Un nouveau monde, une nouvelle vie [PV Waylander]

Cela faisait tout juste un mois que Marine était arrivée à Seikusu dans les cales d'un bateau. Et oui quand on a pas d'argent, il faut avoir des idées. Voulant fuir le plus loin possible de l'organisation, le Japon semblait tout indiqué. Enfin c'était ce que pensait la jeune femme. Arrivée là, elle avait cherché un petit boulot, histoire d'avoir quelques pièces indispensables à sa survie. N'ayant ni papiers, ni diplôme, elle ne pouvait espérer grand-chose mais avait fini par dégoter un petit job comme serveuse dans un snack-bar un peu miteux des bas quartiers de la ville. Elle bossait au noir mais au moins, elle avait un peu d'argent. Elle avait trouvé une chambre dans un petit hôtel miteux mais elle avait commencé à chercher quelque chose d'un peu mieux. Peu dépensière, elle mettait des sous de côté pour pouvoir louer une chambre ou un studio. Tout se passait donc pas trop mal pour la rouquine intelligente et débrouillarde. Mais quand tout semble plutôt bien se passer, c'est là que tout dérape et la jeune femme ne fit pas exception à la règle.

Un soir où elle ne travaillait pas, elle alla chercher à manger chez un traiteur asiatique dont on lui avait parlé. Marine était en plaine découverte culinaire. Quand on a passé sa vie dans un camp, inutile de dire que la nourriture, c'était pas terrible et assez répétitif. Du coup, depuis qu'elle s'était posée à Seikusu, elle prenait des fois le temps de découvrir tout ce qu'elle avait manqué. Elle avait notamment découvert le chocolat dont elle raffolait. Donc ce soir-là, elle passait par des rue encore inconnues d'elle et manque de chance passa par une ruelle avec un bien étrange problème. Elle faisait à peine un pas que soudain tout changea autour d'elle. Elle n'était plus dans une ruelle mais dans une sorte de savane ou de zone semi-désertique balayée par les vents.

« Mais comment je... »

La rousse n'y comprenait rien et se demanda si elle n'était pas tombée par terre et cognée fortement la tête. Pourtant tout semblait si réel et si irréel en même temps. Elle ne comprenait rien et se retourna mais il n'y avait rien, pas de rue, pas de ville, juste le désert. La pauvre ne pouvait savoir qu'elle était passée par un portail menant sur Terra mais un portail temporaire, un qui n'arrêtait pas de bouger et de changer de lieu. La pauvre fille, vêtue d'un jeans et d'un pull noir tenant un sac plastique contenant son repas, semblait aussi inadaptée à ce lieu que ce lieu à elle.

« Où suis-je ? »

Elle avait beau regarder de tous les côtés, elle ne voyait rien, ni personne. Qu'allait-elle faire ? Qu'allait-elle devenir ? Ne pouvant rester là, à ne rien faire, elle commença à avancer, espérant bien finir par croiser quelqu'un.

Que de terrain découvert... En ces conditions, ce n'est pas simple de se cacher.
Du moins, à première vue. En réalité, la plaine présente des multitudes de petites collines et d'encaissements. En se débrouillant bien, on peut y voyager discrètement. Et là, c'était de mise.
Waylander était en fuite. Bien sûr, après un assassinat, il était toujours poursuivi quelques temps par les proches, mais en général ça ne durait pas. Cette fois-ci, ils étaient acharnés. Le noble esclavagiste grassouillet et désormais décédé avait beaucoup d'argent, et malheureusement, le distribuait copieusement à sa famille. De ce fait, il était très aimé de cette dernière, et à la nouvelle de sa mort, ils n'avaient pas hésité à vider leurs bourses, qui soit dit en passant, se rempliraient aisément avec l'héritage, afin d'engager une troupe de mercenaires réputés tenaces.
«Les Chiens maraudeurs», tel était leur nom, le traquaient depuis maintenant deux mois. Des pillards sans foi ni loi tuant et violant par pur sadisme. Tout à fait à l'image d'Ashnard, en somme.
Rien ne servait d'aller vite contre de tels adversaires, aussi le tueur avançait lentement, prenant soin de bien dissimuler sa présence, tendant quelques pièges pour brouiller les pistes.
Une fois arrivé à Nexus, ils ne pourraient plus rien contre lui.

