La colère d'un dragon [Libre]

Lorsque l'on est un humain normal, on laisse sa petite vie suivre son cours. On attend, patiemment, que l'avenir nous déballe ce que celui-ci nous réserve. L'être humain est égoïste de nature; il ne pense, profondément, qu'à lui, même si il tente parfois de socialiser ou de penser aux autres. Et même si beaucoup ont un bon fond, il reste très rare qu'un humain puisse comprendre son prochain. Il essaye de comprendre, d’interpréter, mais jamais il ne captera le réel sentiment des autres.

Lorsque l'on est pas humain, en revanche, le champ des possibles s'étant largement. Très largement. C'est souvent un avantage; on a plus de possibilité. Ici, beaucoup plus. Mais c'est aussi souvent un défaut; ce champ d'action, paradoxalement, nous limite plus. Ici, beaucoup plus. Il y a une bonne raison pour que l'homme ne capte pas le réel sentiment de son prochain. Car ressentir l'autre, c'est laisser une partie de son esprit pénétrer le sien. Et quand trop des autres s’immisce en soi, la cuve finie par déborder.

On a beau être une créature dotée de pouvoir phénoménaux, il faut savoir se contrôler, car porter de grands pouvoirs implique aussi un contrôle stricte et une rigueur en acier. Et malheureusement, être l'incarnation du hasard est contraire à ce prérequis...
Récapitulons donc: un être non humain, doté de pouvoir colossaux, très relâché et manquant de pragmatisme, dont la cuve mentale déborde car il a trop capté le mauvais qui habite les hommes.

[Musique]

Cependant, quelqu'un passant par là ne pourrait pas tirer ces conclusions. Malgré le paysage chaotique pour lequel sont connues les landes dévastées, celui-ci portait trop de destruction pour être le paysage habituel des landes.
Sur des dizaines de mètres s'étendaient une terre noircie, des cratères à la profondeur et la circonférence irrégulières, et un peu partout, des flammèches bleues dévorant ce qu'il restait à dévorer de ce paysage carbonisé.

Mais ce qui rendait ce paysage si oppressant, c'était l'ambiance qui y régnait. Le décor désolé était une chose. Le poids palpable et pesant d'une colère déchainée en était une autre. Même le plus courageux des hommes aurait reculé sous la pression de cette colère. On la sentait écraser tout ce qui passait à portée. Brûler tout ce qui se présentait à elle. Deux choses étaient claires: quelque chose rodait par ici, quelque chose qui ne peut être définit comme puissant sans créer d'euphémisme. Et cette chose était très en colère.

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A ce qui correspondait être le centre de la zone de carnage, une silhouette. A priori humaine, mais si on en déduit que c'est d'elle que vient la présence écrasante de haine, alors ce n'en était visiblement pas un. Des ailes draconiques et spectrales flottaient dans son dos, et ses cheveux semblaient virevolter dans des flammes d'un bleu profond.
Dans une petite zone immédiatement autour de l'être, de grandes crevasses surgissaient de nulle part, creusant le sol de cratère béants, le sol tremblant à chaque impacts, matérialisation physiques de la colère de la créature.

Levant brusquement la main au ciel, l'être fit jaillir du sol un grand pilier rocheux, comme arraché du sol même, qu'il fit voler en éclat d'un grand coup de poing, pulvérisant la roche au point d'impact. Il répéta le processus plusieurs fois, évacuant un peu de sa rage à chaque coups. Mais ce n'était pas suffisant.
Il y avait trop, beaucoup trop de haine. Les hommes étaient mauvais, et cela le rendait malade. Il existait comme représentation physique de la foi en la bonté humaine, et pourtant lui même était dégouté par eux. Traitrises, guerres, soifs de pouvoirs. La cupidité et l’orgueil des hommes lui pesait, et il ne pouvait exprimer sa rage qu'ici, loin de tout, détruisant le paysage plutôt que de commettre un génocide.
Accompagnant chacun des gestes de cette danse berserker, l'être hurlait sa haine, dans des paroles insensées, paroles d'une langue inconnue distordue par la rage. Celles qui revenaient le plus souvent étant:

" Lumanos kabriendes kakarone! Palar khaleos, keste dirarcos per lei kimprendarre! "

Les minutes passèrent, les destructions continuèrent. Puis la fatigue. La lassitude, face à l'impuissance de ses actes. A l'impuissance de ses actes, et à la solitude. Dans la colère on est toujours seul, ou l'on détruit ceux qui tiennent à nous.

