Bitter Sweet { Kyô-Sama }

( La reprise est dure... )

      Sincèrement ? Pour de vrai ? La jeune femme était assez fière d’elle, ce qui arrive vraiment, mais vraiment rarement. Au début elle était assez anxieuse d’avoir pris trop d’initiatives d’un coup, mais cela avait porté ses fruits, puis un jour un type a bien dit « qui ne tente rien n’a rien » et il devait avoir sûrement raison, bien que lui ne devait pas se trouver à cheval sur son amant lorsqu’il prononça ces paroles...

      Ainsi donc on lui rendit son sourire, un sourire complice. Ce fut sans broncher que Skarlett laissa les mains de son Dieu glisser le long de son corps d’albâtre jusqu’à ce qu’il raffermit sa prise sur ses hanches afin de la prendre, de suite. Légèrement surprise, un cri s’échappa de ses lèvres, un cri un peu plus fort que ce que la prêtresse avait prévu. Au diable la retenue et les bonnes manières ! Alors que ses hanches bougeaient de concert pour inciter son partenaire à accélérer la cadence, elle soupirait, gémissait, toujours plus indécemment, faisant fi de la politesse. Son cœur battait à cent à l’heure (encore une fois en supposant qu’elle en ait un) et sa respiration, saccadée par les allés et venus de son partenaire au sein de son antre aux plaisirs et par ses plaintes de désir, se faisait plus difficile. Chaque coup de buttoir lui faisait arracher un nouveau cri, plus puissant que le précédent. Que c’est bon de pouvoir sombrer dans l’indécence à nouveau.

      La pression montait, encore en toujours. Sans s’en rendre vraiment compte, Skarlett, qui avait toujours ses mains reposées sur les épaules de son amant d’un soir, était lentement en train de le griffer. Le plaisir la crispant, cela pouvait être considéré comme normal qu’elle plante ses ongles tout aussi écarlates que ses cheveux dans la peau de Kyô. Concentrant ses sens tactiles pour ressentir le plus d’excitation et de plaisir qu’elle pouvait, une humaine normale sombrerait dans l’inconscience après tant de stimulations. Sauf que Skarlett n’était pas humaine. Et encore moins normale.

« Kyô… Sama… »

      C’est tout ce qu’elle arrivait à dire en cet instant si intime, entre deux râles emplis d’envie. La Nephilim essayait de faire durer le plaisir au maximum, malgré qu’elle se sente venir, presque. Elle ferma les yeux et laissa libre arbitre à Kyô, le laissant la pénétrer sans aucune gêne, le laissant choisir quand elle pourrait jouir. Enfin.

      Le Dieu se releva et embrassa sa partenaire avec cette même douce brutalité guidant leurs mouvements depuis qu’ils étaient passés à l’acte. Son dernier (ou premier ?) long soupir de jouissance fut alors étouffé par cette langoureuse embrassade. Skarlett sentait son bas ventre en feu se resserrer comme un étau autour de la virilité de son amant qui continuait toujours ses mouvements en elle. Leurs lèvres se séparèrent une fois que la tension se calma un peu.

« Désolé pour ça... »

      Skarlett ne savait pas vraiment de quoi il parlait en cet instant précis, après tout il n’avait pas vraiment de quoi se reprocher. Néanmoins elle ne put empêcher sa main droite de remonter au niveau du visage du Dieu, caressant avec tendresse sa joue, le réconfortant. Une fois qu’elle se détendit un peu plus après cette ambiance des plus chaleureuses, elle rapprocha ses lèvres près de son oreille.

« Il n’y a pas de quoi s’excuser. La seule chose dont vous pourriez être désolé est de ne pas passer la nuit entière à mes côtés. Et ce ne sera pas le cas, n’est-ce pas…? » Fit-elle d’une voix douce, presque maternelle.

      C’était un petit message pour expliquer qu’elle en voulait encore, encore plus. La Nephilim était prête à rester dans ses bras jusqu’à l’aube s’il le fallait.

Des chaînes noires sortaient lentement du sol, sans bruit, sans l'endommager, et montaient le long de la porte-fenêtre. Brillantes sous la lune, elles s'enroulaient autour de la clenche, et la fermaient délicatement, sans bruit, avant de repartir d'où elles venaient.

A quelques mètres de là, Kyô faisait glisser la couverture qui les recouvraient, sa partenaire et lui, doucement sans s'arrêter. La soie était trempée de sueur, la même qui coulait le long de sa tempe. Il écarta son visage de celui de Skarlett, pour mieux apprécier la vue à la lueur des chandelles. Ils étaient bien, là, tous les deux. Il souhaitait que sur l'Olympe, plus loin sur Terra, Nyx, la déesse de la nuit, prolonge ce moment, que cette soirée n'en finisse pas. Il ne fit que répondre à la question de son amante:

"Bien sûr que non. Je ne te laisserai pas."

