D'un semeur de mort à un autre... [Caim]

" Libre... Mais que vais-je faire de cette liberté? Quel est ce monde dont j'ignore tout? Quelle est cette vie qu'on vient de m'offrir? "

Le château en ruines de son ancien maître avait maintenant totalement disparu à l'horizon. Durant tout le temps où il avait marché, le terranide n'avait pas quitté ce point sombre du regard. Effrayé à l'idée de prendre sa vie en main, mais trop docile pour désobéir à cet ultime ordre qui fut celui de vivre. Mais maintenant que ce qui avait été pour lui une demeure avait disparu de son champ de vision, il était en proie au doute. Où aller? Que faire? Et pour quelle raison?
La réponse, le terranide la connaissait inconsciemment. Trouver un nouveau maître. Après tout, quand on donne la liberté à un esclave, son premier souhait est qu'on lui dise quoi faire... Trouver un nouveau maître, et venger la mort de l'ancien. Et pour ça... Il devrait apprendre à cohabiter avec le seul indice qu'il avait...

Rien ne laissait présager le moindre signe de civilisation à des kilomètres à la ronde. Des montagnes se dessinaient dans le lointain, et tandis que le renard prenait un peu de repos après sa longue marche, à l'ombre d'un arbre aux larges feuilles, il scrutait l'horizon à la recherche du moindre signe de vie. En vain. Hormis l'arbre sous lequel il était allongé, rien. Pas un souffle. Pas un murmure. La nuit commençait à tomber. Aussi Makku décida-t-il de prolonger sa sieste en une longue nuit de repos, pour assimiler tous les évènements récents. Il n'avait aucune idée des dangers que pouvaient abriter Terra, mais il ne dormait de toute façon que d'un œil. Son passé lui avait laissé cette séquelle d'être toujours sur le qui vive.
Cependant, le poids de cette journée était plus lourd que celui des autres, aussi sombra-t-il dans les bras de Morphée sans trop de mal, et bien plus profondément qu'il se le permettait habituellement.

Ses rêves étaient troublés, habités par le spectre de son défunt maître, hantés par le doute et le questionnement, déchirés par ce démon qui était désormais l'hôte de son corps. Dans un tourbillon de noirceur et de rouge sang, il se réveilla enfin, en age, les yeux exorbités, poussant un glapissement de terreur, avant de se rendre compte qu'il était seul, et que la lune se dressait maintenant haute dans le ciel. Éclairé par sa rassurante clartée, le terranide n'avait que peu de mal à voir autour de lui, pour ce qu'il y avait, de toute façon, à voir, ce n'était pas une grande perte.

Par contre, son sixième sens qu'il avait acquis au cours de ses nombreuses missions d'assassinat se déclencha. Il sentait quelque chose approcher. Quelque chose qui empestait la soif de sang et l'envie de tuer. Une autre machine à tuer, attirée par les perspectives de carnage.
A cette sensation, il retroussa les babines, plissa les yeux, et se plia en position semi accroupie, prêt à répondre aux coups de quoi que soit ce qui arrivait, ayant l'intime conviction que ça ne pouvait qu'être dans le but de se faire couler le sang.

Les terres sauvages. Un havre de vie pour des milliers de créatures. Une cachette idéale  pour les fugitifs, qui pouvait bien vite se changer en piège à loup. Se perdre ici était encore plus simple qu'ailleurs, chaque brin d'herbe ressemblant au précédent. La nuit, d'étranges bruits parcouraient la lande. Quelque chose bouge au niveau du sol. Cela pourrait être simplement le vent. Ou quelque chose de plus hostile. Impossible de faire la différence, pour qui n'est pas habitué à vivre dans ce lieu. Il ne savait même pas pourquoi il y était. Il s'en contrefichait assez également. Ce soir là plus que tout autre, l'être n'était pas dans un état normal. Se retrouver dans cet endroit  avait provoqué chez lui une sorte de retour aux sources. Une semaine qu'il était prisonnier de cette lande, sans croiser âme qui vive. Il avait bien perçut quelques bruits de civilisation, mais n'avait pas réussi à les atteindre. Chanceux qu'ils étaient. Car des créatures qui hantaient ces terres cette nuit là, Caim devait être la plus dangereuse de toute.

Le bruit désagréable de mastication s'ajoutait aux divers bruits ambiants. Le corps recouvert de sang, chaque tâche étant plus ou moins récente, Caim répondait à un besoin premier: il se nourrissait. La chair crue et sanglante était arrachée sans aucun soin au corps d'une énorme créature terrassée au sol. Les hautes herbes alentours étaient toutes teintés du même rouge sombre, prodiguant ainsi un certain camouflage à l'homme accroupi. De nuit qui plus est, la visibilité était bien loin d'être parfaite, et le cadavre de la créature n'était de toute façon plus reconnaissable. Passant le revers de sa main sur ses lèvres pour les essuyer, réflexe d'une humanité qu'il avait égaré depuis bien longtemps, Caim releva légèrement la tête. Un doux parfum venait d'envahir son espace. Un parfum qu'il connaissait. Ses sens se ravivèrent tandis que son œil altéré se mit à luire d'une lueur rougeâtre, un bref instant. Quelquechose était proche. Ou plutôt, quelqu'un.

