Dès qu'elle s'eut présentée, le moment qui s'en suit parut presque intemporel. Pendant ces quatre minutes de pseudo-transe leur regard fusionnèrent. Comme une sorte de combat de regard mais sans gagnant ni perdant. L'atmosphère semblait tout à fait convenir à cet étrange moment. La musique n'était pas un problème, apparemment. Même si Frig était du genre calme et sereine, cela ne l'empêchait pas d'avoir des réactions plutôt surprenantes à certaines choses. La musique est un bon exemple. Si une chanson agresse les oreilles de la norvégienne, on peut vite voir l'intervention de Freyja. Elle s'énerverait, détruisant ce qui lui passe sous la main. Quand on ne connait que Frig, cela peut paraitre presque irréaliste. Et pourtant, si vous saviez...
Cette chanson, elle l'avait déjà entendu quelque part. Comme à beaucoup de gens, elle lui disait quelque chose, mais impossible de savoir d'où elle l'avait connue. La scandinave prêta une oreille distraite à la chanson, perturbée par le regard de son interlocuteur, qu'elle ne dévia aucune seconde. Les yeux de la jeune femme restaient toujours un mystère pour ses diverses rencontres. Sur ce visage illuminé, ils n'était pourtant pas très expressifs. Leur composition était très simple. Du noir, que du noir. Aucune lumière n'était réfléchie, ils paraissaient si... lointains.
Adelheid n'était pas du genre à savoir lire dans les yeux de quelqu'un. Les seules fois qu'elle prétendait savoir le faire, ce n'était que du bluff pur et simple. Exia n'était pas une exception à la règle. La jeune femme n'arrivait pas à deviner ses pensées ni ses sentiments, elle était beaucoup trop aveugle pour ça. Cette cécité s'appelait la naïveté, ou comment croire ce que l'on voit sans trop réfléchir. Un dernière note. Tout était fini.
Comme si rien ne s'était passé, Exia leva son verre, tout en se présentant à son tour.
- Enchantée, Exia. Ce plaisir est partagé.
Lui répondit-elle tout à fait naturellement.
- Toutefois, vous devez faire méprise. Je ne suis point malheureuse ! Juste quelque peu... lassée... Je cherche juste à briser la monotonie de mon quotidien...
Ajouta-t-elle avec un faible sourire. Comment le quotidien d'une fille pareille pouvait être monotone ? C'était un secret dont Adelheid ne faisait part à personne. Et pour cause... Elle-même ne savait pas pourquoi...
- Et vous, seriez-vous ce lapin que je chercherais à suivre aveuglément, ou bien cette chenille opiomane qui tentera de me faire retrouver la raison ? Sachez que je suis tous les personnages de cette histoire à la fois. Je suis naïve (oui, elle l'avoue...), je suis déséquilibrée, et je suis... folle. Comme un lièvre de mars...
Frig porta à nouveau son verre à ses lèvres. Son regard était énigmatique, espiègle.
- Quelle rôle choisirez-vous d'incarner dans cette histoire dépourvue de logique à travers laquelle nous ne sommes que de simples pions ?