Il déposa un baiser derechef sur les lèvres de Skarlett, et l'enserra de ses bras avant de la basculer en arrière. Il passa ses jambes derrière lui, et en un instant, il se retrouvait au-dessus d'elle. Sa main gauche descendait le long de sa jambe en de doux effleurements, sans que le mouvement de son bassin ne se soit arrêté un instant. Il interrompit son baiser, juste le temps de glisser:

"Mais on devrait faire attention, si on veut passer la nuit ici, je préférerai qu'aucun garde passant par là ne soit alerté par nos bruits."

Il eut un rire, et embrassa à nouveau sa prêtresse. Il savait bien sûr quoi faire le cas échéant, le premier qui viendrait les déranger, c'était un homme mort.
Il avait repris une cadence lente et régulière, pas question de répéter sa petite bavure encore une fois. Il se demandait toujours ce qui avait bien pu arriver. Sûrement un rapport avec les excellentes méthodes de sa partenaire, et toute l'affection qu'il lui portait. En tout cas, ça lui était resté en travers de la gorge.

"Regarde toi, égocentrique comme tu es, tu ne penses qu'à ton erreur, elle t'as dit qu'elle s'en foutait, alors on s'en fout! Franchement Kyô, t'es pas dans ton assiette! C'est pourtant pas ton genre de te coller, ce qui est fait est fait, tu devrais vivre l'instant présent, comme tu fais d'habitude! Et t'as dit à cette femme qu'elle était ta reine, alors ne t'occupe pas de toi, occupe toi d'elle."

Cette pensée lui était venue comme ça, pour une fois, le Dieu allait écouter sa conscience. Au diable ses erreurs, s'il voulait vraiment qu'on en parle plus, il fallait qu'il se rattrape, c'est tout. La main qui se promenait le long de la jambe de sa compagne s'en saisit brusquement, la leva puis monta jusqu'à ses fesses. Quelle cadence? Quelle retenue? Un Dieu du Chaos tel que lui était bien au-delà de ces facéties de Mortels, ce n'était pas comme si ses facultés et sa condition physique était les même! Sa main droite, flamboyante de son mana noir, passait entre les cheveux de Skarlett, caressant sa nuque de ses doigts fins. Son baiser, ses pénétrations qui s'intensifiaient, c'était pour elle, et non pas pour lui. Il allait lâcher quelque chose, entre deux soupirs, mais se ravisa. Qu'avait-il à dire? Il voulait lui faire plaisir, c'est tout.

(HS: Haaaa, j'suis désolé, c'est vraiment pourri!)

      L'atmosphère était pesante. Alors que les deux amants avaient changé de position, la Nephilim se sentait encore plus captivée par cette douce drogue qui coulait dans ses veines. Quand leurs lèvres n'étaient liées en une douce embrassade, elle haletait, inspirant chaque bouffée d'air qu'elle pouvait malgré la chaleur environnante. Cet étouffement n'était pas désagréable, ô que non, il ne faisait que rendre la scène plus intense qu'elle ne l'était.

« Mais on devrait faire attention, si on veut passer la nuit ici, je préférerai qu'aucun garde passant par là ne soit alerté par nos bruits. »

      Skarlett avait presque oublié qu'il existait « du monde » derrière cette pièce. C'est fou ce que l'on peut en oublier des choses lorsqu'on est « occupée ». Puis soit. Personne ne viendrait. Elle en avait décidé ainsi. Enfin... elle le souhaitait très fort, il y a une petite nuance.

      Maintenant en-dessous, la jeune femme avait relâché tous les muscles de son dos et elle n’essayait même pas à chercher à retourner au-dessus ni rien. Elle offrait entièrement son corps à son Dieu qui avait repris une cadence plus lente mais pas moins marquée. Sans grande surprise pour tous, de longs soupirs solliciteurs s’émanaient de sa bouche quand elle n'était pas en prise avec celle de son partenaire. Elle n'avait plus aucune retenue et elle n'en avait aucunement honte, après tout, qui ne s'est jamais emporté dans les bras de la Luxure ? (aha, là d'un coup plus personne se ramène, HEIN !)