Tout à coup, l'être se releva, et tourna ses yeux bleus vers celui qui l'observait. Ceux-ci étaient parcourus de taches de rouges, comme des gouttes de sang au milieu d'un océan. Il arborait toujours une expression de rage, mais contenue, alors que des larmes de feu coulaient de ses prunelles. Comme seule réaction, il serra le poing, ce qui fit jaillir du sol des échardes rocheuses de tous côtés, transformant encore plus le paysage en parsemant celui-ci de pics de roche.
Même si certaines avaient frôlées le témoin de cette scène, aucune ne l'avait directement percuté, comme si la créature attendait de voir ce qu'allait faire celui qui l'espionnait.

[ Voilà une surprise des plus agréables, il me tarde de voir ce que va donner ce RP ^^ ]

La santé mentale est une flamme vacillante. Elle peut, d'une seconde à l'autre, s'éteindre totalement ou briller de mille feux. Le moindre élément perturbateur peut la souffler en un instant, et il ne tient qu'à chaque individu de protéger le feu de sa psyché.

La plupart des gens s'y réussit très bien. A grand renfort d'illusions, de mensonges, de " normalité ". Mais même les experts du contrôle de soi finissent toujours par déborder. A un moment où à un autre, la cuvette va déborder. Personne n'est à l'abri de la perte de contrôle.

C'est dans ce genre de situations que ceux qui vivent en bordure de la folie sont avantagés; quelqu'un de normal qui est plongé dans la folie, la rage, le désespoir va y rester jusqu'à avoir vidé sa tête de tout ce qui la parasitait.
Quelqu'un d'anormal, certes, y sombre plus souvent. Mais il a aussi bien plus de faciliter à s'en extirper. Là où le moindre élément peut faire basculer l'équilibre psychique d'un individu, la moindre surprise peut stabiliser celui d'un fou.

Prenons les gobelins par exemple. Ce sont des parasites. Des créatures égoïstes qui pillent, volent, tuent. Des créatures pitoyables et couardes qui n'attaquent qu'à cent contre un. Des sauvages, des barbares. Trouver un individu parmi eux qui soit digne d'intérêt? Soyons sérieux deux petites secondes. N'importe qui tuerait la bête sans remord ni pitié.

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Le silence était retombé sur les landes dévastées. Le sol avait finit de se fissurer, les flammes commençaient à décliner, et même le vent n'osait que timidement venir balayer les cendres et les remords.
Respirant amplement et avec peine, le dragon appuya la main contre son torse, crachotant péniblement des flammèches bleues qui s'évaporaient avant de toucher le sol. Les ailes spectrales se replièrent avant de disparaître, photons se dispersant au milieu de l'air chaud et sec. Les flammes bleues sur la tête de l'homme se dissipaient peu à peu, un peu plus à chaque mouvement de l'être.

Mais où allait-il? Il se dirigeait vers un coin où les flammes n'étaient pas les siennes. Un endroit où le feu brûlait d'un rouge naturel. Où un nuage de peur donnait à tout être à proximité l'indication quant à la présence d'une créature apeurée et désespérée.
Un endroit, surtout, où ses yeux avaient perçu quelque chose qui avait assez piqué sa curiosité pour le calmer, au moins temporairement.
À pas lourds et pesant, se tenant toujours douloureusement la poitrine, il se laissa tomber, assez nonchalamment, allongé un peu derrière la gobeline, qui était toujours tétanisée par la peur. Dans sa chute, il fit s'envoler un petit nuage de cendre, certaines encore bleues, et fixa longtemps la gobeline de ses yeux azur.

Rassemblant le peu de force que lui avait laissé cette éruption, il laissa s'échapper un murmure dans la même langue inconnue que plus tôt.

" Draconis wraättar ist aäs torrare com cohrta... "
( La colère d'un dragon est aussi terrifiante qu'elle est courte... )

Il tenta de sourire à la gobeline, mais il avait plutôt l'air de tirer une grimace déformée, et le spectacle qu'il venait d'offrir était encore trop récent pour que l'on puisse ressentir l'aura de tranquillité qu'il dégageait. Le regard dans le vague, il murmura un " navré, jeune demoiselle ", avant de tomber dans les pommes, laissant la gobeline terrifiée aux côtés d'un Daclusia KO pour quelques longues minutes.

