Kara porta la main à sa mâchoire en gémissant au ralenti, se reculant sous le choc. Est-ce que ce mec venait vraiment de la frapper ? Vraiment ? Elle était légèrement sonnée sous l’impact, vu sa propre constitution, et celle de Souta, elle faisait clairement figure de chips. Les larmes qui étaient déjà bien proche de ses yeux embrouillèrent sa vision, une seconde, le laissant s’écarter sans réagir.
Au moins, elle avait cessé de paniquer et tourner en boucle, mais son cerveau n’était toujours pas rationnel, surtout qu’il affirmait ne pas posséder l’objet perdu. Elle s’imaginait déjà vivre un drame, ses oreilles bourdonnant encore de la gifle, elle se frotta la joue, hébétée.
En le regardant farfouiller dans cette pièce vide, Kara se demande combien de temps et d’épreuve elle allait devoir endurer aujourd’hui. Elle voulait de plus en plus une clope, preuve que c’était vraiment le fond du trou. Le mec aux cheveux gris était sorti de la salle, sans qu’elle ne bouge, immobile et muette, mais loin d’être calmée intérieurement.
La jeune femme reprenait peu à peu ses esprits, et dans la demi-solitude, réalisa le geste violent de son prospect, fronçant les sourcils. Mais quelle enflure ! Il l’avait frappé ! Serrant les poings, Kara allait fondre dans la cuisine pour lui donner le fond de sa pensée, lorsqu’elle fut coupée dans son élan, sur le seuil de la porte.
Son visage s’illumina, faisant briller la belle marque des doigts du Souta sur sa joue, et étinceler son regard bleu. Ultime espoir ! Oubliant les ampoules aux pieds, elle s’élança vers le plan de travail, vira cette saloperie de bon de commande à la con, et découvrit, le cœur battant, son cher smartphone.
« Youhouuuuuuuuuuuu ! Oui, c’est ça ! Génial ! »
D’un coup, toute la détresse s’envola, même les douleurs et la fatigue, elle sautilla comme une gamine et serra entre ses seins le petit objet sombre et connecté, indispensable à sa vie. Evidemment, il n’y aurait aucune notification personnelle, à part les centaines de chaînes de vidéo où elle était abonnée, les envois de newsletter, les rappels de son Directeur des Ventes, ulcéré.
Mais, dans l’euphorie, elle n’avait même pas envie d’aller constater l’étendue des dégâts en allumant l’écran, si bien qu’elle se jeta plutôt sur le jeune homme pour faire claquer une bise monumentale sur sa joue en se hissant sur la pointe des pieds.
« Putain, merci merci merci ! » Encore une fois, elle avait dû le bloquer dans son mouvement, le laissant avec son carton de pizza à la main, comme un con.
« Tu peux pas savoir comme je suis soulagée, la vache. Oh, cool, t’aimes les anchois. Si j’ai pas de téléphone, j’peux dire adieu à mon boulot. Fais gaffe ça va cramer. »
Mais immédiatement, Kara fronça les sourcils, comme si quelque chose venait de lui rappeler un douloureux passage récent de sa vie. Comme un craquement de sa mâchoire, peut-être.
« Attends. Tu m’as giflé. » Elle se recula, le visage grave. « J’me casse la gueule chez toi, et après ça tu me violentes ? Mais ça va pas bien chez toi ? » Dans un geste irréfléchi, elle leva le bras et vint écraser sa paume sur sa joue, maladroitement, mais sèchement. Puis réalisa son acte.
Se barrer, vite, ce mec était un fou dangereux, il allait probablement l’emballer dans des sacs poubelle pour ça.
Kara fit un pas en arrière, tenant précieusement son portable contre sa cuisse, et rattrapant au passage sa mallette pour déguerpir.