      Les mains de la prêtresse quittèrent les épaules de Kyô pour descendre lentement jusqu'à sa taille, tout en continuant légèrement de griffonner la peau sous ses ongles. Ses lèvres allaient chercher ses consœurs dès qu'elles se séparaient, comme pour étouffer les gémissements qui s'échappaient de celles-ci, par pure pudeur, ou par pur désir ? C'était animal, en fait. Parce qu'on ne peut dire pourquoi, parce qu'elle retournait dans le plaisir de ses instincts primaires. Skarlett se sentait comblée. Les muscles de ses cuisses étaient encore prises de soubresauts et ses membres étaient raidis sous le plaisir qui s'accumulait, encore et encore. Jamais on ne lui avait fait l'amour ainsi. Après ces trois siècles d'existence, c'était la première fois qu'on la comblait autant. Cela devait être aussi la première fois qu'elle couchait avec quelqu'un avec qui les sentiments étaient un minimum réciproque.

      D'un coup, le rythme s'intensifia. Kyô ramena la jambe de sa partenaire vers elle et cela put donner plus de force et de profondeur à ses mouvements du bassin, ce qui arracha un cri plus fort que les autres de la part de Skarlett. Cela la fit contracter involontairement un peu plus les muscles de son vagin, approchant dangereusement de l'orgasme. Non, pas tout de suite, ce n'était pas encore le moment. Cependant, elle continua à contracter ce muscle avec alternance autour de la verge de son partenaire afin de lui prodiguer à lui aussi du plaisir. Chaque parcelle de son corps blême en redemandait, humide par cette chaleur, cette action.

      Finalement, une lueur de malice embrasa son regard hétérochrome. Dès que leur lèvres se séparèrent à nouveau, Skarlett profita d'une fraction de seconde de faiblesse de la part du Dieu. Elle le força à se redresser en le repoussant par les épaules, à nouveau, et elle se redressa de même, délogeant son membre de son antre humide, maintenant collé contre leur deux corps en sueur. Leurs lèvres se frôlèrent à peine que la Nephilim se retourna furtivement, maintenant dos à son amant. D'une main agile elle se saisit de son sexe encore palpitant sous ses doigts et elle le guida entre ses cuisses tremblantes. Ceci fait, de son autre main de libre elle entraîna celle de Kyô à profiter au plus des formes avantageuses de son corps pâle alors qu'elle leva la tête, atteignant une dernière fois les lèvres du Dieu qu'elle servait à présent. D'abord, elle commença quelques mouvements légers du bassin pour l'inciter à continuer comme à l'instant, puis elle se relaissa tomber pour finir à quatre pattes, sans aucune gêne. Peu importe qu'on voie ses cicatrices, ça n'avait plus d'importance. Elle voulait juste atteindre cette ecstasy, mais pas seule.

Le fils d'Artémis savait faire la différence entre une femme lui disant "fais moi l'amour", et une femme qui lui dit "baise-moi". La première demandait passion, et sensualité, la seconde ne voulait que combler un plaisir charnel. Ô combien c'était amusant pour le Dieu de voir que sa partenaire était passée d'un coup de la première à la seconde catégorie, sans prévenir. Il ne put d'ailleurs retenir un petit rire, néanmoins discret. Son regard se perdait sur chaque courbe du corps de sa partenaire, et sa flamboyante chevelure. Il essayait d'ignorer les cicatrices de sa compagne, mais ses yeux revenaient sans cesse dessus. Il tentait de se focaliser sur un point en particulier, le tatouage qui se mouvait sur sa propre cadence, les hanches sur lesquelles il avait posé les mains sans pour autant les empoigner, mais sans succès: ce n'était pas tant leur laideur qui le gênaient, mais surtout leur cause.

Les sourcils froncés, les dents serrées, Kyô écartait sa main droite, tendant son bras horizontalement, paume vers le bas. Les flammes de mana noir qui s'agitaient déjà furieusement autour de son bras prenaient de l'ampleur.

"Je suis un dieu, pensait-il, à quoi me servirait cette puissance si je ne pouvais m'en servir à mon gré?"

Le rythme accélérait, ressentant l'envie qu'il partageait avec sa prêtresse, le Dieu voulait à nouveau l'emmener au-delà des nuages. Mais parce qu'il privilégiait toujours ses envies, au fond, il était tout aussi concentré sur l'énergie de son bras. C'est le truc, quand on est tout sauf un Humain, on est au-delà de leurs capacités, et on peut donc se focaliser sur plusieurs choses à la fois, un peu comme une femme, en fait. Ses doigts traversés de toute son énergie passaient doucement sur les blessures de Skarlett, et les refermaient, ne laissant dans leur sillage que de fines lignes dépigmentées. Il ne savait pas vraiment s'il lui faisait du mal ou du bien, peu accoutumé à accomplir un vrai miracle digne de ce nom. Au fond, c'était le premier qu'il réalisait et qui ne consistait pas à la mort de quelqu'un.

