Bon. Peu satisfaite de son bandage, Ursula pensa tout de même que, compte tenu des circonstances, c'était déjà pas mal. Même si ça ne faisait pas élégant du tout. Au moins, ça empêcherait la plaie de s'infecter. Jetant un oeil à la broche, la légiste espérait que ça suffirait à faire tenir le tout. Elle sourit doucement au jeune homme, avant de porter son attention sur les braqueurs. Le chef, après la proposition de libérer les otages les plus en danger, arriva d'un pas tranquille. Rien qu'à le regarder, Ursula en avait des frissons. Ce type lui évoquait un dangereux prédateurs, sinueux comme les reptiles, mais bien plus fourbe et dangereux. Il approuva son idée, rassurant légèrement la brune sur ses intentions. Mais sa proposition suivante la fit frissonner de nouveau.
La bombe, sur elle ? D'accord, elle était courageuse. D'accord, elle voulait avant tout sauver la vie de la pauvre femme enceinte -qui la remercia d'ailleurs d'un regard larmoyant tandis qu'une brute épaisse l'emmenait vers la sortie- mais jamais elle n'aurait imaginé devoir porter la bombe sur elle. Son coeur battant à vive allure, elle observa le dénommé Nikolaï s'approcher. Elle observa son sourire pervers avec une sorte de dégoût puissant. Elle ne voulait pas que ses mains la touchent. Mais elle n'avait pas le choix. Contre mauvaise fortune, bon coeur, elle redressa le buste pour porter dignement son fardeau. Elle se retint de frapper le braqueur lorsqu'il se permit quelques libertés sur sa poitrine, et encore plus lorsqu'il lui lécha le bord de l'oreille en lui susurrant des propositions obscènes. Il ne fallait pas qu'elle fasse de vague, pour que les autres otages n'en pâtissent pas.
Elle faillit soupirer de soulagement quand Nikolaï se redressa pour reprendre son poste, mais son sang se glaça alors que c'est le chef qui s'agenouilla face à elle, prenant sans ménagement son visage entre ses doigts. Si sa présence lui avait glacé le sang, ses paroles achevèrent de le congeler. Elle imaginait très bien l'état dans lequel elle serait. Elle avait vu trop d'horreur pour ne pas être au courant. Elle ne voulait pas mourir, et encore moins être éventrée. Ce serait l'une des pires morts qu'elle souhaiterait.
Un gémissement douloureux lui échappa quand il resserra sa prise sur sa mâchoire pour lui tourner la tête vers le blessé à ses côtés. Un craquement signifia que ses vertèbres n'appréciaient guère le geste trop brusque. Elle souffla de soulagement lorsqu'il relâcha sa prise, après avoir proféré ses horribles menaces, et se frotta le menton, désireuse d'ôter toute sensation d'y avoir encore la main du gangster. Ses yeux brillaient un peu plus que de coutume, mais elle restait forte.
Le réconfort de son patient firent briller ses yeux un peu plus encore, mais elle retint une nouvelle fois sa crise de faiblesse. Elle détestait pleurer, surtout devant des inconnus. Remuant à peine les lèvres, elle murmura :
- Merci... Mais je ne vois pas comment ils pourraient nous garder, seulement tout les deux... C'est déjà un miracle que j'ai pu faire en sorte que cette pauvre femme et que l'homme ayant convulsé soient libérés...
Un miracle, oui. Ursula soupira faiblement, jetant un oeil nerveux à la bombe accrochée à son abdomen. Elle en ressentait clairement le poid, et la fraîcheur du métal contre sa peau nue. Oui, Nikolaï avait osé soulevé son débardeur écarlate pour placer l'engin mortel à même sa peau. Elle brûlait d'envie de l'arracher et de l'envoyer dans la tête d'un de ces braqueurs, mais n'osait pas en pensant à toutes les vies qui dépendaient de sa bonne tenue.
Quand son patient reprit la parole, elle retint un sursaut. Elle ne s'y attendait tellement pas... Et son idée... Elle écarquilla les yeux, presque choquée. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle ressaya deux fois. La troisième fut la bonne. Dans un souffle, elle répondit :
- Vous voulez dire... Vous, moi... Et lui ?
Elle frissonna en pensant au braqueur. Mais à la réflexion, ça pourrait marcher. Nikolaï avait en effet soufflé une proposition à l'oreille de la légiste. Celle-ci consistait à le héler si elle avait envie de réviser ses cours d'anatomie... Elle n'aurait jamais pensé lui répondre par l'affirmative... Cependant, si ça pouvait aider...
- Je crois que je n'aurais pas trop de mal à le convaincre... Mais je doute qu'il soit d'accord pour votre présence... A moins que...
Elle réfléchit un instant, et sourit doucement.
