Liens mystérieux sous le ciel étoilé (PV Nuhm)

La ville de Seikusu, la nuit, a ce charme captivant d’un voile flottant de mystères qui plane sur elle. Le ciel à la fois étoilé et nuageux, cachant un quartier de la lune, plonge les ruelles dans ses bras sombres.  Le silence amplifie les moindres bruits, allant des crissements des pneus sur la route aux miaulements erratiques de chats de gouttière qui se toisent. Pourtant, Aeliana a toujours préféré l’ambiance nocturne à celle de la journée bien trop étouffante à son goût. Eh puis, c’est à ce moment-là que les enquêtes sont les plus croustillantes bien que ce ne fusse pas le cas ici.
A vrai dire, elle venait tout juste de terminer l’une de ces enquêtes les plus barbantes : un homme qui voulait savoir si sa fille avait un petit ami. Une grimace de dégoût se dessina sur le visage de la jeune détective, repensant à son propre paternel et à sa manière d’agir avec condescendance alors que lui-même n’avait pas été très honnête. Pourtant, elle n’avait nullement refusé ce travail et met un point d’honneur à honorer un job quel qu’il soit. Parfois au détriment de la moralité. Le poids de la vérité charge ses épaules d’une mission où elle seule peut mentir ou tout avouer à son client. Même si elle compatit pour la lycéenne, l’authenticité prime sur le reste. C’est ce qu’on lui demande après tout, pas de faire preuve d’empathie… Non ?

La voix du métro annonçant le terminus sortit de ses pensées Liana, écarquillant les yeux, le visage se teintant de pâleur en mesurant les autres passagers pris dans leurs habitudes.

… J’ai oublié de descendre…

Elle voulut se donner une claque physiquement mais se contenta de le faire mentalement, se levant avec les rares personnes qui s’était arrêté ici aussi. Sûrement volontairement contrairement à elle. Cela faisait quelques temps que la jeune femme s’était installée ici nonobstant pas assez pour en créer une routine qu’elle connaîtrait par cœur. Le voulait-elle seulement ? L’air de rien, elle quittait le métro japonais pour récupérer la douce fraicheur de la nuit qu’elle inspirait à plein poumons, jetant un coup d’œil à son téléphone. Batterie faible. Youpi. Un bref regard dans une vitrine éteinte d’un magasin pour remettre rapidement sa chevelure et sa tenue en place avant de repartir en quête de son office. Habillée pour les bureaux plus que pour le terrain, elle avait revêtu une tenue des plus classiques à base de petits escarpins, d’une jupe ébène et d’un adorable chemisier sans manches et pourvu d’un ruban noir en guise de nœud. En général, quand elle se confrontait à un client, c’était le genre de tenue qu’elle aimait porter. Enfin, tous les chemins mènent à Rome parait-il. Sans une once de pessimisme, elle s’avança dans le manteau de la nuit, essayant de repérer le moindre signe distinctif qui lui permettrait de retrouver son chemin… A défaut de croiser d’autres humains. La fatigue se ressentait dans ses jambes, bien qu’elle ne le montrât pas et gardait la tête haute, les yeux voltigeant de bâtisses en bâtisses, de panneaux en panneaux, de néons en néons.

Un fil dans sa vision périphérique, presque fantomatique, attira son attention soudainement. Tournant aussitôt la tête, les yeux écarquillés alors qu’il avait disparu. Elle aurait juré qu’il était là. Inspectant brièvement les lieux, elle s’éloigna non sans regarder une dernière fois derrière elle.  Quelques mètres plus tard, le même phénomène qui se répète encore et encore. Décidément, ça ne tournait pas rond par là. Son cœur remplit de curiosité, ne pouvait la laisser rentrer chez elle sans en savoir plus, dissimulant son regard pétillant d’une lueur peu naturelle à travers les verres fumées de ses lunettes. L’avantage c’est qu’ils camouflaient son regard tout en lui permettant de voir ces fameux fils. Avec l’activation de son pouvoir, il lui paraissait plus facile de les discerner : ces liens lumineux qui s’évanouissaient dans le néant. Pourtant, leur nombre augmentait au fur et à mesure qu’elle s’approchait de la source, pressant le pas, trottinant presque. Le bras tendu vers l'inconnu... Et l'impossible. Comme si elle était dans l'incapacité de pouvoir interagir avec. Un virage à l'angle de rue et la voilà heurter quelque chose, manquant de tomber en arrière.

