[...]
L'homme s'essuyait les mains dans une serviette blanche qui s'auréola rapidement de tâches rosées semblables à des tâches de grenadine diluées dans l'eau. L'état de sa chemise ensanglantée cassait radicalement cette image gentillette dans l'épaisseur du sang sêché ça et là, mais de toutes façon tout récent. Le type était une montagne, un bûcheron taillé comme les chênes centenaires qu'il aurait abattre -à le voir- d'un simple coup de hache. Sa barbe était fournie mais parsemée de blanc alors que ses cheveux étaient inexistants. Face à lui, Cobalt ôtait le haut de ses vêtements, poisseux de sang.
- La nuit va être longue, surtout pour elle. Elle se remettra je pense, mais elle ne devra pas trop forcer. Et elle gardera une cicatrice.
- C'est bien peu. Je suppose qu'il faut que je te remercie, Bunyan ?- Non. Je te devais ça, Blondinet. Mais que compte tu faire, maintenant ?
Cobalt le fixa un instant d'un regard dur, avant de détourner le regard de la baie vitrée qui ouvrait joliment le salon sur un jardin qu'on devinait fleurir à la lumière de la lune. Sans regarder Bunyan, il répondit d'une voix lasse.
- J'ai un peu de temps devant moi, j'aviserais.- Mouais. Ils ne croiront jamais qu'elle a eu raison de toi et tu le sais, pas vrai ?
- Merci, Bunyan.La discussion n'irait pas plus loin et le bûcheron-médecin le savait. Il soupira profondément alors qu'il changeait de chemise et enfilait son manteau. L'homme salua Cobalt, lui disant que la maison serait disponible toute la semaine et qu'en cas de changement il le contacterait. Bunyan disparu donc, laissant Cobalt se diriger à l'étage à la chambre où gisait dans le grand lit le corps de Marine. Elle avait les yeux apparement clos et respirait plus facilement que lorsqu'il l'avait amenée ici. Sa poitrine et son ventre étaient bandés, le tissu tâché de rouge à l'endroit de la blessure.
Cobalt l'observa un instant, placé dans la pénombre de la pièce, avant de s'installer dans un fauteuil qu'il placa tout à côté du lit. Là, contemplant les jeux d'ombres produits par la lune dans les branchages de l'arbre le plus proche, il songea aux derniers évènements de l'usine.
***
La gerbe de sang, le métal brisé, le cri de la bête blessée. Trois éléments réunis pour signer une défaite, celle de la rousse. Le combat avait été rapide et intense et se termina aussi brutalement qu'il avait commencé, la pointe de l'arme de Cobalt déchirant le flanc droit de sa flamboyante adversaire. Elle tomba au sol sous les yeux du Blond, qui la regarda avec la froideur habituelle du vainqueur pour le vaincu.
La belle pleura alors que ses lèvres se fendèrent dans un petit sourire qui désarçonna Cobalt. Il ne le comprenait pas, tout simplement. Elle se mit à l tutoyer, lui disant qu'elle avait fui tout le monde sauf lui. Drôle de paradoxe, qui pourtant devenait clair dans l'esprit du blond qui s'accroupit devant la perdante pour lui dégager quelques mêches de cheveux de la figure alors que se déployait autour de son corps une fleur sinistre aux pétales de sang.
Aprés quelques derniers mots, elle s'évanouit. La Mort ne tarderait pas à l'emporter avec elle, Cobalt avait donc accompli sa mission. Pourtant... Pourtant il en gardait un goût amer dans la bouche. Un bip répéte se fit alors entendre, son portable qui se mettait à sonner
Il savait qui c'était : l'Organisation.
Cobalt décrocha rapidement.
-
C'est moi. Non, j'ai envoyé les Apprentis sur sa trace mais ils ne sont pas revenus.... Oui, je me mets à sa poursuite. Bien, maître.Le téléphone termina la conversation lancé contre le mur le plus proche. Cobalt ne savait plus vraiment où il en était, mais ne voulait pas voir mourir Marine. Il voulait qu'elle lui explique le sens de ses paroles, de ses actes. Alors sa décision fût rapidement prise. Apposant ses mains sur la plaie, Cobalt y déversa un peu de sa force vitale chaude et douce avant de prendre précautionneusement Marine dans ses bras comme un marié l'aurait fait pour sa promise et s'envola rapidement à travers la ville pour rejoindre la villa de Bunyan, un ami à lui.
En espérant que Marine survive.
***
Elle avait survécu, du moins pour le moment. Bunyan l'avait soigné avant de partir et avait laissé à Cobalt la charge de veiller sur elle.
Il était maintenant traître lui aussi, ne disposant que de quelques jours avant que cela ne se sache. Quel avenir y avait il dans le reste du monde ?
- Quel avenir, Marine ?Il avait parlé pour lui-même mais les mots avaient été clairs dans le silence de mort de la chambre. En espérant que l'allusion ne devienne pas réalité.