Bâillement. Combien de temps s'était écoulé? Au moins quelques dizaines de minutes. Après s'être étiré de tout son long, Daclusia regarda autour de lui. Il n'avait pas fait dans la dentelle. Le sommeil engourdissant ses sens, il ne se souvint plus trop de ce qui l'avait mit dans un tel état. Mais ça devait sûrement être quelque chose de gros, car des carnages comme ça n'étaient pas dans son habitude.
Passant la main sur un morceau de terre carbonisée, il fit s'envoler les cendres, afin de révéler, sous elles, des pousses nouvelles qui s'apprêtaient à s'étendre sous le soleil, ne demandant qu'un petit coup de pouce pour percer la couche noire.

La flamme de l'équilibre. La flamme de la vie. Il faut voir ce feu très spécial comme le cycle de vie d'un phœnix. Il ne consume pas, ne brûle pas, sauf si c'est pour protéger quelqu'un. Comme à chacune de ses colères, il nettoyait le paysage, et laissait le vent apporter une nouvelle vie sur celui-ci. Une prière aux quatre vents plus tard, il sortit une petite clef de sa poche, et l'enfonça dans l'air. La tournant, tranquillement, il ouvrit peu à peu une entrée vers sa demeure. Mais un sentiment étrange le taraudait, comme s'il avait oublié quelque chose. Alors qu'il passait le pas de la porte, il fouilla sa mémoire pour se rappeler de ce que c'était, car il lui semblait que c'était très important. Alors que la porte acheva de se fermer, il eut un éclair de génie.

Traversant les méandres des failles que sont ses portes, il chercha une sortie en direction de Nexus. C'était la ville la plus proche, et sans doute était-elle la destination la plus logique pour une frêle jeune femme perdue dans les landes.
Alors qu'il voyageait dans les replis de l'espace temps, il se servit une tasse de chocolat chaud pour dissiper les quelques moutons de sommeil qui restaient logés sous ses yeux.
Se remémorant parfaitement les évènements de plus tôt, il dessina dans l'air la silhouette de la gobeline. Étrange jeune femme que celle-ci, on aurait juré qu'elle était presque humaine.
Quoi qu'il en soit, il était évident au premier coup d’œil que le premier prédateur venu allait la croquer en une bouchée.
Il fallait se hâter.

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Autour de Rikke, la vie commençait à réapparaître. Ce qui avait fait peur au bête était maintenant parti, et cela se voyait partout autour de soi. Les insectes, de tailles anormalement grosse, réapparaissaient pour se chasser les uns les autres. On pouvait à nouveau entendre les bruits angoissants des bêtes qui s'entretuaient au loin, et sentir leur souffle sur sa nuque alors qu'ils n'étaient pas là.

Mais la gobeline le savait sans doute très bien. Ce qui est le plus dangereux n'est pas ce que l'on entend, mais ce que l'on entend pas. Les prédateurs qui vous chassent sont ceux que l'on remarque le moins.
Ils vous traquent, invisibles,, instillent la peur en vous, un peu plus à chaque pas, comme un cancer qui ronge votre esprit et émousse votre attention. Parfois, ils laissent un indice quand à leur présence, pour augmenter la tension, avant de redevenir invisible, et de recommencer à vous traquer. Et ce manège peut durer des heures selon le sadisme de la créature...
Celle qui pourchassait Rikke n'était cependant pas de ce type là. Peut être avait elle faim. Peut être n'avait elle pas le goût de la chasse. Peu importe. Alors que la jeune gobeline allait se retourner pour voir arriver sa mort imminente, elle ne put que voir...

Un katana se planter entre les crocs du prédateur. Apparemment, l'heure de la gobeline n'était pas encore venue.
Bien que la jeune femme n'eut sûrement pas, en cette situation, la volonté d'étudier l'arme en détail, celle-ci était de fort bonne facture. Un acier solide et résistant, à en juger par la résistance qu'elle infligeait aux dents du fauve. La lame aux reflets azurés était de type " vaguelettes ", et un papillon était gravé à même le métal à la base de celle-ci.
Un manche noir et simple était serré par deux mains enfoncées dans de lourds gants en cuir, elles même reliées à un corps humain aux longues oreilles, confortablement installé dans une armure complète en cuir, qui avait l'air résistante et pourtant assez souple pour laisser une grande liberté de mouvement à celui qui la revêtait.

