de retrouver son gosse ! »
Elle secoua la tête, puis regarda Dario.
« J’ai couché avec ce type pour voir ce que ça fait... Tu vois ? De ne plus être la poupée qu’on remue. De pouvoir faire quelque chose par moi-même, et non ce qu’on veut que je fasse. Je me suis envoyée en l’air avec ce type parce que j’en avais envie, et parce que je savais à quoi m’attendre. Toi... Tu te trompes sur un point. Je ne suis pas venue dans cet avion parce qu’on me le demandait. Je te l’ai déjà dit : Reto t’a oublié. Il se fiche totalement de toi et de ta fortune. Ce que tu pouvais lui donner, il l’a déjà, et, s’il voulait ton fric, il aurait des moyens bien plus efficaces de l’obtenir que de passer par moi. Mais... Vous voulez tous de moi quelque chose, au lieu de me prendre pour ce que je suis. »
Doutzen secoua à nouveau la tête, et baissa les yeux.
« Je ne veux dépendre de personne, que ce soit toi, Reto, ou n’importe quel autre type qui pense pouvoir me contrôler et me façonner à son image. Et toi, même si tu prétends le contraire, tu es comme lui. »
Elle s’écarta alors à son tour, retournant vers l’hôtel, ou, plutôt, vers ses affaires.
« Garde ton fric, je n’en veux pas. Et oublie-moi. Tu as une famille qui t’attend, pas des chimères à rattraper. »