C'était donc dans un petit vallon que chevauchait Waylander. Son grand hongre noir allait au pas. Il devait l'économiser pour le cas où il aurait des ennuis soudains. Car les pillard n'étaient pas les seuls dangers et qu'il valait mieux avoir une monture à peu près fraiche qu'un cheval essoufflé par une épuisante cavalcade irraisonnée.
Pour être discret, il l'était. Cependant, ne peut pas être vu, cela veut souvent dire qu'on ne voit pas non plus. Bien sûr, il faisait régulièrement des pauses pour monter sur une colline et observer les environ allongé sur le ventre, mais ça ne suffisait pas. Ça ne permettait pas de remarquer quelqu'un, qui, comme lui, marchait sous le couvert des monticules de terre.

C'est ainsi qu'il la vit. Jeune femme rousse aux habits étranges. Visiblement perdue, elle semblait se diriger vers lui.
Il jura.
Il devrait passer à côté d'elle pour rester caché et sans aucun doute elle essaierait de lui parler.
Tout ce qu'il détestait.
Néanmoins, il mit pied à terre par politesse et continua d'avancer sans sourciller. Sa plus grande crainte était qu'elle ne tombe ensuite entre les mains des Chiens et ne leur révèle sa position.
Il allait devoir se préparer à cette éventualité, car bien sûr, il n'allait pas la tuer sur une simple supposition.
Ni femmes, ni enfants. A moins qu'elle ne se révèle dangereuse, il ne pouvait tout simplement pas se résoudre à faire de mal à une femme.

Après quelques longues minutes, ils arrivèrent à hauteur l'un de l'autre.

Marine avançait depuis plusieurs heures maintenant, seule, dans ce désert. Elle n'avait même pas lâcher son sac de repas comme s'il restait le lien avec son monde. Oui, son monde car plus le temps passait plus elle était certaine d'être dans un autre univers. Ou alors c'est qu'elle était devenue folle, ce qui n'était pas spécialement réjouissant comme option. La jeune femme préférait donc l'occulter et se dire qu'elle était arrivée, elle ne savait comment, dans un autre univers à la version Stargate qu'elle ne connaissait pas. Elle avait soif et la canette de coca ne lui fit que peu de temps. Elle allait devoir trouver un point d'eau rapidement ou elle allait mourir de déshydratation.

Elle poursuivait encore et encore sa route sans savoir si elle allait vers la mort ou vers la vie car plus le temps passait, plus la solitude devenait effrayante car elle signifiait sur le moyen terme, la mort. Dans un univers inhabituel, hostile et même si elle était une combattante chevronnée, elle ne connaissait pas le terrain ici. Rien ne disait qu'elle pourrait s'en sortir seule. Cependant, le destin fut conciliant et soudain une silhouette se profila dans le lointain. Bien que cela soit de bonne augure, la rousse restait prudente. Rien ne disait qu'il serait conciliant et amical avec elle. Elle avança cependant dans sa direction, n'ayant pas d'autres options en vue.

Plus elle s'approchait, mieux elle distinguait la personne et constata qu'il s'agissait d'un cavalier et de sa monture. Rare étaient ceux qui se déplaçaient ainsi sur Terre, cela ne faisait que confirmer son idée concernant le fait d'être dans un autre monde. L'homme ne semblait pas vouloir l'éviter car il descendit de son cheval pour venir à sa rencontre, une preuve de bonne volonté. Brusquement, elle se demanda s'il allait la comprendre, elle l'espérait. Arrivée à sa hauteur, elle essaya, maladroitement, d'afficher un sourire. Maladroitement car elle n'était pas du tout habituée à ça.

