William regardait les deux hommes devants lui avec une mine courroucée. L'un d'eux avait la moitié du visage dévorée par la petite vérole et l'autre observait William en s'agrippant fermement à sa massue. Derrière eux, une terranide grossièrement ficelée sanglotait silencieusement sur le sable brun. Dolan ne se sentait absolument pas menacer, car il avait derrière lui une petite compagnie de mercenaire prête à tuer pour lui. Les deux hommes n'en menait pas large mais il semblait convaincus de leur bon droit.
-C'est la notre, exclama le petit vérolé. On la trouvé dans le désert alors qu'elle crevait d'soif et d'faim. On comptait la vendre au marché alors passez vot' ch'min, messire.
William soupira devant tant d'idiotie mais au moins il avait retrouvé son esclave. Aussitôt arrivé dans le complexe, son agent de sécurité l'avait informé qu'il tombait bien car on venait à peine de retrouver la fugitive. Les éclaireurs avaient repérés un camp de bandit et avait vu l'esclave se faire abusé. Voyant qu'ils étaient occupés, ils s'étaient dit qu'il avaient tout leur temps pour revenir faire un rapport. William avait donc franchi le portail en prenant juste le temps d'enfiler une houppelande qui protégerait ses habits de la rudesse du désert. Il avait ensuite chevauché avec le petit contingent qui l'attendait et était très vite arrivé au camp. L'accueil y était mitigé.
-Ouaip, acquiesça l'homme à la massue en secouant vigoureusement la tête. C'est nous qui l'ont trouvé. C'est nous qui la garde.
Au lieu de s'énerver William sortit une chevalière de sa poche, la mit à son doigt et le montra aux belligérants. C'était le sceau de la famille Dolan ; un faon prit au piège dans des ronces. Le noble se doutait bien que ces deux traine-misère n'avait jamais entendu parler des Dolan et encore moins de leur blason mais ils savaient au moins reconnaître le symbole de la noblesse de Nexus.
-Cette esclave porte mon sceau et donc elle m'appartient, expliqua-t-il. Je vous remercie messieurs de l'avoir retrouvé et je ne vous tiens par rigueur d'avoir joui de ses talents en mon absence. Je compte même vous récompenser pour m'avoir éviter la peine de la traquer.
Dolan avait utilisé le ton le plus poli de son répertoire et si la courtoisie n'avait que peu d'effet sur les brigands, le capitaine avait eu la bonne idée de sortir lentement sa lame du fourreau pour les inciter à prendre la bonne décision. Il n'en fallut pas plus aux deux hommes pour choisir entre la mort et un lot de consolation, quel qu'il soit.
-Si on avait su, tempéra le vérolé avec un rire nerveux. Nous sommes ravi d'avoir pu vous aider messire. Longue vie à sa majesté Ivory!
Les deux hommes s'écartèrent du chemin d'un cavalier qui parti au trot vers la petit terranide. L'homme d'arme la hissa sur sa selle et retourna vers William qui ne lâchait pas les malandrins des yeux. Puis, d'un geste du bras, il ordonna à la colonne de faire demi-tour vers le portail. Cette chasse infernale était bientôt terminée et il pourrait bientôt s'abandonner dans les bras de sa compagne. Il sourit en pensant à leur futur enfant, et se tourna une dernière fois vers les deux imbéciles qui lui avaient permis d'écourter son absence.
-J'oubliais votre récompense, fit-il d'un ton aussi froid que la mort.
Les deux cavaliers qui flanquait Dolan firent face aux hommes et soulevèrent leur cape qui dissimulait une petite arbalète fixée à leur poignet. Le son vif d'une corde qui se détend et le bruit mat des corps qui s'écroulent dans le sable. Voilà qui sonnait la fin de deux vermines arrogantes.
* * *
Le chef de la sécurité du complexe souterrain se tordait nerveusement les mains en attendant le retour de Dolan. Il aurait bien voulu l'accompagner mais aucun terrien n'a le droit de franchir le portail. Seul quelques fidèles de son patron originaires de terra peuvent le franchir. Et encore, il ne vont jamais plus loin que la première salle. Tandis qu'il réfléchissait aux mots qu'il allait utiliser pour défendre sa cause, la lumière s'éteignit d'un seul coup. Un brouhaha s'éleva dans l'obscurité alors que les hommes cherchaient de quoi s'éclairer. Normalement, la coupure de courant ne devait pas durer plus de quelques secondes, le temps que le groupe électrogène de secours s'allume. Cependant, il ne se passait rien. Des faisceaux de lumière crevaient parfois l'obscurité, signe que certains débrouillards avaient réussi à se procurer des lampes torches. C'était sans doute une avarie mineur mais il fallait régler ça avant que Dolan ne revienne, sinon ça ne jouerait pas en sa faveur.
Pendant ce temps, à une cinquantaine de mètres de la salle du portail, deux vigies étaient assises dans le noir et juraient comme des charretiers.
-Putin!! Le match bordel!
Ni une, ni deux, le plus féru de sport sortit de la cabine à tâtons et chercha la sortie de la cabine de surveillance. Les deux hommes ne s'imaginait pas un seul instant à une intrusion car le complexe de Dolan n'avait jamais essuyé une seule attaque. De plus, ils n'avaient même pas vu que quelqu'un détruisait les caméras une par une puisqu'ils étaient absorbés par leur match de baseball. L'homme longea donc le couloir qui menait au parking et débloqua manuellement la lourde porte en fer qui en interdisait l'accès. Il parvint à sortir du complexe et se mit à la recherche de sa voiture pour prendre la radio portable et continuer à suivre son sport favoris en attendant que le jus revienne et – facultativement – s'emparer d'une torche pour y voir un minimum.
Ceci étant posé, encore faut-il savoir ce que notre belle héroïne allait traverser comme épreuve pour rejoindre son cher et tendre qui était presque arrivé au portail. L'entrée du complexe est constituée d'une lourde porte en fer préalablement ouvert par un imbécile et d'un avant-porte où un autre imbécile attend patiemment le retour de son compagnon. Une fois cette « sécurité » franchie, on arrive sur les quartiers d'habitation des hommes de Dolan. En effet, pour limiter les déplacement et ne pas éveiller les soupçons, les gardes ont leur chambre à l'intérieur du complexe. Salle de détente, espace cuisine, sanitaire, armurerie... La plupart de ses pièces sont à traverser pour accéder à la salle principale. Les hommes sont à peu près une trentaine pour défendre et faire tourner un tel complexe, mais même si la vie troglodyte n'a rien d'agréable, ils ont quand même un droit d'accès à la marchandise qui rend leur métier très supportable.
Bref, une fois les divers installations franchies, on débouche sur la salle du portail. Elle ressemble à un entrepôt tant en hauteur qu'en longueur, mais ici, nul caisses ou marchandises. La moitié de l'espace est occupée par des cellules au confort croissant. Tout d'abord, des cellules individuelles cloisonnés qui offrent une certaines intimités au chanceux qui y résident, puis des grandes cages où on stocke la marchandise standard destinée à être vendue rapidement. Ici, la plupart des cages étaient rempli puisque William s'était ravitaillé quelques jours avant. Et enfin, au fond de la salle, une arche de pierre à demi caché par un rideau parfois secoué par les bourrasques du désert des landes dévastées.
Que voilà une grande odyssée! Souhaitons bonne fortune à madame Dolan qui s'apprête à la vivre.