“Très longtemps, dites-vous ? Pour un humain, peut-être. Mais pour nous autres hauts-elfes, c’est bien peu de choses.”
D’accord, elle n’est pas dupe sur mon apparence, et pas très subtil pour le faire comprendre d’ailleurs. C’est perturbant d’avoir l’impression de jouer une partie d’échec avec celle qui m’a sauvée, pour découvrir le secret de l’autre. Je suis venu ici juste par hasard, parce qu’on me l’a vendu comme la meilleure soigneuse de tous les mondes…Mais j’ai au fond cette certitude insensée que nous sommes liés autrement que par une simple relation médecin – patient…
- La subtilité ne semble pas votre fort si je puis me permettre, nous savons tous deux que je ne suis pas un véritable humain, ma survie seule en est la preuve…
Sans dire pour autant ma véritable nature, je ne vais pas me rendre plus vulnérable que je le suis déjà en dépendant d’elle en l’état, d’autant que depuis que j’ai relaché mes effluves, l’atmosphère est plus pesante et ne donne pas l’effet escompté…Ce qui ne manque pas de me surprendre, sans que je ne montre quoi que ce soit, je rebondis sur cette information pour en apprendre plus sur elle.
Il n’y a que peu de personne capable de me résister, les démons suffisamment puissant en font partie, ce qui vient confirmer les soupçons que j’avais plus tôt. Je recouper cette hypothèse avec les informations que j’ai déjà et l’observe plus en détail…
Elle est magnifique, la définition même de la beauté, alors certes les elfes sont réputés pour le cadeau que la nature leur a confié, mais elle est au-delà de ces considérations…Il n’y a qu’une race en enfer qui pourrait donner une hybridation aussi réussie, et qui est également capable de résister à mes effluves…L’enfant d’un incube ou d’une succube…
C’est au moment où l’illumination me frappe que son phrasé m’attaque et touche avec une élégance notable
« Vous dites que votre honneur vous empêche de me faire porter votre passé… Pourtant, n’est-ce pas ce que vous faites déjà, en omettant de vous présenter après avoir entendu le mien ? »
- Vous parlez vrai, il est impoli que je connaisse votre nom et que je ne vous rende pas la pareille. Seulement voyez-vous, je suis recherché, et je ne peux vous imposer de mentir pour me couvrir si mes agresseurs venaient vous interroger. J’accepte cependant d’admettre que je suis un incube, ayant déserté les armées de l’enfer il y a très longtemps. Et ce départ n’a pas été bien accueilli dirons-nous. J’imagine que vous savez où je veux en venir…les elfes ne vous en ont pas voulu de quitter votre clan ?
Elle et moi nous ressemblons dans notre capacité à tourner les phrases et les mots pour obtenir ou donner une information en la donnant au compte-goutte, et cet aspect je l’admet bien volontiers à quelque chose de séduisant que je n’ai encore jamais rencontré, mais elle serait trop heureuse de m’entendre admettre une telle chose…
Mais lorsque la douleur me reprit, la partie d’échec verbale est mise en pause pour reprendre le rôle de soigneuse et blessé, et le baume qu’elle dépose sur moi me donne des frissons de fraicheur qui me fit serrer les dents pour ne pas admettre que c’était au-delà du froid ce qu’elle m’appliquait…mais admettre que je suis douillet sur ce point, je préfère encore retourner me faire tuer.
M’aidant à m’allonger, elle repart quelques instant après avec une menace digne d’un médecin intransigeant qui laisse fuiter que je vais avoir le temps d’explorer les lieux sans être surveiller pendant un moment.
Jouant les bons patients, je ferme les yeux et ne bouge pas, attendant d’entendre une porte claquée, signe qu’elle s’en est allé. Plus une minute à perdre, déjà j’analyse chaque position de chaque objet autant que possible pour que tout soit exactement à la même place et qu’elle ne soupçonne pas que j’ai bouger. Me levant, je commence à ouvrir les tiroirs et les placards, ne sachant pas précisément ce que je cherchais, mais mon instinct me disant que je le reconnaitrais le moment venu.
Le tour de la salle de soin où je me trouve depuis mon arrivé est rapidement bouclé sans rien trouvé, je passe à la pièce suivante, le plus discrètement possible. Sortant de la pièce j’ai deux options, la première donne sur une passerelle avec au bout une porte qui semble être celle par laquelle elle est sortie…l’autre chemin semble être l’accès à sa boutique par élimination…Mais d’un coté comme de l’autre il n’y a rien de prometteur, il n’y a qu’un meuble sur la passerelle, et ça m’étonnerai que tu ais rangé quelque chose d’important sur ton identité en libre accès pour les clients…Devant faire vite, je me dirige aussi rapidement que mon état le permet vers ce fameux meuble qui est le plus risqué.
Force est de constaté qu’il est bien ouvragé, en bois massif, me demandant même si le bois viens de le terre. Ca n’est pas forcément le moment de s’extasier sur du mobilier mais chaque information est importante. Veillant quand même sur la porte au fond, j’ouvre les placards, tiroir, mais toujours rien. Pourtant quelque chose me perturbe, pourquoi mettre ce meuble ici particulièrement ? Il est seul dans ce couloir, c’est curieux.
Me mettant à chercher sur le coté pour le déplacer, je ressentis un frisson familier, à peine perceptible mais bien présent. Cette essence ne peut pas me tromper, c’est l’enfer, littéralement. Bordel, elle a un accès direct vers l’enfer ? ici ? Si Az’Kharel apprend que je suis là, il a un accès direct à moi ?
Je sens la panique monté à cet instant, et ça me blesse de l’admettre mais dans mon état je finirai juste comme dans mon cauchemar avant d’avoir pu me défendre. Je commence à entendre des bruits de pas, et je me précipite vers mon lit juste à temps. Me disant seulement qu’elle n’est pas de basse naissance si on lui a donné un accès direct dans sa boutique…je suis venu ici pour me soigner, je commence à me demander si je ne suis pas tombé dans un piège.
Je la vois alors revenir avec un plateau rempli et ranger de façon impeccable, et en l’observant, je n’arrive pas à me dire qu’elle cherche à me piéger, si c’était le cas je serai déjà dans les geôles à l’heure qui l’est. Prenant le risque de faire tapis, je prends la parole, et qu’on ne dise pas que je ne suis pas audacieux.
- Vous vouliez connaître mon nom plus tôt si je ne me trompe, c’est Réo…commandant sous les ordres du général Az’Kharel, et je veux savoir si je suis en sécurité près d’une porte donnant sur l’enfer.