Par une nuit sans lune, planant silencieusement au-dessus des landes dévastées, un groupe réduit du premier escadron est en mission de reconnaissance. Leur but est de rallier une ancienne forteresse abandonnée, d'y dormir, de s'y reposer et de s'enfoncer plus loin encore en territoire hostile pour repérer d'éventuels mouvement de troupes. En tout, un groupe de dix hommes menés personnellement par Takael compose le groupe de reconnaissance. Alors qu'ils arrivent en vue du fort, ils remarquent qu'un feu y est allumé et que des hommes montent la garde. Afin de savoir à quoi ils ont affaire, le commandant décide d'utiliser ses pouvoirs d'ESPer pour avoir une meilleure vision. Comme il ne peut pas utiliser en même temps ses transformations et ses invocations, le griffon qu'il chevauche disparaît. Immédiatement après, des ailes aux plumes blanches et noires poussent dans son dos, sa cotte de mailles et son tabard étant prévus pour leur laisser une ouverture. Ses yeux changent aussi, ses pupilles virent de l'ambre au bleu, tandis que la sclère vire du blanc au noir, lui donnant ainsi accès aux yeux de son griffon, capables de voir clairement à plusieurs kilomètres de distance. Il ne lui faut pas longtemps pour reconnaître des uniformes ashnardiens, il fallait s'y attendre. D'expérience, le commandant sait déjà que la mission est terminée, ils ne pourront pas rester ici cette nuit et ils vont devoir rebrousser chemin. Pourquoi ? Parce que ce fort est peut être le point de ralliement de plusieurs unités ennemies et qu'ils risquent d'être surpris en pleine nuit. S'ils étaient venus avec l'escadron complet, les choses auraient été bien différentes, mais c'est trop tard pour ça. En revanche ils ne vont pas se priver, même à seulement dix hommes, de faire le ménage pour débarrasser ce fort de toute présence ashnardienne. Car ce sont eux qui vont être pris par surprise en pleine nuit.
Les griffons se posent à l'écart, derrière une colline qui permet aux hommes de Takael de poser pied à terre. La nuit noire les couvre parfaitement, ils retirent leurs armures pour faire le moins de bruit possible et se mettent à se rapprocher discrètement du fort. À portée de sort et disposés en quart de cercle pour ne pas toucher leurs alliés, ils sont idéalement placés pour bombarder le campement. Une rapide estimation permet à l'elfe de déduire qu'ils se trouvent face à une cinquantaine d'hommes, de la piétaille de piètre qualité qui n'arrive pas à la cheville de ses chevaliers-mages. Un sifflement pour signal, les sentinelles ennemies lèvent leurs regards du feu et plusieurs voix prononcent :
« Ravage la Terre. Barrage! »
En l'espace de quelques secondes, pas moins de 120 javelots blancs s’abattent sur le fort en ruine, ouvert aux vents et affublé de toiles de tente. Les projectiles percent les cottes de mailles, enfoncent les armures et criblent les sentinelles. En arrière plan, les toiles sont percées à de multiples reprises et très vite les premiers cris se font entendre. Froidement, les hommes de Takael vont envoyer une seconde salve, puis une troisième et même une quatrième. En tout, 480 javelots blancs vont cribler le camp ennemi, ne laissant que peu de chances d'en réchapper. Les cris d'agonie des ashnardiens se vidant de leur sang emplissent la nuit, tandis que les croisés s'avancent pour achever les blessés et fouiller les corps à la recherche d'informations. Qui étaient ils ? Que faisaient ils ici ? Avaient ils des renforts à venir ? Près d'un officier, une carte tâchée de sang et transpercée, mais encore lisible, une simple carte de la région sans annotations. Les hommes du premiers escadrons récupèrent tous les documents pour les éplucher plus tard.
C'est alors qu'ils tombent sur une drôle de prise, une succube planquée derrière une large pierre qui l'a protégé des javelots pendant qu'elle dormait. Probablement réveillée par les impacts et les cris, elle s'était terrée là. Immédiatement, l'homme qui l'a trouvé sort son épée de son fourreau et la menace avec. Le commandant pointe son doigt dans la direction de la démone, récitant une nouvelle incantation :
« Étouffe les flammes. Entrave ! »
Une chaîne d'argent apparaît alors, fonçant vers la démone avant de s'enrouler autour de son corps comme un serpent. La chaîne ne se contente pas d'immobiliser son corps, elle retient aussi toute magie qui pourrait tenter de s'échapper de son étreinte. Elle fait aussi ressortir ses fesses et sa poitrine, compressées par le sort. Takael s'avance vers la démone, posant une main sur l'avant-bras de l'homme qui avait sorti son arme.
« Ça ira, elle ne peut plus rien faire. »
Le soldat range immédiatement son arme, ayant totalement confiance en son supérieur. L'elfe continue à s'avancer, toisant la démone avec un mépris palpable, cette dernière gît au sol, empêtrée, totalement impuissante. Il s'arrête à quelques centimètres de son visage, pliant ses genoux pour venir empoigner ses cheveux, tirant dessus pour la forcer à se relever. Contre toute attente, il l'allonge sur le ventre, sur la pierre qui l'a protégé durant son sommeil. Malgré son mépris profond pour les soldats ashnardiens, l'elfe lui dit calmement, alors qu'elle fait face aux cadavres de ses ex-compagnons :
« Je te laisse faire tes adieux, démone. Nous aurons tout le temps de bavarder plus tard. Nous partons dans quelques minutes. »
Sur ses mots, il retourna aider ses hommes à fouiller le reste du campement, laissant sa prisonnière faire tranquillement son deuil si toutefois elle en a envie. Comme promis, après quelques minutes, l'elfe est venu la chercher pour la prendre comme on porte un sac de pommes de terre et la balancer à l'arrière de son griffon. Le voyage du retour a été silencieux, lui laissant tout le loisir d'imaginer quel allait être son sort. De retour au fort abritant le premier escadron, la succube fut jetée dans une geôle, toujours comprimée par le sort d'entrave. Le commandant lui, est tout simplement parti écrire son rapport et dormir, laissant à nouveau sa prisonnière seule avec elle-même. Elle le verra bien assez demain.
