Au moins, elle n'était pas déçue par ses mots, ce qui eut le bénéfice de relâcher un peu la tension qu'il sentait. Parler aussi sincèrement lui faisait l'effet d'avaler un verre d'alcool fort d'une traite; ca lui brûlait presque la gorge. Mais au moins, cette discussion semblait s'approcher de sa fin naturelle, et donc, ils pouvaient passer à autre chose.
Il sentit soudainement le doigt de Cypress, et son ongle, gratter le pourtour de sa blessure. La sensation était… inconfortable, pour le moins, mais elle était déjà plus gentille dans son exécution que Vanessa, qui aurait aussi bien pu le faire avec un torchon qu'avec une sableuse industriel, donc il ne rechigna pas trop, la laissant bandager sa blessure. Aussi longtemps qu'il l'eut, il ne pensa pas que quelqu'un se montra déjà aussi délicat à le traiter, que ce soit ses goules, littéralement des esclaves de l'esprit accroc à la vitae, ou Lilyanne, qui était juste trop petite et peu adroite pour faire le travail proprement.
Lorsqu'il sentit les mains de la jeune femme sur lui, puis son visage s'approcher du sien, il tourna la tête pour voir ce qu'elle faisait, et leurs lèvres se pressèrent les unes contre les autres. Un baiser doux, délicat. Elle avait raison; il avait des choses à faire. Des ennemis à tuer. Des choses à voler.
Mais cela pouvait attendre encore un peu.
Il la prit par la hanche et la tira contre lui, la faisant passer sur ses cuisses, en travers de lui, et passa ses bras autour de sa taille, la gratifiant d'un baiser plus passionné, puis d'un autre. Ses bras se resserrèrent contre elle, pressant son corps contre le sien, et il la garda comme ça, l'embrassant plusieurs fois, comme pour se donner, ou lui donner, assez de douceur pour endurer le reste de la soirée.
"Il manque d'heures dans une nuit pour faire, et
vous faire, tout ce que je voudrais, mais vous avez raison; les affaires demandent. Et le plus tôt ce sera réglé…"
Il glissa une main sur la cuisse de la jeune femme et caressa le grain de sa peau, passant délicatement un de ses ongles nacrés sur sa peau à peine plus foncée eue la sienne.
"Le plus tôt ce sera réglé, le plus tôt vous serez libre de sortir à votre aise."
Il posa un baiser sur son cou, un autre sur sa joue et enfin un dernier sur ses lèvres. Ses bras la serrèrent une dernière fois, avant qu'il ne la repose sur le lit et se lève, manifestement à contre-cœur, car les plaisirs et les caresses de Cypress étaient un pronostic plus intéressant que celui de sortir, mais il le devait.
"Il est possible que je sois absent pour une nuit ou deux, si tout se passe bien. Si plus long…"
Il réfléchit un moment en se disant que dans le pire des cas possibles, il serait mort, donc pas vraiment un problème conséquent. Il secoua la tête.
"Ca ne sera pas plus long," se contenta-t-il de dire en retirant le peignoir, ouvrant les tiroirs de sa commode pour s'habiller.
Comme à son habitude, et simplement parce que c'était l'uniforme le plus imposant qu'il ne possède, il enfila un complet, noir cette fois, avec une cravate noire, une chemise rouge ainsi qu'un mouchoir de poche rouge. Il agrippa un peigne, ajusta ses cheveux noirs, lissa sa moustache et ajusta sa barbe, avant de se tourner vers son amante, et se dit qu'à se préparer ainsi, il devait avoir l'air fort vaniteux.
"Je vous assure que toute cette présentation est
absolument nécessaire," dit-il, un peu pour la convaincre elle, mais il ne pouvait pas nier que c'était également pour lui-même.
Avec un dernier sourire, il se dirigea vers la porte et disparut de l'encadrage.
L'instant d'après, il réapparut dans le cadre de la porte, la regarda de la tête aux pieds.
"… Je ferai savoir à Vanessa de vous apporter vos vêtements. Mais je dois avouer… magnifique."
Une fois le compliment passé, il disparut de la porte, et Cypress entendit la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer, la laissant seule.
***
Ce n'est que deux heures plus tard que Vanessa apparut dans la pièce, sans même que la porte n'annonce son arrivée. Ce soir, plutôt que son complet, elle portait simplement une blouse blanche, déboutonnée jusqu'à la naissance de sa poitrine, ainsi qu'un pantalon lui remontant jusqu'aux hanches, bouclé d'une ceinture en fil d'argent et des escarpins noirs La Venelle. Elle posa la valise de Cypress sur la table du salon, et se dirigea vers la cuisine, sa main droite chargée d'au moins huit sacs d'épicerie.
Après avoir rangé l'épicerie, elle porta enfin son attention vers Cypress et sembla figer de surprise, la menant à lâcher son thermos à café sur le plancher, où il émit un tintement sonore de protestation. Son visage ne trahit, comme d'habitude, aucune émotion particulière, mais son langage corporel, inerte, laissa supposer qu'elle devait ne pas être complètement sûr de comment adresser cette situation. Son regard darda sur la jeune gorgone, jetant un œil vers le cou dénudé de la jeune femme, et sembla un peu rassurée de ne pas y voir de morsure.
Finalement, après avoir retrouvé le contrôle de son cerveau, ses jambes et sa langue, elle s'approcha de la jeune femme, fouilla dans ses affaires et tira une culotte en dentelle cramoisie ainsi qu'un pantalon. Elle sembla prendre un soutien-gorge en renfort, mais elle s'arrêta pour jeter un coup d'œil à Cypress, et remit le soutien-gorge dans la valise, comme pour dire "inutile d'emprisonner une œuvre d'art", et choisit pour elle un pull-over noir, neuf et confortable, ainsi que des chaussettes.
"J'ignore si vous voulez en parler ou non," dit-elle avec une voix calme. "Mais je vous écoute si besoin."
Elle ne précisa pas de quoi elle parlait, mais au moins, la porte était ouverte. Elle n'était pas naturellement de nature à discuter les indiscrétions d'autrui, mais elle supposa que cette expérience avait eu un effet sur la demoiselle, et comme celle-ci ne semblait pas avoir de copines… pas qu'elle eusse la possibilité de leur en parler même si elle en avait…