- Vous êtes mon patient après tout. Je ne dois pas vous quitter des yeux... Si jamais il arrivait que vous mourriez, ça ne serait pas bon pour eux...
Elle pensa également au dénommé Vince, qui était bien partant tout à l'heure.
- Nous aurions la possibilité de faire d'une pierre deux coups... Vince serait aussi partant, avec Nikolaï...
Ça lui déplaisait d'envisager de s'offrir aux braqueurs, même pour de faux. Mais elle ferait ce qui était nécessaire pour sauver les otages... Et sauver sa peau, par la même occasion. Car elle n'oubliait pas l'instrument de mort collé à son ventre... Hochant brièvement la tête, elle se tourna vers Nikolaï. Il sembla sentir son regard sur lui, parce qu'il tourna la tête pour croiser son regard. Méduse s'agitait, mais ne réussissait pas à se libérer. Toutefois, le chuchotis s'amplifiait de façon substantielle. Nikolaï dû apprécier ce qu'il vit dans le regard d'Ursula, qui tentait de le rendre langoureux, parce qu'il se rapprocha de son chef.
- Chef... En attendant la suite des négoc', j'pourrais pas aller passer un peu de temps avec la toubib ? Elle m'a l'air chaude... Et vu son regard, elle ne réclame que ça...
Vince s'approcha également, victime du regard de la légiste et de ses propres pulsions, pour faire part de son désir d'en faire parti. Jetant un regard à la pauvre Ursula qui tentait de maintenir son air fermé avec un regard brûlant, le chef resta un long moment silencieux. Son regard était si impérieux qu'elle finit par baisser les yeux, certaine d'avoir échoué. Un autre moment de silence perdura, avant qu'enfin la voix autoritaire du braqueur élégant ne trouble sa quiétude.
- Allez-y. Mais ne l'abîmez pas. Elle pourra toujours servir...
Ursula se força à rester de marbre, mais elle faillit fondre en larme, heureuse de la réussite de son super regard ravageur. Elle faillit doublement sautiller lorsque le chef rajouta :
- Prenez l'autre aussi. Je ne voudrais pas qu'il fasse un malaise et que notre toubib ne soit pas là pour le soigner. Ils nous sont plus utiles vifs que morts.
Elle serra la main de son patient, avec prudence cependant. Ses doigts avaient été brisés le mois dernier. Ils étaient encore fragiles. Nikolaï ne fut pas aussi délicat. Ses doigts enserrèrent la nuque de la légiste pour la redresser, la plaquant contre lui pour posséder ses lèvres dans un baiser plus violent que nécessaire. Lorsqu'il laissa reprendre son souffle, Ursula avait la lèvre en sang. Vince, lui, souleva un bras du jeune homme pour le redresser. Tout les quatre se rendirent à l'étage du dessus.
Ursula ressentait nettement le "canon de l'arme" de Nikolaï qui la poussait pour avancer. Elle n'avait pas pensé à ce qu'elle ferait si l'idée était approuvée. Et inutile de chercher le regard de son patient super-fort, au risque de paraître suspecte.
- Alors docteur... Vous allez nous faire réviser la science anatomique ? J'en salive d'avance...
Vince et lui éclatèrent d'un rire gras tandis que le premier s'occupait de ligoter sommairement son prisonnier à une chaise, avec une cravate trouvée là. Nikolaï tenta de peloter sans douceur la poitrine de la légiste, mais elle se recula instinctivement. Se rendant compte de sa bourde, elle essaya un sourire qu'elle espérait taquin, et marcha d'un pas chaloupé vers le large bureau au centre de la pièce. Elle vira les documents et les ordinateurs qui s'y trouvaient, avant de se hisser dessus et de s'allonger langoureusement sur le matériaux laqué. D'un signe du doigt, elle incita les deux gangsters à venir vers elle, et ôta doucement son débardeur pour se retrouver en soutien-gorge devant eux.
Profitant de ce qu'ils étaient hypnotisés par sa poitrine, elle lança un regard alarmé à son patient, espérant qu'il soit assez fort, et en assez bonne forme surtout, pour passer outre la cravate et venir à son secours. Parce qu'elle ne supporterais pas longtemps les mains des deux bandits sur elle, arrachant son sous-vêtement sans délicatesse, violant son intimité, etc... Et Méduse... Ursula écarquilla les yeux. Méduse forçait de plus en plus sur la barrière qui l'empêchait de surgir. Elle forçait à tel point que le coeur de la légiste battait si fort qu'elle ne craignait qu'il bondisse hors de sa cage thoracique.
Pour la première fois de sa vie, la légiste priait pour que la Gorgone sorte et prenne possession de son corps. Maintenant assaillie par la vision qu'offrait les gangsters défroqués, Ursula sentait que son sort allait bientôt être réglé.
- Allez poupée, montre-nous ce que tu sais faire...