Le crime organisé avait toujours été une force occulte, connue et inconnue en même temps... Car il était partout, mais on en parlait quasiment jamais, et il existait toujours
chez les autres, alors que, fondamentalement, chacun savait, en son for intérieur, que le
milieu existait chez soi... Et Batgirl irait même jusqu’à dire qu’on
souhaitait sa présence. Il y avait énormément d’explications à fournir sur la survivance du crime organisé. Malgré les siècles et les luttes, les mafias existaient toujours. On pouvait tout à fait les voir comme un cancer, car elles étaient des forces corruptrices, vénales, meurtrières... Mais elles étaient aussi une sorte de résistance contre l’État, une résistance qui, selon les époques, variait sur l’échelle de la moralité. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’US Army avait fait affaire avec Cosa Nostra. L’incendie du
Normandie au port de New York, en 1942, avait contraint l’armée à obtenir l’aide d’un parrain, Lucky Luciano, afin de protéger les docks contre d’éventuels saboteurs allemands... Même s’il était probable que l’incendie du paquebot avait été provoqué par l’un des hommes de main de Luciano, Albert Anastasia, afin de piéger l’US Army, qui, à l’époque, n’y avait fait que du feu. Et, outre cet incident, Luciano avait aussi aidé l’US Army lors du débarquement en Sicile, en 1943, durant l’opération Husky, à faciliter la prise de la Sicile en servant d’intermédiaire entre les Américains et Cosa Nostra.
Quant aux Yakuzas, leur mainmise sur le Japon avait explosé à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, où, ruinée, l’État japonais avait fait appel à ces mafias pour lutter contre l’influence des Coréens et des Taïwanais. Exploités par l’Empire japonais pendant le conflit, de nombreux ouvriers thaïlandais et coréens se trouvaient au Japon lors de la chute du régime, et les mafias de leurs pays en avaient profité pour tenter de s’implanter, implantation facilitée par l’état de délabrement du pays. L’idée était alors de contrôler le marché noir, nécessaire pour permettre aux civils japonais de survivre. La mainmise des Yakuzas s’était accentuée avec la menace communiste, qui avait amené les Américains à libérer des gens comme Yoshio Kodama, un individu qui avait servi de lien entre la CIA et les Yakuzas, et qui avait cherché à structurer et à unifier les différents clans yakuzas.
Le résultat final était que les Yakuzas étaient terriblement influents dans le pays. Seikusu était loin d’être une exception. Akihiro n’appartenait même pas au Yamaguchi Gumi, le plus grand clan yakuza du Japon, et dont le chiffre d’affaires annuel était de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Pour mieux comprendre la philosophie japonaise, il fallait se référer à la métaphore du losange. Un losange était une figure géométrique avec deux pointes : une pointe en haut, et une pointe en bas. La pointe du haut représentait l’État, l’autorité étatique, et la pointe du bas représentait la pègre, le pouvoir occulte.
Autrement dit, quand Barbara était venue à Seikusu pour obtenir des informations sur un trafic d’armes international, elle savait qu’elle se heurterait à un adversaire aussi tenace que les pègres de Gotham, que ce soit à l’époque de Don Falcone, ou, plus récemment, à celle d’Oswald Cobblepot. Et, si la mentalité japonaise évoluait sur la question, les traditions avaient encore, sur le pays, un poids très fort.
*
Et puis, je suis une femme... Ce qui, dans un milieu sexiste et ultraconservateur comme celui du crime organisé, renforce l’affront qu’ils subissent...*
Barbara aurait pu tenir tout un cours à Vanessa, mais, pour l’heure, elle attendait surtout ses informations, que cette dernière vint à lui fournir. Elle ne chercha pas à mentir en disant qu’elle était une simple policière, mais qu’elle faisait partie d’une organisation peu stimulante, et dont le but était de mener une enquête sur Batgirl. Les organisations secrètes... Barbara en connaissait beaucoup. ARGUS, le SHIELD, le DEO... Quelle était la sienne, à elle ?
Batgirl hocha la tête après ses quelques explications.
«
Malheureusement, il va m’être difficile de me contenter de vos sommaires explications, Mademoiselle White. Beaucoup d’organisations secrètes gouvernementales s’intéressent de près à nos activités. Contrairement aux Vengeurs, la Justice League et ses alliés sont une force indépendante du pouvoir, et, si nous bénéficions du soutien de la population après avoir repoussé les forces de Darkseid, je sais que bien des gens sont relativement paranoïaques à notre encontre, et cherchent à tout prix à percer à jour nos secrets. »
Il y a quelques années, le monde avait souffert d’une autre invasion extraterrestre, encore plus redoutable que celle des Chitauri à New York : les forces d’Apokolips, de
Darkseid. Ses légions de Parademons avaient envahi la Terre par le biais de
Boom Tubes, et les Vengeurs n’avaient pas pu repousser cette menace, étant occupés à l’autre bout de l’espace. Des super-héros différents avaient alors émergé : Batman, Green Lantern, Flash, Wonder Woman... Et, bien entendu, Superman. Ensemble, ils avaient sauvé le monde contre la menace de Darkseid, et, suite à cela, avaient construit la
Watchtower, une station spatiale flottant dans l’espace, chose qui n’avait été possible que parce qu’ils avaient alors bénéficié d’un immense soutien de la part de la population, ainsi que de quelques industriels notables, comme Bruce Wayne. Cependant, les gouvernements continuaient à se méfier d’eux, et à savoir qui était Batman... Et ses alliés, comme Batgirl.
Barbara observa donc la femme, et termina donc par une question légitime :
«
Pourquoi enquêtez-vous sur nous ? »