Qu'il arrête avec les piques blessantes soulagea la rousse. Elle n'aurait pas vraiment pu le supporter autrement. Qu'il l'ignore donc, elle n'en serait que plus tranquille pour observer ce qu'elle était venu chercher à comprendre. Et s'il ne répondait pas à ses questions, elle aurait toujours le loisir de questionner ses collègues. La majorité était réceptive, d'après ce qu'elle avait vu.
Elle l'observa entrer au commissariat, et rangea ses carnets et son crayon dans son sac. Il ne mit pas longtemps à revenir. Et quand il le fit, c'est avec brusquerie qu'il lui jeta un gilet pare-balle... Et un casque. Elle fronça les sourcils en voyant ce dernier, avant de comprendre. Une moto. Très bien. Elle se leva calmement de la voiture, enfila le gilet pare-balle du mieux qu'elle le pouvait après avoir enlevé sa veste de tailleur, et remit cette dernière par-dessus. Quand au casque... Elle remit ses cheveux en place soigneusement avant de le poser sur sa tête.
Sans s'en rendre compte, sans doute, le flic avait choisi pile la bonne taille. Elle ferma l'attache sous son menton et, digne, elle grimpa derrière le blond en s'accrochant à lui de façon un peu maladroite. Elle avait déjà fait de la moto en tant que passagère, mais jamais avec quelqu'un qui ne l'appréciait pas. Son sac bien calé entre son dos à lui et son ventre à elle, elle raffermit sa prise autour de la taille de Valmy. Juste à temps, car à peine avait-elle croisé ses doigt contre son abdomen, s'accrochant au réservoir de la moto comme elle le faisait d'ordinaire, il démarra en trombe.
Bien lui en prit. Si elle n'avait pas été correctement agrippée, elle serait sans aucun doute tombée. Pinçant les lèvres, elle ferma les yeux tout le long que dura le trajet, se contentant d'épouser les mouvements de son corps pour ne pas les déséquilibrer lorsqu'il tournait. Et quand la moto s'arrêta enfin, quel soulagement ! Les jambes flageolantes, elle s'accouda un instant à la bécane pour reprendre son souffle. Ses doigts étaient gourds, et elle les plia puis les déplia plusieurs fois pour rétablir la circulation du sang. Grands dieux, ce type était un vrai malade.
Quand elle fut suffisamment remise, elle ôta le casque qu'il lui avait "aimablement" passé tout en le rejoignant dans l'établissement où il venait d'entrer. Elle ne vit pas tout de suite la scène. Le casque sous le bras, elle remettait un peu d'ordre dans ses cheveux ébouriffés. Mais quand elle leva les yeux, elle se figea net. Le blond n'était pas dans la salle principale du bar, et deux malabars surveillaient la porte de ce qui semblait être une arrière-salle.
La première chose qui lui passa par la tête, ce fut : Oh, oh...
La seconde, On va faire comme si de rien n'était...
Et la troisième... Et merde...
Elle venait en effet de ressentir le canon d'une arme contre ses reins.
« Elle est avec Valmy, je l'ai vu descendre de la moto... »
Dans quels ennuis l'avait-il fourrée ? Non, plutôt, dans quels ennuis s'était-il fourré en y entraînant la rousse ?
Quand le canon de l'arme lui intima d'avancer par une simple pression, Fila ne résista pas. L'un des deux malabars qui lui faisait face la fouilla brièvement. L'autre lui retira son sac pour le fouiller également.
« Elle n'a aucune arme sur elle, mais un gilet pare-balle. »
« Et y a rien dans son sac que des carnets, des crayons, un portable, du maquillage et quelques autres babioles sans importance. »
L'auteur se sentit un peu soulagée de voir qu'il ne lisait pas les carnets, se contenant de garder le sac dans sa main. Mais le soulagement fut de courte durée puisque celui qui l'avait fouillée la délesta de ce gilet pare-balle qui, c'était malheureusement vrai, n'était pas seyant mais malgré tout protecteur.
« On la fait entrer. »
Poussée un peu brusquement, la rousse trébucha avant de passer la porte qu'il venait d'ouvrir.
« Tiens Valmy, t'avais oublié ta copine à l'entrée. »
« Ce n'est pas- Mfh ! »
Celui qui maintenait le canon de son arme au creux de ses reins la bâillonna de sa main en susurrant quelques paroles au creux de son oreille.
« Tu la ferme, poupée. On est entre grands ici... »
Elle obtempéra, contre son gré, en serrant les dents. Mais il n'enleva pas sa main du bas de son visage, ni même l'arme qui la menaçait.
« Tu sais qu'on t'avais prévenu, hm ? Si jamais tu remettais les pieds par ici... »
La menace était clairement évoquée. Fila aurait bien voulu avoir une réaction stupidement féminine pour une fois, comme tourner de l'oeil ou quelque chose comme ça. Histoire de distraire l'assemblée, et de désamorcer ce qui semblait être une bombe à retardement. Mais elle restait désespérément lucide.