Elle avait le regard baissé de l'enfant qui, n'osant pas regarder son tortionnaire, évite de le regarder dans les yeux. Ce qu'il ne savait pas, c'est que ce n'était pas la culpabilité, mais l'énervement qui lui faisait baisser les yeux. Lorsqu'elle répondit en relevant les yeux vers lui, évitant le contact de leur nez, elle était rouge vif, le regard assassin. L'avait-il vexé ? Qu'avait-il fait donc pour la vexer autant? Elle lui demanda s’il croyait vraiment que c'était facile de vendre ainsi son corps, avant de le comparer à sa vie si simple : il était respecté, craint des autres et pouvait se mouvoir dans les bas-fonds sans craindre de se faire tuer.
Elle avait donc craint qu'il lui fasse du mal si elle n'avait pas fait ce qu'il voulait d'elle. Elle était une esclave, clairement, de ce qu'elle disait, et pensait connaître les humains, comment ils "fonctionnaient". Et pour elle, les fioles étaient un moyen de compenser ce qu'il aurait de toute façon fait. Elle semblait épuisée d'avoir autant parlé, d'avoir été en colère et d'avoir dit ce qu'elle avait sur le coeur, tout en se retenant de parler fort, évitant d'attirer l'attention sur eux. Quelques secondes passèrent, où Luccius la regardait, sans rien dire, avant de soupir à relâchant son étreinte :
« Et tu crois sincèrement que je prends plaisir à menacer un marchand pour obtenir ce que je veux ? Que je peux vraiment sans crainte avancer dans les bas-fonds ? Que je prends plaisir à "stalker" les femmes ? Je dois me battre pour ne pas qu'on profite de mon impossibilité d'aller voir les gardes, je dois rester caché lorsqu'approchent les autorités, je dois sourire pour montrer aux femmes que je ne compte pas leur faire de mal, malgré ma tenue et mes armes. Tu crois cela facile aussi ? Alors oui, donner mon corps pour régler ses problèmes me paraît facile... »
Il s'enfonça dans la banquette, en passant ses bras derrière sa nuque, observant Rikke droit dans les yeux :
« Lorsque je menace quelqu'un, je n'en tire aucun plaisir. À force de voir ce que je vois, de faire ce que je fais, on ne prends pas plaisir de la menace et du meurtre. On prend plus de plaisir à la douceur, la gentillesse et la sincérité des gens. J'aime avoir près de moi une femme, certes, mais si je dois plaquer un couteau sous sa gorge pour l'avoir dans mes bras, où est le plaisir ? Je sais que des hommes sont comme ça. Mais si j'avais voulu de toi, je t'aurais violé dans un coin de rue, dès ta sortie, au lieu de te proposer de rester quelque temps avec moi, à discuter simplement. »
Il ferma les yeux, apparemment déçu qu'elle ait pensé qu'il pourrait lui faire du mal directement. C'était normal, mais il n'aimait pas être mis dans le même sac que les autres hommes, surtout de manière aussi abjecte.
« J'ai vu que tu avais été effrayé, après que j'ai menacé ce commerçant qui voulait faire jouer la concurrence pour s'enrichir. J'en étais désolé et je voulais me faire pardonner. Mon but n'avait pas été de te faire du mal, ni de te forcer. Tu ne veux pas passer du temps avec moi ? Tu peux partir, et revenir dans deux heures là où je t'ai emmené pour tes trois fioles. Tu ne le savais pas, alors voilà, je te le dis : tu peux partir. »
Il se redressa et prit son verre dont il but une gorgée, avant de prendre celle de Rikke pour la lui donner. Il tint son verre entre ses doigts, avant de finir :
« Tu as sans doute servi beaucoup d'humains... mais tout ce que tu as retenu, c'est ce qu'ils ont de négatif, de malsain. Maintenant, tu sais : y a des hommes, même dans les bas-fonds, qui ne font pas ce qu'ils font par plaisir. Et tu en as même qui préfèrerait s'ouvrir lui-même le ventre plutôt que de forcer une femme à ses pulsions sexuelles. Désolé de briser ta vision des humains, mais si tu ne veux pas de moi, si tu te sens forcée de me plaire pour ta survie, alors laissons tomber ce verre. Il n'a aucun intérêt pour moi, si c'est ce que tu penses. »
Vexé à son tour ? Oui, mais pas tellement contre elle. On pouvait penser le contraire, mais c'était la situation, son existence qui rendait ce genre de relations difficiles. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était tenter de convaincre les gens de ses bonnes intentions qu'il n'est pas juste un tueur froid et ne souhaitant que soumettre ses "victimes" à sa puissance.