"Sérieusement, je ne pouvais vraiment plus les voir."

Il se fichait qu'elle y attache une quelconque valeur sentimentale, ou quoi que ce soit d'autre de typiquement Mortel. Cette femme était tout simplement trop bien pour se laisser ternir par de telles choses. Les flammes noires reprenaient une taille respectable, alors qu'il venait doucement se coucher sur le dos de sa prêtresse pour lui baiser la nuque. Ses mains agrippaient les seins de Skarlett sans retenue, le mouvement de son bassin se faisait plus rapide, toujours, plus intense. C'était là, c'était le moment, le meilleur, il fallait tout donner, là, maintenant, pas pour impressionner, pas par peur de décevoir, ni pour prouver quelque chose, juste venir, pour elle, pour lui, pour eux.

Et il vint, rouge non pas de honte mais juste de plaisir. Il pensait que c'était ce que sa Reine voulait, et sa Reine l'avait eu. Il souriait, lâchant quelques gémissements qui cachaient un rire de satisfaction. Il se retrouvait, fier, fort et maître de lui-même. D'autant plus fier qu'il venait encore d'étaler son pouvoir, jusqu'à se surprendre lui-même. Il faisait abstraction de tout ce qui l'entourait à présent: plus de couvertures en soie, plus de lit, plus de chambre, plus de palais, plus de Nexus, plus de Terra.
A ses yeux il n'y avait qu'elle et lui au monde, et c'était très bien comme ça, ça ne devait pas changer. Pas de lieu, pas de temps, Kyô, Skarlett, et c'est tout. Il se berçait dans un rêve éveillé.

"Toi... Il n'y a que toi, et j'aime ça."

... Alors je te présente le boulet qui a fait sa réponse il y a une semaine (ou moins...?) et qui a oublié de la poster. Tu peux applaudir.


      Quelque chose, semblable à une brûlure paralysante, s'éprenait à ces deux traces hideuses marquant son corps depuis si longtemps que Skarlett n'y faisait plus vraiment attention. Pourtant cela n'était pas très douloureux : la sensation était juste très étrange, inhabituelle, mêlée entre le froid de la glace et la chaleur de la braise. Cet effet s'éprit longtemps de son épiderme, du cœur même des cicatrices jusqu'à toute la peau même infiniment touchée par ces blessures, qui paraissaient aussi invulnérables que les Nephilims eux-même. Finalement non. De toute manière, cette sensation tomba bien vite dans l'oublie aux profits de toutes les autres que la rouquine ressentait en cet instant, car beaucoup plus agréables et intenses.

      Haletante et désireuse d'en connaître toujours plus, la jeune femme essayait de faire durer l'action le plus longtemps qu'elle pouvait, malgré le fait que cela dépende plus de son partenaire qu'elle, qui lui d'ailleurs n'y allait pas de main morte. Chaque coup de bassin lui arrachait un nouveau gémissement encore plus indécent que le précédent. Elle ne cherchait même plus à se retenir de crier, à ce stade des choses. Non au contraire, la Nephilim espérait que cela inciterait le Dieu à lui faire honneur de ces tendres moments très intimes passés ensemble. Elle sentit ses mains glisser de ses hanches jusqu'à sa poitrine et elle se laissa tripoter de la sorte sans broncher, satisfaite que sa plastique avantageuse soit au goût de Kyô, sans parler du fait qu'elle n'était pas vraiment farouche à ce niveau-là. Elle posa sa main gauche sur celle de celui-ci, l'encourageant à continuer de profiter d'elle tant que la nuit n'était pas terminée.

« Toi... Il n'y a que toi, et j'aime ça. »

      C'était le plus grand honneur qu'on ait pu lui faire. En réalité, Skarlett jubilait intérieurement quand ces belles paroles atteignirent ses oreilles. Elle aurait assurément répondu, si chaque coup de butoir ne saccadait pas sa respiration ainsi. Sa première réponse fut un râle un peu plus puissant, involontaire, avant enfin de céder à quelques paroles compréhensibles...

« Vous me faites... tant d'honneur... » Parvint-elle à souffler avec difficulté.

      Se cambrant un peu plus, les joues en feu, ses mains se crispaient sur les draps sous ses doigts. Non, elle ne pouvait plus résister plus. La Nephilim focalisa tous ses sens, cherchant à explorer les limites du possible du plaisir. Mais quelque chose retint son attention. Quoi donc... elle eut du mal à se concentrer, en même temps le pourquoi est compréhensible. Finalement, ses yeux s'ouvrirent brusquement et c'est encore avec difficulté qu'elle prit la parole.