Et l'homme avait deux grands yeux bleus enflammés...

D'un mouvement de poignet, il fit pivoter sa lame pour forcer la bête à reculer, effectua une tranche horizontale suivit d'un coup de pied ascendant, qu'il acheva en plaquant la bête au sol, le katana paré à lui trancher la gorge. Un échange regard de plusieurs minutes suivit, à l'issue duquel l'animal avait trouvé son maître.
Lâchant sa prise, l'homme en armure de cuir soutint un nouveau défi du regard en provenance de la créature, avant que celle-ci ne décide finalement de s'éclipser sans demander son reste.

La lame se dissipa dans une fumerolle bleutée, et son propriétaire abaissa le masque de cuir qui cachait la partie inférieure de son visage. Il adressa un sourire ample à la gobeline mais ne s'approcha pas trop d'elle pour ne pas l'effrayer.

" Bonjour à nouveau, jeune demoiselle. Veuillez m'excuser pour cette rencontre pour le moins désagréable de tantôt, je n'avais aucunement l'envie de vous mettre dans un tel effroi. "

Se laissant tomber au sol, assit en tailleurs, Daclusia sortit d'une sacoche une tablette de chocolat, et après en avoir prit une rangée, en proposa à Rikka.

" "Pourquoi est-il là?", j'imagine que vous vous demandez. En réalité, je n'étais pas à l'aise à l'idée de vous avoir laisser, seule et apeurée, au milieu d'un endroit si dangereux. Et puis je résiste difficilement à l'envie d'aider mon prochain. 
Oh, mais j'en oublie mes manières! Permettez moi de me présenter, Daclusia Khaleos, à votre service."

Esquissant une petite moue boudeuse au refus de la gobeline, Daclusia haussa les épaules avant de lancer un carré en l'air et de réceptionner celui-ci dans sa bouche. Elle était apeurée, et il ne pouvait pas lui en vouloir.
Elle n'avait pas l'air habituée à la vie sauvage, et ses vêtements, en plutôt bon état pour une gobeline, semblait confirmer ses premières pensées; la jeune fille appartenait à la civilisation. Une esclave? La protégée d'un saint homme? La première solution était malheureusement la plus probable, vu le peu de vertu existant sur Terra, et la forte probabilité qu'un cas unique comme celui de Rikke ait attisé l’œil des " collectionneurs ".

Il écouta les quelques bredouillements de la créature comme s'il était en vérité occupé à écouter un discours des plus construits, car malgré le peu de syllabes intelligibles qui sortaient des lèvres de la gobeline, il réussissait à en tirer nombre d'informations.

Elle n'était pas que " humaine ", sur le plan physique, elle avait beaucoup de réactions, tics, tocs, réflèxes, qui avaient beaucoup d'humain. Rien que le fait de savoir parler la langue, et d'avoir dit " merci ", mot n'existant pas dans le vocabulaire de la grande majorité des gobelins.

Ensuite, elle avait honte de quelque chose. Avant de le remercier, son regard était hésitant, évitant le plus possible de croiser le sien, et quand bien même elle n'était pas un caméléon ses joues avaient... Comment dit on pour quelqu'un qui a la peau verte? Verdit?
Considérant sa nature, elle devait bien avoir quelques réflexes de son espèce, aussi n'était-il pas difficile de deviner ce qu'elle avait fait pendant que lui même était aux abonnés absents.

Quand enfin, elle décida de plonger ses prunelles rouges dans le regard de Daclusia, les flammes bleues de celui-ci frétillèrent un instant. Les yeux sont la fenêtre de l'âme dit-on, et c'est quelque chose de parfaitement exact.
Quand deux personnes se regardent droit dans les yeux, c'est un moment rare, où chacun peut lire librement dans l'esprit de l'autre comme si c'était le sien. Un sourire se dessina sur le visage d'Equilibrium.