Une fichue semaine qu'il ne l'avait plus sentie. Cette odeur nette, distincte. L'odeur du sang. Pas celui versé, non. Le sang qui circulait, offrant aux muscles de quoi se mouvoir. L'énergie, le carburant de la vie. La même énergie qui coulait à flot, alimentant la démence et la puissance de Caim et de son partenaire de pacte, Skeith. Suivant la piste formée par l'odeur, l'homme se mit à courir au travers des herbes, à la manière d'un quadrupède afin d'accroître sa vitesse. Il se rapprochait, il le sentait. Il était tout proche.. un tournant, deux tournants, une pierre volant sous la force de l'impact avec son pieds, et il y était. Là, juste en face de lui, au pieds d'un arbre, il pouvait apercevoir ce qui avait réveillé tout ses sens. Un terranide Renard au pelage sombre. Se relevant soudainement pour adopter une posture plus humaine, l'homme sortit alors de sa cachette, la lumière lunaire dessinant les contours de sa silhouette. Un horrible sourire se mit à déformer son visage, tandis que Caim lécha une goutte de sang encore présente sur son pouce, fixant l'individu en face de lui.

-" Qu'est ce que tu fais dehors tout seul à cette heure ci? ta mère t'as jamais dit que c'était dangereux de s'aventurer tout seul la nuit?"

Skeith quand à lui, restait silencieux. Il percevait une puissance à l'intérieur de ce terranide. Son sang révélait certes de grandes qualités de tueur, mais il y avait autre chose. Une chose qui lui semblait familière, mais qu'il ne pouvait pas encore identifier.

Ça s'approchait. C'était rapide. Et puissant aussi, à en juger par l'explosion d'un rocher quelques mètres plus loin. Le terranide fit quelques pas rapides pour se rendre moins visible, dans l'ombre du grand arbre, mouvement certes inutile, mais aux effets rassurants. Plus la chose se rapprochait, et plus l'odeur de sang était forte. Il en était couvert, et il avait tué assez de monde pour être imprégné de son odeur au plus profond de son être. Le renard afficha une expression de dégoût, et quand la silhouette de Caim se dessina hors des herbes, il plaça une jambe en arrière, ses griffes en avant, et se baissa encore, en position de combat.

L'apparence de l'humain aurait probablement effrayé plus d'un passant, avec ses tâches rouges et son sourire dément, mais Makku avait été éduqué pour ne pas ressentir la peur. Aussi, cette angoisse qui le prenait au ventre, il n'avait aucun nom à coller dessus, accroissant son sentiment d'inquiétude. Le côté gauche de sa lèvre supérieur était agité de spasmes vibrant au rythmes de ses grognements, tandis qu'il observait en silence l'homme approcher, celui-ci tout aussi coi que lui.
À la remarque de l'humain, il grogna de plus belle, ses pupilles s'écarquillant au passage. Il avait touché un point sensible. Cependant, le terranide ne connaissait pas la colère. C'est donc avec une rage redoublée par l'ignorance de ce qu'il ressentait qu'il répondit:

" Je n'ai jamais connu ma mère. Quand à mon maître, il avait l'habitude de m'envoyer faire des commissions tard le soir. "

En prononçant ces mots, le terranide projeta sur le côté deux masses métalliques, reliées au bas de son dos par des sortes de filins presqu'invisibles, sur lesquels il tira, ramenant les métaux au niveau de ses mains, qu'il utilisa pour agripper les objets par une poignée située à leur base, avant de se mettre en position défensive.
Les objets se révélèrent être deux katars, l'un blanc aux bords noirs, et l'autre noir aux bords blancs. Tous deux semblaient extrêmement aiguisés, et la finesse en terme de largeur de leur lame laissait présumer qu'elles n'avaient aucun mal à s'enfoncer dans la chair.

" J'ignore qui tu es. J'ignore ce que tu es venu faire ici. Mais tu empeste la mort. Si tu cherches une victime de plus, passes ton chemin. "

Le regard du terranide était déterminé. Sa position assurée. Mais malgré tout, il y avait quelque chose qui ne collait pas. Un peu comme un point noir sur le visage, en moins évident à déceler. Il y avait comme une ombre rouge, un reflet fantomatique, qui flottait dans les yeux du renard... Et quelques éclairs rouges imperceptibles courraient le long de son corps, formant par instant comme un autre pelage, identique au sien, mais plus grand, et plus rouge...
Makku était conscient de ce fait. Mais il ne connaissait pas encore le danger qu'il y avait à pactiser avec le démon. Jusqu'à présent, celui-ci n'avait été qu'une gêne par ses remarques et les douleurs qu'ils lui causait parfois. Mais c'était un mal nécessaire si il voulait retrouver ceux qui avait mit fin à l'existence de son maître.

Kekekekekeke.... Ce type... Il est comme toi gamin. Si ce n'est plus...

Un chien. Un vulgaire chien qui se prenait pour un humain. C'était ce que Caim avait en face de lui. Il n'avait jamais vraiment prêté attention aux terranides. Malgré le fait qu'il en ait tué beaucoup, il n'avait  pas vraiment fait de différence entre eux et de simple humains. Tant que cela pouvait mourir, le reste importait peu. Mais maintenant qu'il en avait un un tant soit peu intéressant en face de lui, il ne pouvait pas s'empêcher de tirer cette conclusion. Même mimiques, mêmes attitudes qu'un chien apeuré, sur ses gardes. Prêt à attaquer au moindre faux pas. Et cette histoire de maître, ha, oui. Un simple toutou dans un corps au semblant humain. Mais qu'importe. Après tout, les canidés étaient connus pour avoir un très bon instinct de chasse et de survie. Celui ci n'était sûrement pas différent. Il donnerait un bon combat, et son sang alimenterait encore plus la puissance de Skeith.