« Quelqu'un... il y a quelqu'un dans le couloir ! »

      Elle ne put en dire plus avant qu'un long gémissement ne vienne perturber ses propos.

« Ils... ils s'appr... ils viennent par... ici... ils... »

      Tout était clair dans sa tête. Enfin, non... Skarlett avait entendu des pas. Ils devaient être deux, sans doute trois, c'était possible. C'était fort possible qu'ils traversent simplement le couloir, mais ce n'était pas sûr que les deux « jeunes » gens ayant pris possession des lieux passent inaperçus, en particulier Skarlett.

      Et bien évidemment ce fut à ce moment qu'elle fut enfin frappée par un orgasme dévastateur. La rouquine ne pouvait plus retenir ses plus hauts gémissements de jouissance bien qu'elle savait qu'on l'entendrait forcément. Au pire, tant pis. Pas d'retenue, pas d'regret. C'est comme ça que les choses marchent.

Les paroles de Skarlett venaient de le tirer cruellement de sa rêverie. Totalement figé, son visage s'en crispait de colère. Sourcils froncés, son cœur battait la chamade contre le dos. Triste retour à la réalité, dans cette ville, dans ce palais, un petit groupe de trois Mortels avait osé venir leur pourrir la soirée. Ca se sentait à leur mana ridiculement hostile, sans doute des gardes. On frappa à la porte:

"On sait qu'il y a quelqu'un, sortez immédiatement!"

Kyô se redressa précipitamment: sa colère noire se voyait à travers son bras droit, le mana qui s'en dégageait était vif, grandissant, et puissant. Mieux valait qu'il ne touchât pas sa prêtresse. Le Dieu avait les nerfs à vif, à cause d'eux, oui, par leur faute, il était sorti de son petit univers, et pour ne pas la blesser, il avait dû se séparer du contact chaud et doux que lui procurait la peau de son amante. Impardonnable! Il murmura à sa prêtresse:

"C'est mon devoir de panser tes blessures, mais il n'appartient qu'à toi de voler de tes propres ailes."

Le bras à l'horizontale, noir et flamboyant, écarté de la Néphilim pour ne pas lui faire de mal, le fils d'Artémis fermait les yeux, et se concentrait sur les manas de l'autre côté de la porte, dans le couloir.
On entendit des bruits métalliques, comme des chaînes s'agitant, puis des grognements des hommes au-dehors, qui se demandaient "d'où sortaient ces chaînes", et qui leur ordonnaient de les lâcher, comme si elles avaient été vivantes. Des craquements, comme quand on déboite un bras ou une jambe, suivis de cris. On entendait de la chambre d'autres craquements, comme quand un os se brise. Les hurlements des gêneurs s’arrêtèrent brusquement, car les liens noirs leur avaient tordu le cou, tout simplement. Encore d'autres bruits, des petits chocs, dans les murs, au sol et eu plafond. Il y avait des chaînes tendues dans tous les sens sur la longueur du couloir, et en toucher ne serait-ce qu'une seule lancerait les autres torturer et tuer les autres intrus de la même manière. C'est ça qui est bien quand on est le méchant, on peut avoir des façons horribles de tuer les gens, personne ne panique, parce que c'est prévisible.

"Je t'ai promis de passer la nuit ici avec toi, je tiendrai parole. Un Dieu protège ceux qui croient en lui, parce que ceux qui croient en lui le lui rendent bien. C'est le seul de mes devoirs que je respecte."

Il reprenait petit à petit son calme et son espièglerie, mais il était déçu d'avoir eu à montrer à Skarlett son côté noir, elle avait beau savoir qu'il n'était pas un doux, dévoiler toute sa cruauté dans un moment pareil était assez embêtant, c'est toujours mieux de faire ça dans une situation où il faut éclater un dangereux méchant qui s'en prend à elle, plutôt que pour tuer des enfoirés de Mortels trop dérangeants. Mais au final, pas de regrets, ils auraient pu sauver leurs peaux en se contentant de passer leur chemin.
Il avait repris le contrôle sur son aura, aussi son bras droit n'était plus dangereux. Son bras gauche enlaça la femme par-dessous la poitrine, et l'autre venait se refermer sur sa taille, alors qu'il l'emmenait rouler sur le côté en ricanant:

"Tu n'as pas peur, hein?"

