Chryséis regardait un portrait de sa mère. Elle la trouvait si belle, rayonnante, heureuse, mais bien ronde parce qu'elle la portait, au moment où le portrait fut dessiné, dans son ventre. Chaque seconde qu'elle la regardait, c'était toujours la même question qui lui trottait dans la tête; est-ce qu'elle devait l'aimer pour lui avoir donné la vie ou alors devait-elle la haïr pour l'avoir abandonnée dans ce monde cruel sans le moindre support à lequel s'accrocher? Sans famille pour la supporter ou sans ami pour la protéger. Elle soupira au bout d'un moment, serra le portrait contre sa poitrine, comme si elle serrait la personne qui s'y trouvait, puis le déposa sur sa table de nuit et quitta son temple. Un seul coup d'oeil vers le ciel et elle prit son vol, tel un oiseau qui faisait un piqué vers les cieux, comme si ceux-ci étaient en réalité le sol. Pivotant un moment sur elle-même pour choisir une destination, elle sourit avant de s'envoler vers le désert.
Le vol, c'était ce qu'elle aimait. Son enveloppe charnelle était poussée par l'adrénaline car il n'était guère conçu pour voler, et donc le plaisir n'en était que plus grand. Chaque virage lui titillait l'estomac, chaque tonneau ou saut périlleux augmentait son excitation et chaque fois où elle reposait le pied sur le sol, ce n'était que du plaisir qu'elle ressentait. Mais ce qu'elle aimait également, c'était observer le monde dans son ensemble, de repérer chaque dérangement qui se produisait chez les mortels et de pouvoir y assister sans être dérangée par quelque force magique que ce soit. Ses souhaits de contemplation furent exaucés, car son regard se porta sur un petit pan du territoire appelé "les landes dévastées". Sa vision de faucon lui permit d'assister à une formidable démonstration d'arts martiaux extrêmement développés.
Fascinées, elle assista à un enchainement impressionnant d'esquive, de feintes non-agressives et d'une exploitation parfaite de l'endurance naturelle. Elle voyait là un petit bout de femme combattre avec une souplesse et une agilité remarquable cinq gros nigauds de colosse d'Orcs des plaines sombres. Ah, elle ne les connaissait pas vraiment, mais leurs capacités de combattants l'avaient impressionnés, surtout pour la brutalité et la puissance de leurs techniques de combat.
S'ils n'étaient pas les agresseurs, elle aurait presque été tentée de les aider, en souvenir du temps où elle se bagarrait amicalement avec les membres de cette race, mais elle opta plutôt pour absorber leur énergie vitale lentement, pour les fatiguer un peu. Les Orcs, comme les bêtes, étaient d'une endurance hors du commun, et il fallut cinq bonnes heures aux efforts conjugués de la déesse et de la jeune demoiselle pour les épuiser suffisamment pour qu'ils tombent au sol. "Ce que j'aime chez ces créatures, c'est leur capacité à se battre comme s'ils ne ressentaient jamais la fatigue, jusqu'au moment où leur corps les lâche..." S'amusa-t-elle.
Elle posa alors pied à terre, tout doucement et avec une grâce elfique, sa réfléchissante Claymore brillant de mille feux à cause du soleil qui la frappait de plein fouet. Un sourire joyeux illumina le visage de la jeune déesse et elle se permit d'approcher de la démarche souple que les servantes d'Hermès lui avaient enseignées