Lorsque le canidé se mit à sortir ce qui ressemblait à des armes de derrière son dos, le doute n'était plus permis. Comme Skeith l'avait senti, cette chose savait se battre, et savait tuer. La dextérité avec laquelle il manipulait ces deux katars démontrait une parfaite maitrise de ceux-ci. Un tueur. Mais pas le même genre de tueur que Caim, non. Un tueur fourbe, un assassin. L'image de la femme eux yeux rouges , Liirzyn, traversa l'esprit brouillé de Caim, un bref instant. Mais lui était différent encore. Il était probablement professionnel, mais savait se battre même lors de rixes frontales. Un bon guerrier, polyvalent. Telles étaient les résultats de l'analyse de Skeith. Mais il y avait toujours cette sensation étrange de déjà-vu. Malgré cette compétence à deviner facilement les gens, le partenaire de Caim restait dubitatif, et méfiant. Il voyait parfaitement ce qui pouvait passer pour imperceptible aux yeux humains. Cette chose renfermait un pouvoir plus grand.. et c'était de ce pouvoir là tout particulièrement qu'il allait falloir se méfier.

    « Caim.. restes sur tes gardes. Il cache une chose qu'il va falloir le forcer à révéler. »

L'humain se mit alors en action, dégainant sa massive lame de son fourreau placé horizontalement sur son bassin à l'aide de sa main gauche, et la pointant sur son adversaire. Malgré l'évidente lourdeur de la lame, il la portait à bout de bras sans aucune difficulté, grâce à la force procurée par son pacte contre nature. Il resta ainsi sans bouger pendant une dizaine de secondes, puis tourna simplement la lame de façon à ce que la tranche soit perpendiculaire au sol.

-" Tu sens bon.. et pourtant, tu pues le chien en même temps. J'ai jamais pu blairer les chiens... mais une fois que je t'aurais ouvert en deux, l'odeur nauséabonde devrait s'effacer d'elle même pour laisser place à ce doux fumet.. oui!"

Il fixait maintenant le renard de façon obsessionnelle. Comme un prédateur affamé devant sa proie. Il rabaissa lentement sa lame, adoptant une position plus adéquate, une jambe devant l'autre, l'épée sur le côté, prête à frapper ou à parer n'importe quel coup éventuel.

    « Retiens toi, attends un peu.. il va falloir agir différemment, cette fois ci. »

Aucun des deux ne semblait décidé à attaquer. C'était un problème, car Makku ne portait jamais le premier coup dans une confrontation en face à face, et il n'était pas à l'aise dans ce genre d'affrontements. Il restait, en position de combat, fixant son adversaire droit dans les yeux, effectuant de temps à autre un mouvement d'oeil vers ses jambes pour voir un éventuel mouvement dans sa direction, mais les minutes passaient et rien ne se produisait. Pour autant, le renard n'abaissait pas sa garde. La situation était assez inconfortable, car le terranide avait l'habitude que tous ses adversaires lui fonça dessus pour tenter de le maîtriser ou de l'abattre. Mais celui-ci semblait retenu par une force inconnue. Ses yeux montraient tout de sa volonté de tuer et de massacrer, mais ses membres étaient retenus par une entité plus prudente et méticuleuse.

Il ne fit pas le parallèle avec sa propose situation, car elle était trop récente pour qu'il l'eut comprise. Impassible, il se contentait de fixer son opposant. C'était une guerre des nerfs, et le premier à s'emballer laisserait l'avantage à l'autre, la distance les séparant étant bien assez grande pour préparer une contre-attaque à l'assaut de celui qui attaquerait le premier. Le renard se contenta d'effectuer des cercles autour de l'humain, guettant le moindre mouvement, armes crocs et griffes parées à frapper à la moindre hostilité.

Les seuls mouvements dans cette nuit froide étaient la marque du souffle du vent sur les feuilles et les brins d'herbe, ainsi que quelques lucioles, qui avaient quitté leur nid dans le grand arbre, et flottaient à présent dans l'air environnant, éclairant d'une lumière bleue la zone autour d'elles. Quelques unes volaient autour du renard, d'autres autour de l'humain, mais la plupart se contentaient de flotter au gré du vent, sans destination. L'une d'entre elles vint presque se coller à la joue droite de Makku, mais celui-ci n'y fit guère attention. Il était à présent entré en mode combat. Concentré sur une seule chose, son adversaire et rien d'autre. Ces bestioles volantes étaient le reflet du combat: pour le moment, elles étaient calmes et tranquilles. Dès le premier coup, elles voleront chaotiquement dans toutes les directions, apeurées par les lames s'entrechoquant dans la danse de mort entamée par leurs porteurs.

Ses dents grinçaient, son pieds frottait le sol, le creusant presque, tandis que ses mains étaient crispées sur le manche de la lame. Caim peinait à se retenir, surtout qu'il n'en comprenait pas même l'intérêt. Il se contentait de suivre les directives de son partenaire, pour l'instant du moins. Ce dernier avait toujours eu raison jusqu'ici. Mais l'expérience Sandji avait prouvée que même lui pouvait se trouvait dépassé par les évènements. Caim était trop instable, trop ingérable. Un esprit semblable à de la nitroglycérine. Le moindre faux pas pouvait tout faire exploser. Il était une marionnette efficace, certes, mais à double tranchant. Car au fond de lui, l'esprit de Caim luttait corps et âme pour son indépendance, sa liberté. Il avait perdu la raison avec ce pacte, mais une partie de son esprit restait inaccessible même à Skeith. C'était cette partie qui constituait le dernier rempart d'humanité de l'être, n'attendant que le moment opportun pour reprendre le dessus. Un combat perpétuel, en somme.