Cette fois-ci, il lui avait parlé avec moins de proximité, s'il continuait ainsi de se coller à elle pour lui parler, il allait passer pour un vrai psychopathe, surtout après ce qu'il venait de faire. Il colla son menton contre l'épaule de la jeune femme, n'osant reprendre grossièrement là où il en était. Il souhaitait s'assurer de l'état d'esprit de sa partenaire, lui laisser le temps de digérer tout ça, d'être prête.

      Ce qui s'était passé dépassait de loin ses attentes, non pas que Skarlett souhaitait à ces importuns une mort lente, douloureuse et humiliante. En fait elle restait focalisée sur le problème plutôt que sur la solution, de ce fait, ce qui fait qu'elle ne s'attendait pas à ça. Ces bruits atteignirent ses oreilles un peu trop sensible, et la Nephilim regretta bien vite d'y avoir laissée traîner son ouïe un peu trop curieuse. Comme si elle y était, elle pouvait suivre le déroulement des faits, aussi horribles soient-ils.

      De vieux souvenirs... (ou plutôt récents si on prend en compte son âge). Ces réminiscences n'étaient pas les plus agréables qu'elle pouvait avoir. Cela faisait si longtemps qu'on avait pas fait preuve de violence devant elle, optionnellement pour elle. Skarlett savait que c'était impossible d'oublier et même malgré ses trois siècles d'existences, elle était capable de se remémorer chaque année de sa vie, avec imprécision, certes, mais le gros était là. La jeune femme restait interloquée par ce geste, un peu trop radical à son goût. Sur le coup, elle n'en revenait pas, bien qu'elle aurait dû se douter qu'un jour ou l'autre son Dieu ferait preuve d'une quelconque forme de violence. L'innocente naïveté, sans doute.

« Je t'ai promis de passer la nuit ici avec toi, je tiendrai parole. Un Dieu protège ceux qui croient en lui, parce que ceux qui croient en lui le lui rendent bien. C'est le seul de mes devoirs que je respecte. »

      A priori, devoir tuer ne dérangeait pas trop Kyô. Non pas que la rouquine aurait affirmé qu'il tue comme il respire, elle pensa juste qu'il savait tuer de sang froid. Et ce n'était pas franchement très rassurant, d'un côté. De l'autre, au contraire, cela pouvait être très réconfortant. Mais il ne faut pas se leurrer ! Tout est toujours aussi... imprévisible. Nous en avons déjà eu la preuve à l'instant.

      Tantôt amorphe tantôt tendue, Skarlett se laissa basculer sans montrer une quelconque résistance.

« Tu n'as pas peur, hein ? »

      La prêtresse laissa quelques secondes de silence, réfléchissant à une réponse soit fausse soit naturelle, donc qui ne nécessitait d'aucune réflexion. C'était immoral de mentir à quelqu'un que l'on respecte, surtout si ce dit-quelqu'un est un Dieu. Surtout le Dieu que l'on sert.

« Plus maintenant. »

      Le compromis entre le « si » et le « je pense que ça va aller ». La Nephilim esquissa un micro sourire.

« Je n'ai aucune raison de m'en faire, n'est-ce pas ? » Elle marqua une pause mais elle enchaîna bien rapidement avant que Kyô n'ait pu répondre : « Je sais que tu ne laisseras personne entraver ce moment. »

      Le tutoiement était sorti spontanément. Skarlett s'empourpra, elle ne savait pas si se laisser aller aux familiarités de la sorte était convenable. Mais ce qui est dit, est dit. Elle ferma les yeux quelques instants.

« Je ne peux que te faire confiance, après tout. » Finit-elle par dire tout aussi calmement.

      Ce n'était pas une confiance aveugle, plutôt une sorte de complicité, bien qu'on aurait pu aisément penser le contraire. Skarlett était naïve et sotte, mais elle lui restait quand même une pointe de jugement, fondé et légitime.

De l'anxiété? Bien sûr que oui, Kyô se sentait con. C'était vraiment pas le moment dé démembrer des gens, surtout que c'était assez mal insonorisé dans le coin. Il lui avait fait peur, et elle semblait... Comme contrainte, par ce devoir qu'elle avait accepté plus tôt dans la soirée. Le Dieu relâcha son étreinte et se retira avec douceur, s'asseyant sans bruit sur le bord du lit. Des bandelettes revenaient le couvrir, de la taille jusqu'aux haut des cuisses, comme un caleçon. Sa main frotta son front et remonta dans ses cheveux, qu'il empoigna. "Quel con, mais quel con!" Pensait-il. Il soupira un grand coup, puis essaya de reprendre le dessus sur sa frustration, avant de se retourner vers son amante pour jeter par-dessus son épaule, honteux:

"Désolé, vraiment, désolé..."

