La jeune fille étendit soigneusement le tissu bleuté sur la table vernie, veillant à ce que la surface soit bien lisse. Elle admira un instant le travail, soupirant sous le soleil qui brûlait le moindre centimètres de peau de son corps, et rentra dans la fraicheur de son intérieur. Pour la première fois de sa vie, son maître avait disparu de la surface de la terre. Elle ne l’avait pas vue depuis ce matin … elle étendit sur l’herbe le drap rouge sang sur l’herbe fraîchement coupée, dont l’odeur fraîche lui tournait la tête, lui rappelant un flot de souvenirs étranges et rudes. Elle passa sa douce main le long du tissu, soupirant à nouveau. Vie bien triste … elle attrapa un nouveau tissu qu’elle étendit toujours sur l’herbe, priant pour qu’il ne pleuve pas et que tout puisse sécher. Elle se frotta les mains, rentrant encore dans la maison, captant la fraîcheur du moment avec un sourire.
Elle n’était pas bien depuis quelques jours. Sa tête fatiguait, elle avait des nausées, peut-être dû aux mauvais traitements … il fallait qu’elle songe vraiment à tenter de s’enfuir. Elle s’installa sur une chaise, en massant ses tempes. Impossible … elle ne pouvait pas. Partir serait une folie pure. Elle perdrait son visage à jamais … Elle se réveillerait avec une tête terrible, un visage qu’elle ne connaitrait pas et qui n’aurait peut-être pas la douceur qu’elle avait maintenant. Elle ne pouvait prendre ce risque.
- On doit m’aider, marmonna-t-elle.
Effectivement, la jeune fille ne s’en sortirait pas seule cette fois ci. Elle devait s’appuyer sur une personne, de confiance ou non, mais quelqu’un qui lui dirait « vas-y » avec un sourire sincère. Elle se leva, restant sous le porche. Le vent se levait dehors … elle soupira et caressa son poignet, sa main heurtant son bracelet. Dire qu’il suffisait juste qu’elle l’arracha pour être enfin une personne libre … Tout semblait si simple, mais non, ça ne l’était pas. Tout le monde la connaissait et savait qu’elle dépendait de son maître, qu’il faisait ce qu’il voulait d’elle. Mais personne, non, personne ne savait vraiment ce qu’elle ressentait. Elle remit son kimono avec une douceur infinie, celui-ci lui tombant une nouvelle fois le long de l’épaule, et elle s’attarda à admirer un arbre fruitier. Le Ohana mi approchait …