« Aïe… ! »

Instinctivement elle mit sa main sur son front, retrouvant l’équilibre et sa posture naturelle. En redressant la tête, elle découvrit que ce « quelque chose », se révélait être un homme. Aussitôt la jeune femme désactiva son don, relevant ses lunettes sur le dessus de sa tête, par politesse, exprimant un petit sourire qui se voulait être un mélange d’excuses et de gêne.

« Oh, je vous prie de m’excuser. Je ne regardais pas vraiment où j’allais. »

Son regard s’arrêta un instant sur ses sphères intensément rougeoyantes et sa chevelure émeraude. Curieuse apparence mais l’excentricité au Japon n’était pas anodine et surtout Liana se souvenait de ce qu’elle faisait auparavant, quittant des yeux son interlocuteur pour se focaliser sur les alentours. Elle semblait chercher quelque chose mais sans son potentiel d’activé il lui était bien plus difficile de les voir. Autour d’eux ? Pas grand-chose, simplement des immeubles et un grillage les séparant d’un terrain vague. Et surtout pas un chat à l’horizon. Bizarre.

« Ma question peut vous paraître bizarre, mais vous n’auriez pas vu quelqu’un dans les environs ? Un homme, une femme, un enfant ? »

La détective, qui est en elle, se devait de poser des questions. Après tout, des liens ne peuvent apparaître sans raison et s’évanouir dans la nuit aussitôt apparus, non ?

Pourquoi Nuhm était dans le monde des vivants ? Tout simplement parce qu’un sujet d’étude était présent dans ce lieu gigantesque. La frontière des mondes semblait bien plus épaisse ici que dans son monde. Il cherchait tout bonnement une explication. Ce n’était pas une chose que l’on pouvait toucher et traverser comme on le souhaitait sinon, les êtres humains se seraient jetés dessus pour coloniser d’autres endroits qui étaient encore méconnu des connaissances qu’ils avaient entre les mains. Pour le moment, il en était toujours à la première phase de son sujet. L’observation. Aujourd’hui il était ici. Il devait bien y avoir un endroit ou il y avait des apparitions de monstres ? Autres que des vampires, des démons ou tout autres créatures déjà décrit par l’espèce la plus rependue de cette terre. L’explication la plus logique qui lui venait en tête dans un premier temps, c’était parce que les humains étaient trop faibles et que cela n’intéressait pas ce genre de monstre. Ou n’avaient-ils pas assez d’énergie ? … Non, le problème était surement l’inverse ! Les humains étaient faibles parce que la frontière était plus épaisse ? Difficile pour le moment de trouver une réponse correcte. Mais il doutait du fait qu’on puisse comparer plusieurs mondes de cette façon. Peut-être bénéficiaient-ils d’une protection … octroyé par des dieux ?

Quoi qu’il en soit, il parcourait les rues de cette ville avec son kimono. Au moins, il se noyait un peu dans la foule et la culture. Ce qui était moins commun, c’était la couleur de ses cheveux. Les Japonais avaient l’habitude de ne pas trop se faire remarquer. Et bien avec ce simple détail, c’était raté pour sa part. Et il détestait ça. Mais il était loin de s’éterniser sur ce sujet et cela ne le gênait pas plus que ça. Après tout, il se reconcentrait assez vite sur ses préoccupations. Balayant le ciel du regard tout en continuant sa route à la recherche de réponse, son regard se perdait de temps en temps sur certains vivants. Cela se faisait de inconsciemment. Il pouvait lire le temps de vie qu’il restait aux vivants et il remarquait par reflexe les individus dont il restait que peu de temps. Un défaut professionnel. Un de ses semblables s’occuperaient bientôt de ceux-ci. Malheureusement, il pouvait y avoir quelques retard … ce sans domicile par exemple était décédé depuis quelques minutes déjà. Son âme ne s’était pas encore rendu compte du changement. Parfois ce cas de figure arrivait et il fallait faire revenir à la réalité cette personnalité. Il aurait très bien pu s’en charger mais ce n’était pas son job aujourd’hui. De plus, les humains étaient trop complexes … Il suffisait de regarder l’âme du défunt. Le ramener à la réalité, lui faire comprendre que c’est fini … il y aura forcément la question du pourquoi … pourquoi maintenant ? … J’ai encore des choses à faire. Avec des animaux ou d’autres monstres, il n’y avait pas ce problème. La mort était un passage naturel et qu’ils comprenaient. Tss…


