Il est de ces journées qui semblent, alors même qu'elles ne font que commencer, pleine en rebondissements. J'avais vécu peu de ces journées au cours des millénaires passés... Mais aujourd'hui, je sentais que j'allais m'amuser, enfin, vraiment... Cette humaine que j'avais attirée par son habileté à voir ce que beaucoup ignorent était spéciale. Bien sur, ce n'était pas la première geisha que je rencontrais, les enfers avaient vu passer nombre d'entre elles. Mais celle ci était encore fraiche, et la grâce de ses mouvements n'était point entachée par la langueur qui atteint toutes les larvae. Elle pouvait enfin m'étonner, me surprendre, moi qui avais tant vécu et qui avais tant d'expérience. La première surprise fut de ne pas la voir se retourner lorsque je parlai. Elle semblait calme, on dirait presque qu'elle tentait de m'ignorer. Puis, je sentis dans son âme une légère surprise. Moi qui avais tant vécu près des âmes des morts, j'avais encore un petit pouvoir d'empathie, malgré les problèmes en Olympe... Rien de très puissant, mais assez interressant pour ce qui était de détecter des émotions.
Quelques secondes passèrent, puis elle me surprit en tournant d'une manière si étrange qu'elle sembla surnaturelle. Mais je savais que ce ne l'était pas, et c'est pour ça que je m'amusais. Cette humaine n'avait aucun pouvoir, pourtant ses dons en ce qui était l'illusion et le paraître forçaient le respect. Mon respect... c'était déjà énorme.
Lentement, je la vis baisser sa tête vers moi, qui étais assis. J'appréhendais un peu ce moment. Tous ceux m'ayant vu durant les siècles passés avaient pris la fuite, effrayés. Bien sûr, cette apparence était moins effrayante que celle d'une silhouette encapuchonnée tenant une faux que j'avais parfois empruntée pour m'amuser un peu lorsque c'était possible, mais je restais tout de même nettement inhumain. Je sentis son étonnement à ma vue. C'était déjà ça, elle n'avait pas peur. Son sourire était charmant, mais je voyais qu'elle le forçait un peu pour sembler normale. Un être autre qu'un dieu se serait laissé surprendre, mais je ne lui en voulais pas. Après tout, rencontrer un dieu n'était pas une expérience commune, n'est-ce pas ?
Elle s'agenouilla gracieusement tout en fixant son regard dans le mien. Quelle jeune fille courageuse et admirable. Elle devait avoir compris que je la surpassais, mais elle tenait à garder son regard dans le mien, comme pour me défier. En quelque sorte, c'était ça... Très bien, je le relèverais, quel qu'il soit. Cependant, pour l'instant, j'avais une mortelle à séduire. L'emmener aux Champs Elysées directement de force était tentant, mais je ne m'amuserais pas autant avec que si je la séduisais.
Elle se releva, et je fis de même, afin de rester face à elle. Mon regard resta fixé dans le sien. Le temps passa, on resta ainsi de très longues secondes, sans ciller, sans bouger. Puis je vis ses lèvres bouger, et sa voix envahit de nouveau l'air, harmonieuse et subtile. Elle dosait avec précision le ton et l'intonation dans ses propos... Puis, avant que je ne puisse répondre, elle commença à danser. Subjugué, je la contemplai, admirant sa grâce et son habileté, essayant tant bien que mal de ne pas paraître vulgaire en la dévorant trop des yeux. Elle savait danser, c'était indéniable, une danse charmante, ensorceleuse. Puis ça finit aussi rapidement que ça avait commencé, et je pris la parole.
Magnifique. Je savais les geisha douées, mais assister à une de ces prestations est tout bonnement époustouflant. Cependant, je pars du principe que tout travail mérite salaire... n'est ce pas ?
Ma main partit rapidement à ma droite et s'enfonça dans un trou d'air, disparaissant comme par magie. J'allais récompenser cette femme pour l'intérêt que je lui portais, qu'elle me faisait lui porter. Cette danse m'avait diverti, et il me semblait me rappeler que les geisha aimaient avoir un protecteur quoi pourrait leur fournir richesse et protection en échange de leurs services. Pour avoir réchauffé mon coeur qui s'était refroidi depuis tant de siècles, le cadeau que j'allais lui offrir devait être brûlant.
Ainsi, le portail que j'avais créé s'ouvrit au beau milieu du tartare, dans lequel dansaient des flammes éternelles. Quiconque les touchait mourrait, ou souffrait atrocément. Je ne faisais pas exception à la règle. Je sentis la douleur me remonter le long du bras pas vagues alors que je ramenai en ce monde une flamèche éternelle. Mes traits se crispèrent, puis je logeai la flamme au creux de ma main avant de couvrir cette dernière de mon autre main. Je concentrai mon pouvoir, et un nuage d'ombres recouvrit l'ensemble.
Lorsqu'il se dissipa, je tenais dans mes mains intactes, je pouvais dire merci à la régénération rapide des dieux, un petit joyau sphérique, dans lequel une flamme dansait, et danserait pour l'éternité. Il resterait à une température égale à celle du corps de la jeune fille et était coutenu par une chaine d'or blanc. Je le lui tendis, avant d'ajouter.
Chaque service a un prix en ce monde, et malgré ma puissance je ne dérogerai pas à cette règle... Mon nom est Hades, sans doute avez vous déjà entendu parler de moi. Et vous jeune femme d'un autre monde, quel est votre nom?
Je supposais que c'était le cas vu son éducation. Dans tous les cas, je pourrais me rattraper sur le fait qu'elle était d'un autre monde que le mien, les enfers...