" Pauvre eau, comme tu dois souffrir ... "
Du bout des lèvres, Cyanne chuchotait de douces paroles à une neige froide. Elle n'appréciait pas la neige ... Pour elle, cela symbolisait l'enfermement, l'eau qui devient dure et abrupte, qui ne coule plus, mais qui cogne.
De sa voix pure et simple, celle d'une adolescente qui empiéte joyeusement sur ses dix-huit ans avec voluptée et malice, elle chuchotait à l'eau devenue glace, pour la rassurer. Elle ne se sentait pas bien, face à cette eau immobilisée ... Elle voulait remuer des doigts, aider cette eau à redevenir liquide, mais se retint. Cela ne se faisait pas, cela ne se pouvait pas. Elle se sentait impuissante, elle détestait ça.
Depuis deux jours, plus de cours à la Fac, quelques soucis de transports. Alors, elle déambulait, comme une automate, dans ce parc ou sur la plage. Mais le froid rendait ses joues rouges et difficiles à contenir. La douleur s'était emparée d'elle, avec ce vent cinglant sa peau. Elle se réfugiait, désormais, sous les arbres, dans une atmosphére hivernale qu'elle n'aimait pas.
" Qu'est ce que je fous là, d'ailleurs ?"
Pensant tout haut, elle regardait les alentours. On lui avait dit, il y a peu, de ne pas vagabonder ainsi, vers 18h, au moment où le soleil s'éclipse. Mais elle voulait regagner la plage, voir le coucher de soleil sur une eau délicate, avant d'aller se coucher. Elle était venue ici pour adresser quelques élans de pitié à une eau malmenée.
Rien de plus et rien de moins.
Fugitive, elle remit ses mains dans ses poches. Elle portait, comme à son habitude, une long kimono rouge, blanc et noir, couvert d'arabesques, avec par-dessus, un long manteau noir dont elle remontait entiérement le col, pour y engouffrer ses lèvres qui craignaient d'être gercées. Elle couina, encaissant un vent trop frais, et se réfugia sur le côté, à l'abri, contre une pseudo-falaise. D'en haut, on pouvait admirer la mer. Mais on était en plein dans le vent ... Cela ne lui plaisait pas. Tant pis, elle couperait par les bois.
Son portable vibra, et , silencieuse, elle l'éteignit. Elle ne souhaitait pas être dérangée pour quelques exposés dans importance. Seule la nature lui apportait son lot de plaisirs singuliers. Elle passa sa main dans ses cheveux, et reçut un frisson dans la nuque. Elle avait encore oubliée son écharpe ...
Un nuage s'échappa de sa bouche, et elle continua sa route. Ignorant une pénombre qui se dressait derrière elle, prête à l'engloutir, elle et ses illusions buccoliques ...