Un mouvement simple, circulaire. L'ennemi n'attaquait pas. Tant de temps perdu à ne rien faire, tant de temps perdu à ne pas combattre. L'homme bouillonnait, tremblant presque sur place, suivant le mouvement du terranide d'un œil scrutant et pénétrant. Ce même œil au travers duquel le démon tentait d'élaborer une stratégie, analysant les moindres détails du loup. Et puis, il y avait ces lumières flottantes un peu partout. De simples lucioles, des insectes. Un élément perturbateur que Skeith n'avait cette fois pas prévu. Comme une goutte d'eau pouvait faire déborder un vase, un simple et inoffensif insecte lumineux avait le pouvoir de tout faire basculer. Mais pourtant, il ne le fit pas. L'insecte eut bien l'audace de se poser sur l'homme, mais le mal était déjà fait. Le sourire grandissant et déformant son visage, Caim s'était mit à courir. Le signal avait été lancé. Dans sa tête, ne résonnait plus que la dernière phrase de son partenaire:

    « Vas.. une seule goutte de son sang suffira à nous révéler tout ce dont nous avons besoin.»

La bête avait été lâchée. Skeith savait pertinemment que le précieux liquide qui coulerait serait en quantité bien plus abondante qu'une goutte, mais c'était la seule solution, le seul moyen d'en savoir plus. Tandis qu'un cri inhumain se faisait entendre, sorte de rire couplé à un hurlement, tous les animaux alentours commencèrent à fuir. Les lucioles furent dispersées, tandis que la pauvre folle qui s'était posée sur Caim avait fini en bouillie au premier mouvement de celui-ci. Il ne fallut pas longtemps avant que le premier bruit de contact métallique se fasse entendre, tandis que l'homme venait d'effectuer un ample et large coup horizontal de la gauche vers la droite, poussant contre les katars du canidé.

La danse avait commencé. Le renard encaissa volontairement le premier coup, pour jauger la force de son adversaire. Bien mal lui en fit. S'il n'avait pas eut le réflexe de se baisser, le coup l'aurait probablement décapité, passant au travers de sa garde aussi facilement qu'un couteau dans du beurre. La lame avait glissé entre les katars du terranide, et avait légèrement désorienté ce dernier, qui se contenta d'effectuer un mouvement défensif, donnant un grand coup de boule dans le ventre de l'humaine, suivit d'un salto arrière qui envoya valdinguer le guerrier d'un double coup de patte à l'estomac. Il fallait à tout prix éviter le corps à corps. Si le moindre coup portait, c'en était fini.

Se repliant en effectuant quelques saltos arrières, il avait mit entre lui et son opposant une distance de sécurité d'une demi douzaine de mètres. A cette distance, l'épéiste tenterait probablement de le charger. Il fallait mettre un obstacle sur sa route.
Plongeant une main dans son pantalon, le terranide en extirpa plusieurs poignées de makibishi, clous à quatres branches assez longs et pointus pour passer à travers la plupart des chaussures. Il les lança droit devant lui, créant ainsi au sol une zone qui ne pouvait être traversée à pied, qui devait être contournée, sous peine de douleur intense et saignements graves. Ceci fait, il reprit en main ses katars, fixant toujours son adversaire du regard.

La scène n'avait duré que quelques secondes, et déjà le combat prenait une pause. Le renard prenait bien garde à créer des instants de flottement entres chaque coups, en empêchant son adversaire de l'attaquer directement, ce qui devait probablement le désorienter, aux vues de son empressement apparent à trancher la chair. Cette technique avait un double avantage: pouvoir planifier au calme le prochain coup. Si son adversaire courrait autour de la zone de pointes, il courrait dans la même direction pour l'empêcher de l'attraper. Et si il tentait de bondir par dessus...

Mais pour le moment, ils se fixaient en silence. Le terranide était à nouveau sous la protection symbolique des branches de l'arbre. Les lucioles commençaient lentement à revenir sur le champ de bataille. Elles formaient une ligne droite sur le bras droit du terranide, partant de son épaule jusqu'à sa main, attirées par le calme du canidé. Tandis qu'elles évitaient Caim, et lançaient même dans sa direction des jurons dans leur langage, et tourbillonnaient nerveusement autour de lui.

Pas un mot. Pas un échange de syllabe. Les mots étaient superflus. Ils lisaient parfaitement sur le visage de l'autre tout ce qu'il y avait besoin de dire. La douleur, la rage de combattre, l'envie de tuer, la détermination... Toutes ces informations si subtiles et si faciles à cacher par la paroles se révélaient au grand jour sur le visage d'un combattant. On ne connait réellement quelqu'un qu'en l'affrontant.

Il était agile, l'animal. Le coup avait touché, mais seulement les katars, prouvant au canidé qu'il avait tout à craindre de la force de frappe du psychopathe. Quelques esquives et coups bas plus tard, quelques mètres séparaient les deux individus, tandis que Caim se relevait sans mal du coup porté à son ventre et son estomac. Le coup au ventre avait été complètement amorti par son armure, tandis que celui à l'estomac n'avait fait que le propulser un peu plus loin, l'adrénaline et son vêtement de cuir aidant à annihiler totalement la douleur. Il se trouvait maintenant face à ce qui ressemblait à un problème: le clébard ne voulait pas venir jouer. Au lieu de ça, il fuyait, protégeant même ses arrières avec des sortes de dispositifs piquants qui, si ils n'arrêteraient pas pour autant la progression de Caim, la ralentirait assurément.

