-Usine désaffectée, nord de Seikusu-
Sur les trois silhouettes présentes entre les machines depuis longtemps muettes et délestées de leurs pièces les plus importantes, deux n'arrêtaient pas de bouger. Des coups de pieds par ici, des coups de poings rageurs dans les toiles d'araignées par là... Les hommes de bonne stature à la curieuse tenue de cuir semblant venir d'un autre temps tentaient de faire passer l'attente comme ils le pouvaient. Seul le troisième, assis sur le moteur d'un vieil engin abandonné là restait impassible. Son regard bleu et glacial était pour l'heure clos comme si l'homme était en méditation.
Soudain, un des deux autres l'apostrophia et fût rapidement suivi par son compagnon.
- Pourquoi qu'on l'attends comme ça ? Pourquoi que vous l'avez prévenue, c'tte chienne ?
- Ouais, c'est vrai ! On aurait dû se pointer chez elle et lui plomber la gueule, fin de l'histoire ! Pourquoi que vous l'avez contactée ?
Le blond ouvrit les yeux, déposant sur ceux d'un peu plus bas son regard sans chaleur. Les lascars avalèrent leur salive mais ne cillèrent pas, comme leur avait appris l'entraînement spartiate qu'ils avaient reçu. Mais ils parlaient bien trop. Pourtant, Cobalt se décida à leur répondre aprés un instant de lourd silence pesant.
- Equilibre des forces. A deux contre une, qu'elle profite de l'effet de surprise. Si vous n'êtes pas capable d'anticiper ses mouvements cela vous classera dans la catégorie "rebuts" et vous serez bons à jeter.
Effet de surprise, oui. L'usine possédait mille entrées et tout autant de cachettes et de possibilités d'action. Cobalt trouvait déjà excessif qu'on envoie deux Apprentis pour en abattre une seule, aussi avait il choisi de réduire l'écart entre la proie et les prédateurs. Une simple lettre glissée dans le casier de l'école avait informé Marine de la présence de ses chasseurs en ville, de celle de Cobalt parmis eux. De plus, c'était un pli simple mais bourré de sous-entendus. En effet, l'avoir laissé sur son lieu de travail voulait dire qu'ils en savaient long sur elle et qu'elle n'était pas à l'abri, tout comme ses proches. Avoir signalé la présence du Lion à ses trousses signalait la perte de toutes ses échappatoires possibles. Bref, la rousse n'avait d'autres choix que de venir. Auquel cas les représailles feraient couler plus de sang que nécéssaire, méthode que connaissait la guerrière pour l'avoir pratiquée.
- Elle n'viendra pas parce qu'elle sait que vous êtes là ! Elle craint le Lion, comme tout le monde !
- Elle viendra parce que je suis là. L'Infidèle ne prendra pas le risque que je me lance à sa poursuite à travers la ville.
Les sbires se regardèrent puis ensembles se saisirent de leurs armes avant de se disperser. Pour le plus jeune des deux, un gosse de quinze ans au crâne rasé, c'était un katana. Pour le second, plus grand et massif, un bâton de combat en fer. Ils ne feraient pas de cadeaux à leurs cibles, non. Pour eux, c'était un honneur d'être dirigés par un membre de la Légion Phénix et ils étaient persuadés que leur victoire leur ouvrirait les portes de cette unité d'élite. Quant à Cobalt, il ne s'interrogeait pas sur la venue de Marine mais plutôt sur son niveau actuel. Serait elle à même de se débarasser des Apprentis chargés de la tuer ?
Postés là, dans l'immense hangar qui faisait lieu de chaîne de montage avec ses machines complexes à perte de vue et son toit haut aux poutrelles d'acier apparentes, trois combattants joueraient ce soir leurs vies. Car tout le savaient : la mort serait la seule échappatoire.
- Elle viendra... Où plutôt, elle est déjà là.
Aussitôt les deux jeunes gens se postèrent chacun à un endroit et se mirent en position de combat sous l'oeil de Cobalt qui se contenta de croiser les bras et de fermer les yeux. Les règles du Camp étaient aussi claires que les ordres : c'était le combat et la mission des Apprentis, lui n'aurait qu'un rôle d'observateur et ne bougerait pas un doigt pour eux.