Il se hâtait tout de même de quitter la zone. Il n’avait pas envie de croiser un shinigami. Peu comprenait ce que Nuhm faisait. Peu d’entre eux appréciaient ce qu’il essayait de faire. Et bien moins tolérait que ces monstres continuent de vivre. Un léger soupire s’échappait de ses lèvres avant de changer de quartier. Il s’arrêtait à un distributeur de boisson pour prendre une canette. Il y avait inscrit dessus fruit du dragon. Certainement une limonade mais il appréciait le gout. Prenant quelques gorgées, on lui rendra soudainement dedans. « Aïe… ! ». Un vrai mur. A vrai dire, il n’avait pas du tout bougé. Il se tournait légèrement pour poser son regard sur la jeune femme, ne se rendant même pas compte qu’il n’avait pas un regard comme tous les êtres humains en ce moment même. De ce fait, elle ne l’avait pas vraiment dérangé mais … elle semblait déjà s’aplatir d’excuses avant même de prendre la parole.

-Oh, je vous prie de m’excuser. Je ne regardais pas vraiment où j’allais.

-Il n’y a pas de mal … Pas de bobo ?

Le choc avait peut-être été plus violent pour elle que pour lui dans les faits. Mais il observait surtout son comportement. Elle semblait chercher quelque chose. Etrange … Il n’avait croisé personne depuis un moment ici. Il faut dire qu’il s’était éloigné des rues fréquentées et touristiques. Seul des habitants des immeubles du coin passeraient ici. Il notait d’ailleurs qu’il n’avait pas récolter l’information sur le temps de vie qu’il restait à la jeune femme. Elle devait donc avoir encore pas mal d’année devant elle. Rien de dangereux ne semblerait lui arriver en cette nuit.

-Ma question peut vous paraître bizarre, mais vous n’auriez pas vu quelqu’un dans les environs ? Un homme, une femme, un enfant ?

-Navré de vous décevoir mais … Je suis dans cette petite rue depuis un moment et vous êtes la première personne que je croise. Je crains bien que vous ayez choisi la mauvaise destination si vous cherchiez quelqu’un …

Il menait alors cette canette à ses lèvres, preuve qu’il s’était arrêter au distributeur juste à côté. Celui-ci éclairait alors une partie de la petite rue et proposait énormément de chose. Il vérifia rapidement par reflexe que ses cicatrices n’étaient pas visibles. Inutile en soit, seul certains vivants pouvaient les voir … son kimono cachait très bien sa musculature, mais la légère ouverture au niveau de son torse pouvait peut-être trahir ce qui se cachait dessous. En attendant, il sourit un peu. Elle devait être sacrément déçu de ne pas trouver ce auprès de quoi elle devait courir. Alors …

-A défaut de trouver ce que vous cherchiez … vous devriez peut-être prendre le temps de prendre une boisson dans le distributeur et vous reposer un peu ? Vous pourrez ainsi prendre le temps de m’expliquer ce qui se passe et … je peux proposer mon aide pour trouver … les individus que vous cherchez ? Chercher trois personnes alors que vous êtes seul vous désavantage.

Il l’observait un peu plus en détail avant de voir les lunettes de soleil … On était en pleine nuit ! Il se demandait si cela n’allait pas lui pourrir la vue à force. Mais peut-être que c’était un style ?