Le silence s'était installé à nouveau, tandis que Caim ne bougeait absolument pas. Dans ce genre de situations, il aurait sûrement pesté et se serait énervé, mais pas ici. Au contraire, son sourire restait figé sur son visage, tandis qu'il observait avec une soif de sang certaine son opposant. Les lucioles étaient mêmes revenues, s'amusant à le narguer en se posant sur le corps du terranide. Cette situation semblait avantager grandement le terranide, lui donnant l'avantage de la prévision ainsi que celui de la position. Pourtant sans le savoir, il venait de donner une bonne ouverture au psychopathe. Rabaissant son arme comme s'il abandonnait simplement le combat, l'homme se retourna, s'éloignant alors de son adversaire à l'aide de quelques pas. Il s'arrêta finalement, inspirant un grand coup, avant de se retourner. Dans ses yeux brulaient des flammes. La flamme du combat, du sang versé.

Il empoigna sa lame à l'aide de ses deux mains, puis se mit à charger, avec force et puissance en direction des clous, en direction du canidé. Il était à présent très proche de ceux ci, et effectua un mouvement d'attaque verticale à l'aide de sa lame, déployant une puissance énorme. Le coup frappa le sol, produisant une onde de choc sous sa puissance, qui projeta alors la plupart des clous dans la direction du Terranide. Profitant de la distraction ainsi créé,  Caim changea légèrement la forme de son arme, y ajoutant une énorme chaine à l'extrémité. La suite du programme était simple. Il projeta son arme avec force, tant de force qu'elle dépassa même le terranide, le manquant de peu, tandis que le psychopathe lui en avait profité pour charger Makku, le frappant au niveau du ventre. Avec la distraction provoquée par les clous volants et la charge frontale de Caim, le terranide n'avait surement pas dû remarquer la menace dans son dos, tandis que la lame enchainée revenait avec force vers la main de son porteur.

L'arroseur arrosé. Ce que le renard avait voulu utiliser comme une défense s'était retourné contre lui. Il n'avait pas prévu que l'humain dispose d'une telle puissance. Éviter les clous ne fut pas une affaire difficile, le terranide se contenta de bondir, attrapant une branche de l'arbre et se hissant sur elle pour esquiver les petits projectile, il ne vit en revanche pas son adversaire lui foncer dessus. Il avait eut le tord de le lâcher des yeux, et la masse métallique et froide qui frôla le haut de ses oreilles au moment où il touchait le sol vint lui faire comprendre son erreur.

Le temps de se relever, il sentit quelque chose s'enfoncer dans son ventre, et ses yeux exorbités n'eurent que le temps de voir le guerrier lui asséner un coup puissant au ventre, sa vision altérée par la douleur lui laissant uniquement apercevoir le sourire de l'humain, et remarquer la chaîne qui était reliée à l'arme de celui-ci.

Dans une poussée d'adrénaline, comprenant le danger imminent et élevé, il agrippa le poing encore enfoncé dans son ventre, le força à tourner pour présenter ses veines vers le ciel, et dans un même mouvement, plongea ventre à terre, planta un bref instant ses crocs dans la main -les veines étant couvertes par l'armure du guerrier- et fit exploser une bombe fumigène qui enveloppa la zone dans un épais brouillard, ne laissant aux deux combattants que leur ouïe de fonctionnelle, la fumée étant associée à une odeur forte qui trompait l'odorat.

Profitant de la distraction, Makku roula au sol, se dégageant du nuage de fumée duquel provenait le craquement sinistre d'un arbre en train de s'écrouler. Avec un peu de chance, il tomberait sur Caim, bien qu'il douta de l'efficacité que pourrait avoir un tel impact sur ce démon. Comme précaution supplémentaire, l'assassin fit éclater au sol plusieurs flasques d'huile, créant ainsi une barrière que son opposant ne pourrait pas briser si facilement que la précédente, mais qui n'était pas aussi offensive... Si laissée en l'état.

Le renard n'avait pas encore porté le moindre coup avec ses armes. Il attendait le bon moment. Une ouverture qui lui permettrait d'en finir en une seule attaque. Et il savait qu'en continuant à esquiver, cette opportunité arriverait tôt ou tard. Lui ne portait pas d'armure, et jouissait d'une grande mobilité, tandis que l'autre portait une armure lourde, qui bien que portée facilement par sa grande force, était fatiguante à porter contre un adversaire aussi mobile que lui. Il allait l'avoir à l'usure. Du moins était-ce ce qu'il croyait.

Tout se passa très rapidement. L'ennemi était agile, très agile. Mais en plus d'être agile, il possédait des réflexes ainsi qu'un instinct dignes de l'animal qu'il était. Caim avait touché, enfonçant son poing ganté avec force dans le ventre de l'adversaire. Mais malgré la force du coup, l'ennemi avait plus d'un tour dans son sac. Il entama une manœuvre d'esquive , ayant senti le danger dans son dos. Il entreprit de retourner le poignet de l'homme dans un craquement sourd, se permettant même l'audace de le mordre durant l'opération. Une audace qui allait d'ailleurs se retourner contre lui. Caim n'aimait pas les chiens, et ne se laissait pas mordre impunément. Il était bien décidé à ressortir de cette rixe avec un trophée en main. Une goutte de sang.. une seule goutte était nécessaire, après tout. Il laissa les crocs se planter dans sa main, et lorsque le canidé voulut les retirer, Caim referma son étreinte sur l'une de ses canines puissantes, tirant avec force.

