La créature avait un genou posé contre le sol, ses mains tendus en avant, un plateau posé sur les paumes, présentant bon nombres de viandes à la divinité. Respectueux, la chose baissait la tête, récitant le nom de la bête sans fin, comme une ode à sa gloire. Le Tout-Puissant devait manger, le Tout-Puissant devait reprendre des forces avant de terrasser leurs ennemis et de leur permettre de conquérir Terra. Oui, ces bêtes avaient de grands projets, des desseins bien utopiques pour la plupart.
L’attaque fut fulgurante et le seul son qui fut émis fut celui du plateau tombant au sol, rebondissant sur ce dernier dans un bruit de fracas métallique. Le gobelin difforme gargouillait quant à lui, tentant de reprendre son souffle. Son propre sang noir et poisseux affluait à grands jets, le faisant s’étouffer dans son propre liquide vital. Mais il ne mourra pas, la peur se lisant sur son visage. Non, la bestiole affichait un sourire fou, un sourire d’un adepte tué par son propre dieu. Pour de telles engeances, pareille mort était une bénédiction, car ainsi, ils feraient partie de leur dieu.
La Louve releva son visage comme elle put, sentant la poigne de ses geôliers se faire moins puissante. Ne pouvant rien faire, elle n’eut d’autres choix que de regarder l’immondice se nourrir. Quelques morceaux de tripes volèrent même jusqu’à elle, tombant devant son visage, voir même, sur ses joues. L’Okami grimaça, sentant les morceaux de tripes glissaient doucement le long de son épiderme, y laissant une trace noire, poisseuse et malodorante. Ces bêtes étaient aussi bien pourris de l’extérieur que de l’intérieur et la simple odeur de ce morceau de chair provoquait des hauts le cœur chez la Terranide. Mais, elle tenta de le les refouler, tentant au mieux de ne pas sentir cette odeur si désagréable.
Un grognement plaintif naquit du fin fond de sa gorge quand on la força à se relever, la tirant sans la moindre gêne vers la bête qui se repaissait. Toujours sur l’influence de la drogue, la lupine ne pouvait se défendre, ne pouvait bouger. Par ailleurs, chaque mouvement lui faisait frotter la lame contre son abdomen. L’Okami avait ainsi l’impression qu’on lui tailladait sans cesse le ventre. Posée devant Sire Loup comme une nouvelle offrande à dévorée, la Louve leva les yeux vers ce dernier, le fixant. Et dire que c’était Aelfric qui avait eu peur qu’elle le mange ! Le monde est bien comique des fois.
Le corps entier de la lupine se figea quand les crocs du monstre se refermèrent contre sa nuque. Il ne restait plus qu’au monstre à resserrer un peu sa mâchoire pour planter convenablement ses canines dans la chair et faire jaillir le sang. Une proie, une simple proie. Shad avait l’impression d’être reléguée au rang de simple gibier impuissant. Son cœur manqua un battement et son souffle se coupa alors qu’elle crû sa dernière heure arrivée. Faire face à la mort en pouvant se défendre était honorable mais mourir ainsi était une fin des plus stupides en soi.
Mais la mort n’accueillit pas Shad. Au contraire, ce fut des coussins et autres tapis qui l’accueillirent. Par chance, ou par miracle, ces derniers ne sentaient pas la mort et la pourriture. Trop faible pour riposter, elle laissa Sire Loup se coucher contre elle, faisant fi des battements de queue réguliers sur sa cuisse. Si Sire Loup aurait pu lire dans ses pensées, nul doute qu’il aurait pu entendre un « J’ai du bol moi…. ».
Affaiblie, l’Okami ne pouvait décemment rien faire pour le moment. Tant que la drogue serait active dans son sang en tout cas. Bougeant très légèrement de sortes à ne pas avoir de crampes à son poignet au vue de la position dans laquelle elle se trouvait, le regard de la Louve fut attirée par un miroitement cuivré provenant de la lame incrustait à son abdomen. Pensant avoir rêvé, Shad toucha le morceau de métal avec sa main libre, ses yeux s’écarquillant d’un bloc avant que ses paupières ne se ferment, la lupine sombrant dans une sorte de sommeil.
L’endroit était blanc, chaud, chaleureux, apaisant. Mais étrangement dérangeant. La lupine se regarda. Elle était en pleine forme, mieux que dans le monde réel, mais elle était nue. Nue comme un enfant qui venait de naître. Après tout, avait-on besoin de vêtements dans pareil monde onirique ? Du moins était-ce vraiment un rêve ? Tentant de se concentrer, la Louve put sentir son « vrai-elle », sa vraie forme, restée dans le monde réel. Se focalisant dessus, elle put ressentir que sa main gauche tenait fermement le morceau de lame. Dans ce cas, elle n’était pas dans un rêve mais plus dans le fragment ? Ce même fragment où elle avait cru voir Aelfric ?
Pour confirmer pareille hypothèse, elle se devait de visiter les lieux. De ce fait, elle pourrait peut –être faire une pierre deux coups. D’une part se reposer et qui sait, ne plus avoir de poison actif à son réveil dans son organisme et d’une autre, trouver le véritable Aelfric. Du moins, si ce dernier était réellement présent dans tel lieu. La lupine entama donc sa marche, silencieuse, observant tout autour d’elle.
Après plusieurs minutes, elle crû discerner une forme au loin, une silhouette qu’elle reconnaissait. Couplée à l’ombre, une voix lui parvient. Un timbre de voix qu’elle avait entendu récemment, elle ne pouvait donc pas se tromper, Aelfric était là ! S’avançant vers la source du bruit, elle se retrouva bien vite face à son compère Terranide et sans réfléchir, la Louve fonça sur lui, la serrant dans ses bras, avant de se reculer et de le regarder.
« Aelric, les dieux soient loués tu es en vie ! Comment te portes-tu ? »
Shad délaissa sa propre personne dans un premier temps. Savoir la santé physique et mentale d’Aelfric semblait être plus important en ce moment même. En réalité, la lupine espérait qu’il arriverait à se battre, à reprendre le contrôle sur Sire Loup, mais il restait encore à savoir : Comment ?