" Et bien, peut être suis-je trop rapide à sauter aux conclusions, mais il me semble que voyager seule à travers ce désert n'est pas votre tasse de thé. Tant que je suis là, vous ne courrez aucun risque. Je puis vous accompagner jusqu'à votre destination... Si, du moins, vous en avez une. "

Daclusia avait légèrement appuyé sur cette dernière phrase, car il pouvait sentir le trouble dans l'esprit de la gobeline. Elle se dirigeait bien vers Nexus, mais ce n'est pas comme si elle avait un moyen sûr et certain de savoir que c'était dans cette direction. Et quand bien même...
De toute évidence, elle était esclave. Si elle s'était échappée, ce n'était sûrement pas pour retourner courir dans les jupons de son maître. Et si celui-ci s'était débarrassé d'elle, il n'apprécierait sûrement pas de la voir revenir.
D'un autre côté, elle n'avait visiblement pas, ou bien pas assez longtemps, gouté à la vie sauvage pour pouvoir se débrouiller seule. Surtout dans une zone comme celle-ci, où même le plus petit insecte peut causer votre mort, et où vous êtes vous même dans la catégorie des insectes si vous ressemblez de près ou de loin à un humain. Retourner vivre chez des gobelins? Il doutait du bienfondé de cette solution.

Attendant une réponse, il lança en l'air un nouveau carré de chocolat, et après l'avoir réceptionné à nouveau entre ses dents, appuya à nouveau sa proposition.

" Alors? "

La pensée frôla l'esprit que si Discordera avait été à sa place, ou même ses deux protégés, eux n'auraient pas eu le même tact que lui, et auraient directement annoncé froidement à quel point il était évident qu'elle omettait de parler de la vérité de sa situation.

Daclusia se releva en même temps que la gobeline, dégainant son sabre qui se changea immédiatement en une magnifique gerbe de flammes bleues, qu'il trancha tout de suite de la main, réceptionnant chaque moitié de flamme dans ses paumes. La première se changea en boussole, la seconde en carte.

" Je n'ai pas spécialement de destination. Je vis au jour le jour, laissant le vent porter mes pas. Peu importe où je me rends, c'est toujours là où je dois aller. Je n'ai donc aucune objection à ce que nous fassions la route ensemble. ... "

Il voulut rajouter quelque chose, mais hésita un petit moment. Il ne savait ni comment le formuler, ni si il était bon d'en parler. Quelque chose le titillait depuis un petit moment. Malgré qu'elle porte des vêtements d'esclave, ceux-ci étaient en bon état.
Il était peu probable aux yeux du dragon que son maître la maltraite, et donc qu'elle veuille fuir de sa nouvelle demeure. Dans ce cas, qu'est-ce qui l'avait poussé à se trouver ici? Il n'osait pas amener le sujet, aussi se contenta-t-il de soupirer et de faire signe à sa petite camarade de le suivre.

" Quand au prix à payer... Hmm hmm. Il n'y a jamais aucun échange gratuit. Tout dans la vie est basé sur des échanges de valeur équivalente. Pour les hommes, c'est de l'argent. Et laisses moi te dire qu'ils ont des prix très souvent exorbitants.
Mais l'argent n'est pas la seule monnaie d'échange. ça peut être un service, ça peut être quelque chose de purement spirituel comme un enseignement, de la connaissance, de l'amitié... Un petit sourire se dessina sur son visage. Même des choses plus abstraites peuvent être utilisées comme monnaie. De l'amour, de la chance, des rêves... Même l'âme. "

Daclusia resta quelques minutes, peut être même une dizaine, silencieux. Il voulait laisser le temps à la jeune fille de bien comprendre ce qu'il avait dit. Non pas qu'il comptait lui prendre son âme, mais parce que c'est une chose fondamentale à savoir, et que malheureusement bien trop de monde l'ignore.

Brisant le silence comme si de rien n'était, il demanda tout naturellement à Rikke si elle avait faim maintenant que toutes ces émotions étaient terminées. Il ajouta également, accompagné d'un grand sourire:

" Nous allons mettre un petit moment pour arriver à Nexus. Alors si on apprenait à se connaître? "

La lutte intérieure de la gobeline pour savoir si celle-ci se devait d'être honnête ou non n'échappa pas à l’œil de Daclusia. A vrai dire, ses murmures alors qu'elle se parlait à elle même et son visage en sueur étaient des indices plutôt évidents de ce qui se passait à l'intérieur de sa tête. Avouer ou mentir, mentir ou avouer, elle ne savait de toute évidence pas quoi penser. Cela amusa encore plus le dragon. Cette jeune fille était décidément très intéressante.