Avec la rapidité des évènements, une telle extraction dentaire pouvait ne pas se sentir immédiatement. Mais l'animal aurait, pur sûr, une surprise lorsque l'adrénaline serait redescendu. Bien que maintenant seul, avec le poignet retourné et au milieu d'une fumée qui le rendait quasiment aveugle, l'homme était satisfait. Il ouvrit sa main, observant alors la longue canine qui s'y trouvait. Il saignait, certes, mais l'animal saignait également à présent. Ne prenant pas en compte la douleur, l'humain remit son poignet en place, avec le même craquement qui l'avait retourné, et plaça la canine dans une poche. Son arme était entre temps revenu dans son autre main, bien en place. Il fit une brève analyse des lieux, constatant que la purée de pois l'empêchait de voir à plus d'un mètre à la ronde. Il entendit des bruits de verre, lui rappelant de vieilles manœuvres incendiaires avec de l'huile, peu après celui d'un craquement de bois. L'arbre non loin avait dû être touché. Une aubaine, dans ce genre de situation. En mesure de prévention, Caim pointa simplement la lame de son arme en direction de l'endroit où se trouvait l'arbre. Si celui-ci venait à s'écrouler sur lui, il serait coupé en deux avant de s'écraser.

Pour Skeith, le gros des choses pouvait à présent commencer. A la seconde même où le sang du canidé avait coulé, il avait reçu les informations qu'il attendait. Un pacte. Cette créature était elle aussi le fruit d'un pacte, mais la nature même de ce pacte lui était inconnu. Si ce pacte était fait dans les règles ancestrales, où la créature acceptait de partager sa vie et ses capacités en échange d'une chose très importante pour son partenaire, alors il existait un moyen d'en être certain. Si non, alors sa technique ne marcherait tout simplement pas. Il se concentra, tentant d'établir le contact avec le flux mental qui circulait entre tous les êtres ayant formé un pacte de cette nature. Ce flux permettait à quiconque ayant formé un pacte de communiquer mentalement avec ses "semblables" et leurs partenaires, si tant est qu'il n'y avait pas plus d'une quinzaine de kilomètres de distance entre eux. Mutant volontairement la voix de Caim pour éviter à son éventuel interlocuteur d'être perdu au milieu d'un chaos continue, Skeith tenta alors d'établir le contact avec le partenaire du canidé.

    « M'entends tu, créature? perçois tu ma voix?"

La seule réponse que perçut Skeith ne peut pas être interprétée avec des mots... Disons... C'est comme si il avait reçu une pichenette sur le front, et rien d'autre... Une manière de dire " Ouais, mais j'ai pas envie de te parler. " et " Non, je ne suis pas comme toi. ". Un peu comme si le démon avait put glisser une réponse dans la non-réponse qui était arrivée à Skeith... Un semblant de commentaire sur la situation semblait tout de même se perdre dans les échos de ce qui est dans le monde sans y être...

" Le gamin est en train de péter les plombs, de toute façon... "

Quand Skeith perçu ces mots, si il les avait perçu, il eut juste le temps de se rendre compte qu'une forme noire et poilue était à présent face à lui, le regard rouge, comme une ampoule peinte, les babines retroussées, un grognement rauque et intimidant roulant au fond de sa gorge... Mais remontons quelques instants dans le passé, du côté de ce que ne pouvait percevoir le démon, occupé qu'il était à tenter -en vain- de communiquer avec le parasite du renard...

Makku se rendait compte, l'adrénaline baissant, qu'une vive douleur émanait de sa bouche. Au début, il se dit qu'il s'agissait de l'étreinte de l'humain qui lui avait laissé une vive douleur au vue de sa force, mais quand il porta la main à sa dentition, il nota un trou dans le coin supérieur droit. Il sentit également un liquide chaud en couler, et ses yeux s'écarquillèrent quand il vit le sang sur ses doigts. On pourrait penser, avec tous les meurtres qu'il avait commit, la vue du sang ne troublait pas le terranide... Dans la majeure partie du temps, c'était le cas. Mais si il basait ses combats sur l'esquive, il ne voyait que rarement couler son propre plasma sanguin. En vérité, c'était la première fois.
Troublé par cette vision, il avait laissé tomber sa garde suffisament longtemps pour que le démon en lui fasse sauter toutes les serrures mentales qui le rendaient impassible et réfléchi. À présent, l'instinct prenait la relève...

Un hurlement rempli de haine déchira la nuit.

Prenant son élan sur quelques mètres, le renard effectua une glissade sur toute la longueur de la flaque d'huile, en enduisant légèrement ses armes au passage, puis se rétablit sur ses pattes aussitôt de retour dans le nuage de fumée, qui ne semblait pas près de se dissiper. Du point de vue de Caim, on pouvait juste voir, dans le lointain qu'autorisait la fumée à sa vision, deux points rouges, luisants, malsains, et qui se rapprochaient à très grande vitesse. Trop vite pour laisser le temps au guerrier de se mettre en garde.

C'est à ce moment, environ, que Skeith revint de sa tentative de dialogue avec le parasite du terranide. Un double coup de patte sauté avait propulsé la lame de l'humain quelques mètres plus loin, tandis que, s'accrochant au bras de son adversaire, l'assassin se rétablit en pivotant sur celui-ci, comme sur la branche d'un arbre, bondissant juste après dans le dos de son opposant, faisant ripper dans un grincement sinistre l'une de ses lames contre le dos de son armure. Puis, aussi brusquement qu'il était arrivé, il était repartit, gratifiant au passage Caim d'un coup qui le poussa dans la direction de l'arbre.

Celui-ci n'était pas encore tombé. En tout et pour tout, l'action avait à peine duré plus de quelques secondes. Durant lesquelles la gorge de Makku avait produit en continu un long hurlement rempli de colère et de rage, qui se fondit dans le craquement final de l'arbre tombant, comme un respect pour ce cri d'agonie qu'avait poussé le végétal. Il se tourna dans cette direction. Ses yeux étaient toujours rouges. Et de ses pupilles se dégageaient des sortes d'éclairs écarlates, décharges du trop plein d'énergie que causait la présence du démon en lui.

