Les villageois observèrent la hyène se gratter la tête d'un air un peu perdue en sortant de la boutique... et soulever son chapeau, en même temps. Ils avaient été franchement surpris de voir la jeune femme entrer dans leur boutique, aujourd'hui. Non pas qu'elle n'y allait jamais : une succession d'évènements avaient obligés la jeune sauvage à s'intégrer autant qu'elle le pouvait dans certains villages, c'est-à-dire... tant bien que mal. Les prédictions d'Alraunya avaient été justes, et dés que la hyène avait pu sortir de son territoire et partir voir comment se portait sa forêt, elle n'avait retrouvé qu'un tas de bois brûlé, desséché... et sa cabane avec. Ses propres territoires avaient été pillés parce qu'elle n'était pas là pour les défendre. Même la colonie d’araignées avait dû déserter : Mithra n'avait retrouvés de ses amis que quelques toiles piétinés. C'était une vision qui avait suffit à la déprimer pour qu'elle quitte définitivement les lieux et se pousse à se trouver de nouveaux buts.
Sa vie d'ermite lui avait convenu un temps, mais aussi étrange que ça puisse paraître, Mithra croyait au destin. Jeune, sa tribu lui avait insufflé les bases d'une religion mystérieuse et bien différente de celle des humains, mais tout aussi hypocrite cela dit. Aussi ne fut-elle pas surprise que la plupart des villages lui refusent l'asile, même en échange de gros travaux. Le karma lui jouait des tours : elle passait pour la méchante partout où elle allait, pour un monstre cannibale alors qu'en réalité, il était rare qu'elle mange de véritables humains depuis qu'elle était dans sa forêt, en toute tranquillité. Les bois regorgeaient de bêtes sauvages, mais tout le monde semblait penser que la hyène s'ennuyait à sortir de sa cabane pour s'amuser à aller égorger les petits enfants à l'heure du goûter.
Sa décision d'entamer un nouveau voyage ne fut pas longue. Après sa quatrième nuit sous la mousson de la région, elle était même enchantée à l'idée de ce périple qui n'avait aucune destination. La terranide avait la chance de n'être attaché à aucune racine, ce qui lui laissait une multitudes de possibilités en termes de chemins à prendre.
Mais encore fallait-il pour cela se préparer. Ce qui l'avait entraîné à recouvrir les vieilles habitudes de son premier voyage (dont ce principe de la monnaie qu'elle trouvait franchement inutile quand il y avait le troc à disposition). Elle passait régulièrement dans cette boutique d'un village de pêcheurs installés au Nord des terres sauvages et qui avait fini par lui accorder sa confiance en la voyant partir tous les jours loin des terres des habitants pour revenir le lendemain. Elle passait presque pour quelqu'un de civilisé ces jours-ci.
Pour résumer la situation, Mithra était donc... habillée. Ce qui était déjà un évènement en soi. Laissant son pagne et son cache-poitrine en peau d'animal habituel, elle avait opté, tant qu'elle était au Nord, pour un déplacement vers les pays froids - et donc, une veste longue de couleur verte bordée de fourrure, des cuissardes dans le même style, et un large chapeau bordée de rouge et décorée d'une plume. L'animale ne connaissant absolument pas les codes vestimentaires habituels (et n'étant pas habitué à faire du shopping, ça l'a vite gonflée) elle avait juste pris ce qui était le plus à son goût et pouvait passer pour une corsaire vêtue de cette manière. Beaucoup trop de couches à son goût, d'ailleurs. Mais quelques flocons avaient déjà commencé à tomber et elle ne regrettait pas ses choix.
A cet accoutrement se rajoutait un large sac en cuir - elle avait eu assez de mal durant son premier voyage à récolter tout ce qu'il lui fallait en temps et en heure pour ne pas comprendre la leçon de l'organisation avant un départ.
Mais les vieux réflexes avaient la vie dure. Cela dit, Mithra ne voulait pas se jeter sur Hannah pour la dévorer : juste demander son chemin... un peu brusquement, c'est vrai. Hannah s'était trompé de phéromones, probablement, car la terranide n'avait rien d'agressif sur le coup. Elle était plutôt fatigué des quelques trente kilomètres qu'elle venait de parcourir, ce qui fut aussi la raison de sa si facile capture.
La sauvage sentit la glace brûler sa peau et couina quand on attrapa son visage d'une puissante poigne. Analyser l'adversaire fut son premier réflexe : une étrange femme vite définissable comme terranide. Qui n'avait pas l'air très puissante, plus effrayée qu'autre chose, à vrai dire, malgré ses pouvoirs et son attitude.
Mithra se maudit de s'être fait avoir aussi facilement, mais elle ne blâma pas son comportement, qui pour elle était tout à fait normal. Elle ne connaissait pas les bonnes manières, et n'en avait rien à faire si ça ne lui rapportait rien. A l'instar d'un chiot sans éducation qui répandait ses excréments partout. Sauf que la hyène était loin d'être docile.
La preuve, ça devait faire dix minutes que la maîtresse attendait son nom. Et si elle ne se décidait pas à bouger, elle attendrait encore longtemps...