Il avait eu de la chance, ce pauvre bougre, que j’accepte de faire un contrat d’accusation pour lui, car il était rare, voire jamais, que je faisais ce métier sur Terra, étant donné que la justice est encore chancelante. L’équité étant un nouveau concept à Nexus, il n’était pas impossible qu’une ou de nombreuses erreurs puissent survenir, et que le juge ne soit pas aussi partial que sur Terre, la corruption étant comme bien vue ici. En gros, je me demandais vraiment pourquoi le Roi avait gaspillé l’argent des contribuables à construire quelque chose qui, dans une semaine, serait à être démoli, vu l’inutilité du bâtiment.
J’allais donc me rendre à un de mes bâtiments d’entrepôt de mes biens, alors qu’un messager, venu de nulle part, m’interpella. Intrigué, je le regardai sortir une lettre de sa besace et me la tendre, disant que la lettre venait de la baronne Aliénor Ness, un nom que je n’avais jamais entendu auparavant. J’allais la déchirer, mais la curiosité s’empara de moi, et j’ai lu le contenu de la lettre…
Eh bien, ça commençait bien, ma première comparution au tribunal et déjà, je recevais des pots de vins pour que je fasse tout pour que la plainte tombe à l’eau. Je n’avais pas l’habitude de saboter mes efforts pour que mes clients perdent leur cause, mais là, la somme qu’on allait me donner pour un « non rendement » était tout simplement faramineuse. Pour accepter, je me devais de me rendre à une adresse dans les bas fonds. Plutôt inusité comme endroit, surtout pour une baronne qui devait avoir l’habitude des endroits beaucoup plus luxueux qu’une simple chaumière dans les bas fonds…
J’avais donc décidé de me rendre à l’endroit où j’étais convoqué. Toquant à la porte, une jeune femme vint m’ouvrir, enfin, jeune en apparence, mais je ne pouvais me douter qu’il y avait devant moi une femme vieille de trois cent ans. Un petit hochement de tête, et nous voilà, tout les deux, sur le pas de la porte, seul le bruit des mouches brisait le silence. Ce fût alors mon tour.
La somme que vous m’offrez pour ne rien faire est faramineuse…Je ne comprend pas trop pourquoi vous avez corrompu un avocat au lieu de corrompre le juge, qui est beaucoup plus facile à faire chanter… Qu’attendez vous de moi au juste? Je n’ai pas l’habitude de trahir mes clients.
La dernière phrase, je l’avais lâchée sans m’en rendre compte, un peu pour excuser le fait que je sois là… Oui, probablement pour faire comprendre que c’était ma première trahison et que je faisais ça uniquement pour tout ce qu’elle avait promis dans sa lettre… Non, en effet, je n’étais pas vraiment à l’aise, parce que, selon moi, l’argent compte moins que savoir à qui se fier. Mais, sur Terra, je n’étais pas un homme de confiance, j’étais celui qu’on devait craindre par-dessus tout; hommes, femmes, enfants, je les mettais tous à ma botte, les réduisant à l’esclavage pour différentes raisons, je ne faisais pas de différences entre nantis et pauvres, ni entre en santé et malade. Pour moi, ses facteurs étaient au même titre que la grosseur d’un melon, s’il avait une « carapace » lisse ou bosselée; ça n’affectait que le prix.
La femme devant moi n’avait toujours pas parlé, mais me regardait avec un air sérieux… Il était étrange, peut-être était elle muette, ou bien simplement qu’elle se croyait trop distinguée pour parler à un simple avocat, une nouvelle profession sur Terra. Elle avait beau être une baronne, je n’acceptais pas qu’on me manque de respect ainsi. La joignant dans son mutisme, je croisai les bras et fronçai les sourcils, attendant qu’elle se décide à me donner une réponse.
Peut-être était-elle une meurtrière, d’après ce que j’ai compris dans la lettre, c’était elle qui était accusée du meurtre du frère et du fils à mon client, et je devais dire qu’elle avait un petit quelque chose de louche dans les yeux, une espèce de folie contenue… Cependant, moi aussi j’étais ce genre d’homme, qui tue par pur plaisir, enfin, sur Terre en tout cas, elle doit donc comprendre que la personne qu’elle a devant elle n’est pas un de ses petits trouillards qui se la ferment, la peur de voir la mort en face à chaque seconde…