Pour toute réponse, l'entité démoniaque ne reçut qu'une sorte de contact au niveau du front. Comme il s'en doutait, la nature de son pacte était différente. Il allait rompre le contact quand soudain, il perçut un changement tandis qu'un cri retentissait. La voix qu'il entendit lui susurrer quelquechose par la suite ne vint que confirmer ses doutes. La bête avait été lâchée. C'était un peu tôt, mais c'était là également une chance. La chose, au vu de la remarque de son "partenaire", était incontrolable. Ce "partenaire" d'ailleurs ressemblait plus à une sorte de parasite moqueur, monnaie courante parmi les entités de ce type,que Skeith n'appréciait guère. De la vermine. La suite des évènements se passa très vite, et sans aucune action de la part de Caim. Son arme valsa, tandis que l'espèce de loup garou se mit à s'essuyer les pattes sur son bras, tout en prenant soin de rayer légèrement son armure à l'aide de ses lames enduites d'huile.

Skeith n'était pas dupe. Une technique de ce type n'était pas faite pour blesser. L'homme fut finalement projeté vers l'arbre, qui entama sa tragique descente aux enfers. Mais Caim ne serait jamais la victime d'un arbre. Il roula simplement sur le côté opposé à celui où se trouvait Makku, évitant ainsi le pire tandis que la carcasse de l'arbre gisait là, dissimulant son corps allongé. La fumée toujours présente, le psychopathe commençait à être agacé.

-"Fichu clébard.."

Lâcha-il tandis qu'il se relevait, s'époussetant au passage comme si de rien n'était. Il remarqua les yeux rouges qui brillaient dans la nuit, et s'en amusa. Il en revint à sa stratégie initiale, déroulant l'action de façon assez rapide. Usant de sa force, il saisit la carcasse du végétal par la racine, et commença à tourner en le maintenant, de plus en plus vite, montant et descendant. Grâce à la puissance couplée à la poussée, l'action formait une sorte de mur impénétrable l'entourant, dans lequel quiconque s'aventurerait finirait projeté sur quelques mètres. En réalité, le but de cette technique était très simple: dissiper la fumée grâce au feuillage de l'arbre. Ce qui marcha d'ailleurs très bien, au bout de quelques secondes de tournis, l'être put enfin lâcher son lest.. en direction des deux yeux rouges, tandis qu'en quelques sauts, Caim put rejoindre son arme et la tenir à nouveau, prêt à frapper, tandis que Skeith mettait tout en œuvre pour parachever son plan, le moment venu. L'œil droit de Caim, au fond duquel résidait la marque de son pacte, commença à briller du même rouge écarlate que son adversaire, tandis que son sourire reprenait lentement sa place..

N'exécutant qu'un pas de côté en toute réponse, fixant intensément de ses yeux brûlant le regard de son adversaire, Makku ne fut qu'à peine égratigné par une branche de l'arbre. Renforcé par l'énergie du démon qui circulait en lui, il put marcher sans peine sur le flanc du végétal, allant même jusqu'à frôler de sa main le cadavre de plante.
L'action semblait se dérouler au ralenti. Une perception du temps qui permettait de voir un soupir épilogue d'une vie s'échapper de la bouche d'un macchabée. À peine conscient de la situation, le renard était comme spectateur de sa propre vie, et non plus acteur. Il regardait la scène comme sur un gradin situé en hauteur, mais était désintéressé du spectacle. Être passif est quelque chose de très peu supportable pour une être humain, surtout par rapport à sa propre existence.

C'est pourquoi, dans les minutes qui survinrent, un éclair de vie traversa le rouge des yeux du terranide, accompagné de murmures d'un language incompréhensible, comme un serpent qui tenterait de parler le russe, mélangé à de l'allemand et du tchèco-slovaque, qui pourtant prenait sens aux oreilles du canidé, mais à ses oreilles seules. Cela n'était pas sans conséquences visibles... Le tronc d'arbre s'était crashé dans le sol, plusieurs mètres derrière lui. Makku fixait sa main gauche, il fixait un point invisible qu'il n'arrivait pas à déterminer, et semblait avoir perdu toute conscience de ce qui se trouvait autour de lui. Et d'étranges symboles flottaient en cercle autour de sa tête, témoin du dialogue qu'il entretenait avec l'entité l'habitant.

Il est temps pour toi de prendre conscience du pouvoir dont tu as été investi... Je suis un démon majeur à un élément. La foudre. Même si ma présence dans ton corps t'es difficilement supportable -parce que tu ignores ce que je suis, si je ne m'abuse-, je suis là, que tu le veuilles ou non... Et ceci te permet de faire appel à mon pouvoir à n'importe quel moment. Sois cependant prévenu... Si la foudre était ma seule puissance, je ne serais pas démon majeur. Je suis également démon de l'humain. Mon élément est la colère...
Abuses de mon pouvoir, tu entreras dans une rage que RIEN ne pourra stopper. Et maintenant... Voilà comment tu fois faire.

Les symboles fondirent en masse à l'intérieur des yeux du terranide, qui resta figé durant tout le processus dans une expression de surprise qui ne semblait pas pouvoir apparaître par nature sur son visage impassible. Le tout finit, une marque rouge en forme d'éclair, entouré de plusieurs symboles inconnus, apparurent sur la paume que fixait le renard. Sa main gauche était investie du pouvoir de la foudre.
Il jeta un bref coup d'oeil à son autre main. Un deuxième symbole y était gravé, mais il était indescriptible. Pourtant, dans sa tête, il savait ce qu'il signifiait: la rage. Tous deux brillaient du même rouge qui habitait à l'heure actuelle les yeux laiteux de l'humanoïde.