Ça commençait à faire beaucoup d'excuses à la même personne et en une soirée, il n'avait jamais autant prononcé ce mot, pas même en trois siècles. Mais la vérité était là, en souhaitant ne pas être dérangé, il avait gêné Skarlett. Il fallait s'assurer, faire une ultime mise au point:

"Je suis comme ça, je tue les Mortels qui me gênent, ça a toujours été comme ça. Ce n'est pas un plaisir fou que je me procure, ni même une envie passagère, j'estime juste que les gens qui entravent la vie des autres ne sont que des parasites, et qu'il faut donc s'en débarrasser. Je suis un Dieu du Chaos, mon boulot, c'est pas d'être un gentil..."

Il se détourna à nouveau, il osait à peine croiser son regard. Non pas qu'il regrettait ce qu'il était, ça jamais, mais ce qu'il avait fait était totalement inapproprié. Lorsqu'il lui refit face, il essaya de prendre un air assuré, elle devait savoir qu'elle pouvait compter sur lui:

"Je te l'ai dit tout à l'heure, mes prêtres sont libres de faire ce que bon leur semble, aussi je ne t'en voudrais pas, si jamais... Si jamais tu décides de faire demi-tour."

Il était tout rouge, son regard se perdit un instant dans la noirceur de son mana. Il se sentait aussi faible que la fois où Zeus l'avait poutré. Et comme à ce moment-là, c'était son amour-propre qui en souffrait le plus. Il s'éclaircit la gorge, et parla clairement:

"Je suis venu ici pour 'choper d'la meuf', j'avoue. Je voulais trouver un bon coup, mais j'ai trouvé une amie, quelqu'un qui me ressemble. Et comme je trouvais cette soirée parfaite, j'ai cru bon d'en éloigner les fauteurs de trouble. C'est en tant qu'amie que tu peux me juger comme tu le souhaites, j'ai fait une connerie de la bassesse d'un Mortel de seconde zone. Et encore une fois, j'en suis désolé."

Encore une fois, elle avait le choix. Partir ou rester, le suivre ou faire sa vie. Aucune contrainte, les chaînes au-dehors ne lui feraient rien de mal. Il gérait son stress, apparent par sa rougeur et par les flammes noires qui s'agitaient nerveusement sur son bras. Encore une fois, Suffering arrivait dans sa main. Il la montrait à sa prêtresse, tranchant vers le bas.

"Regarde cette épée. Rappelle-toi, j'ai confiance en toi, et tu as confiance en Moi. Quoiqu'il arrive, tu feras le bon choix, pas vrai?"

Il pencha la tête sur le côté et esquissa un mince et chaleureux sourire. Au fond, il était mort de trouille. Si elle prenait la porte, tout était terminé. Et c'était la dernière chose qu'il voulait, il préférait encore voir Artémis lui tirer une flèche en plein cœur. Ce serait aussi douloureux que symbolique.

      Dans un élan de pudeur, Skarlett fit de même et elle couvrit sa peau d'albâtre du drap, s'enroulant dedans. Elle ne prononça pas un mot, aucun, ne souhaitant en rien couper la parole de Kyô. Maintenant assise en tailleur, elle baissa la tête, n'osant pas lever le regard sous peine de voir cette culpabilité qu'elle infligeait au Dieu qu'elle servait. Avec sa grande bonté et sa tendre naïveté, la jeune femme était prête à affirmer qu'elle était la seule coupable ici. Coupable de quoi ? De le rendre coupable ? C'était stupide de dire de telles choses, autant ne rien dire et le résultat serait le même. Néanmoins elle restée touchée par ses paroles. Alors il la considérait comme une amie ? La Nephilim s'en voyait vraiment émue. Vraiment. Elle ne s'attendait pas à ça non plus. Durant sa longue existence elle n'avait jamais eu d'amis à proprement parler. Seulement des connaissances, des personnes à qui on ne pouvait pas vraiment faire confiance.

      Alors il lui montra son épée, cette même épée avec laquelle Dora avait scellé ses engagements. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle leva ses yeux, légèrement humides.

« Regarde cette épée. Rappelle-toi, j'ai confiance en toi, et tu as confiance en Moi. Quoiqu'il arrive, tu feras le bon choix, pas vrai ? »

      Son regard se dirigea vers l'arme puis vers Kyô. Finalement, soutenant son regard avec difficulté, Skarlett répondit :

« Alors quoiqu'il en soit, je ferai le bon choix...? »

      Ses doigts jouaient nonchalamment avec le tissu, exprimant un semblant de gêne. Elle baissa les yeux ; Skarlett savait ce qu'elle devait répondre, et ce qu'elle voulait répondre par la même occasion.

