_Allez avance, bordel, avance !
Enora titubait, traînant la patte, encore toute endormie par les calmants et autres sédatifs qu'on lui injectait continuellement depuis sa capture. La riposte des gardes fut rapide et efficace : d'un mouvement du poignet, ils la firent basculer sur le dos et la traînèrent comme un vieux sac jusqu'à l'entrée de sa cellule, où ils la jetèrent. Gémissant au contact du sol, la ESP.er réussit finalement à monter sur l'un des deux lits à la force de ses bras, lit sur lequel elle s'allongea. Elle avait la bouche pâteuse et si mal au crâne...
Les gardiens n'avaient pas même pris la peine de lui donner les vêtements carcéraux, ils lui avaient juste ôté ses armes.
Quelle connerie... Tout ça pour une histoire de combat... Le problème quand on est aussi réputée pour tuer un peu tout le monde, c'est que le nom vient vite aux oreilles de Hommes de lois, du coup, il suffit d'un peu de malchance... Et Enora n'était pas réputée pour être très chanceuse.
Tout avait pourtant bien commencé : une petite présomptueuse avait osé essayer de piquer l'homme que la jeune femme avait mis sous sa coupe pour la soirée, cette petite salope s'était enorgueilli et avait carrément défié Enora en combat "d'égale à égale", pour voir si elle était réellement digne de sa réputation... Est-ce que c'était sa faute si cette bécasse maniait aussi bien une arme blanche qu'une poule, un couteau ? Et était-ce de sa faute si cette grognasse s'était d'elle-même empalée sur sa lame ? Au moins... elle se serait faite empaler, peut-être pas par ce qu'elle aurait souhaité mais...!
Enora eut un rire pour elle-même, elle adorait voir ce genre de personne crever pour leurs bêtises, après tout, c'est eux qui le cherchaient... jamais elle.
Non, tout cela avait été plaisant, réellement plaisant...
Le problème c'est qu'il y avait une putain de flic là... Dans ce même bar et que, évidemment, quand elle avait entendu le nom d'Enora, quand elle l'avait vu tuer cette bonne femme... Bien sûr, ça a conforté tout ce qu'elle avait pu entendre sur cette folle meurtrière, cette "Dame Cruauté", ce qu'elle avait fait à son oncle, à ces hommes... On ne fait pas justice soi-même, à ce qu'il paraît.
Alors, hop, sédatif, arrestation, et maintenant... cette cellule... Une liste de meurtre longue comme le bras, des faits de tortures, de crimes odieux... Ah ! Oui, on ne s’ennuierait pas au procès...
Enora ferma les yeux, sa tête était si lourde, si lourde...
Lorsqu'elle s'éveilla, le soleil était déjà haut dans le ciel. Il devait être près de midi. Se redressant, elle constata avec joie que son mal de crâne et son engourdissement étaient partis. Souriant cruellement, elle regarda tendrement les barreaux de sa cellule...
_A nous deux...!
Mobilisant ses pouvoirs, elle les envoya exploser contre lesdits barreaux... sur lesquels ils rebondirent pour venir la cueillir au ventre avec un craquement sinistre. Elle hurla de douleur au moment de l'impact, alors que sa tête venait heurter le mur du fond. Étendue sur le sol, elle passa une main sur le haut de son ventre : elle s'était brisée deux côtes.
_Oh c'est pas vrai... Ha !
Fermant ses yeux, elle réussit à les remettre en place par la force de son pouvoir. Vraisemblablement, elle n'avait rien d'abimer, comme organes... Mobilisant encore ses forces, et faisant fi de sa douleur, elle ressouda ensemble ses os.
Elle poussa un long soupir. Au même moment, un gardien passa devant sa cellule, goguenard :
_He, ma belle, ils sont beaux nos barreaux, n'est-ce pas ? Amuse-toi bien avec eux, ils sont équipés contre tes petits sorts... Amuse-toi, après tu testeras le mien !
Il eut un grand éclat de rire avant de passer son chemin, évitant de fait le crachat que lui destinait Enora. Quelle pourriture... !
Elle balaya la pièce des yeux : deux lits face à face, dans un coin, derrière un rideau, elle distinguait des toilettes avec un lavabo, une petite table de chevet, deux lampes au-dessus de chacun des lits, ainsi qu'une grande, au plafond, certainement reliée au système général d'extinction des feux.
_Eh bien c'est... cosy...
Elle s'allongea sur son matelas, fermant une nouvelle fois les yeux. La douleur de ses fractures précédentes était toujours là, mais elle commençait à se calmer, de toutes façons, elle avait l'habitude de la douleur... Elle sourit tendrement. Elle revoyait Gwenaëlle...
_Petite soeur... je ne mourrais pas, je te le jure, pas ici... Je t'aime...
Pour la seconde fois, elle sombra dans le sommeil.
_Hé, belle au bois dormant, réveille-toi !
L'injonction, brutale et sonore, tira la jeune femme de sa léthargie, elle se dressa sur ses pieds, s'approcha des barreaux.
_T'approches pas trop, princesse, tu risquerai d'entrer en contact avec le champ magnétique mis en place pour contrer tes pouvoirs. Bref. Ma belle, tu vas avoir un copain de cellule.
_Un ? Un copain ?
_Ouais, les cellules des hommes sont pleines, alors on va te le refourguer... Fais pas la tête, il nous restera toujours du temps, rien que toi et moi. Hahaha !
De même que l'autre chiure, il s'éloigna sans jeter un regard à la prisonnière.
_C'est pas vrai, bon sang...
Avec un grand cri elle balança ses poings sur les murs, avec une telle force qu'elle y creusa deux trous. De rage, elle se rendit dans la "salle de bain", tirant le rideau. Elle ôta son haut, scrutant son reflet dans le miroir. Ses yeux traduisaient sa panique, sa haine, sa folie... Un monstre. Elle rit. Se retournant, elle passa une main songeuse sur sa cicatrice, dans son dos... Un doux sourire se dessina sur ses lèvres. Mine de rien, elle regrettait ces quelques jours de torture qu'elle avait fait subir à son oncle et ces connards... C'était si... beau.
Entendant des pas dans le couloir, elle se rhabilla prestement et repassa dans la cellule. S'asseyant sur son lit, elle sentit quelque chose de dur sous ses fesses : ses cigarettes ! Joie ! Elle en alluma une, vrillant son regard bleu-vert vers la porte de la cellule, attendant que son compagnon d'infortune franchisse la porte.