Elle accepta cette fois-ci la sucrerie et... Ha... Il est vrai que les gobelins ont un goût plus prononcé pour l'amer et la viande que pour le doux et le sucré... Tant pis, se dit-il, au moins maintenant il saura à quoi s'en tenir. En même temps, malgré toute sa sagesse, il n'avait pas eu l'occasion de beaucoup converser avec des gobelins civilisés. En vérité, elle était probablement la première de son espèce à échanger une conversation avec lui.

Finalement, Rikke se décida, et commença à parler d'elle et de sa vie à Nexus. Bien qu'ayant demandé à Daclusia si il souhaitait être mit au courant de sa situation, elle n'avait pas attendu une réponse positive de sa part pour commencer à parler.
Sa conscience devait être bien lourde, car il savait à quel point un gobelin abhorrait la définition du mot vérité, quand celle-ci n'est pas financière. Toujours est-il qu'il écouta patiemment et attentivement chacune de ses paroles, jusqu'à la dernière.

Il y avait bien du financier là dessous. Et avant même qu'elle ne termine de vider son sac, il avait déjà comprit la situation. N'importe quel jeune noble pourrit gâté disposant d'un héritage considérable serait bien trop heureux de se débarrasser d'un gêneur tel qu'un banquier gobelin. Et il savait que les peaux vertes sont bien trop bornées pour se laisser intimider comme ça. Elle comptait probablement aller se plaindre à son maître dès son retour au foyer, et le conflit allait sûrement escalader jusqu'à ce qu'un jour le jeune maître décide de faire assassiner sa chaperonne. Le jeune homme cala l'arrêt de ses jambes sur celles de Rikke, et s'imagina aisément ce qui la tracassait en lisant au fond de ses yeux.

Se frottant l'arrière de la tête, il murmura l'équivalent dans sa langue de " évidemment... ", et regarda le ciel où le soleil commençait à décliner. Fort heureusement, non loin se trouvait une excroissance rocheuse qui pourrait leur servir d'abri où dresser le camp pour la nuit.

" J'imagine que je réussis à voir les causes et conséquences possibles d'une telle situation... Je vous conduirais tout de même à bon port mademoiselle, mais permettez moi de questionner le bien fondé d'une telle décision. ... Tout bas Elle doit vraiment aimer son maître... "

Changeant la carte et la boussole qu'il tenait en main en un arc et un carquois de flèches, il reprit, à ton normal:

" Quoi qu'il en soit, nous allons devoir passer la nuit ici. Je vais partir chasser quelque chose pour le repas, si vous pouviez essayer de trouver des brindilles ou du bois pas trop mort et allumer un feu de camp, là bas, sous le rocher...

Oh, et tant que j'y pense. J'ai quelques questions pour vous. Vous n'êtes pas obligé de me donner une réponse tout de suite. Ni même de me donner une réponse tout court. Mais j'aimerais que vous réfléchissiez à ces questions.

Est-ce que vous vous plaisez en tant qu'esclave?
Voudriez vous changer quelque chose à votre vie? Quoi?
Est-ce que vous souhaitez être libre?

Et enfin... Hmmm... Non. J'imagine que celle-ci sera pour plus tard. Réfléchissez déjà à ces trois questions. Encore une fois, vous n'êtes pas obligée d'y répondre. Mais réfléchissez-y, au moins. "

Sur ces mots, il disparu, gratifiant la gobeline d'une caresse affectueuse dans les cheveux, armant son arc en bois d'ébène avec une flèche au même acier irisé que son épée.

Dans un grand sifflement, la flèche bleue fendit l'air, plus rapide que l'éclair, plus silencieuse que l'ombre.

Le chasseur avait traqué une proie pendant plusieurs dizaines de minutes. Il faut dire que tous les prédateurs fuyaient les alentours comme la peste, créant autour du dragon un havre de paix pour tous les non-carnivores trop faibles pour se défendre, et comme tout à chacun le sait, ce n'est pas le gibier le plus courant des landes dévastées. Pourtant, Daclusia avait trouvé sa proie. Une sorte de sanglier, en beaucoup plus gros, et avec trois paires de défenses ornant un groin blindé par plusieurs plaques osseuses.
Le trait avait transpercé de part en part le crâne de l'animal, le tuant sur le coup et lui épargnant des souffrances inutiles, avant de se planter dans le sol de l'autre côté de l'animal. Lorsque la bête s'affaissa, son tueur ne se pencha pas tout de suite sur son cadavre, mais sur l'arme du crime. Arrachant la flèche au sol, il prit entre son index et son pouce quelque chose d'invisible, accroché au bout de la pointe, et attendit quelques secondes que se reforme l'esprit de la bête.

