Cela vous surprend que dans ce petit village reculé, au fin fond des terres sauvages de Terra, les jeunes filles aient la réputation d'être faciles et de s'offrir si facilement à quiconque insisterait un tant soit peu ? Vous dites vous que les mœurs des familles du cru sont déplorables et qu'elles devraient avoir honte d'éduquer leurs filles de façon si laxiste ? Vous serez surpris d'apprendre que rien de tout ceci n'est le fruit du hasard. Les jeunes filles sont éduquées ainsi par leurs mères pour une bonne et juste raison ...
Car il y a dans le village, une légende qui se murmure dans le dos des hommes. Un savoir transmis de mère en fille au sein d'une toute petite poignée de familles élues. Cette légende parle d'un sanctuaire oublié, caché dans les replis mystérieux de la partie la plus ancienne et luxuriante de la vieille forêt. Un endroit où aucun bucheron, aucun chasseur n'aurait jamais osé mettre les pieds.Près de ces ruines résiderait une bête mythique, gardienne des équilibres entre le monde des hommes et celui des esprits de la forêt.
Selon la légende, un dieu bienveillant aurait autrefois confié à cette créature le devoir sacré de protéger la forêt et ses habitants. Pour honorer cet équilibre fragile, une jeune fille du village doit être choisie chaque décennie pour accomplir un rituel au cœur de la forêt. Ce rite, pratiqué dans la plus grande discrétion, impliquerait un cheminement à travers des sentiers sylvestres tortueux et oubliés. Ils mèneraient jusqu'aux ruines d'une église abandonnée. Là, la jouvencelle devrait, selon les dires, allumer les feux sacrés et faire offrande d'elle même à la bête mystérieuse afin de garantir la paix et la prospérité dans le village et ailleurs ...
Cette tradition, les Clairbois y croient dur comme fer. Comme bien d'autres familles d'ailleurs. Marguerite sait que sa mère, sa grand mère et nombre de ses tantes ont été choisies pour accomplir le rituel avant elle. Sans que ni père, ni oncles, ni aieul ne l'aient jamais soupçonné.
Et le grand jour arrive aujourd'hui à son tour pour Marguerite. Jeune. Belle. Dans la force de l'âge. Et parfaitement au courant de tout ce qui est attendu d'elle. Elle est préparée pour le rituel sacré par la rebouteuse du village, une femme vénérée pour sa connaissance des anciennes traditions. Tout en répétant, un ultime fois ses consignes, elle tresse les cheveux de la jeune paysanne de fleurs sauvages et les parfume de douces essences aux odeurs printanières.
Pendant que Marguerite voit son corps être lavé par l'eau pure de la rivière, elle ne peut s'empêcher de sentir une grande tension grandir en elle. Être désignée pour accomplir le rituel est un honneur autant qu'une joie car, dit on, qu'en plus d'être vigoureusement membrée, la créature accorde force et vitalité à l'élue et à sa descendance. Elle harcèle l'ancienne de questions.
- Que s'passera t'il si y m'refuse, ancienne ?
- Un joli brin d'mignonne comme toi, y f'rait jamais une chose pareille.
- Est-ce qu'il va m'faire du mal ?
- Non, l'est gentil comme un coeur et doux comme un agneau. Si tu t'montres bien docile, y te f'ra c'qu'aucun homme t'as jamais fait.
Pour autant que Marguerite le sache, les hommes lui ont déjà fait à peu près tout ce qu'il était possible de faire à une jeune fille. Mais l'obéissante jeunette n'insiste pas sur ce point. Elle laisse l'ancienne la vêtir d'une robe ample de lin blanc. Un symbole de pureté (étrangement) et de connexion avec le divin (là on y croit davantage).
Plusieurs autres questions sont encore posées à l'anciennes, telles que est-ce qu'il sent bon ? ou Est-c'qu'on va rester collés comme des chiens après ?. Autant d'inquiétudes auxquelles l'ancienne essaye de répondre avec patience et pédagogie. A la toute fin des explications, elle tend à la jeune fille un fiole remplie d'un breuvage bien mystérieux.
- Bois donc ca gamine. Ca t'proteg'ra de tout c'qui faut.
C'est quoi "tout ce qu'il faut" ... ? Des autres créatures qui rodent en forêt ? Des chances de tomber enceinte ... ? Des puces ... ?
Et c'est ainsi, après avoir fait avaler la potion à la docile Marguerite que l'ancienne l'abandonne à l'orée de la forêt.
- Suis donc le vieux ch'min délimité par les grandes pierres ! Et avances tout droit sans jamais t'arrêter !
Le cœur palpitant d'excitation et de nervosité, la jeunette s'exécute. Elle s'enfonce dans la forêt, pieds nus. Elle se laisse guider par les grandes pierres dressées qui marquaient le chemin sacré. Le périple est long et ardu. L'ancien sentier finit rapidement par s'effacer et seules les pierres marquent désormais les bornes à suivre. Ce n'est pas facile car elles sont peu nombreuses et leurs ombres sont parfois difficiles à distinguer dans la pénombre du sous bois.
Chaque pas la rapproche d'une nature de plus en plus vierge, de polus en plus sauvage. Le craquement des brindilles sous ses pas, le murmures des arbres et le chant des oiseaux deviennent rapidement les seuls compagnons de sa marche solitaire.
Enfin, après des heures de marche, elle débouche enfin dans la clairière attendue. En son centre se dresse les ruines d'une Eglise depuis longtemps abandonnée. La végétation luxuriante a depuis longtemps recouvert les lieux et seul le relief de certains murs effondrés dépassent encore, comme les côtes saillantes d'un animal mort depuis longtemps. A côté s'étend la fameuse marre sacrée. Une statue intimidante s'y dresse. Elle représente le géant des bois. La statue est très ancienne. Bien qu'elle ait commencée à être érodée par le temps, Marguerite ne peut que reconnaître la silhouette qu'on lui a décrite.
Massive, puissante. La statue tend devant elle des mains en coupe et elle ne peut s'empêcher de remarquer que celles qui ont érigé cette effigie au monstre l'ont orné d'un phallus d'une taille gigantesque. La vue de l'appendice fait rougir la jeune fille et fait battre davantage le cœur dans sa poitrine. Cette statue est elle réellement à l'échelle ? Il faut prier les dieux que non !
Connaissant les consignes, Marguerite s'arrache à la contemplation du divin phallus. Elle déballe le petit ballotin d'herbes à brûler que lui a confié l'ancienne. A l'aide du briquet à amadou également confié à ses bons soins, elle allume l'encens rural qui immédiatement dégage de la fumée blanche ainsi qu'une odeur végétale puissante. L'odeur attirera le monstre et l'informera que l'offrande est arrivée ... Comme de nombreuses générations de femmes avant elle, Marguerite place l'encens entre les mains en coupe de la statue, devant pour ce faire (et preuve que les anciennes avaient peut-être un peu d'humour), prendre appui sur la verge de pierre comme on devrait utiliser un marchepied ...
Alors que la nervosité de la jeune femme est à son paroxysme, il ne reste plus qu'à attendre. Combien de temps est-ce supposé prendre ? Une heure ... ? Dix ... ? L'Ancienne a confié à Marguerite nourriture, couchage et un rien d'alcool si elle se sent ultimement manquer de confiance ... Personne ne voudrait qu'une offrande ivre morte soit livrée aux appetits du monstre mais les anciennes savent d'experience que parfois, un petit peu de courage liquide pourrait être nécessaire pour entamer les choses.