– On pourrait presque croire que c’est chez vous Seto, vu comment vous le connaissez si bien cet appartement… Vous devez rendre souvent visite à Emily j’imagine. Ou peut-être que vous cohabitez ensemble ?
Je jette un coup d’œil sur Seto, et je le prends de cours pour qu’il ne se retrouve pas dans un mensonge qu’il ne gardera pas en tête de toute façon une fois quelques verres alignés. Pas qu’il soit moins malin qu’un autre, mais on dirait que presque que, par habitude, il est trop honnête pour son propre bien, et en ce cas-ci, maintenant qu’on a attiré Rubis dans notre repaire, je compte bien l’entourlouper bien comme il faut, et c’est pas Seto qui va y arriver.
– Alors, ouais, il passe pas mal de temps ici. Quand il vient à Seikusu, quoi, ou quand il s’ennuie de la pauvre petite Emily qui est toujours toute seule~
Même sans que je le regarde, je le sens presque rouler des yeux dans l’ombre.
Seto est ma goule, et les goules, bien qu’ils perdent beaucoup de leur naturel envers leur domitor, restaient quand même des humains avec leurs émotions propres. Si Seto est et sera à jamais incapable de me nuire volontairement, tant les liens que la vitae avait créé entre nous étaient maintenant bien trop forts, cela ne voulait pas dire qu’il y avait perdu tout libre arbitre. Il était encore capable d’autonomie, parce que mes besoins ne sont pas ceux d’avoir un automate à mes ordres. J’aurais pu en faire un robot, mais à quoi bon ? Il était beau, fort, riche et avait beaucoup de succès, en plus d’avoir de nombreux contacts. Ruiner tout ça pour en faire une loque servile, c’est un sort que je réserve à ceux que je hais, et Seto, je ne le hais pas.
– Alors… Quel est le programme de la soirée ? Si vous avez besoin de quelqu'un pour faire des cocktails, je… Je sais en faire quelques-uns… J’ai un de mes collègues qui m’a appris deux trois petites choses, si jamais vous en avez envie, dites-le moi !
Après un bref coup d’œil pour confirmer ma pensée, Seto se dirige vers le salon et prit place à côté de Rubis, alors que je me dirige vers le bar. Je bois pas, normalement, parce que je n’en ai pas besoin, mais Seto y reste affectueux, donc il y a un peu de tout ce qu’un bartender pourrait vouloir ; de la vodka, du rhum, de la tequila, du gin, de la crème irlandaise, du whiskey, du cognac, des sirops, et dans un frigo, il y avait même différent types de jus. Rien de bien bio, c’est juste pour de la saveur, mais même. Pour Rubis, je choppe une bouteille de grenadine, une bière, des cerises au marasquin, du sirop à la cerise et, avec des mains plus ou moins expertes, je mélange le tout. Pour Seto, rien de plus simple ; il y a une grande bouteille de saké, et pas le truc qu’on trouve au supermarché, hein, c’est une bouteille de saké artisanal, parce que s’il y a bien une chose que Seto déteste, c’est le saké de grande production. Je lui verse un verre, puis je reviens vers les deux.
Pendant mon absence, semblerait que Seto avait pris la peine d’expliquer le programme.
– Eh bien, avait-il dit avec son sourire charmant habituel. Le programme de la soirée, c’est juste de passer un bon moment. Emily dit que tu travailles beaucoup, sans vraiment prendre de temps pour toi, donc profite de notre présence pour te changer les idées.
Je passe devant eux, et je me penche pour poser les verres sur la table, avant de regarder Rubis.
– Faut bien, cette pauvre petite chose n’oserait pas prendre une journée de congé si on ne lui cassait pas un bras. Et encore là, elle trouverait un moyen de se faire convaincre d’aller bosser. Ah, et de la musique, ouais ! de la musique !
– Tu savais qu’Em chantait ? dit soudainement Seto.
D’instinct, je tourne la tête vers Seto, parce que pourquoi il parle de ça, lui ?
Il indique le micro posé sur le meuble de la télévision.
– Emily a passé quelque temps aux États-Unis et en Allemagne. À une époque, elle voulait être artiste-chanteuse.
– Oh, ta gueule, lui dis pas ça ! que je réponds.
– Et elle a même fait quelques chansons sous des pseudonymes.
– C’est pas vrai !
– Même qu’il y a trois ans, elle faisait la tournée avec Black Lips, et elle avait même remplacé certaines chanteuses et même certains chanteurs pendant leur performance.
Je ne rougis pas, à défaut d’avoir le sang qu’il me faut pour le faire, mais je fusille Seto du regard ; et lui, il sourit, parce qu’il sait, ce connard, que j’aime chanter, mais pas devant les gens. L’avantage d’être ce que je suis, c’est que ma voix est très modulable, et donc chanter est facile. Cela ne voulait pas dire que j’avais nécessairement envie de me foutre dans la merde.
– Allez, Emily, ne fais pas un menteur de moi, montre-lui.
Je continue de le regarder, puis je regarde Rubis, et encore Seto, avant de grommeler quelque chose à voix basse, et je me dirige vers le décodeur, lequel était également branché au micro et à des amplificateurs. Je me penche bien bas, ce qui laisse amplement le temps à Rubis de voir la naissance de mes fesses sous ma jupe, et je règle les paramètres de la machine, avant d’y glisser un disque sans écriture, et de
lancer une chanson sur le disque.
– J’te jure que si tu me le fais regretter, Seto…
– Chante, allez !
Je roule des yeux et je prête donc ma voix à la chanson. La mélodie, douce, me vient naturellement, et j’écoute attentivement les signaux musicaux pour arriver à y glisser ma voix, apportant le micro à mes lèvres.
“ Step forward and meet a new sunrise
A coward is shivering inside
Today I'll be a friend of mine
Who swallows suffering with smile”
Du coin de l’oeil, je remarque le genou de Seto qui s’approche de celui de Rubis, et je le vois même approcher sa main de son épaule, et de l’enlacer plus près. Je m’approche donc du duo, puis je place mes jambes de chaque côté de celles de Rubis, avant de grimper sur elle à califourchon, une main sur son épaule, l’autre au micro.
“ I drew a different reality
With unconditional loyalty
Ego hardly can be piqued
'Cause I'm selfless”
Je m’approche un peu d’elle, frôlant son corps du mien, pressant mon buste au sien, avant de renverser la tête alors que la guitare se lance, et de ma gorge jaillit une voix gutturale et sauvage.
“Scale armour blaze!”
Je me penche sur Rubis, et je lui caresse la joue de la main sur son épaule.
« Virgin innocence ! »
Et je continue la chanson, et je m’adonne à ma performance. Putain que c’est bon. Putain que j’aime faire résonner ma voix. J’aime tout. Et je sens l’énergie monter en moi. Mes cheveux se balancent librement, mon corps se mue, et j’ai envie de brûler. J’ai chaud. Tout en étant sur Rubis, ma main quitte sa joue et se pose sur la cuisse de Seto, d’abord près du genou, et après un peu plus haut.