« Je ne partirais pas. » Dit-elle tout simplement. « Je sais que ton rôle n'est pas forcément d'être gentil. Hélas, comme la plupart des êtres vivants, j'ai des souvenirs... pas toujours bons. Il y a des choses qui m'ont beaucoup marquées et on ne peut rien faire à ça. C'est spleenétique... »

      La Nephilim osa enfin replonger son regard hétérochrome dans celui de Kyô. Elle répondit à son sourire tout naturellement, de manière simple et sincère.

« J'ai encore des siècles de vie devant moi, et pour l'instant, même après avoir vécu près de 350 ans, je n'ai pas l'impression d'avoir accompli quelque chose de ma vie. Peut-être que j'ai trouvé ma voie, grâce à toi. »

      Elle marqua une petite pause, repensant aux opportunités que son nouveau job de prêtresse pouvait lui offrir.

« Maintenant, j'ai quelque chose à faire de concret. Et... cela permet de me sentir... un peu moins seule au monde. Plus sérieusement, je ne regrette pas mes engagements et encore moins cette soirée. »

      La rouquine sourit.

« Merci, Kyô. Je ne te remercie pas en tant que prêtresse, mais je te remercie en tant qu'amie. »

      Sa voix se vit tremblante à la fin de ses dires. Skarlett n'était pas encore très habituée à parler ainsi d'eux. En tant qu'amis. Cela la fit sourire, à nouveau.

Black Heart Kyô... Aussi loin qu'il se souvenait, cet épithète l'avait suivi au travers des siècles. Pourtant, chaque mot prononcé par Skarlett perçait sa carapace et l'atteignait en plein cœur. Jamais, en plus de 2500 ans d'existence, et bien que ce soit encore très jeune, il n'avait connu d'amie si intime, de croyante aussi dévouée. Son visage rayonnait, il avait un grand sourire comme... comme un BN! Il jetait son arme à côté du lit,  et il se jetait sur elle, pour l'enlacer tendrement, tout en s'écriant:

"Merci à toi!"

C'était surtout pour se cacher, en fait. Le visage, caché par-delà l'épaule de la jeune femme, pour ne pas montrer que ses yeux étaient brillants. Ému, il se retenait de verser ses premières larmes. Il était encore bien trop fier pour se montrer ainsi, même devant elle. Il resta ainsi immobile dans son étreinte, le temps que passe sa petite crise d'humanité. Même dans un moment de telle intimité, ça, ça le gênait toujours. C'est seulement quand il retrouvait son calme qu'il daigna se reculer, gardant les mains sur les épaules de Skarlett, et plongeant son regard dans le sien avec un sourire bourré de tendresse. C'était étrange, il se sentait d'un coup plus fort. Était-ce sa foi, qui le rendait aussi fort? Non, c'était autre chose. Il y avait quelque chose qui la différenciait des autres. Sa simple présence le revigorait, le rendait plus grand encore, si fort...
Il l'embrassait. Ses bandages se volatilisaient une fois encore. Six chaînes, trois de chaque côté de son dos, s'allongeaient et se raidissaient. Elles sortaient de sa peau comme des appendices, sans le blesser. D'autres sortaient de ses poignets et de ses chevilles et s’enroulaient autour de ses tibias et de ses avant-bras. Qu'il se sentait bien! Il rejetait sa prêtresse en arrière pour s'allonger sur elle, doucement, et lui caressait les joues, les épaules, les seins, les hanches, lentement, ses longs cheveux noirs réduisaient son champ de vision, il ne voyait plus qu'elle au milieu des ténèbres.

"Je me sens... Bien, très bien même!"

Il remit ses cheveux derrière ses épaules, et ses lèvres rencontrèrent brièvement celles de la Néphilim, une fois encore, avant de se dresser.

"D’ailleurs, je ne veux plus me retenir!"

Il joignit les gestes à la parole. Son sexe vint retrouver celui de la jeune femme, et leur rencontre ne fut pas douce. Les mouvements de bassin de Kyô ne l'étaient pas non plus, intenses, ininterrompus. Il souriait de toutes ses dents, et ses mains vinrent épouser les formes généreuses de la poitrine de Skarlett, alors qu'il approchait encore une fois son visage, que sa langue venait taquiner la sienne avec toute son espièglerie. Il était temps de passer aux choses sérieuses, voiler ses talents destructeurs derrière des capacités plus profitables.
Kyô connaissait la différence entre "faire l'amour", et "baiser". Mais il avait décidé de briser les frontières, il en avait assez de se montrer doux.