Se tournant vers son adversaire, une sorte de sourire narquois se dessina inconsciemment sur son visage. Il claqua des doigts. Une fois. Deux fois. Des étincelles en avait giclé, et avaient suffit à démarrer une flammèche sur la grande flaque huileuse au sol. Bien vite, la flammèche devint feu. Le feu devint brasier. Le brasier devint incendie. L'incendie devint enfer. Et le rouge se perdait dans celui des flammes.
Des flammes qui dansaient au sol, sur le liquide pâteux. D
es flammes qui tanguaient, s'étant étendue à l'herbe et au corps tranché de l'arbre.
Des flammes qui virevoltaient, animées d'une rage folle, valsant d'un même mouvement avec des armes ocre et ivoire.
Des flammes qui dévoraient, se servant de l'huile présente sur une armure pour attaquer vêtements et chair.

Et dans cette enfer, une ombre dansait, planait, se moquant du feu, se riant des flammes, bondissant et disparaissant, se servant des flammes comme d'une cachette aux yeux de son opposant, se servant de sa vitesse pour ne pas laisser de prise aux flammes sur sa chair et sa fourrure. Une ombre insaisissable, qui pourtant mordait de ses deux crocs blancs et noirs, dès que l'occasion se présentait.

Le regard de l'homme restait fixé sur la créature à apparence de loup garou qui lui faisait face. Les doigts crispés sur la crosse de son arme, Caim était impatient de repartir à l'assaut. Mais un évènement l'en empêcha. Un évènement qui fit réagir aussi bien lui que son partenaire. Ils observèrent tous deux la scène en silence, en tant que simples spectateurs tandis que la "magie" opérait. De grandes effusions de pouvoir, qui empêchaient plus ou moins n'importe quelle attaque de front. A dire vrai, il aurait sans doute pu réussir à passer. Mais ni l'un ni l'autre ne le voulaient. Ils voulaient voir l'aboutissement de ce qu'ils avaient eux même vécus autrefois, sous une autre forme. Ils voulaient voir le résultat de ce pacte qui était en train de se créer.

    « Ainsi donc, voici ce dont il en retourne..»

Skeith comprit rapidement ce qu'il se passait. La phase de prise de conscience avait été lancée. Ce genre de pacte n'était utilisé que par des démons n'ayant absolument aucun respect pour leur hôte, se contentant de "jouer" avec eux. Il contenait également un autre désavantage: dans ce cas de figure, les pouvoirs du démon ne progressaient pas. Il resterait le démon qu'il était, du début à la fin, sans évoluer. Seul l'hôte connaitrait une évolution, apprenant à utiliser les pouvoirs déjà présents chez le démon au fur et à mesure du temps. Un pacte d'amusement.. bien différent du pacte entre Caim et lui, permettant une progression des deux êtres, partageant la même vie. Un pacte de puissance, souvent contracté dans la nécessité..

L'effusion se termina enfin. Le moment était venu de reprendre le combat là où il en était resté. Fixant son adversaire, Caim remarqua son sourire suivit des claquements de doigt. Le bruit suivant était familier, très familier. Celui des flammes. Caim ne le connaissait que trop bien, pour avoir vécu de nombreux sièges de forteresse. Et lui comme Skeith n'étaient ni dupes, ni inquiets. L'expérience de l'un et la prudence de l'autre avaient fait leur office dès lors que le bruit de verre brisé avait retenti. L'huile n'était utilisé en combat qu'à une seule et unique fin: celle de s'enflammer. Tout deux avaient déjà envisagés cette possibilité depuis bien longtemps déjà. Et ce n'était pas un incendie qui viendrait à bout d'eux.

Bien vite, l'homme fut encerclé, et même frappé par ces flammes. Mais les flammes dévorantes trouvèrent bien vite une chose à l'appétit bien plus glouton encore. Se servant de l'huile soigneusement déposée au dos et sur le bras de Caim pour tenter de le consumer, le brasier dû alors faire face à une substance rouge, émanant des vêtements et de l'armure de Caim. Une substance s'apparentant à du sang, mais en plus pâteux, qui fit taire les flammes aussi vite qu'elles étaient arrivées, redonnant par là même leur aspect initial aux affaires de Caim et annihilant tout simplement l'huile dans le processus. Le contrat de Caim avec Skeith ne lui avait pas seulement procuré une force, une agilité et une résistance accrue; il lui avait également octroyé une sorte de pouvoir, basé sur le sang. Il avait rendu son équipement, que cela soit arme ou armure, adaptable, vivant.

L'homme se moquait bien des flammes. Il les connaissait bien, et savait les maitriser au besoin. Mais il restait un problème: le reste de fumée, combiné à celle des flammes, l'empêchait de pouvoir vraiment distinguer son opposant. Skeith pouvait certes sentir sa présence, mais ce n'était que trop approximatif. La cible se déplaçait rapidement. Chose que Caim pouvait aisément faire aussi. Se saisissant de son arme, il se mit à courir, sautant par dessus les murs de flammes. Si il ne pouvait distinguer son adversaire de cette façon, lui ne le pouvait pas non plus.  Profitant de cette course poursuite parmi les flammes, Caim se mit à briser quelques micro fragments de son arme. Fragments qu'il dispersa alors un peu partout, tandis qu'il courait, son arme reprenant une forme normale après chaque extraction.