" Désolé d'avoir abrégé ta vie, pauvre créature. Mais il faut bien manger. Que ton âme repose en paix. "

L'esprit et l'homme se fixèrent durant une longue minute avant que, acceptant les prières de repos du dragon, le spectre n'accepte de se dissiper.

Transportant sa proie sur ses épaules, le chasseur se mit en route pour le campement, sifflotant un air sans âge, qui traverse les époques, immortel.

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Alors que Rikke commençait à lancer des langues de feu vers les brindilles pour allumer celles-ci, une troisième main vint se mêler aux deux siennes, mélangeant un peu de son feu bleu avec celui qu'elle envoyait sur le tas de bois. Cette communion par le feu, seuls ceux maniant la magie pyrotechnique pouvaient la connaître. Mélanger son feu, c'était un peu comme mélanger son esprit.

Une flamme brûle d'autant plus ardemment que son maître a le cœur pur. Après tout, ne dit-on pas " la pureté de la flamme " ...? Ou bien ceci est-il une tirade de l'inquisition? Quoi qu'il en soit, ces flammes azur n'étaient pas normales. De par leur couleur premièrement, mais aussi par la sensation qui s'en dégageaient.
Comme dit plus tôt, mélanger les flammes, c'est comme croiser les jets. Comme se plonger les yeux dans les yeux. Comme... Vous saisissez l'idée, je n'en doute pas, en tant que lecteurs assidus.
Et ces flammes ci étaient... Tranquilles, faute d'un meilleur mot. Elles chauffaient, mais ne brûlaient pas. Elles s'étendaient, mais ne dévoraient pas. Brillaient, mais n'aveuglaient pas.

Bientôt, c'était un brasier bicolore qui brûlait au milieu des cailloux, avec des zones bleus, des zones rouges, et des zones où des traits de couleur s'entrelaçaient sans fin.
Daclusia déposa autour du feu deux piquets de bois sur lesquels il déposa le corps du cochon, embroché sur un pic.
L'homme se laissa tomber au sol, aux côtés de la gobeline, avec un sourire sur le visage. Visiblement il avait retenu la leçon comme quoi les gobelins n'aimaient pas le chocolat.
Il ne dit mot, mais souriait toujours, et avait commencé à faire tourner la broche improvisée sur les flammes, proposant une gourde d'eau pure et fraîche à la jeune femme qui devait probablement être assoiffée après cette randonnée dans le désert.

Le soleil se couchait au loin, derrière la ligne d'horizon, découpant dans le très lointain ce qui devait sans doute être des falaises, ou bien peut être était-ce Nexus? En tout cas c'était bien loin. Et ce n'est pas fatigué et affamé qu'on pouvait s'y rendre. Abandonnant le sanglier qui commençait à dégager un fumet délicieux, Daclusia plongea la main dans .... Dans nul part? Et elle y disparut. C'était comme si il avait plongé la main dans un trou invisible, et s'appuyait sur un mur tout aussi translucide, pour chercher quelque chose dans un capharnaüm inimaginable. Au bout de plusieurs minutes infructueuses, il émergea de... De nul part, ce qui ressemblait à des tissus pliés et des piquets en métal. Il indiqua à la gobeline:

" Pourriez-vous vous occuper de faire tourner le repas? Je vais monter les tentes pour passer la nuit. "

Sur ces mots, il déplia les tissus bleu marine, planta les piquets dans le sol, et s'attela à monter un campement basique qui offrirait un confort spartiate, mais déjà plus confortable que de dormir à même le sol.

Les tentes avaient été dressées, les matelas de fortune étalés à l'intérieur, et l'odeur semblait indiquer que la viande était cuite. L'appel de Rikke vint confirmer cette pensée, aussi Daclusia émergea-t-il de la deuxième tente qu'il venait de finir de monter, dégaina un couteau de sa ceinture dans une petite flamme bleue, et s'attela à la découper de la viande. Il trancha une cuisse, qu'il tendit à la demoiselle, avant d'en prendre une pour lui même, mordant avec avidité dans la viande de l'animal.