« Bonjour. - Mot simple pour engager une conversation, elle hésitait sur la suite mais finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres – Où suis-je ? »

D'un peu plus près, il put dire sans grande difficulté que cette femme était belle, mais ô combien étrange. Ses vêtements n'étaient pas communs, surtout pour voyager dans une contrée aussi dangereuse et elle portait un bagage qui semblait peu solide et assez peu pratique, puisqu'obligée de le tenir à la main. Elle prit la parole, posant une question à laquelle Waylander s'attendait.
Comme il l'avait deviné un peu plus tôt, elle était perdue.
Il fit un signe de tête en guise de salut, et laissa un silence pesant s'installer pendant quelques secondes, le temps de l'examiner plus avant. Avec des habits comme ceux-ci, on pouvait assez facilement deviner qu'elle n'avait pas d'arme. Un pouvoir, peut-être? Ses lèvres étaient légèrement gercées, surement à cause de la déshydratation.
Il fouilla un instant dans les affaires attachées à la selle de son cheval, et lui tendit finalement une outre en peau de chèvre, remplie d'eau. Il en avait toujours trois sur lui lorsqu'il voyageait, pour parer aux éventualités les plus extrêmes.

«Bois. Par petites gorgées, ça te fera du bien.»

Il regarda rapidement autour de lui et attendit qu'elle ait terminé. Il reprit l'outre, la raccrocha, et pointa finalement une direction du doigt.

«Par là-bas, c'est Nexus. A l'opposé, c'est Ashnard. La première est à trois jours de marche, l'autre, trois ou quatre mois, selon ta foulée.»

Il remonta sur son cheval et se tourna une dernière fois vers elle.

«Et évitez de trop parler aux inconnus, vous risqueriez de rapidement finir sur le marché aux esclaves.»

Un nouveau signe de la tête, et il reprit son chemin. Rien de plus que le nécessaire.
C'était ainsi que l'on évitait les ennuis. Si elle suivait la direction de Nexus, elle s'en sortirait surement. Si elle n'y arrivait pas avec ses propres forces, elle tomberait quasiment à coup sûr sur l'une des nombreuses caravanes de marchands qui passent à ses abords.
Lui même allait vers la ville, mais pas directement, et il voulait surtout rester seul.


Quelques minutes passèrent après qu'il l'ait perdue de vue. Comme souvent, il s'arrêta pour jeter un coup d'œil alentour.
Il jura.
Sept Chiens se dirigeaient dans la direction approximative de la fille. S'il ne faisait rien, elle leur avouerait tout ce qu'elle savait sur lui, et c'était suffisant pour le mettre en danger.
Il soupira.
Non. En réalité, il ne pouvait tout simplement l'abandonner à une mort certaine. Il le savait, mais ne le voulait pas. Il refusait ses sentiments. Il ne cherchait que le vide intérieur et libérateur des atrocités passées.

Il couru à son cheval et partit à une allure poussée à l'endroit où elle devrait être, selon ses estimations. Il arriva vite, mais la chercha un peu. Elle était plus rapide qu'il ne l'aurait cru. La preuve d'un certain entrainement.
Il chevaucha un peu plus dans sa direction jusqu'à la rejoindre. Elle semblait plutôt surprise de le revoir. Il tendit son bras vers elle, se penchant sur la selle.

«Des pillards viennent par ici. Si vous tenez à la vie, montez.»

Un instant, Marine pensa que l'homme ne la comprenait pas vu le temps qu'il mettait à lui répondre puis il finit par lui tendre une gourde ainsi que quelques réponses. Vu son état, la jeune femme ne se fit pas prier et but plusieurs gorgées. Cependant, elle prit garde à boire doucement malgré sa soif terrible. Même si elle ne connaissait pas l'endroit, elle connaissait les dangers liés au manque d'eau. Elle finit par lui rendre la gourde tout en écoutant ses propos. La rousse n'eut pas le temps de répondre que l'homme était déjà reparti. Elle murmura un « merci » désabusée en regardant la nuée de sable provoquée par les pas du cheval. Eh ben, ça promettait si tout le monde réagissait comme ça ici. Elle hésita un instant avant de partir dans la direction de Nexus. Aucune des deux villes ne lui disaient rien mais autant elle pourrait tenir trois jours sans boire autant trois mois c'était impossible. Toujours aussi perdue, elle repris son chemin.

Son esprit avait un peu de mal à comprendre la notion de « marché d'esclaves » dont ce type avait parlé. C'était une pratique abolie depuis bien longtemps sur Terre. Cela ne faisait que la conforter sur le fait qu'elle n'était probablement plus sur Terre mais cela semblait en même temps si irréel.

Le pas de Marine était rapide mais elle se contenait. Il ne fallait pas aller trop vite au départ sinon elle ne tiendrait jamais trois jours. Néanmoins son entrainement lui permettait de supporter ce temps infernal et d'avoir une chance de s'en sortir. Elle marchait depuis quelques minutes seulement qu'elle vit le cavalier revenir vers elle. Elle fronça les sourcils se demandant ce qu'il pouvait lui vouloir. Elle resta sur ses gardes et observa le bras tendu comme un cobra prêt à mordre.

«Des pillards viennent par ici. Si vous tenez à la vie, montez.»

Instinctivement, la rouquine chercha à apercevoir les maraudeurs mais ne vit rien que la poussière. Elle hésita un instant mais finit par saisir le bras et sauter derrière le cavalier. Ses options étaient limitées. Elle n'avait plus qu'à faire confiance pour le moment à cet homme.

Une fois la fille installée correctement derrière lui, il jeta un coup d’œil dans la direction où les pillards étaient sensés être. Il les vit finir leur ascension de la colline.


«Merde! Accroches-toi bien!»


En surplomb et avec seulement quelques centaines de mètres d'écart, il était impossible qu'ils ne se fassent pas repérer. Maintenant, le seul espoir était d'atteindre Nexus avant d'être rattrapés. A dos de cheval, ça prendrait quelques heures.
Il enfonça ses talons dans les flancs de l'animal, le faisant s'élancer à toute vitesse. Et la course-poursuite commença. Il suffisait d'aller tout droit, donc il n'avait pas à beaucoup guider le cheval, ce qui lui permettait de réfléchir. Trouver quelque-chose, n'importe quoi, qui permettrait de les ralentir.
Plus facile à dire qu'à faire. Il se maudissait. D'une part pour être revenu la secourir, d'autre part pour ne pas avoir prévu quelque-chose pour un cas comme celui-ci.
*Et tu te dis le meilleur. Sombre abruti.*

Mais quand il n'y plus rien à faire, que tout semble vous abandonner ou avoir été utilisé, il y a encore quelque-chose d'extrêmement puissant pour se mettre de votre côté. Ce phénomène qui mis des empires à bas, en élevé d'autres, parcourant le monde en distribuant et reprenant ses faveurs par un total hasard, la chance.
Et de la chance, nos deux compagnons improvisés en eurent. Pas quelque-chose d'insolemment extraordinaire, mais suffisant pour leur sauver la vie.

En temps normal, les maraudeurs auraient dû être plus rapide qu'eux, à deux sur le même cheval. De la cavalerie légère. Mais cette fois, c'était des hommes en armure qui les poursuivaient. Ce poids supplémentaire et la qualité moindre de leurs chevaux  firent qu'ils n'arrivaient pas à les rattraper.
La course dura, les chevaux étaient épuisés, mais forcés à continuer. Après des heures d'une folle cavalcade qui lui sembla être une éternité, Waylander aperçut les remparts de la cité. Mais ce n'était pas le moment de se relâcher, le moindre faux-pas pouvait encore leur coûter la vie.
Arrivés en vue de la porte principale, il se permit un petit regard en arrière, et vit les pillards, exténués, abandonner la poursuite.

Les gardes, ayant bien évidemment assisté à la scène, les laissèrent rentrer sans plus de préoccupations. A peine eurent-ils franchit la porte qu'il arrêta sa monture, descendit et offrit son aide à la demoiselle qui se trouvait dans son dos quelques instants auparavant.


«Tout va bien? Je suis désolé pour ça, c'est après moi qu'ils en ont. S'ils vous avaient trouvée, ils n'auraient pas hésité à vous torturer pour me retrouver.
Néanmoins, qui casse paye, comme on dit. Pour me pardonner de vous avoir entraînée dans mes histoires, je vous dois un service. Le jour où vous en aurez besoin, vous devriez pouvoir me contacter sans trop de difficulté. Trouvez dans cette ville un homme appelé Durmast et donnez-lui mon nom.
Je suis Waylander, l'assassin.
Sur ce, je dois me préparer. La plaine est plus sure que la plupart des rues, pour des gens comme moi.»


Il la salua comme le voulait l'usage, puis commença à partir en direction du centre, lentement. Son cheval avait donné son maximum, et c'est à peine s'il arrivait encore à marcher.