Comme les sangliers sur terre, c'était une viande au goût très prononcé, loin des viandes que l'on a l'habitude de consommer, mais c'était une saveur qui, une fois qu'elle s'était ancrée dans vos papilles, devenait entêtante, et passait d'étrange à délicieuse. Il fallait déchirer un peu la chair avec les dents, car elle est ferme, mais après ce petit effort de la part de la mâchoire, la récompense gustative était largement à la hauteur.
C'est avec délectation, son repas ponctué de soupir de satisfaction, que le dragon avalait, bouchée après bouchée, sa cuisse de sanglier, qui, je le précise, donne faim à l'auteur au fur et à mesure que celui-ci écrit ces lignes.

Lorsque la gobeline posa sa question, il fit une halte dans son repas, sortant une serviette de sa sacoche pour s'essuyer les pourtours de la bouche. Puis il fixa Rikke. Il avait l'air amusé. On pouvait lire dans son regard " Ha, finalement tu y as réfléchi à mes questions? ". La tête appuyé sur sa main libre, il se décida enfin après une attente qui semblait interminable, à donner sa réponse.

" Eh bien... C'est une question délicate. Je pense qu'il est encore un peu tôt pour la formuler. "

Il marqua une pause, crochant une nouvelle fois dans la morceau de viande, avant de poursuivre.

" Voyez-vous, mademoiselle, on peut me considérer comme un metteur en scène. Je n'agis que très rarement en pleine lumière. J'ai plutôt tendance à rester dans les coulisses, et à mettre les autres en valeur. Plutôt que de directement donner à quelqu'un la solution à son problème, je vais lui donner des indices pour qu'il comprenne comment résoudre lui même ses soucis. C'était mon business, il y a longtemps. "

En disant cela, le visage du jeune homme s'assombrit un peu. Il fixait l'horizon l'air absent, des souvenirs du passé hantant son esprit pendant un bref instant. Mais il récupéra bien vite son sourire, et enchaina:

" Mais laissons ce qui est au passé au passé. Comme je l'ai toujours dis, connaître son passé est important. En rester prisonnier est une erreur. Il faut toujours aller de l'avant. En parlant de ça... Êtes-vous décidée sur ce que vous allez faire une fois de retour à Nexus? "

" C'est votre choix. "

S'essuyant les mains l'une contre l'autre en terminant de mâcher un morceau de sanglier un peu trop ferme, Daclusia se leva, et d'un claquement de doigts, il fit disparaitre les restes du sanglier. Il ne restait plus que le brasier bicolore qui brillait toujours d'une lueur surnaturelle. Le cadavre s'évapora en une fumerolle bleuté qui s'envola autour du dragon, puis disparut quelque part derrière lui.

" La vie est un arbre mademoiselle, un arbre où devant nous s'étendent tous les choix possibles. Ceux que l'on peut atteindre, ce que l'on ne peut pas, ceux que l'ont pourraient. Même s'il existe une infinité de choix, et donc une infinité de possibles, il n'y en a qu'un seul que vous emprunterez. L'important, c'est de choisir le votre. "

Cognant ses mains l'une contre l'autre, il annonça avec un grand sourire:

" Bien, un long chemin nous attends demain matin. Je vous conseille de prendre du repos, vous aurez besoin de toutes vos forces pour le périple qui nous attends, et la journée a été rude. Vous pouvez dormir tranquille, je monterais la garde. "

Comme pour appuyer ce qu'il disait, une hallebarde se matérialisa entre les mains de l'homme, qui fit apparaître un petit tabouret en bois à l'endroit où il s'apprêtait à se laisser tomber. Pour se tenir éveiller, il prit une gorgée dans sa gourde, qui apparemment contenait à présent autre chose que de l'eau, et se réchauffa les mains contre le brasier, qui brulait toujours de deux couleurs.

La soirée n'allait probablement pas être grand chose de plus que ceci. Veiller au grain et boire une gorgée de temps à autre. Ce que ça allait être ennuyant. Plantant la hallebarde à ses côtés, il sortit de sa sacoche un carnet à dessin et un crayon. Et il crayonna. Et il crayonna. Et il crayonna.

La nuit avançait, et il crayonnait, tout en songeant aux évènements qui l'attendaient, lui et sa petite protégée, la journée suivante...

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[ PS: A moins que tu veuilles faire quelque chose pendant que Daclusia monte la garde, on passe sur la nuit et le trajet de de main pour aller directement à Nexus? ]

[ PS2: Désolé pour la taille de post, j'ai fais court car je ne savais pas si tu souhaitais continuer ou passer à la suite. ]